La fin de la production du C-17 est aussi la fin d’une époque au cœur de la Californie. – photo Boeing
21 octobre 2013 par Pierre Sparaco – Aerobuzz.fr
Ces jours-ci, Boeing livre à l’Air Mobility Command de l’USAF le 223e et dernier quadriréacteur de transport stratégique C-17 Globemaster III. D’ultimes exemplaires en seront livrés dans les prochains mois à des acheteurs étrangers et la chaîne d’assemblage final sera ensuite définitivement arrêtée, mettant un terme à un volet emblématique des activités des usines de Long Beach, nées Douglas et passées chez Boeing en 1997.
Faute de programme susceptible de prendre la relève, 3 000 personnes occupées à l’assemblage du C-17 vont perdre leur travail, quelques-unes étant néanmoins mutées vers d’autres unités du groupe. L’intense campagne de lobbying affirmant que l’USAF pouvait justifier un nombre accru de C-17 n’a pas ému les décideurs politiques, malgré un slogan qui avait le mérite de la simplicité : « Why we need more C-17s ». L’Air Mobility Command devra donc se contenter des C-17 livrés et de Lockheed C-5M remotorisés pour assurer des capacités de projection de grande ampleur. Et, en cas d’urgence extrême, le Pentagone fera appel aux compagnies aériennes civiles dont la flotte peut être réquisitionnée à tout moment.
La fin de la production du C-17 constitue tout un symbole dans la mesure où il s’agit de la fin d’une époque au cœur de la Californie. C’est là, en effet, que s’était développé Douglas, à Santa Monica puis à Long Beach, qu’avait grandi North American Aviation (à El Segundo), que Lockheed avait installé la chaîne d’assemblage du L-1011 TriStar (à Palmdale). Et, avant cela, qu’étaient nés des avions historiques, par exemple le Ryan Spirit of St. Louis de Charles Lindbergh.
Bien sûr, la vocation aérospatiale californienne ne s’éteint pas pour autant, un groupement professionnel réunissant encore non moins de 220 membres, pour la plupart des PME mais aussi des sociétés emblématiques comme Scaled Composites qui met au point l’avion spatial de Virgin Galactic. En revanche, plus aucun avion de transport civil ou militaire n’y sera produit.
C’est vainement que Douglas, puis Boeing, avaient tenté de susciter un intérêt pour un dérivé civil du C-17, appelé BC-17X. Le marché potentiel avait été estimé tout au plus à une trentaine d’exemplaires et aurait pu intéresser, notamment, FedEx et UPS. Mais le projet n’eut pas de suite.
Le C-17 conserve l’image d’un avion mythique, synthèse de technologies de pointe liées, par exemple, au démonstrateur YC-15 à décollage court. D’où la capacité du gros quadriréacteur d’une masse maximale au décollage de 263 tonnes de décoller en moins de 1 000 mètres. La proposition de Douglas, dans le cadre du programme C-X, avait été choisie par l’USAF en 1981, le premier vol était intervenu 10 ans plus tard et la première livraison à la mi-1993. La production a connu un pic à 15 exemplaires par an, est ensuite retombée à 11, reste actuellement de 10 pour répondre aux ultimes commandes étrangères (34 exemplaires au total) passées par le Royaume-Uni, le Canada, l’Inde, le Qatar, les Emirats arabes unis et l’OTAN, dans ce dernier cas pour concrétiser le principe de ce qu’il est convenu d’appeler la Strategic Airlift Capability.
Dans un contexte budgétaire qui n’a évidemment plus rien de comparable avec celui qui a prévalu tout au long de la Guerre Froide, on peut d’ores et déjà s’interroger sur la succession du C-17, à décider dans moins de 20 ans. On imagine difficilement le développement d’un avion entièrement nouveau et, à cette époque, en toute logique, le Boeing 747-8 ne sera plus produit. Des perspectives faites d’incertitudes qui ne tarderont sans doute pas à préoccuper les responsables de l’Air Mobility Command.
La production actuelle du C-17 est réduite à 10 unités par mois pour répondre aux ultimes commandes étrangères. – photo Boeing
On entend dire que Boeing, devançant les demandes du Pentagone, commencerait à réfléchir à la conception d’un cargo militaire plus petit que le C-17 mais plus gros que le Lockheed Martin C-130J, ce qui reviendrait en quelque sorte à réinventer l’A400M. Il est vrai que les Européens, à force d’évoquer les perspectives d’exportations de leur avion, pourraient bien donner des idées à leur concurrent. Mais, faut-il le souligner, il s’agit là d’idées à long terme…
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