24 octobre 2014 Libération.fr (AFP)
A l’heure des restructurations dans la Défense nationale annoncées le 15 octobre, élus, militaires et acteurs économiques du Sud-ouest soulignent le poids «très significatif» de la présence de l’armée pour les économies locales, une manne providentielle mais parfois aussi addictive.
Dans la Zone de défense et de sécurité sud-ouest (ZDS-SO) couvrant les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes et Limousin, cet impact socio-économique tient à une forte implantation historique de l’armée qui contribue à la survie voire à l’essor des économies locales.
Le poids de la Défense tient aussi à une solide industrie qui lui est dédiée mais qui, au fil de son histoire, a peu à peu tourné le dos à Midi-Pyrénées pour se réorganiser en Aquitaine autour de l’aéronautique.
Avec 43.000 personnels militaires et civils sur la seule ZDS-SO, «les armées ne peuvent qu’influencer l’économie locale», explique à l’AFP le général de corps aérien Serge Soulet. «Le constat est inévitable: sur le marché de l’emploi, la Défense en Aquitaine joue un rôle, sinon majeur du moins significatif», souligne le commandant des forces aériennes. La région concentre sur son territoire la moitié des effectifs de la zone de défense.
Selon lui, on évalue généralement «à une vingtaine de millions d’euros par an le poids économique d’un régiment sur la vie locale». «Et des régiments, bases aériennes, unités diverses, nous en avons beaucoup dans la zone», ajoute-t-il. Il égrène une liste «non-exhaustive» de 18 régiments, 3 camps, 6 bases aériennes, 10 bases de Défense, 6 états-majors, 6 écoles, 1 détachement Marine, 6 sémaphores, des établissements de la Direction générale de l’armement (DGA), du Service de santé des armées (SSA) et du Service des essences des armées (SEA).
- Entreprises et commerces dopés -
La Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de Pau a pu évaluer l’impact socio-économique de trois départements clés en Aquitaine et Midi-Pyrénees, où l’armée a un solide ancrage historique: les Landes, les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées qui comptent 5.017 militaires, 778 civils et 718 réservistes répartis sur les villes de Pau, Tarbes et Bayonne.
L’impact socio-économique de leur présence est d’autant plus important que près de la moitié (48%) de ces salariés de la Défense nationale ont au moins un enfant - 13% en ont au moins trois - et 57% ont un conjoint actif employé localement. 90% de ces foyers résident dans des logements hors régiment.
Dans ces trois départements, la masse salariale nette des personnels civils et militaires dépasse les 150 millions d’euros, soit quelque 114 millions (76%) en moyenne injectés chaque année dans les entreprises et commerces locaux.
Que ferait par exemple Mont-de-Marsan, préfecture des Landes, sans la Base aérienne-118, stratégique pour la défense nationale? Pour la population montoise, elle fait partie du patrimoine historique de la ville au même titre que la tauromachie ou le rugby.
La Base-118, qui fait voler ses chasseurs depuis plus de 70 ans, génère aussi environ un emploi direct ou indirect sur trois dans la commune et fait vivre «3.600 familles, 1.600 enfants de moins de 9 ans, qui représentent une richesse considérable pour nos écoles et nos clubs sportifs», explique le maire (Modem), Geneviève Darrieusecq. «Avec 250.000 euros par jour de retombées économiques pour le territoire, cette économie familiale bénéficie largement à l’économie locale», assure l’élue.
En outre, «l’accueil de nouveaux escadrons a permis 23 millions d’euros d’investissements sur les équipements de la base, avec beaucoup d’activité pour les entreprises locales sur ces chantiers», explique-t-elle.
Mais, comme d’autres élus de territoires bénéficiant de la manne militaire, Geneviève Darrieussecq mesure aussi le risque d’une économie «monolithique» exclusivement centrée sur la présence militaire et la nécessité de diversifier l’activité sur leurs territoires «pour préparer des années moins fastes».
- Recentrage sur l’aéronautique en Aquitaine -
Dans ce grand Sud-Ouest militaire, l’industrie de l’armement dope surtout les économies d’Aquitaine où elle s’est recentrée sur l’aéronautique, les missiles et les drones.
Cinquième région française d’implantation de la Défense selon la préfecture, l’Aquitaine est aussi la troisième région d’implantation des industries d’armement. A ce titre, 11% de l’effectif industriel total de la région, soit 16.000 salariés, est issu de la Défense.
Dans une étude publiée en 2014, l’Institut national de la statistique (Insee) évoque dans cette région une filière Aéronautique Spatiale et de Défense (ASD) «en pleine euphorie», organisée autour de grands donneurs d’ordre comme Dassault, Thales, Safran ou Airbus/EADS qui s’appuient sur un important réseaux de PME, soutenues pour nombre d’entre elles par une convention de partenariat entre la DGA et la Région.
L’aéronautique militaire, un marché estimé entre deux et trois milliards d’euros en France, génère à l’échelle aquitaine entre 300 et 450 millions d’euros, une part que la région entend faire croître après le premier «signal fort» de l’arrivée de la Simmad (ndlr: structure de maintenance de l’armée de l’air) et ses 700 personnes.
Et, tout récemment, le défrichement d’une parcelle forestière de 16 hectares à Mérignac, près de Bordeaux, a été engagé pour accueillir le futur pôle aéronautique de Thales. Un site qui représente un investissement de 200 millions d’euros, l’un des plus importants de ces dernières années dans le département.
«On voit que du côté industriel il y a une vraie dynamique régionale» et l’implantation des forces aériennes au cœur du bassin industriel «s’inscrit dans cette logique de synergie», note le général Serge Soulet dans un entretien pour la revue en ligne Aeromag.
Mais, en Midi-Pyrénées, l’industrie de l’armement décline: Tarbes (Hautes-Pyrénées) a été une bonne partie du siècle dernier un haut-lieu de l’armement terrestre, avec un arsenal comptant jusqu’à 12.000 salariés. Il n’en comptait plus que 3.000 dans les années 1980 lorsque l’arsenal est devenu l’entreprise publique Giat Industries. Cinq plans de restructurations successifs ont eu raison de l’arsenal en 2006. GIAT a alors regroupé son coeur de métier sous le nom de Nexter.
Aujourd’hui, Nexter ne compte plus que 47 salariés sur son site tarbais, employés dans sa petite division Munitions...