26 Mars 2015 Propos recueillis par l’EV1 Virginie Dumesnil – Marine nationale
« L’océan Indien se situe au cœur d’enjeux stratégiques mondiaux, ce qui explique une implication permanente de la Marine », selon le contre-amiral Beaussant. Zone d’importance mondiale, l’océan Indien est une zone stratégique pour la France puisque s’y joue une partie de sa sécurité. Pour la France, il a une place prépondérante puisqu’une grande partie des approvisionnements stratégiques y transitent et qu’elle possède, sur les 22 millions de km² que couvrent cet océan, 2.8 millions de km² de zone économique exclusive (ZEE), soit plus de 10% de la surface totale de l’océan Indien et plus de 20% de la ZEE françaised’une totalité de 11 millions de km². L’implication française dans cette zone stratégique se traduit aujourd’hui par le déploiement simultané de 4 Task Force.
Amiral, en tant qu’ALINDIEN, pouvez-vous nous présenter les spécificités et les enjeux de votre zone ?
Tout d’abord, il faut savoir qu’il s’agit d’une zone immense marquée par des enjeux économiques, notamment pétroliers, essentiels dans une région immensément riche en ressources énergétiques. Le phénomène de maritimisation s’illustre particulièrement dans le nord de l’océan Indien, où l’on retrouve quasiment toutes les flottes de guerre du monde. Les Etats de la péninsule Arabique, conscients de l’importance du fait maritime pour leur développement et leur sécurité, renforcent d’ailleurs la place de leur Marine au sein de leurs armées.
Je dénombre trois enjeux principaux dans la région. Pour commencer, la piraterie, à laquelle l’opération Atalante s’est attaquée, est en déclin. Mais le risque de criminalité en mer reste présent dans une zone essentielle pour le transport maritime. De surcroît, la faiblesse de la gouvernance dans certains pays de la zone va de pair avec le développement de tous les trafics, en particulier en mer, et participe au financement du terrorisme. Justement, la flambée du terrorisme est le facteur majeur d’instabilité de la région. Celui-ci prospère sur fond de tensions confessionnelles, sur lesquelles se cristallisent aujourd’hui de nombreux conflits régionaux.
En quoi cette zone est-elle stratégique pour la France ?
L’océan Indien est une priorité pour nos armées. Notre pays est dépendant des biens transportés par voie de mer, dont une large part transite par cette zone. Rappelons que la zone océan Indien dans son ensemble concentre quatre des points de passages maritimes les plus importants du monde (le canal de Suez, le détroit de Bab-el-Mandeb, le détroit d’Ormuz et le détroit de Malacca).
La France porte une attention particulière au Golfe et a développé depuis longtemps des accords de défense et de coopération militaire avec les Etats de la région. De fait, elle entretient des relations extrêmement étroites avec l’ensemble des pays du Conseil de coopération du Golfe. Notre coopération avec les Etats riverains s’expliquent d’autant mieux le golfe Arabo-Persique constitue un nœud de l’économie mondiale. Pour mémoire, 30% des exportations mondiales d’hydrocarbures transitent par le Golfe. Une crise majeure dans cette zone aurait donc des répercussions bien plus larges.
Comme je l’ai déjà mentionné, la région fait également face à un terrorisme hyper violent qui tente de se sanctuariser en Irak et en Syrie avec la revendication d’un prétendu Etat Islamique, et qui affecte dorénavant directement le territoire national.
Il est de la responsabilité de la France, membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, d’œuvrer à la réduction de cette menace et à la stabilité de cette région. Elle y prend d’ailleurs toute sa part avec l’opération Chammal….
Quatre Task Forces y seront déployées simultanément. Quelles sont-elles et quelles sont leurs missions ?
C’est vous dire à quel point l’océan Indien est zone est stratégique pour que la Marine déploie ou contribue dans les semaines qui viennent à quatre Task Forces.
Cela permet premièrement de nourrir notre coopération de défense, coopération qui s’appuie sur les accords de défense conclus avec les pays amis. Concrètement, nous organisons des exercices multilatéraux, qui permettent de renforcer notre niveau d’interopérabilité avec nos alliés (locaux mais aussi américains et britanniques). Mais surtout ces Task Forces sont déployées pour participer à la conduite d’opérations.
Depuis février, la Task Force 473 (TF 473), c’est-à-dire le groupe aéronaval français intégrant notamment une frégate britannique, est présent dans le nord de l’océan Indien et dans le golfe Arabo-Persique. La TF 473 est un élément supplémentaire de la contribution française à la coalition contre Daech. Les opérations en coalition permettront, par ailleurs, d’atteindre un niveau d’interopérabilité avec les Américains jamais obtenu auparavant. La présence de la TF 473 permet aussi d’entretenir les échanges avec les différents pays partenaires de la zone, Arabie Saoudite, Inde, Emirats Arabe Unis, Qatar …
La France prend, de plus, le commandement de la Task Force 150. Cette Task Force multinationale s’appuie sur deux résolutions post « 11 septembre » du conseil de sécurité des Nations Unies et a pour objectif la lutte contre le terrorisme et les trafics en mer dans le nord de l’océan Indien. La troisième Task Force est celle de guerre des mines. Elle est déployée jusqu’à la fin du mois de mai pour participer à la sécurisation des routes maritimes au profit de nos bâtiments civils et militaires. Une fois encore, cette Task Force réalisera des actions de coopération avec toutes les marines de la région. Enfin, le groupe amphibie Jeanne d’Arc assurera une présence opérationnelle et diplomatique dans la région.
commenter cet article …