Ve République oblige, le président – qui est également le chef des armées selon la Constitution – peut décider, seul, d’engager nos forces armées sur tel ou tel théâtre d’opération. Avec cet héritage gaulliste, si la France gagne bien sûr en efficacité – lui permettant d’intervenir en peu de temps –, les responsables politiques finissent par ne pas reconnaître que ces opérations constituent de véritables guerres.
750 blessés en Afghanistan
Et si les morts font l’objet d’hommages nationaux, les blessés, parfois graves, finissent pas être oubliés. Entre 2001 et 2012, sur 60 000 soldats engagés en Afghanistan, il y eut 88 morts, mais également… 750 blessés, dont 247 pour la seule année 2011. « La notion de reconnaissance est essentielle pour la réparation du soldat blessé, rappelle le colonel Thierry Maloux, de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre (CABAT). Les jeunes anciens combattants blessés ont pourtant encore du mal à dire qu’ils ont perdu leur jambe en Afghanistan. Car la société n’est pas forcément prête à l’entendre ».
D’autant que ces dernières années, les soldats français ont dû faire face à la multiplication des « IED » – pour « engins explosifs improvisés », les bombes artisanales laissées ici ou là, le long des routes – qui sont souvent la cause de blessures très profondes au niveau des bras ou des jambes. « Avec l’amélioration des protections, notamment les gilets par balles plus performants, il n’y a plus de blessures au thorax. Mais les IED provoquent des blessures complexes et il faut parfois amputer longtemps après, si des complications surgissent », nous explique le colonel Maloux. Et si ce dernier note une amélioration dans le suivi de ces blessés de guerre par l’institution militaire, il regrette qu’en France les médias se désintéressent généralement des blessés. « Pour autant, si la société française semble moins patriote qu’aux Etats-Unis, la protection sociale des anciens combattants y est beaucoup plus performante, et notre accompagnement se fait sur le long terme, tient-il à nuancer. Outre-Atlantique, il n’est pas rare de voir un ancien soldat faire la manche dans le métro. Cela ne choque personne ».
« Les nouveaux matériels ont sauvé la vie de nos hommes »
Depuis le début de l’intervention au Mali, il y eut 8 morts et une quarantaine de blessés (avec 4 000 hommes engagés lors des premiers mois). Mais le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd, si la hiérarchie militaire – et notamment le chef d’Etat major de l’armée de terre, le général Bertrand Ract Madoux – n’avait pas exigé l’envoi sur place de matériel moderne, alors que les forces pré-positionnées en Afrique disposent de vieux équipements. En ces temps de disette budgétaire, cet élément est loin d’être anodin. « Les nouveaux matériels ont fait la différence. Ils ont sauvé la vie de nos hommes face à des forces ennemies particulièrement redoutables, malgré notre supériorité sur le papier », reconnaît un haut gradé.
Selon nos informations, l’utilisation de quatre canons Caesar et de trente-quatre véhicules blindés nouvelle génération VBCI (Véhicule blindé de combat d’infanterie) ont permis aux hommes de 92ème régiment d’infanterie de prendre l’ascendant lors de plusieurs combats rapprochés. Et d’échapper au pire. Ainsi, lors d’une embuscade début mars, 45 combattants terroristes ont pris par surprise une centaine de soldats français, et l’utilisation d’un canon Caesar a permis de réagir immédiatement. « Avec un ancien matériel, il aurait fallu faire des tirs de réglage et il y aurait pu avoir des morts du côté français », remarque un spécialiste de la Défense. Autre épisode, dans la vallée de Mujao, une compagnie du 92ème régiment a subi quatre assauts de rebelles durant deux longues heures. « Au final, ça s’est presque terminé au corps à corps, mais on a eu zéro mort car les hommes disposaient de VBCI », nous explique un soldat.
Les semelles des rangers se décollent
Mais en dehors de ces matériels « nouvelle génération », les militaires français ont dû faire avec de (très) vieux équipements. « L’intervention au Mali tient du miracle. L’élastique était tendu à l’extrême. Et les matériels anciens ont vraiment souffert », confirme un haut gradé. Exemple avec les avions pour ravitailler les hommes en eau. Chaque jour, il était en effet nécessaire d’acheminer 10 litres d’eau par soldat. A raison de 2 000 soldats engagés autour de Gao et 2000 autres autour de Tessalit, ce sont près de 20 tonnes d’eau qu’il était nécessaire de déplacer jusqu’aux différentes zones de combat… Et malheureusement, les vieux avions dont disposait l’armée française ne pouvaient être remplis au maximum de leur capacité. D’où un va-et-vient incessant d’une cinquantaine de camions pour palier à ce manque logistique. « Nous n’avons pour autant jamais été freiné dans notre progression », tient à nuancer un gradé. De même, il a fallu toute l’ingéniosité de la hiérarchie pour dispatcher les 27 hélicoptères disponibles – « C’est très peu. Les Américains en auraient mis plus d’une cinquantaine ! », regrette un soldat – entre trois zones de combats séparées chacune de… 500 kilomètres.