Des hélicoptères de l’ALAT et de la Gendarmerie nationale à Dammartin vendredi 9 janvier. photo Michel Spingler/AP
28.02.2015 EchoRadar - Le Fauteuil de Colbert
Aujourd’hui, nous vous proposons de revenir sur les opérations menaient entre les 7 et 9 janvier. Non pas que nous prétendions décrire avec exhaustivité toutes les opérations et manœuvres des forces de l’ordre. Mais très modestement, nous souhaitons proposer quelques remarques sur le niveau d’engagement, son ampleur, notamment géographique et le dispositif actuel de prévention.
A la suite de nombreux attentats et de prises d’otages ayant eu lieu de par le monde – de la prise d’otage de l’école de Beslan en 2004 à celle d’In Amenas en 2013 en passant par le détournement de l’Airbus en 1994 – nos forces de Police et de Gendarmerie travaillaient, notamment, mais pas seulement, sur le scenario d’une Prise d’Otages Massive (POM). Les gardiens de la paix prévoyaient de contrer ces hypothèses structurantes par l’intervention conjointe de toutes les unités spéciales. Au fil des reportages, il apparaissait même des coopérations ponctuelles, tout du moins pour l’enrichissement des formations, entre les forces spéciales des Armées et les unités spéciales des forces de Police et Gendarmerie. Le dispositif « contre-POM » se doit de contrer une ou des équipes de terroristes prenant massivement des otages en quelque lieu que ce soit (site industrielle, TGV, avion, métro, etc.).
Lors des attentats du 7 au 9 janvier, nous les observions affronter une « variante » de ce scénario. Cet attentat « dynamique » était mené par très peu de moyens humains et matériels. Sans présumer des résultats des enquêtes des services judiciaires et de renseignement, il y aurait eu au moins trois auteurs et un éventuel soutien logistique.
Ce qui revient à remarquer que ces unités poursuivaient avec plusieurs dizaines d’hommes seulement deux individus entre Paris et le Sud de la Picardie. Ce dispositif se devait d’être dynamique pour partir à la chasse d’un binôme. Il a pu avoir recours à des enveloppements verticaux via l’utilisation d’hélicoptères de manœuvre et légers. Et il s’appuyait aussi sur un quadrillage serré du terrain par la Police nationale et la Gendarmerie. Est-ce bien courant d’observer une telle opération « militaire » sur le sol national ?
Allier nos meilleurs unités de sécurité intérieure à une telle aéromobilité ce n’est que constater la faiblesse de nos moyens. Non pas qu’ils soient faibles par nature. Mais utiliser un dispositif exceptionnel – utilisation bien forcée – pour seulement deux hommes, c’est poser la question de ce qui serait nécessaire s’il y avait eu plus d’une équipe. Comment réagir si une autre commet ses forfaits par exemple à Rennes et une troisième à Clermont-Ferrand ?
Ce dispositif contre-POM peut être dilué en combien de divisions ? Combien d’hélicoptères de manœuvres peuvent être fournis dans l’urgence ? Ceux des Armées sont très sollicités (doux euphémisme) et ne sont pas forcément en Europe (puisque la France est un archipel globale). L’attentat qui frappait la Norvège en 2011 démontrait que, même dans le pays le plus fourni au monde en hélicoptères moyens et lourds (pour le secteur pétrolier), il n’était pas aisé pour les forces de police de réquisitionner dans l’urgence quelques voilures tournantes.
Autre chose, nous nous devons de considérer ce qui peut apparaître, par l’observation, des problèmes de génération de forces. Le plan VIGIPIRATE, étendu par l’opération Sentinelle, met sur le terrain plus de 10 000 hommes de l’Armée de Terre pour seulement 300 réservistes engagés. Le problème est-il le même pour la Police nationale et la Gendarmerie ? Toutes ces forces produisaient l’effort nécessaire à la hauteur des enjeux. Mais quelque soit la hauteur de l’engagement individuel ou de celui des organisations, il y a besoin, à un moment ou un autre, de régénérer les forces. C’est-à-dire que pour conserver autant d’hommes et de femmes sur le terrain, il faudra toujours des phases de relève et de repos. Et si nous devons craindre à l’avenir un contournement du dispositif déployé contre les attentats des 7-9 janvier, alors de futurs criminels pourraient tenter de diviser ce même dispositif.
Comment allier un dispositif exceptionnel de commandos de chasse, appuyé par des moyens aéromobiles militaires, sur un terrain quadrillé par les forces de police sans renouveler les réserves de force ? Comment faire durer un tel quadrillage de la France par la Police nationale et la Gendarmerie dans des proportions extraordinaires ? Les budgets actuels tendent les hommes et les femmes. Ne pas leur offrir des dispositifs temporaires de forces et de matériels pourraient devenir rapidement problématique tant notre pays est adulé dans certaines parties du monde. Faut-il évoquer une Garde nationale ? Une Garde républicaine ? Une juste répartition des besoins au sein même des administrations (que chaque zone police et zone gendarmerie reçoivent hommes et matériels en fonction des chiffres du ministère, par exemple) ? Autre chose : comme par exemple la répartition de l’effort dans le budget de l’Etat ? La problématique matérielle montre aussi le besoin, peut-être futur, de pouvoir soit projeter, soit disperser des matériels, tant aériens que terrestres. C’est aussi un des volets du besoin de « réserves » sur tous les territoires nationaux. Les menaces nous dictent leur tempo, nous ne pouvons que nous y adapter.
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