Aujourd'hui, l'armée américaine compte 10 types différents de camouflages, à motifs pixellisés ou à "rayures de tigre", à dominante verte, brune, voire bleue. Pour le Pentagone, cette source de multiplication des dépenses est inopportune en période de disette budgétaire.
21.11.2013 Le Monde.fr (AFP)
Conçus pour se fondre dans l'environnement, les camouflages d'uniforme sont devenus un moyen pour chaque service de l'armée américaine de se distinguer des autres, une coquetterie jugée bien coûteuse par le Congrès qui veut mettre fin à la gabegie.
Avant 2001, la situation était simple : tout le monde avait le même camouflage, à dominante verte pour les pays tempérés, couleur sable pour les zones désertiques. Mais à la faveur d'un budget en constante augmentation, marins, soldats, aviateurs et marines en ont profité pour afficher leurs particularisme au moment où le pays s'engageait dans deux conflits, en Afghanistan et en Irak. Aujourd'hui, l'armée américaine compte 10 types différents de camouflage, à motifs pixellisés ou à "rayures de tigre", à dominante verte, brune, voire bleue.
CAMOUFLAGE PIXELLISÉ
"Cela fait partie de l'esprit de corps. Après le 11-Septembre, les gens ont même commencé à porter leur uniforme camouflé au Pentagone", explique Larry Korb, du Center for American Progress. Un moyen pour ces militaires employés dans des bureaux de montrer qu'ils étaient eux aussi "sur le pied de guerre". Les marines, corps d'élite prompt à faire valoir sa différence, a été le premier à se distinguer dès 2002 avec un nouveau camouflage décliné en deux tons.
Hors des zones de combat, ordre est donné début novembre aux marines dans le monde entier de passer à la collection automne-hiver et de porter la version "terrain boisé" à dominante vert-brun. Début mars, la version sable fait son retour dans les rangs. Propriétaire de la licence, le corps interdit même aux autres services d'utiliser son uniforme et fait imprimer son logo lors de la fabrication du tissu pour s'en assurer. Au grand dam du Sénat, qui dans son projet de loi de financement de la défense pour 2014, actuellement en discussions, a inclus un amendement prévoyant "qu'aucun service n'interdit à un autre service d'utiliser un camouflage d'uniforme".
Le camouflage pixellisé de l'armée de terre, introduit en 2005, devait lui servir aussi bien dans les zones tempérées que désertiques. Mais il est vite apparu qu'il ne camouflait pas suffisamment, conduisant l'US Army à aller chercher en 2010 auprès d'une société privée un nouveau camouflage pour équiper ses soldats déployés en Afghanistan.
"DÉPASSEMENTS DE COÛTS"
Le reste de l'US Army, toujours équipé du camouflage pixellisé à dominante vert pâle et sable, a engagé des recherches pour trouver un nouveau camouflage. Le remplacement de l'uniforme actuel pourrait coûter 4 milliards de dollars sur cinq ans, pronostique un rapport du Government Accountability Office (le GAO), la cour des comptes américaine.
L'Air Force s'est elle aussi lancée en 2002 dans la recherche d'un nouveau type de camouflage pour aboutir cinq ans et 3,1 millions de dollars plus tard à un dessin dit à "rayures de tigre" aujourd'hui jugé totalement inefficace.
Quant à l'US Navy, c'est par un camouflage de bleu et de gris qu'elle s'est distinguée. L'habit n'est pas jugé assez résistant au feu, mais les mauvaises langues ironisent surtout sur le fait que le meilleur camouflage est celui qu'il apporte à un homme tombé à la mer...
Pour le Pentagone, cette source de multiplication des dépenses est inopportune en période de disette budgétaire. "Cela n'a rien à voir avec les dépassements de coûts du F-35 – qui se chiffrent en dizaines de milliards de dollars –, mais c'est quelque chose que toute personne normale considérerait comme de l'argent gaspillé", concède Larry Korb. Sénateurs comme élus de la Chambre des représentants veulent donc y mettre un terme.
Le projet de loi de financement présenté à la Chambre prévoit le retour à un uniforme commun le 1er octobre 2018. "Nous ne pouvons nous permettre d'avoir différents motifs de camouflage simplement pour marquer l'esprit de corps" de chaque service, dénonce l'élu démocrate William Enyart à l'origine de cet amendement. Le patron des marines, le général James Amos, a de son côté d'ores et déjà tonné devant les troupes qu'il n'avait "aucune intention de changer d'uniforme" et qu'il s'y accrocherait "comme un clochard à son sandwich".