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2 juillet 2015 4 02 /07 /juillet /2015 16:55
Remise du prix Erwan Bergot à Sylvain Tesson, lauréat de la 20e édition. - Crédits ADC Emmanuel C.

Remise du prix Erwan Bergot à Sylvain Tesson, lauréat de la 20e édition. - Crédits ADC Emmanuel C.

 

02/07/2015 Armée de Terre

 

Sylvain Tesson, auteur de l'ouvrage Berezina, est le lauréat 2015 du prix Erwan Bergot.

 

Il a reçu son prix le 29 juin 2015 à La Sorbonne, devant de nombreuses personnalités du monde littéraire et des armées. Le général de division Barrera a quant à lui reçu le prix spécial du jury avec son livre "Opération Serval". Depuis 1995, l’armée de Terre récompense des livres qui transmettent avec talent et force les valeurs de courage et de dévouement à la Nation : autant d’exemples d’engagement au service d’une certaine idée de la France.

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2 octobre 2013 3 02 /10 /octobre /2013 11:45
Mali : retour sur l'opération Serval avec le général Barrera

01.10.2013 Par Olivier Berger, grand reporter à La Voix du Nord. - Défense globale

 

Le général Bernard Barrera, ancien patron de la 3e brigade mécanisée de Clermont-Ferrand, désormais directeur-adjoint de la DICOD, est revenu lundi, à l'invitation de l'Association des journalistes de défense (AJD), sur l'opération Serval, dont il a commandé la composante terrestre du 21 janvier à la début mai.

 

Un RETEX (retour d'expérience) épique d'une opération qui marque le soldat pour longtemps...

 

La préparation

 

" A la brigade, on savait que nous serions d'alerte Guépard début 2013 et qu'une fenêtre de projection majeure existait avec le Mali. On s'est donc entraîné dessus pendant un an et demi. L'Afghanistan, on savait faire. Là, il fallait se préparer à quelque chose de très différent avec de grandes élongations. La Kapisa et la Surobi, c'était tout petit. On savait qu'il faudrait jouer la subsidiarité, l'interarmes et l'interarmées. On a habitué les chefs de corps et les capitaines à se débrouiller seuls et ça nous a énormément servi. "

 

La mission

 

" La mission politique était claire et je peux vous dire que c'est un vrai régal pour un militaire. Libérer le pays et détruire les terroristes avec acceptation des pertes dans une campagne à risques.

 

Il fallait prendre Tombouctou. Ça résonne aux oreilles des gens depuis René Caillé (premier occidental à Tombouctou en 1828). Nous sommes montés à Bamako, pas par la route la plus facile ou dépendante des bacs mais par un grand raid à l'ouest de 1 000 km. C'était un peu l'axe Joffre en 1894... "

 

Les clés du succès

 

" Un bon entraînement, bien sûr, mais la brigade était surtout animée par un esprit de victoire. On y allait pour leur casser la figure. Avec tous ces gens avec leurs drapeaux français sur le bord de la route, c'était un peu la libération de la France. Ce n'était pas une guerre religieuse, une croisade, mais il s'agissait de libérer un pays.

 

Nous avons mis le paquet sur les appuis, l'aviation, les hélicos qui ont parfois sauvé la vie des hommes, la surprise dans la manœuvre. On a fait preuve d'imagination en allant plus vite et plus loin qu'eux. Ce fut une très belle opération car on ne s'est pas bridé. Et voilà, le soldat français a gagné car c'est un soldat très rustique dans ces très grandes chaleurs. Les hommes de l'ombre de l'état-major ont été aussi les artisans de la victoire.

 

Les armées de Terre et de l'Air, ça fait vingt ans qu'elles font la guerre, dans les Balkans, en Afrique, en Afghanistan. Même s'il y avait des jeunes, ils savaient combattre. "

 

Un grand moment de solitude

 

" J'ai connu un grand moment de solitude le 26 février quand on a attaqué la vallée d'Ametettaï. Les Tchadiens venaient de perdre 26 hommes quatre jours plus tôt. On se demandait " sur quoi je vais tomber ? " On a attendu deux canons Caesar de Gao qui sont arrivés à 6 h à Tessalit. A 7 h, on attaquait. A 8 h, les Caesar tiraient. Les légionnaires (2e REP) étaient, eux partis à pied, à 4 h. Je me suis dit : " Les ordres sont donnés. Maintenant, je croise les doigts. "

 

On était prêt à plusieurs dizaines de morts car on craignait une vallée fermée. Eux sur des positions solides et nous avec le ballet des hélicos et des blessés. C'est pour ça que je voulais prendre les puits en moins d'une semaine. En plus, nos soldats étaient en limite physique. Si ça tardait, ils allaient s'écrouler.

 

En face, il y avait des trous. Ce n'était pas Verdun mais bien installé. On ne pouvait les laisser gagner une bataille psychologique : battre l'armée française. Finalement, le 1er ou le 2 mars, ils craquaient partout. On avait gagné. "

 

Les otages français

 

" Les otages, c'est y penser toujours, en parler jamais. Nous avons toujours essayé de les trouver. On continue. "

 

Les adversaires

 

" On s'est souvent demandé au début s'ils n'avaient pas fui. Il est difficile de faire une évaluation des pertes adverses, plusieurs centaines, de 600 à mille. Au nord, il y avait surtout des gens de la bande nord sahélienne ou extérieurs. Nous avons retrouvé des passeports égyptiens, canadiens... C'était un peu le Woodstock du terrorisme. On a découvert un site prêt à installer une base terroriste avec fabrications de bombes, de détonateurs, des ordinateurs... Plus au sud à Gao, nous avons rencontré des Mauritaniens, des gens provenant d'ethnies noires ou arabes, sous le contrôle du MUJAO. Au nord, les petits mercenaires payés par AQMI sont repartis chez eux rapidement.

 

C'était une zone grise en fait avec des groupes terroristes et trafiquants. Au nord, les hommes, à l'est, la drogue et les cigarettes. Ce n'était absolument pas une guerre religieuse. Ce sont des troupes courageuses mais pas valeureuses. Nous ne partageons pas les mêmes valeurs.

 

En Afghanistan, on nous tirait de loin comme des lapins. Là, ils venaient sur nous. Le 92e RI a eu une opération au contact à 800 m au début et ça s'est fini à 10 m au pistolet. Ils se sacrifaient. C'est pour ça que je disais qu'il fallait aller au pas de la légion, 1 km par jour, pas plus mais détruisez-les tous, ils cherchent l'imbrication. "

 

Les enfants soldats

 

" On ne s'y attendait pas. Pour nous, il n'y avait que des jihadistes aguerris. On aurait dû avoir la puce à l'oreille quand des bergers nous disaient qu'on avait volé leurs enfants. Je ne connais pas d'exemples de soldats français ayant tiré sur un enfant soldat mais ça s'est parfois joué à une seconde. Nous avons trouvé des enfants morts dans des bombardements ou blessés par des éclats. Ceux-ci, nous les avons tous sauvés. "

 

Les Touaregs

 

" Nous avons profité des services de guides maliens dès le début février. C'étaient des Touaregs, des gens issus d'une minorité loyale à Bamako. On ne voulait surtout pas favoriser une guerre ethnique. Depuis, ça a un peu évolué. Les MNLA, on passait devant, on les voyait. Mais pour nous, le MNLA, c'était ni ami ni ennemi. "

 

Les armes ennemies

 

" Beaucoup d'armes venaient des stocks de l'armée malienne, pris lors des mois précédents, quelques munitions venant de Libye. Nous avons trouvé également des pièces d'artillerie, des mortiers mais ils ne savaient pas s'en servir. Nous avions peur de tomber sur de l'antiaérien mais non, ce sont des combattants légers. "

 

L'influence

 

" Nous avons touché la population en rétablissant rapidement, à Gao, à Tessalit, les relais GSM coupés car la population était favorable aux armées malienne et française. Nous avons relancé des radios locales maliennes pour expliquer notre action. Nous avons eu en retour une foule de renseignements par des Maliens courageux.

 

J'ai fait aussi monter en première ligne dans la vallée d'Ametettaï une équipe avec des hauts-parleurs. Je leur passais des messages pour qu'ils se rendent. Bon, on n'a pas eu une foule de gens. Beaucoup ont fui par le sud mais les enfants soldats n'ont pas résisté.

 

L'armée malienne

 

" Nous avons eu très souvent des FAMA avec nous. On les mettait en tête et je peux vous dire qu'ils fonçaient. Des généraux nous disaient qu'au contact des Français, ils étaient galvanisés. On a souvent une mauvaise perception mais il n'y a pas que des bataillons formés par l'Union européenne dans l'armée malienne. "

 

Les forces africaines

 

" Je n'ai pas trouvé que la force africaine se soit constituée lentement. Fin mars, début avril, la MISMA devenue MINUSMA a commencé à nous remplacer. Les Tchadiens ont été très courageux dans le nord avec une tactique de rezzou. On entendait à la radio les jihadistes. Nous c'était " les chiens " ; les Tchadiens, c'était " les mouches ". Ça résume. "

 

La suite

 

" La guerre n'est pas finie, on le sait. Les attentats récents à Tombouctou ou Kidal ne sont pas des surprises. Les jihadistes ont pris une raclée mais il reste des éléments qui vont tenter de mener des combats asymétriques à forte résonance médiatique. C'est pour ça que la France va laisser une force de réaction rapide, que la force africaine est déployée et que l'Europe mène la formation de bataillons maliens. Il y a encore des explosions et il y en aura encore mais ça n'a rien à voir avec une zone complètement coupée. "

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 21:55
FOB Interview : Pierre Bayle sur la réforme de la DICoD (1ère partie)

Pierre Bayle et son nouvel adjoint, le général Barrera, qui a commandé l’opération Serval au Mali (photo prise le 13 juillet dernier quand le président malien l’a décoré du Mérite malien)

 

16.09.2013 Par Guillaume Belan (FOB)

 

Pierre Bayle, ancien journaliste (AFP, TTU), a ensuite embrassé une carrière dans la communication défense: au Ministère de la Défense où il a été à l’origine de la création de la DICOD (Délégation à l’information et à la communication de la défense) puis dans le secteur industriel (MBDA, EADS) avant d’être nommé à la tête de la communication du Ministère de la Défense (relire l’article de FOB sur sa bio et sa nomination) il y a quelques mois. En pleine période de restructuration et sur fond de crise des médias traditionnels, Pierre Bayle revient pour FOB sur sa nomination et la conduite de la restructuration de son service.

 

Dans quel état avez-vous trouvé la communication de la défense à votre arrivée ?

 

Beaucoup a déjà été fait et beaucoup reste à faire : la DICOD est jeune, elle a été créée en 1998 et a réussi sa montée en puissance comme organisme porte-parole du ministère de la défense. Il reste à renforcer son rôle de coordinateur de l’ensemble de la communication des armées et services de la défense, un rôle bien prévu dans son principe par le décret créant cet organisme mais inégalement appliqué depuis, c’est ce qu’ont constaté de manière convergente deux audits réalisés avant mon arrivée, un audit externe et un audit interne fait par le Contrôle général des armées.

 

Avec quel état d’esprit et quels objectifs avez-vous repris les rênes de la DICOD ?

 

J’ai reçu du ministre qui m’a accordé sa confiance en me nommant à ce poste une mission très ambitieuse : mettre en œuvre dans le périmètre de la communication les principes de modernisation et simplification qui s’imposent à l’ensemble des structures centrales du ministère. C’est un défi auquel j’ai été préparé par l’expérience de trois fusions et restructurations dans le secteur de l’entreprise industrielle privée (Aerospatiale Matra, EADS et MBDA).

 

Vous avez lancé un plan de réforme de la communication du Ministère de la Défense, quels en sont les objectifs et les mesures ?

 

L’objectif qualitatif est la professionnalisation de l’ensemble de l’outil de communication ; l’objectif quantitatif est de réussir une densification spectaculaire des équipes ; le moyen de cette réforme est la fixation d’un point d’étape commun qui s’insère au milieu du processus de transformation, l’aménagement à Balard courant 2015, un aménagement qui est donc à la fois un défi et une chance pour le changement. Dans l’immédiat, nous venons de mener à bien la première étape qui est la réorganisation de la DICOD elle-même, avec une nouvelle structure interne et de nouveaux chefs de département, et l’entrée en fonctions cette semaine d’un nouvel adjoint, le général Bernard Barrera, à peine revenu du Mali où il a commandé les forces terrestres de l’opération Serval.

 

Cette réforme prend place dans le cadre d’une réforme plus générale de la Défense, avec une contribution de votre Ministère au redressement des comptes publics. Concrètement en quoi la DICOD va-t-elle être concernée ? Des réductions d’effectifs notamment sont-ils prévus ?

 

La déflation est spectaculaire mais étalée dans le temps. L’ensemble des emplois permanents de la défense représentait plus de 1200 personnes en 2008, l’objectif  à atteindre au terme de la loi de programmation militaire est de 650 personnes. Cette réduction spectaculaire se fera avec un palier intermédiaire à Balard en 2015, car si des synergies nouvelles peuvent être dégagées d’ici 2015, en plus des efforts déjà réalisés entre 2008 et 2013, ce n’est qu’à partir d’une co-localisation des équipes sur un même plateau à Balard, qu’on pourra atteindre de véritables mutualisations.

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28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 11:45
photo EMA

photo EMA

 

28/5/13 LAURENT LARCHER, à TESSALIT - la-croix.com

 

Du 26 février au 4 mars, les Français engagés au Mali ont livré dans la vallée de l’Ametettai, dans l’Adrar des Ifoghas, la bataille la plus violente de leur intervention. Le commandant des forces terrestres de l’opération Serval, le général Barrera, a raconté à La Croix ce combat

 

Devant le poste de commandement encore debout du camp de Tessalit, un carré de 1 km sur 1 km balayé par le vent du désert et construit par l’armée américaine dans les années 2000 sur les flancs de l’Adrar des Ifoghas, dans l’extrême nord du Mali, le général Bernard Barrera dépose son quart de café sur le capot couvert de sable d’une P4 (jeep militaire). Un biscuit sec tiré de sa ration du jour, son pistolet automatique le long de son treillis, le commandant des forces terrestres de l’opération Serval goûte à ces quelques minutes de solitude et de calme dans les premières lueurs de l’aube.

 

De ce PC du bout du monde, cet homme a conduit la bataille la plus dure, la plus violente et la plus âpre de la campagne du Mali. Elle a été livrée à pied, chaque fantassin pouvant voir le visage de son ennemi, tuant au plus près celui qui voulait le tuer. Un combat à mort entre 1 200 soldats français au sol et des centaines de combattants d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) aguerris et déterminés à combattre au cri d’« Allah Akbar ».

 

La montagne aux mains des djihadistes

 

Cette lutte s’est déroulée dans un lieu particulièrement hostile, la vallée de l’Ametettai, un bassin lunaire de pierre et de sable de l’Adrar des Ifoghas. Aqmi avait sanctuarisé tout le massif, construit dans la roche des positions de tir, investi des grottes naturelles, occupé les puits d’eau, chassé les habitants. Les djihadistes étaient les maîtres de la montagne.

 

 « Jusqu’au 19 février, la libération du Mali du Nord s’était déroulée sans accrocs, se souvient le général français. Nous avons libéré Gao le 26 janvier, Tombouctou le 28 janvier. Le 8 février, un premier escadron prend position à Tessalit (500 km au nord de Gao). Le 14, il est rejoint par un bataillon du 2e   REP, soit 600 parachutistes. Je les envoie aussitôt grenouiller dans le massif. Les Tchadiens arrivent de leur côté à Kidal, au sud-est de l’Adrar. Le 19 février, premier contact avec l’ennemi. Une embuscade violente. Le sergent-chef Harold Vormezeele du 2e   REP est tué. Les blindés sont engagés, ils tirent une trentaine d’obus. Mais l’ennemi ne cède pas. J’envoie deux hélicoptères Tigre pour mitrailler les défenses djihadistes. Les paras et les blindés maintiennent leurs positions pour bloquer la sortie de la vallée. » Ce 19 février marque un tournant : après avoir refusé le combat, les djihadistes sont résolus, désormais, à l’engager.

 

« Les phrases étaient courtes, les visages tendus »

 

Le 22 février, le corps expéditionnaire tchadien pénètre dans la vallée de l’Ametettai par l’est. Les djihadistes les attendaient. Les pertes des Tchadiens sont importantes : 26 tués et 70 blessés ! Le général Barrera suspend ses opérations le temps de les secourir. « Cela nous a pris deux jours pour évacuer les blessés, dit-il. Au même moment, je monte à Tessalit pour y prendre mes quartiers. Je ne le sais pas encore mais je vais y rester six semaines. Le 25 février, je réunis mes hommes pour leur dire qu’ils vont investir l’Ametettai afin de soulager nos amis tchadiens, qu’ils vont devoir combattre des hommes déterminés, disséminés dans des positions de défense, que nous allons subir des pertes et qu’il faudra continuer le combat. Les phrases étaient courtes, les visages tendus. Je nous donnais cinq à six jours pour prendre cette vallée : au-delà, nous dépassions nos résistances physiques. Il faisait plus de 50 °C, les hommes partaient en autonomie dans un milieu hostile et extrêmement compliqué pour le ravitaillement. À 1 750 km de Bamako, notre soutien logistique ne pouvait qu’être aérotransporté avant l’arrivée du premier convoi logistique à travers le désert. J’envoie environ 600 paras dans le nord de la vallée. Un mouvement tournant rapide dans lequel je mobilise tous les véhicules disponibles. »

 

Une lente progression

 

Les paras roulent une dizaine d’heures, de nuit, dans des camions de fortune, avant d’être lâchés sur le flanc nord de la vallée. « Le 25 février au soir, les ordres étaient donnés, les hommes engagés ; comme beaucoup de mes soldats, j’admirais le ciel d’Afrique parsemé d’étoiles et j’ai prié Dieu en silence ». Aussitôt arrivés, le 26 février, ils partent à pied vers le sud. À l’ouest, le 1er  Rima est chargé de pénétrer dans la vallée, en direction des Tchadiens. Ils sont appuyés par quatre mortiers de 120 mm et deux canons Caesar, tout juste arrivés de Gao. « Avec leur portée de 40 km et leur précision chirurgicale, je savais qu’ils nous seraient très utiles », lance le général.

 

Mais la progression du 1er  Rima est vite bloquée par les mines et le feu ennemi. Au nord, les paras avancent lentement. Ils font face à des djihadistes fanatisés. Blessés, ceux-ci continuent à se battre, chargent désespérément les soldats, se font tuer à bout portant. Des adolescents d’une quinzaine d’années, endoctrinés, sont faits prisonniers.

 

Pendant trois jours, les Français ne progressent pas. L’issue de la bataille de l’Ametettai est incertaine. Toutes les forces dont dispose le général Barrera à Tessalit sont engagées dans l’affrontement. Les blindés, les Caesar, les hélicoptères et les avions pilonnent la vallée. En deux jours, les Français tirent 250 obus de mortier. Le 27, ils n’en ont plus. Au même moment, un avion atterrit à Tessalit pour y débarquer des munitions. Elles sont aussitôt envoyées en première ligne, de nuit, par hélicoptère.

 

2 000 hommes, 800 obus, 40 000 balles

 

 « Cinq de mes gars ont été directement sauvés grâce à leur gilet pare-balles. D’autres ont eu beaucoup de chance, comme ce soldat qui a reçu une balle entre l’oreille et le casque. Cela ne pouvait pas durer. Il fallait que l’on débloque la situation. Ce 27 février, nous repérons une concentration de pick-up djihadistes au sud de la vallée. Il doit y avoir une quarantaine de terroristes. Je fais intervenir les Caesar et l’aviation. Ils leur font très mal, comme on peut l’entendre dans leur communication radio. Je demande au 1er  Rima d’avancer, de prendre encore plus de risques, de percer le verrou de l’Ametettai. Le temps presse. »

 

Simultanément, au centre de la vallée, les paras montent à l’assaut des lignes ennemies, s’emparent des puits d’eau, attaquent et asphyxient les djihadistes. Le caporal Cédric Charenton est mortellement blessé le 2 mars. « Le moral des djihadistes flanche : ils n’ont plus d’eau, plus de communications, plus de grands chefs. La vallée tombe le 3 et le 4 mars, le 1er Rima et les Tchadiens font leur jonction avec les paras. Nous avions brisé la colonne vertébrale d’Aqmi. Il nous a fallu encore cinq semaines pour explorer tout l’Adrar des Ifoghas. Mais le combat le plus dur venait d’être livré. Nous n’avions pas connu de tels affrontements depuis la guerre d’Algérie. Nous avons tiré 800 obus, 40 000 balles, plusieurs dizaines de missiles anti­chars, de bombes avion, et mobilisé au plus fort de l’action 2 000 hommes à Tessalit. » Le bilan humain de cette bataille s’élèverait à deux tués et moins de 100 blessés côté Français, entre 200 et 300 morts côté djihadistes.

 

La vie reprend

 

 « Aujourd’hui, nous gardons environ 350 hommes à Tessalit. À cette heure, 150 sont en opération pour plusieurs jours dans la zone : ils marquent notre présence, rassurent la population, déminent le terrain. Nous avons encore du travail. Mais peu à peu, la vie reprend, les habitants retournent dans leurs villages. C’est un très bon signe pour l’avenir », conclut Bernard Barrera en regagnant son PC. Deux jours plus tard, le caporal-chef Stéphane Duval, engagé au nord de Tessalit, saute sur une mine posée par les djihadistes. Il est tué sur le coup. Deux de ses camarades sont grièvement blessés et rapatriés en France.

 

Tessalit and the Adrar des Ifoghas mountains source BBC

Tessalit and the Adrar des Ifoghas mountains source BBC

L’Adrar des Ifoghas, refuge et repaire

 

L’Adrar des Ifoghas est un massif montagneux situé dans le nord-est du Mali et le sud de l’Algérie. Il fait partie des principaux massifs montagneux du Sahara, avec l’Aïr, le Hoggar et le Tibesti. Il fait également partie de la zone d’évolution dénommée Azawad par les Touaregs.

 

La superficie du massif est de 250 000 km2  environ. La région est jonchée d’empilements granitiques sous la forme de blocs très érodés. Les vallées y sont larges et peu encaissées ; elles s’ouvrent à l’est sur la plaine du Tamesna, à l’ouest sur le fossé du Telemsi, au sud vers le bassin occidental de l’Azawagh et au nord sur le Tanezrouft.

 

Ce massif montagneux situé en plein cœur du Sahara accueille une importante population touarègue, les montagnes jouant dans le désert le rôle de « châteaux d’eau ». On y trouve de nombreuses gueltas (vastes cuvettes d’eau).

 

Les principales villes du massif ou de sa périphérie sont Kidal, chef-lieu de la 8e  région du Mali, Abeïbara, Aguel’hoc, Boughessa, Essouk et Tessalit.

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14 mai 2013 2 14 /05 /mai /2013 07:45
photo EMA

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09.05.2013 Propos recueillis par Frédéric Pons - V.A.

 

Entretien exclusif. Le patron de la brigade qui a reconquis le Mali, héritier d’une longue tradition d’officiers “africains” fait le point sur Serval et sur l’ennemi.

 

Pour son anniversaire, le 4 février, ses hommes lui ont offert une canne africaine traditionnelle, symbole du chef : « Elle représente le vieux, le malin, le futé. » Saint-cyrien de la promotion “Général-de-Monsabert” (1982-1985), trois fois projeté en opération en Afrique, patron, depuis 2011, de la 3e brigade mécanisée, à Clermont-Ferrand, dite “brigade Monsabert”, Bernard Barrera, 51 ans, était peut-être prédestiné à assurer le commandement de la brigade Serval, à la mener au feu et au succès, au coeur de l’Afrique (lire notre encadré). Héritière de la 3e division d’infanterie algérienne, créée en 1943 par le général de Monsabert, formée d’engagés métropolitains, de pieds-noirs et d’indigènes, la “3” est la division française la plus décorée de la Seconde Guerre mondiale. Les régiments de la brigade Monsabert chantent toujours les Africains. Ils portent l’insigne choisi par Monsabert : une petite Victoire romaine retrouvée à Constantine (Algérie) et trois croissants symbolisant son recrutement.

 

Officier chaleureux, père de quatre enfants, Bernard Barrera aura pourtant connu, dans les dernières années de la guerre froide, un début de carrière centré sur l’Europe, des camps d’Allemagne à ceux de Champagne. C’est au 92e régiment d’infanterie, déjà à Clermont-Ferrand, aujourd’hui fer de lance de sa brigade Serval, que la chance lui sourit enfin. Il y sert à deux reprises, dans les années 1990, projeté en Bosnie puis au Kosovo. Plus tard, chef de corps du 16e bataillon de chasseurs de Saarburg, en Allemagne, entre 2004 et 2006, il découvre l’Afrique, au Tchad puis en Côte d’Ivoire. Cette expérience opérationnelle lui permettra de décrocher trois citations. De 2009 à 2011, Bernard Barrera occupe un poste de confiance au cabinet militaire de François Fillon, alors premier ministre. Responsable du suivi des opérations extérieures et de la préparation des Conseils de défense, il y découvre les subtils rapports de force politico-militaires des échelons parisiens. Des enseignements qui lui auront été certainement utiles pour conduire au mieux sa chevauchée africaine.

 

Que retenez-vous de cette opération, depuis son déclenchement, le 11 janvier dernier ?

La mission de libération du Mali et de destruction d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a été remplie parce que nous avons mis en application tout ce que nous apprenons dans l’armée de terre, avec de nouveaux matériels, performants, comme le canon Caesar, le blindé d’infanterie VBCI et l’hélicoptère Tigre. Ces capacités et ces connaissances nous ont permis de réussir sur un théâtre bien différent de celui de ces dernières années.

 

Comment l’avez-vous fait ?

En conduisant un combat aéroterrestre, interarmes et interarmées, avec l’armée de l’air, sur deux fronts, dans un tempo rapide et avec une boucle décisionnelle courte, en jouant sur la mobilité, la surprise et la supériorité. Toutes les composantes ont été utiles. Nous y sommes arrivés, avec peu de pertes, grâce à nos vingt ans d’opérations extérieures, nos vingt années de maturité professionnelle.

 

Mais n’est-ce pas une guerre africaine comme les autres ?

C’est une guerre en Afrique, mais pas une guerre africaine. Nous combattons des terroristes, ce qui est très différent.

 

En quoi ?

On a retrouvé le même ennemi qu’en Afghanistan. On connaît bien son savoir-faire terroriste. Cet ennemi pose des bombes, utilise des kamikazes, frappe sur les arrières, recrute des enfants-soldats.

 

Les appuis (canons, avions, hélicoptères) n’ont-ils pas été suremployés ?

On aurait pu ne pas les utiliser. On y serait peut-être arrivé de la même façon, mais ce n’est pas sûr. L’ennemi nous attendait sur un terrain défensif qui nous était très défavorable. L’utilisation de ces appuis a permis de sauver des vies humaines, notamment chez les fantassins et les cavaliers, qui ont dû s’emparer de force des lignes de résistance successives. L’artillerie, les blindés et les hélicoptères de combat, en particulier, ont permis la destruction des défenses terroristes. On a pu franchir ces lignes grâce au travail des sapeurs, qui ont déminé le terrain.

 

La tactique des djihadistes vous a-t-elle surpris ?

Ils ont accepté le combat dans la vallée de l’Amettetaï, dans l’adrar des Ifoghas, alors qu’ils fuyaient depuis un mois, irrattrapables. Leur but était en réalité de nous arrêter et de nous faire subir des pertes importantes sur un terrain qu’ils connaissaient bien, aménagé avec des réserves d’eau et de munitions, alors que nous, nous étions en limite logistique.

 

Que cherchaient-ils ?

Ils voulaient obtenir une victoire médiatique en nous bloquant dans cette vallée. Il était donc indispensable de la prendre en moins d’une semaine pour pouvoir casser Aqmi et ne pas risquer de défaite.

 

L’adrar des Ifoghas est-il sous contrôle ?

À l’heure actuelle, oui. L’ennemi a été détruit. Il n’est plus dans la zone des adrars et des vallées. Il n’y a plus personne. On y retourne régulièrement. On les survole souvent. Cette zone est sous contrôle, d’autant qu’on y mène des actions conjointes avec les forces tchadiennes.

 

Est-ce aussi le cas pour Gao, où le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) a régné en maître jusqu’en janvier ?

Nous y avons conduit plusieurs interventions successives et nous continuons à le faire. C’est peut-être moins visible, car c’est un terrain plus dense, avec une population autochtone plus marquée. Le Mujao n’a pas la même physionomie qu’Aqmi.

 

Est-il la principale menace ?

Je ne dirais pas menace. L’ennemi a subi une très forte attrition. On en a détruit une grosse partie. À l’heure actuelle, l’ennemi évite le contact. Il n’y a plus de grosses résistances.

 

La montée en puissance de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma) vous donne-t-elle satisfaction ?

Pour l’instant, cette montée est effective. Nos postes de Ménaka, Tombouctou, Gao ont été confiés aux forces nigériennes, burkinabés et maliennes, bien sûr. Cela nous permet de retirer nos unités des postes pour nous concentrer sur notre propre désengagement et sur la poursuite des opérations dans tout le secteur.

 

 

 

  

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