Contre-amiral Anne Cullerre Sous-chef opérations aéronavales de l’état-major de la Marine © Marine nationale / Pascal Dagois
28 Janvier 2015 Marine Nationale
Responsable devant le chef d’état-major de la Marine de l’emploi, de la préparation et de la disponibilité des forces, l’amiral chargé des opérations à l’état-major de la Marine s’appuie sur l’état-major des opérations pour remplir sa mission. Bilan 2014 et perspectives 2015.
1/Amiral, vous avez pris vos fonctions en septembre. Un mot sur le rôle d’ALOPS ?
ALOPS est sous-chef opérations aéronavales de l’état-major de la Marine (« amiral opérations » ou SCEM/OPS). Il assiste le chef d’état-major de la Marine dans son rôle, auprès du chef d’état-major des armées et du Ministre de la Défense, d’expert « emploi des forces » et dans son rôle de responsable de la préparation et de la disponibilité des forces.
Pour cela, suivant les orientations du Major Général de la marine, son action quotidienne se place dans un triple cadre : interarmées, interministériel et international. Il est l’interlocuteur unique et privilégié des autorités de la chaîne de commandement opérationnel des Armées . Il agit de manière concertée et en étroite relation avec les autorités organiques de la Marine (ALFAN, ALFUSCO, ALFOST, ALAVIA) et Comgendmar ainsi que les commandants de zone maritime métropolitains et ultramarins. Il possède trois fonctions supplémentaires qui lui permettent de conserver la cohérence globale de l’ensemble des engagements des forces de la marine sur tout le spectre des opérations interarmées, dans toutes les zones du globe et face aux nouvelles menaces. Il est :
- autorité de coordination de la fonction garde-côtes (ALCO), et agit pour faire entendre la voix de la Marine acteur majeur de l’action de l’état en mer, dans les forums de la fonction garde-côtes et auprès des autres administrations ;
- Délégué pour la défense et la sécurité (DDS), responsable au nom de l’Opérateur d’Importance Vitale marine, donc le CEMM, de la sécurité des installations et activités d’importance vitale ;
- Représentant du CEMM pour l’application des directives interarmées cyberdéfense (ALCYBER). En lien étroit avec la cellule cyberdéfense de l’état-major des armées (EMA), il définit l’organisation, le fonctionnement et les ressources nécessaires à la montée en puissance de la cyberdéfense dans la marine et assure le commandement de la posture cyberdéfense de la marine.
Depuis mon arrivée, deux domaines ont été mis tout particulièrement en exergue. Tout d’abord, la cyber défense dans toutes ses caractéristiques (renseignement, opérations d’influence, lutte informatique défensive et/ou active). Ensuite, le renforcement de la fonction « défense –sécurité » en cohérence avec la création de la Direction de la Protection des Installations, moyens et activités de la Défense (DPID) au ministère de la Défense.
2/ Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est l’EMO et comment il fonctionne ?
L’état-major des opérations de la marine est le bras armé d’ALOPS au niveau central pour l’aider dans l’exécution de ses responsabilités.
L’EMO-M comprend 80 marins et est dirigé par un capitaine de vaisseau qui porte le titre d’adjoint opérations ( ADJ ALOPS). Cet état-major planifie, prépare, conduit, analyse l’ensemble des missions, élabore des doctrines, et fait en sorte que le cadre légal de toutes les activités de nos forces soit sans ambiguïté. L’EMO-M est articulé autour de trois bureaux : « opérations aéronavales » (OAN), « études opérationnelles » (EO) et « droit de la mer et des opérations aéronavales » (DMOA). ALOPS bénéficie également de deux conseillers, un pour l’« action de l’état en mer » (Adj AEM) et un second pour sa fonction de « délégué pour la défense et la sécurité » (Adj DDS).
L’adjoint AEM est le correspondant d’ALOPS auprés du Secrétariat Général de la Mer et défend les intérêts de la Marine dans la coordination interministérielle de l’AEM et dans les réflexions sur la gouvernance des espaces maritimes. Son champ d’action couvre le domaine national, les affaires européennes, et les coopérations bilatérales et régionales
L’adjoint DDS coordonne, dans un cadre interarmées et interministériel, l’ensemble du domaine « protection- sécurité » rassemblant la sureté, la cyberdéfense et la sécurité nucléaire.
Le bureau OAN se tient, à chaque instant, à la disposition de la chaine opérationnelle interarmées, des unités et des CZM , pour un soutien organique ou un conseil opérationnel dans le cadre de la programmation de l’activité opérationnelle, l’emploi et le soutien des moyens de la Marine déployés en opérations. . Il coordonne l’action des autorités organiques et des commandants de zones maritimes (gestion des priorités, préparation des escales) et assure la fonction de transfert entre ce que les autorités opérationnelles veulent faire et ce que les autorités organiques de la Marine peuvent faire.
Le bureau OAN fait également valoir les capacités de la marine au profit de la stratégie générale militaire et de l'action de l'État en mer, dans une logique d’optimisation de l’emploi des forces et d'économie des moyens.
Le chef du bureau dirige le centre opérationnel de la Marine (COM) situé à l’EMO qui assure 365J/365, 24h/24, 7j/7 une veille permanente de toutes les missions et opérations dans lesquelles nos forces sont engagées.
Le bureau EO conduit la politique générale opérationnelle de la marine. Il définit la doctrine de préparation et d’emploi de ses forces et structures, en environnement interarmées, interministériel et multinational. Avec les CZM,les 4 autorités organiques et COMGENDMAR après exploitation de tout le retour d’expérience des déploiements opérationnels ., il définit les directives d’application à la marine des doctrines interarmées. Il conduit les travaux d’organisation des fonctions opérationnelles, interarmées et spécifiques marine, en s’appuyant sur les mécanismes de pilotage des domaines interarmées et inter-composantes.
Le bureau DMOA assure le conseil juridique d’ALOPS pour l’ensemble des opérations et missions des forces aéronavales ainsi que les activités de préparation opérationnelle. Il est expert du droit des conflits armés, du droit de la guerre navale et des aspects maritimes du droit international de la mer et du droit international général.
Bien évidemment , L’EMO-M ne travaille pas seul , mais collabore et coordonne son action avec chacune des divisions de l’EMM et la direction du personnel militaire de la Marine pour faire en sorte que les soutiens financier, logistique, capacitaire et en compétences soient adaptés au mieux.
Cette année 2015 apportera à l’échelon central son lot de défis avec entre autre le déménagement vers Balard et tout particulièrement l’intégration de l’EMO-Mau sein du grand Pôle Opérations dirigé par le sous-chef opérations de l’EMA. Nous avons déjà l’habitude de travailler en étroite coordination avec le CPCO et la division opérations de l’EMA, mais la future colocalisation de tous les acteurs opérationnels des armées, directions et services nous fait d’ores et déjà réfléchir au processus de fonctionnement selon deux priorités : trouver les synergies suffisantes pour optimiser le travail quotidien de l’EMO-M sans se « dissoudre » dans le CPCO, et maintenir, malgré une certaine séparation géographique, notre intégration fonctionnelle avec reste de l’EMM. C’est un enjeu majeur compris par tous et ces deux impératifs, ont également été identifiés par nos camarades de l’armée de l’Air et de l’armée de Terre.
3/Comment le travail de l’EMO s’articule-t-il avec celui du CPCO et l’EMA ? Quelle articulation avec les échelons locaux (COM CZM) ?
De manière schématique, nous pourrions dire que le bureau OAN est la structure miroir du CPCO, que le bureau EO est le pendant de la division emploi de l’EMA, et que le bureau DMOA est l’équivalent du bureau JUROPS de l’EMA. Mais cela va plus loin car chacun de ces trois bureaux, ainsi que l’adjoint AEM , naviguent dans les trois cercles : interarmées avec l’ensemble des directions et services, interministériel, et international.
Chaque membre de l’EMO-M a un lien privilégié avec son ou ses homologues des autres armées directions et services. Sans ce maillage entretenu de compétences, la réactivité impérative du tempo opérationnel et la bonne compréhension des objectifs, opérations ou missions ne seraient pas possibles.
Nous aidons le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’EMA à faire des choix pour adapter au mieux les capacités nécessaires pour obtenir l’effet recherché par le niveau stratégique. Notre responsabilité est de livrer au CPCO une capacité opérationnelle qualifiée, disponible, dans le délai prévu. Vis-à-vis des CZM, nous intervenons en conseiller pour la conduite des opérations et l’adaptation des moyens, mais nous ne sommes pas dans la chaîne opérationnelle directe et unique qui les lie au CPCO. Nous sommes le garant de la bonne préparation opérationnelle des moyens qui repose sur la réactivité, l’adaptation rapide de nos autorités organiques. Notre souci permanent est d’engager nos forces dans les délais requis en toute sécurité avec la meilleure efficacité et résilience possibles.
4/Amiral, nous commençons une nouvelle année, quel bilan dressez-vous des opérations réalisées en 2014 ? Quelles sont les opérations les plus marquantes ?
Un bilan simple : en moyenne, 30 bateaux de la marine et 3000 marins ont été en mer chaque jour dans des missions permanentes ou de circonstances. Nos unités sont intervenues dans tout le spectre des grandes fonctions stratégiques du Livre Blanc, Dissuasion, Protection, Prévention/gestion de crise, Intervention et Connaissance-anticipation, sous les ordres du CEMA.
Tout d'abord, la permanence de la dissuasion aura été entretenue sans discontinuer, comme depuis plus de 40 ans, depuis le fond des océans. Outre les SNLE, de nombreuses unités telles que des frégates anti-sous-marines, des chasseurs de mines, des avions de patrouille maritime, concourent à la sûreté du dispositif de dissuasion.
Au titre de la fonction Protection, la sûreté des approches maritimes du territoire (renseignement, surveillance et intervention dans les approches, contre-terrorisme maritime, lutte contre les engins explosifs) ainsi que la protection des installations de la marine et des activités qui s’y déroulent (installations nucléaires, bases navales et leurs plans d’eau, bases aéronavales et emprises de la Marine,) a mobilisé plus de 3000 marins tout au long de l’année, sept jours sur sept.
De plus, nos unités, de toutes tailles ont été fortement impliquées dans la protection de nos intérêts dans les zones sous souveraineté française et en haute mer. À ce titre, de nombreuses opérations de lutte contre le trafic de drogue ont été organisées et plusieurs tonnes de drogue (cannabis et cocaïne) ont été neutralisées ; nos plongeurs-démineurs ont détruit, cette année encore, plus de 2000 engins sur le littoral français. Plus de 200 vies ont été sauvées en mer grâce à l’intervention des moyens de la Marine. La marine a également été fortement impliquée dans la lutte contre l'immigration illégale qui a conduit à intercepter plus de 10000 personnes cette année encore au large de Mayotte et dans la lutte, parfois violente, contre la pêche illicite au large de la Guyane. Plus de 37 équipes de protection ont en outre accompagné des navires de commerce français en mer dans le cadre de la lutte contre la piraterie.
Dans le domaine de la Prévention, les unités de la marine auront été comme souvent les précurseurs et les veilleurs dans tous les théâtres où se développent les situations de crise : dans le golfe de Guinée, au large de la Syrie, de l'Ukraine ou de l'Irak. Elles y ont recueilli les informations qui ont permis aux décideurs d'avoir une appréciation éclairée de la situation C’est dans ce cadre que nos unités ont par exemple été ponctuellement envoyées en mer Noire.
L'intervention urgente en Libye fin juillet dernier pour procéder à l'évacuation de nos ressortissants est caractéristique de cette vigilance obligatoire et de la nécessité d'entretenir une capacité de réaction complète (frégates, aéronefs et commandos). Enfin, les engagements de nos ATL2 au Mali, tout comme en Irak, ont confirmé que les actions de haute intensité continuent à se produire chaque jour dans le monde. Cette année aura aussi confirmé la forte baisse de la piraterie dans le nord de l'océan Indien mais son maintien à un niveau élevé dans le golfe de Guinée où au moins l'un de nos bâtiments exerce une présence vigilante tout en promouvant la coopération avec les pays riverains dans le cadre de l’opération Corymbe.
Enfin, nos unités participent également à la fonction Connaissance-Anticipation avec la mise en œuvre de capteurs dédiés, et je n’en dirai pas plus, mais aussi au travers de leurs missions et activités de préparation opérationnelle et grâce également à la flotte des bâtiments hydro et océanographiques.