13 novembre lindependant.fr
Tombé chez les rebelles talibans, en Afghanistan, après une panne de moteur et une éjection, le capitaine Noug a vécu les deux heures les plus interminables de sa vie avant d'être récupéré par des militaires américains.
"Ce jour-là, je volais avec un navigateur que je connais très bien. Cela faisait neuf semaines qu'on était sur place (..) on était acculturé au danger", a-t-il raconté à ses camarades lors d'un stage de récupération de pilotes en zone hostile à Captieux, près de la base de Mont-de-Marsan (Landes).
Envoyés dans une région où des taliban avaient fait exploser une voiture et immobilisé un convoi, le pilote de Mirage 2000 et son navigateur vont se retrouver pris au piège d'un mauvais concours de circonstances. "On est deux, un Mirage F1 et un Mirage 2000D. Comme d'habitude, il faut aller ravitailler (...) Mais ce jour-là, le tanker est beaucoup plus loin que prévu. Ca fait un trajet aller-retour de 45-50 minutes pour le F1" parti en premier, se souvient Alexandre, 35 ans, "Noug" de son nom de guerre (les militaires français ne dévoilent pas leur identité pour des raisons de sécurité). Le F1, qui aurait pu donner l'alerte, est donc absent quand le sort s'en mêle. Le moteur du Mirage 2000 s'arrête subitement alors que le chasseur fait une démonstration de force à basse altitude pour impressionner les insurgés.
"Une panne purement mécanique. Ce n'était pas notre jour. On essaie de rallumer le moteur, en vain. En une minute quarante (le temps d'actionner le siège éjectable et de descendre sous voile), on est par terre", dit Noug. Projetés hors du cockpit, le pilote et le navigateur se retrouvent au sol, sonnés, complètement à découvert dans une étendue jaune désertique. En descendant, suspendu à son parachute, le pilote a repéré sous ses pieds des fermes. "Quand on arrive au sol, on voit des gens qui se rassemblent sur les toits donc on se doute que notre position est compromise".
Les villageois vont-ils alerter les taliban ? Les attaquer ? A ce moment-là, "il faut dire les choses comme elles sont, on se sent tout seul et on est mort de trouille", raconte l'officier d'une voix calme. Lors de l'éjection, "on s'est déjà pris 18 G dans un sens, une claque à 280 km/h, 20 G dans l'autre sens à l'ouverture de la voile, on est tombé à 9 mètres/seconde". Les deux hommes réalisent rapidement qu'après le choc de l'éjection, ils ne pourront pas courir si l'ennemi approche. Le secteur est de surcroît truffé de mines héritées des Soviétiques, rendant toute fuite illusoire.
"Mon navigateur a son flingue à la main, il regarde les alentours pendant que je tente d'établir un contact radio", décrit Noug. En Afghanistan, les aéronefs de la coalition ne sont jamais loin. Bientôt, deux hélicoptères foncent droit vers eux, tournent deux ou trois fois, se posent, redécollent puis s'éloignent. En plein jour, à 10 h du matin, ils n'ont pas vu les fusées de détresse tirées par les deux hommes. "Autant vous dire qu'on prend alors un sacré coup au moral", soupire le capitaine.
Arrivent enfin six A-10 américains, qui se sont reroutés vers la zone du crash après avoir entendu l'appel à l'aide. "Ils parlent clairement à la radio, sont superdirectifs. Je n'ai jamais aussi bien compris l'accent US que ce jour-là"! Un des pilotes leur fait un petit signe de la main en passant au-dessus d'eux. "C'est super rassurant, souligne Noug, ils nous disent que les hélicos vont arriver dans 20 minutes".
Deux hélicoptères Chinook déboulent finalement plus tôt que prévu. Venus eux aussi à la rescousse après avoir entendu le signal de détresse, les "superfrelons" américains ramassent en un éclair les deux Français dans un nuage de poussière et de caillasse. "On a pu reprendre le boulot 30 jours plus tard, au début avec une grosse appréhension (...) Trois mois plus tard, on repartait en Libye", conclut-il.
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