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21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 16:55
Bob Maloubier photo L. Bessodes -Marine Nationale

Bob Maloubier photo L. Bessodes -Marine Nationale

 
 

Ancien agent secret, résistant, parachutiste, créateur des nageurs de combat… Robert Maloubier, dit « Bob », a eu non pas une, mais plusieurs vies bien remplies. En hommage à cette figure exceptionnelle qui vient de nous quitter, retrouvez le portrait qui lui avait été consacré dans Armées d’Aujourd’hui (n°392, septembre 2014).

 

Au service de la Couronne britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, puis dans les services français, Robert Maloubier, dit Bob, a mis son expérience à profit pour créer les nageurs de combat. À 91 ans, il continue de prendre la plume pour raconter ses aventures.

  
Avec sa moustache de hussard, ses traits d’esprit so british et sa voix gutturale, Bob Maloubier fait les questions et les réponses. Rien d’étonnant pour cet ancien agent secret. Malgré sa démarche fatiguée et son souffle court, sa mise est soignée. Robert, dit « Bob », a fait de sa vie un roman. Et bien avant de prendre lui-même la plume pour publier ses mémoires de guerre, il est déjà le plus célèbre des espions français. Résistant, saboteur, parachutiste, nageur de combat : « J’ai été un peu tout ça à la suite, en fonction des circonstances », confirme-t-il sobrement.

D’abord au service de la couronne britannique au sein du fameux Special Operations Executive créé par Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale, puis au Sdece, le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (devenu DGSE en 1982), ce « tonton flingueur » a bâti sa réputation d’intrépide : tantôt touché par une balle allemande en plein poumon, tantôt sautant en parachute vêtu d’un complet. « Un trompe-la-mort », « un gentleman », évoquent ses proches. On oscille entre légende assumée et réalité sublime. Cultivant les paradoxes et une certaine irrévérence, Bob Maloubier se flatte d’avoir connu la reine d’Angleterre, mais ne cache pas non plus ses amitiés avec un certain Bob Denard. À 91 ans, il collectionne autant les fausses identités que les décorations. Il est détenteur de la prestigieuse Distinguished Service Order qu’une poignée de Français seulement se sont vus remettre. Mais de toutes ses distinctions, c’est celle du brevet des nageurs de combat, qu'il a contribué à créer, dont Bob Maloubier est particulièrement fier. « L’idée m’est venue en 1949. J’écrivais des comptes rendus pour les services secrets sur des opérations de débarquement. À l’époque, nous n’avions pas de nageurs de combat, or l’expérience de la guerre a largement prouvé leur efficacité, notamment pour dégager les obstacles avant les manœuvres. J’ai donc écrit une lettre au président du Conseil, dont mon service dépendait, sans trop me faire d’illusion. » Et pourtant, il est entendu. C’est ainsi que le capitaine Maloubier est envoyé s’instruire l’année suivante à Portsmouth, au Special Boat Service. Il fera deux séjours chez les Royal Marines.

 

« Au début, nous n’avions ni combinaisons, ni palmes : nous nagions en survêtements. »

Puis la nouvelle école de formation française s’installe dans une commune algérienne proche d’Oran en 1952. Pour cette mission, Bob Maloubier est secondé par un jeune enseigne de vaisseau, Claude Riffaud. Bâtiment précaire, équipement sommaire, les débuts sont chaotiques : « Nous n’avions ni combinaisons, ni palmes. Nous nagions en survêtements, se souvient-il. La première promotion était composée de quatre commandos marine et de quatre sous-officiers du 11e Choc [bras armé du SDECE, NDLR]. Très vite, la source s’est tarie. Et l’armée française nous a envoyé tout ce qu’elle comptait de bancales, d’aveugles et de paralytiques. Pour les premières sélections, nous n’avons pas retenu une seule personne. » Dans L’Espion aux pieds palmés, publié en 2013, le premier des nageurs raconte : « Tout ce qu’il nous passe par la tête, nous le mettons à l’épreuve. Nous n’observons qu’une seule règle, mais inconditionnelle celle-là : nous n’exigeons de nos hommes rien que nous n’ayons expérimenté les premiers. »

Le cours est aujourd’hui l'une des formations les plus exigeantes du podium militaire. Et pour cause, le nageur de combat est le seul combattant formé à intervenir à partir de tous les vecteurs, qu’ils soient terrestres, aériens ou maritimes. À plus de 8 000 mètres d’altitude ou à 60 mètres sous l’eau, on les retrouve au service action de la DGSE ou chez les commandos marine Hubert. Soixante-deux ans après la création de cette unité d’élite, seuls 1 000 nageurs de combat ont obtenu l’insigne aux deux hippocampes ailés. Une histoire dont Bob Maloubier est l’un des illustres auteurs. Il semble d’ailleurs que le temps n’ait pas de prise sur cet homme : « Ce qui me maintient en forme ? Je ne connais pas de meilleure discipline sportive que la guerre. »       

 

Bob Maloubier en 7 dates

1923 : Naissance à Neuilly-sur-Seine

1943 : Recruté à Londres par le Special Operations Executive

1945 : Reçoit la Distinguished Service Order  britannique

1947 : Participe à la création du service action du Sdece (aujourd’hui DGSE)

1952 : Crée l’unité des nageurs de combat

2014 : Publie Les secrets du Jour J (éd. La Boétie)

2015 : Publie La Vie secrète de Sir Dansey, maître-espion (éd. Albin Michel

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21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 16:55
Bob Maloubier photo L. Bessodes -Marine Nationale

Bob Maloubier photo L. Bessodes -Marine Nationale

Le Français Bob Maloubier a fait partie du SOE, l'armée secrète de Churchill chargée de missions de sabotages dans l'Europe occupée.

 

21.04.2015 Par Eric Albert (Londres, correspondance) Le Monde.fr

 

Robert « Bob » Maloubier est mort lundi 20 avril dans un hôpital parisien, à l'âge de 92 ans, après une vie à parcourir le monde et à monter des coups tordus pour le compte des services secrets français, puis de la compagnie pétrolière Elf.

 

C'était en août 1943. Le jeune Bob, neuilly-pontain bien sous tous abords, saute sur Louviers. Agé de tout juste 20 ans, il arrive avec une mission essentielle, que Winston Churchill a résumé quelques années auparavant d'une phrase-slogan : « Mettez l'Europe à feu ! »

Bob ne travaille pas pour De Gaulle et son BCRA (Bureau central de renseignements et d'action). Comme il le raconte dans son autobiographie, Agent secret de Churchill (Tallandier, 2011), il a été recruté par les Britanniques, à Alger où il était arrivé l'année précédente en voulant rejoindre Londres. Il appartient à l'ultraconfidentiel Special Operations Executive (SOE), le « bébé » de Churchill, en charge de l'action « subversive ». Face à l'Europe défaite, le Vieux Lion a imaginé d'envoyer sur le terrain des agents pour mener une guérilla de l'intérieur, à coup d'attentats et de lutte « asymétrique » comme on dit aujourd'hui. Dans chaque pays occupé, il envoie des petites équipes de trois personnes – un spécialiste des explosifs, un chargé des liaisons radio, un chef de groupe – qui ont pour mission de faire dérailler les trains, sauter les ponts, détruire les usines…

Pendant la seconde guerre mondiale, 13 000 personnes travailleront pour le SOE. Seule une minorité sont des agents sur le terrain, le reste travaillant en soutien depuis l'Angleterre. La section française comptera environ 350 agents. Bob Maloubier était l'un des deux derniers encore en vie.

En cet été 1943, le Débarquement se prépare, tout le monde le sait. Où et quand, rien n'est sûr, mais il faut affaiblir les fortifications du mur de l'Atlantique mis en place par Rommel. Bob reçoit par radio clandestine le nom des cibles industrielles qu'il doit viser : une usine qui fabrique des pièces de train d'atterrissage d'avions, une autre qui fournit en électricité la zone industrielle de Rouen, et – son plus beau coup – un navire ravitailleur de sous-marins au Havre. « J'ai fourni l'explosif à un de mes gars, qui travaillait au port. Il l'a mis dans la soute. Le lendemain, on ne voyait plus que le drapeau du navire qui sortait de l'eau ! »

 

Sauvé de la mort par le gel

Pendant cinq mois, Bob Maloubier tisse son réseau en France. Une longévité exceptionnelle, alors que la durée de vie moyenne des agents du SOE en mission est de six semaines. Ça ne pouvait pas durer. Dans la nuit du 20 décembre 1943, en route sur sa Mobylette, Bob tombe sur une voiture de la Wehrmacht. Capturé, il parvient à s'échapper, mais il est touché d'une balle qui lui transperce foie et poumon. Crachant le sang, haletant, il s'enfuit à toutes jambes, traverse un canal pour échapper aux chiens et s'écroule dans un champ. Dehors, il fait moins 10 degrés.

 « Ce jour-là, je suis mort. » Ou plutôt il serait mort d'une hémorragie par un temps normal. Mais le froid arrête le saignement. « Je me suis réveillé le lendemain, une gaine de glace autour de moi. » Il se traîne jusqu'à un médecin, qui le soigne comme il peut. Quelques mois plus tard, il est remis d'aplomb, et parvient à rentrer à Londres. Pendant que les agents du SOE mettent « l'Europe à feu », les services secrets de Sa Majesté travaillent depuis l'Angleterre à un autre plan, essentiel au succès du Débarquement : Fortitude. C'est le nom de code d'une gigantesque opération de désinformation, pour faire croire aux Allemands que le Débarquement aura lieu ailleurs qu'en Normandie. Au nord, l'objectif est de faire gober à l'ennemi qu'en Ecosse, une quatrième armée britannique – qui n'existe pas – est prête à attaquer par la Norvège. Au sud-est de l'Angleterre, il s'agit d'inventer la First United States Army Group (Fusag), qui préparerait une offensive dans le Pas-de-Calais.

 

Arabel, l'agent double venu d'espagne

Dans son livre paru en mai 2014, Les Secrets du jour J. L'Opération Fortitude ou comment Churchill mystifia Hitler (éditions La Boétie), Bob Maloubier raconte comment un improbable petit Espagnol va jouer un rôle décisif dans son succès. Quelle mouche a donc piqué Juan Pujol Garcia ? Scandalisé par la victoire d'Hitler, opposé à la dictature de Franco, il se présente un jour de 1941 à l'ambassade de Grande-Bretagne à Madrid, proposant d'être espion. On lui rit au nez, ne sachant d'où sort cet olibrius. Il se dit qu'il aura peut-être plus de chance d'être accepté s'il devient… agent allemand dans un premier temps.

Il y parvient, retourne voir les Alliés, leur propose d'être agent double. Nouveau rejet, jusqu'à ce qu'un Américain s'intéresse de près à cet étrange Juan Pujol Garcia et convainque ses homologues britanniques de l'utilisation qui peut en être faite. Enfin arrivé en Grande-Bretagne, et sous contrôle étroit, Arabel – son nom de code – envoie de multiples messages aux Allemands, s'invente un réseau et des collaborateurs, complètement fictifs. De temps à autre, il donne des informations correctes, pour gagner leur confiance.

Quand arrive le Débarquement, tout est en place : la guerre d'usure du SOE d'un côté, celle de désinformation des agents doubles de l'autre. Le 6 juin, Arabel – avec l'approbation directe de Churchill – tente un coup de maître : dès 3 heures du matin, il envoie un message avertissant d'un important débarquement sur les plages de Normandie. Son bureau de liaison en Espagne étant fermé la nuit, les officiers sur place ne recevront l'information que bien trop tard. Mais leur confiance en Arabel est désormais complète.

 

Faire sauter deux ponts par nuit

Deux jours plus tard, ils sont donc prêts à le croire quand celui ci leur révèle que le vrai Débarquement aura lieu dans le Pas-de-Calais. « L'offensive actuelle est un piège… Ne lançons pas toutes nos réserves… », avertit-il par radio. Le haut-commandement allemand ordonne immédiatement aux unités parties en renfort vers la Normandie de faire demi-tour.

Parallèlement, le 7 juin, Bob Maloubier et son équipage s'envolent d'Angleterre. Destination : le Limousin. Objectif : saboter la remontée de la redoutable division Das Reich, qui part à la rescousse vers la Normandie. A raison de deux ponts par nuit, Bob ralentit leur progression. « Je faisais sauter les ponts la nuit. Le lendemain, une locomotive blindée des Allemands venait, ils réparaient, se retiraient… et je recommençais la nuit d'après. » Au total, Das Reich prendra quinze jours de retard.

Entre les renforts allemands bloqués dans le Pas-de-Calais et ceux immobilisés par les embuscades du SOE, les troupes alliées ont bénéficié d'un répit inestimable. Point commun dans cette bataille : Winston Churchill, et son goût des coups tordus.

Pourtant, en France, l'existence du SOE a longtemps été passée sous silence. De Gaulle ne voulait pas en entendre parler : après la guerre, il a tout fait pour en taire les exploits. La Résistance se devait d'être exclusivement française. Le livre de référence de l'historien Michael Foot sur le SOE, publié en 1966, ne sera traduit en français… qu'en 2008 (Des Anglais dans la Résistance. Le SOE en France, 1940-1944, préfacé par Jean Louis Crémieux Brilhac, Tallandier, 2011, 2e éd.). Et soixante-dix ans plus tard, Bob Maloubier savait qu'il serait invité aux cérémonies de commémorations… par les Britanniques, pas par les Français.

Lire le récit : La bataille de Normandie en neuf points

 

Cet article est tiré du hors-série du Monde « 1944. Débarquements, résistances, libérations ».

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19 mars 2014 3 19 /03 /mars /2014 16:55
Web-série : À l’école des nageurs de combat

 

19 Mars 2014 Marine nationale

 

Depuis 1957 l’école de plongée de la Marine à Saint Mandrier (Var) forme les candidats nageurs de combat. Cette année, le 1000ème nageur sera breveté. Exceptionnellement, l’école nous a ouvert ses portes pour les 7 mois du cours et nos équipes ont suivi l‘apprentissage physique et intellectuel de ces futurs membres des commandos marine ou agents de la DGSE.  Navigation, démolition, génie sous-marin, plongée profonde, secourisme… tout au long du cours, l’élève peut être éliminé à l’issue de chaque phase pour résultats insuffisants. Dans les dix épisodes que compte la série, nous avons choisi de vous dévoiler les coulisses de cette formation des forces spéciales, de la sélection des candidats à la remise des brevets en juillet prochain. Retenez votre souffle !

 

Bonus : entretien avec Bob Maloubier, « l’espion aux pieds palmés »

 

Bob Maloubier est sans doute le plus célèbre des espions français. L’homme qui collectionne les fausses identités et les décorations a été successivement résistant, saboteur, parachutiste et nageur de combat. En janvier 1952, il fonde l’unité des nageurs de combat dans une commune d’Algérie proche d’Oran. A propos de la création de l’unité, il écrit dans son dernier ouvrage  L’espion aux pieds palmés* : « Tout ce qu’il nous passe par la tête nous le mettons à l’épreuve. Nous n’observons qu’une seule règle mais inconditionnelle celle-là : nous n’exigeons de nos hommes rien que nous n’ayons expérimenté en les premiers ». Entretien avec le premier des nageurs de combat.

 

* L’espion aux pieds palmés

Bob Maloubier, Éditions du Rocher

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