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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 13:55
L’avantage technologique assure en général un avantage qui permet de positionner et de répartir les pièces sur plusieurs niveaux de profondeur. ©Marine corps / Cpl. Ryan Carpenter

L’avantage technologique assure en général un avantage qui permet de positionner et de répartir les pièces sur plusieurs niveaux de profondeur. ©Marine corps / Cpl. Ryan Carpenter

14 juin 2013 par Julien Derouetteau - ActuDéfense

 

Les raisonnements stratégiques modernes amènent à penser que la destruction n’est pas toujours génératrice d’effets positifs sur le long terme. Dans cette logique, l’artillerie peut être utilisée pour contraindre plutôt que pour détruire.

 

    Suite de la première partie, publiée ici : L’artillerie pour dissuader plutôt que pour détruire (1/2)

 

Contraindre l’ennemi requiert notamment de faire peser sur lui une menace de cloisonnement tout en contrant sa capacité à créer la surprise. Dans ce cadre, le rôle de l’artillerie doit être de restreindre la liberté d’action de l’adversaire en créant une menace diffuse dans la profondeur de son dispositif.

 

A cet effet, l’artillerie doit en premier lieu réduire la réactivité des unités de l’adversaire en influant sur l’échelonnement de son dispositif avant même l’ouverture du feu. L’objectif à atteindre est de faire reculer la réserve d’intervention ennemie en profitant au maximum de la portée des vecteurs déployés. Du fait du haut degré de perfectionnement technique nécessaire à l’efficacité des tirs de contre batterie, la supériorité technologique des interventions actuelles garantit une faible vulnérabilité face à ces menaces. Ainsi au cours de l’engagement russe en Ossétie, l’artillerie géorgienne a subi de très faibles pertes par des tirs de contrebatterie en raison des délais trop importants entre l’acquisition du renseignement et le traitement par les feux d’artillerie. Dès lors, dans un contexte de supériorité aérienne, le déploiement des pièces amies au plus près de la ligne de contact, sans s’exposer au tir direct, présente un risque très limité. Ce principe de déploiement au plus près se traduit par des délais supplémentaires pour l’intervention des renforts ennemis ainsi que des opportunités nouvelles pour générer de l’attrition sur les unités en réaction.

 

En outre, les moyens de l’artillerie contribuent à limiter la liberté d’action de l’ennemi par la connaissance de son dispositif. En effet, la capacité à délivrer des feux sur le deuxième échelon et au delà précédemment évoquée implique que la force dispose d’une capacité à observer dans la profondeur. De ce fait, après un premier déploiement en arrière des positions amies, un redéploiement des effecteurs au plus près de la ligne de contact sera interprété par les services de renseignement adverses comme le signe de la mise en place d’équipes infiltrées en profondeur dans son dispositif. Ceci signifie pour l’ennemi une incapacité à créer la surprise tactique, à protéger son axe d’effort ou à dissimuler certains de ses moyens à moins de redéployer plus en arrière ces unités. Un autre effet induit est l’augmentation du volume des forces consacrées à la sécurisation de la zone de déploiement, donc une consommation et une usure accrue du potentiel ennemi. Dans ce contexte, la mise en service du lance roquette unitaire constituera une plus value importante à condition de disposer des moyens et des équipes pour observer dans la profondeur.

 

Enfin, dans le cadre de la manœuvre défensive, la contrainte pour l’adversaire peut être créée par une plus grande dispersion des pièces d’artillerie. Cette «dilution» des pièces est rendue possible par un emploi optimisé des nouvelles capacités de mobilité et des portées accrues des effecteurs. Ces nouvelles caractéristiques des vecteurs d’artillerie permettent de conserver la capacité à concentrer des feux, donc les efforts, pour faire basculer un rapport de force local tout en rendant plus difficile la neutralisation de l’unité en appliquant le principe d’une «dispersion justement calculée» prôné par le lieutenant général Bourcet.

 

La déconcentration des sections de tir rend beaucoup plus incertaine la conquête de la supériorité des feux par l’adversaire ce qui affaiblit son effort artillerie. De plus, l’acquisition de cet avantage ne réduit en rien la menace qui pèse sur l’adversaire puisque le système ATLAS (Automatisation des tirs et des liaisons de l’artillerie sol-sol) et les compétences acquises en trajectographie permettent de frapper un objectif à un instant donné à partir d’effecteurs de différents types et appartenant à différentes unités. Outre la sécurité accrue des moyens amis, la dispersion des effecteurs rend les rapports de force locaux beaucoup plus difficiles à estimer. L’ubiquité de la menace crée un brouillard supplémentaire pour le commandement adverse contraint de gérer davantage d’imprévisibilité et donc d’augmenter ses réserves.

 

Par une prise de risque modérée dans les dispositifs d’artillerie, il est donc possible de contraindre l’adversaire par des effets immatériels ciblés sur le commandement ennemi. Outre cette gestion de l’incertitude par le risque, l’appui artillerie contribue à la prise d’ascendant non seulement par l’usure mais aussi par la manœuvre.

 

Accroître la liberté d’action amie

 

Les moyens de l'artillerie, ici une équipe sur Martha, peuvent permettre d'augmenter la connaissance du terrain, notamment dans la troisième dimension. ©Commandement des forces terrestres.

Les moyens de l’artillerie, ici une équipe sur Martha, peuvent permettre d’augmenter la connaissance du terrain, notamment dans la troisième dimension. ©Commandement des forces terrestres.

 

Sans attendre de délivrer des feux, l’artillerie peut faciliter la conception et la conduite de la manœuvre interarmes, voire interarmées. En effet, ses systèmes de commandement numérisé et la mobilité accrue des «effecteurs» facilitent l’initiative et la saisie d’opportunités par l’ensemble de la force.

 

Tout d’abord, l’artillerie peut apporter une meilleure connaissance de la situation tactique dans le cadre de la protection de la force. Le déploiement d’un CMD3D5 en appui d’un poste de commandement interarmes permet à ce PC de disposer d’une situation aérienne en temps réel. Ainsi, le chef interarmes dispose d’une capacité unique à appréhender l’ensemble de ses zones de responsabilité et d’intérêt en visualisant les détections de l’ensemble des capteurs interarmées de défense aérienne. Dès lors, les forces terrestres disposent en premier lieu des délais suffisants pour diffuser les alertes aériennes, ce qui réduit d’autant les effets des raids ennemis. En second lieu, cette visualisation de l’activité aérienne facilite le travail de la cellule renseignement puisque la concentration des vecteurs aériens sur une zone ou une direction révèle l’effort adverse. La mise en œuvre d’un CMD3D permet donc une véritable lecture en trois dimensions de la manœuvre aéroterrestre adverse. Le PC interarmes dispose ainsi d’une capacité unique pour conserver ou reprendre au plus vite l‘ascendant.

 

L’artillerie est aussi en mesure de renforcer la liberté d’action amie en contribuant à l’autonomie de décision du chef interarmes. En effet, une structure comme le détachement de liaison d’observation et de coordination et des équipements de la chaîne MARTHA apporte de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences au sein du poste de commandement «terre» pour optimiser l’emploi de la 3e dimension.

 

Il en résulte tout d’abord pour le PC «terre» la possibilité de réorienter rapidement ses moyens évoluant dans la 3e dimension face à l’action ennemie, soit par délégation de gestion de l’espace aérien local, soit par les liaisons avec les organismes de contrôle aérien ainsi mises en œuvre. Par ailleurs, ces capacités améliorent la réactivité dans l’emploi des intervenants dans la troisième dimension en permettant le déclenchement de missions inopinées en réaction à la surprise ennemie, tout en préservant la sûreté des aéronefs et drones en vol dans la zone de responsabilité. Cette meilleure gestion de la 3e dimension associée à la numérisation de l’artillerie améliore la capacité à produire un effort et délivrer des feux indirects ou air-sol rapidement et sans compromettre la sécurité des unités amies.

 

Enfin, les futurs moyens de l’artillerie vont contribuer à faire basculer un rapport de force par la saisie d’opportunités, tant au contact qu’en profondeur du champ de bataille ou de la zone de responsabilité. En premier lieu, l’acquisition de moyens particulièrement mobiles tels que le MEPAC permet de créer une réserve d’intervention particulièrement rapide. Cette réserve de feux mobiles et protégée peut également avantageusement appuyer une manœuvre d’exploitation, tel qu’un raid, en lui apportant un outil pour compenser un rapport de force défavorable par des feux indirects. Cette capacité est également utile dans les engagements en contre rébellion par la grande réactivité et la protection des équipages face aux actions d’insurgés. D’autre part, la bascule du rapport de force pourra être atteinte par la paralysie du système de commandement. En effet, la mise en service du lance roquette unitaire offrira la possibilité de détruire un objectif jusqu’à 70 kilomètres et de percer jusqu’à 30 centimètres de béton. Dès lors, dans un contexte d’intervention, il sera possible de détruire des postes de commandement de niveau opératif pour annihiler toute capacité de coordination des actions ennemies.

 

Conclusion

 

Si l’artillerie est caractérisée par la puissance et la précision des feux, elle doit désormais adapter ses déploiements et sa manœuvre afin de créer davantage de brouillard et de friction contre le commandement adverse. La complémentarité des effets cinétiques et non cinétiques doit être une préoccupation permanente en exploitant au maximum le binôme concentration des feux et dispersion des feux pour produire une dissociation matérielle et morale. Cette transformation sera facilitée par la mise en service de nouveaux matériels et de nouvelles munitions.

 

Pour autant, les équipements actuels permettent d’ores et déjà d’obtenir un réel effet dissuasif et de contraindre la manœuvre ennemie par une prise de risque mesurée. La crédibilité de ces dispositifs repose cependant sur une ferme volonté politique et un effort de communication sur les capacités des équipements en dotation dès le temps de paix. Le rapprochement stratégique franco-britannique devrait d’ailleurs ouvrir de nouvelles pistes de réflexion du fait des études menées actuellement outre-manche sur des concepts tel que la munition planante.

 

Article initialement publié dans la revue Doctrine tactique du CDEF.

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