18-07-2014 Par Vincent Lamigeon
Même si le conditionnel s'impose encore, il est probable que des séparatistes ukrainiens détenant ce missile russe de défense antiaérienne soient à l'origine de la catastrophe du vol MH17.
C’est désormais une quasi-certitude : le vol MH17 de Malaysia Airlines a bien été abattu par un missile sol-air de conception russe. Selon le Wall Street Journal, les services de renseignement américains ont également confirmé, grâce à des analyses satellites, un tir de missile dans cette zone ultra-surveillée par les forces de l’OTAN. Les satellites peuvent identifier le tir d’un engin grâce à un détecteur infrarouge, et les suivre ensuite grâce à un système radar. L’étendue de la zone de débris cadre bien également avec un appareil détruit en plein vol.
Quel missile a pu détruire l’avion ? Une chose est sûre : l’appareil n’a pas pu être atteint par un système de type manpads (Man-portable air-defense systems), comme les fameux Stinger utilisés par les moudjahidines en Afghanistan contre les hélicoptères soviétiques, avec un succès certain. "Ces armements ne peuvent atteindre des cibles au-delà de 4.000 mètres d’altitude", explique un industriel des missiles à Challenges. Le 777-200 n’a donc pu être touché que par un système sol-air de défense antiaérienne sophistiqué. Le SA-17, de conception russe, apparaît comme le principal suspect aux yeux des spécialistes.
Une portée de 45 kilomètres
Aussi appelé Buk M2, le SA-17 est une arme redoutable. D’une portée de 45km, il peut atteindre une cible à 25.000 mètres d’altitude, ce qui lui permet de toucher aisément un appareil civil en altitude de croisière (33.000 pieds pour le MH17, soit 10.000 mètres). Sa vitesse -plus de Mach 3- ne laisse aucune chance à un avion civil. "Un chasseur pourrait détecter et tenter d’éviter le missile, grâce à des contremesures et des manœuvres d’évitement, explique un expert. Un avion civil ne peut pas savoir qu’il est verrouillé, et n’a pas les capacités de s’échapper." L’équipage d’un avion civil ciblé par un tel système n’aurait même probablement pas le temps de voir le missile, qui arrive par-dessous ou par derrière.
Dans le détail, à l’image des autres armements sol-air (l’Aster de MBDA, ou le Patriot de l’américain Raytheon) le système SA-17 consiste en trois équipements distincts: un radar, d’une portée de 120km, qui détecte la cible; un centre de commandement, qui réceptionne l’information et prend la décision d’engager la cible; et une batterie de quatre missiles, montée sur un châssis chenillé, d’où une grande mobilité du système. "Après détection de la cible, un radar de poursuite permet de calculer sa trajectoire, et le missile se guide en phase finale grâce à son autodirecteur électromagnétique", explique un industriel des missiles. La fiabilité est estimée à 90%, chiffre sujet à caution vu le flou qui entoure traditionnellement les performances des missiles.
Le scénario de la confusion ne tient pas
Plusieurs informations publiées sur Twitter, non vérifiées, font état de système SA-17 récupérés par les séparatistes pro-russes, certaines photos les montrant même dans un environnement urbain. Mais ces combattants ont-ils les compétences techniques pour utiliser cet armement sophistiqué ? "La manipulation d’un Buk n’est pas à la portée du premier pied nickelé venu, souligne un spécialiste. Il faut des opérateurs formés par une armée régulière." Les tireurs pourraient ainsi être des anciens de l’armée ukrainienne passés du côté des séparatistes, ou des pro-russes formés par l’armée russe elle-même. Il convient tout de même d’être extrêmement prudent en l’absence de sources fiables.
L’avion de Malaysia Airlines a-t-il pu être confondu avec un appareil militaire? Un spécialiste du secteur interrogé par Challenges n’y croit pas une seconde, assurant que le tir est "très probablement volontaire". "Un 777 n’a pas la signature radar d’un Antonov", assure-t-il. D’autre part, les avions sont équipés de transpondeurs qui permettent de les identifier. Même le grand public peut savoir quel type d’avion passe au-dessus de lui, grâce à des sites comme FlightRadar24, qui ont suivi le MH17 jusqu’au crash.
Autre hypothèse possible
Certains spécialistes évoquent un tir qui aurait pu être décidé par les seuls opérateurs de la rampe de lancement. "Dans un engagement normal, les trois équipements du système [radar, centre de commandement, rampes de lancement] opèrent ensemble, comme un système d’armes intégré, et l’équipage du centre de commandement a une bonne vision de l’activité aérienne du secteur, écrit Doug Richardson, spécialiste chez IHS Jane's Missiles&Rockets. Cependant, un lanceur Buk peut aussi opérer en solitaire, et engager une cible présente dans son champ radar."
Le système a alors une capacité d’identification limitée. "Bien qu’il ait son propre système d’identification «ami ou ennemi», celui-ci est seulement capable d’établir si la cible est un appareil allié, explique Doug Richardson. C’est l’équivalent électronique d’une sentinelle qui demande: «Qui va là ?». Faute de réponse, tout ce que vous savez est que la cible n’est pas un de vos avions de combat. Le système ne vous avertit pas que vous ciblez un avion de ligne."