05.11.2013 par Olivier Berger, grand reporter à La Voix du Nord – Défense Globale
La dissolution en 2014, annoncée le 31 octobre du 110e RI, basé à Donaueschingen en Allemagne, pose quelques questions, bien au-delà de l'aspect comptable des choses. Deux régiments d'infanterie doivent passer à la trappe dans la période 2014-2019 (lire ici une déclaration explicite du chef d'état-major de l'armée de terre), le premier a été choisi. A la veille des élections municipales, il est évidemment plus aisé de supprimer un régiment installé dans le Bade-Wurtemberg.
Pour autant, doit-on faire une croix de fer sur la brigade franco-allemande ? Au-delà du symbole fort de l'amitié entre deux peuples, elle pourrait servir de terrain d'expérimentation pour mettre en œuvre un embryon de défense commune voire européenne...
On peut sourire à l'évocation, c'est votre droit. Mais à l'époque des mutualisations et des efforts budgétaires, il ne serait peut-être pas idiot de repenser à la coopération militaire entre la France et l'Allemagne, surtout l'année du cinquantenaire du traité de l'Elysée. Dissoudre un régiment, après avoir fait défiler la brigade franco-allemande (BFA) sur les Champs-Elysées le 14 juillet, relève déjà du manque de tact.
Il faut compenser. Ce sera sûrement un des sujets de discussion entre le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, et son homologue allemand, Thomas de Maizière, qui dîneront ensemble à l'hôtel de Brienne ce jeudi 7 novembre. Ce dernier a " regretté la décision française " de dissoudre le 110e RI mais il a ajouté que la BFA est " une expression visible de la sécurité et de la responsabilité militaire pour la sécurité et la défense européennes ". Des mots qui ont un sens même si la brigade ne brille pas par son engagement en dehors du Kosovo et de l'Afghanistan en 2004...
Certes, la France est un pays de tradition de " l'action militaire ", tandis que l'Allemagne garde une réserve très forte, née de l'après Seconde Guerre mondiale. L'accord préalable de toute action extérieure par le Bundestag est l'exemple le plus frappant de nos différences fondamentales. Les accords de Lancaster House de 2010 entre la France et le Royaume-Uni rapprochent des nations aux philosophies militaires voisines.
Initiative franco-allemande au Conseil européen
Seulement, on annonce une initiative franco-allemande au Conseil européen de décembre consacré à la Défense. Les discussions avancent sur la constitution d'une force de réaction rapide, de battlegroups avec des perspectives nouvelles sur l'engagement, sur la mise en place de normes communes et sur la mutualisation de capacités et d'équipements. Un travail qui s'annonce lent et délicat mais pertinent si on veut bien regarder un peu plus loin que le bout de sa Minimi.
La France s'est d'ailleurs bien gardée de ne pas sacrifier totalement la BFA avec la suppression du 110e RI. Elle conserve son contingent basé à Mullheim au sein de l'état-major et du bataillon de commandement et de soutien (environ 600 personnes). Elle remplacera au sein de la BFA un régiment d'infanterie qui pourrait être le 1er RI de Sarrebourg ou le 152e RI de Colmar (l'heureux élu restera en France).
Pour l'heure, on peut difficilement affirmer comme Jean-Yves Le Drian que la décision " n'entame en rien le plein engagement de la France au sein de la BFA ". Le remplaçant du 110e RI aura des " capacités d'actions supérieures ".
Mais si la volonté politique existe, la brigade franco-allemande peut servir de terrain d'expérimentation, devenir le bras armé d'une politique étrangère commune (la prudence allemande tempérant l'activisme français et vice-versa). Oui, là aussi, vous pouvez sourire. On est loin du compte si on se souvient des grimaces d'Angela Merkel au moment de l'opération en Libye.
Mais rien n'empêche d'y travailler sérieusement, de suivre cette piste encore un peu nébuleuse. D'ailleurs au sein des accords qui régissent la BFA, d'autres nations peuvent intégrer son état-major. De là à parler de défense européenne, il reste des années de tractations et surtout des mentalités à changer...