03/07/2013 Vincent Lamigeon, grand reporter à Challenges - Supersonique
Tous fliqués par la NSA ? C’est bien l’impression qui prévaut après les révélations de l’informaticien Edward Snowden et les révélations du Guardian et du Spiegel sur les écoutes de l’UE, de la France et de l’Italie par les services américains. La France peut-elle lutter ? A cette échelle – la NSA aurait un budget de 10 milliards de dollars, la DGSE, malgré son rôle plus large, se contente de 650 millions d’euros – la réponse est clairement non. Ce qui n’empêche pas Paris de disposer d’un arsenal relativement complet de moyens d’écoutes.
De quoi parle-t-on ? Le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) consiste en l’exploitation de communications utilisant des ondes : téléphone, mail, échanges internet etc. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont été précurseurs en la matière, quand la France misait traditionnellement plus sur le renseignement d’origine humaine (ROU). La DGSE, convertie sur le tard dans les années 80, mais aussi la direction du renseignement militaire (DRM), tentent actuellement de rattraper leur retard sur les immenses capacités de la National Security Agency (NSA) américaine, ou du Government Communications Headquarters britannique (GCHQ). Voici les moyens français.
Les stations d’écoute françaises (DGSE, DRM, DCRI, armées)
Afficher Stations d'écoute françaises sur une carte plus grande
Impossible, par définition, de savoir leur nombre et la situation exacte de chacune d’entre elles. Mais en se basant sur des sources ouvertes, donc sujettes à caution, on peut avoir une idée du dispositif, résumé sur la Google Map ci-dessus, concoctée par votre serviteur : un grand centre à Domme, en Dordogne, auquel France 3 consacrait ce reportage il y a quelques années, et plusieurs autres sites en métropole, outre-mer (Kourou, Nouvelle-Calédonie, Mayotte…), et dans un certain nombre de bases françaises à l’étranger.
Le Transall Gabriel
Deux avions de transports C-160 Transall ont été transformés à la fin des années 80 en avions destinés au renseignement d'origine électromagnétique (ROEM). Ces deux C-160G "Gabriel", rénovés en 2009 et 2011, permettent l'inteception, l'analyse et le décodage des signaux captés.
L'escadron électronique aéroporté "Dunkerque" est basé sur la base aérienne 105 d'Evreux depuis l'été 2011. Les missions des Transall Gabriel avaient longtemps été confiées aux Noratlas 2501.
Le Dupuy-de-Lôme, bâtiment collecteur de renseignement
C’est l’un des fleurons de la Royale. Un bâtiment de plus de 100 mètres de long, tout blanc, équipés de deux impressionnants radômes et d’une énorme antenne d’écoute. Le Dupuy-de-Lôme, conçu par Thales, est le navire collecteur de renseignements des forces françaises, travaillant pour la Direction du renseignement militaire (DRM). Il a succédé au Bougainville, qui était un navire de transport modifié pour servir au renseignement. Le gros avantage de ce navire, c’est qu’il peut se poster à loisir dans les eaux internationales à proximité des zones surveillées. Le site Mer et Marine indiquait en 2005 que « l’ensemble des données recueillies [sont] traitées et analysées en salles d’opérations par 78 spécialistes civilset militaires, issus de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air, avec panachage des services suivant les missions. »
(photo Marine nationale)
De Cerise et Clémentine à CERES, les satellites-espions
Les deux satellites Cerise et Clémentine avaient ouvert la voie aux satellites d’écoute militaire dans les années 90. Près de vingt ans plus tard, la France dispose d’une grappe de quatre satellites d’environ 150kg, lancé fin 2011 par une fusée –russe…- Soyouz. Ce système dit Elisa, conçu par Astrium et Thales Sytèmes Aéroportés, sert de démonstrateur technologique pour le futur système satellitaire CERES, prévu d’ici à 2020, qui pourra « localiser et identifier des signaux émis par les systèmes adverses notamment pour cartographier les centres de télécommunications et les radars dans les zones de crise », et « déterminer l’architecture des réseaux de communication adverses », selon la Direction générale de l’armement (DGA).
Avec cet équipement, dont le ministère de la défense a confirmé le caractère prioritaire dans la foulée du Livre blanc, la France rejoindrait le club très fermé des puissances dotées d’une capacité d’écoute spatiale, aux côtés des Etats-Unis et de la Russie, et peut-être de la Chine.
(photo © CNES/PHOTON/REGY Michel, 2009)
La surveillance d'internet par la DGSE
Le Monde l'évoquait le 12 juin : la DGSE « examine, chaque jour, le flux du trafic internet entre la France et l'étranger en dehors de tout cadre légal.» Le quotidien évoquait un service «doté de moyens techniques très puissants qui sont, notamment, hébergés dans le sous-sol du siège de la DGSE, boulevard Mortier à Paris ». L'ancien patron de la DGSE évoquait déjà ce système devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale le 20 février : « A la suite des préconisations du Livre blanc de 2008, nous avons pu développer un important dispositif d'interception des flux internet », assurait-il sans fard.
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