Alors, les frappes? «Si on peut les éviter… Elles restent sur la table, mais leur probabilité est moins forte», ce qui signifie qu'elles ne sont plus d'actualité. En début de matinée, le chef de l'État a réuni un conseil de défense autour de Jean-Marc Ayrault, Laurent Fabius, Jean-Yves Le Drian, Manuel Valls et le patron des armées, l'amiral Édouard Guillaud. Devant cet aréopage, le président a fixé la ligne sur la proposition des Russes de mettre les armes chimiques de Damas sous contrôle: «Les prendre au mot et passer aux actes». Un conseiller décrypte: «Il faut explorer à fond l'accord des Syriens de renoncer à leurs armes chimique», en clair, tout mettre en œuvre pour aboutir à une résolution à l'ONU. C'est là que, pour une bonne part, la partie syrienne se jouera dans les jours à venir.
Projet français torpillé
Et sur ce terrain, la France a également dû en rabattre. Réagissant au quart de tour, la France a fait circuler, mardi à New York, un projet de résolution, sous chapitre VII. Un texte menaçant de sanctions le régime de Bachar s'il ne faisait pas sans délai la transparence sur son arsenal chimique. Quant aux auteurs des attaques aux gaz du 21 août près de Damas, ils devraient être traduits devant la justice internationale, ainsi que l'avait exigé Laurent Fabius.
Las, le projet français a immédiatement été torpillé par les Russes qui l'ont jugé «inacceptable». Des négociations se sont engagées, d'abord au sein du P3 (France, États-Unis, Grande-Bretagne), avec l'idée de les élargir aux autres membres du Conseil de sécurité. Le rapport des inspecteurs de l'ONU sur le bombardement chimique du mois d'août est attendu lundi. Mais personne ne se risque à fixer une échéance pour le vote. À New York aussi, le principe de réalité s'impose déjà. Le chapitre VII prévoyant la force? «Un objectif souhaitable», cisèle un diplomate. Chacun sait que toute notion de «sanctions» ou même de «pression» vis-à-vis de la Syrie donne de l'urticaire aux Russes. La justice internationale pour les assassins? «Pas si simple…» Que reste-t-il, dans ces conditions, de la fermeté française? À l'Élysée, on explique que le cœur de la résolution doit porter sur la possibilité pour l'ONU d'accéder aux stocks d'armes chimiques. Le délai de mise en œuvre se compterait «en petites semaines», indique-t-on. Mais quelle serait l'effectivité d'une résolution qui ne comporterait pas la menace de sanctions? Plus question de tester la mauvaise foi des Russes, quitte à provoquer de leur part un veto. La priorité serait plutôt de l'éviter.
Car une considération domine, ce dont on est bien conscient à Paris: «Obama va rechercher le compromis avec les Russes.» Bien sûr, renchérit-on aussitôt, «il faudra que ce soit un bon compromis». Sinon? «Sinon, c'est eux (les Américains et les Russes, NDLR) qui en porteront la responsabilité.» Pas de quoi, manifestement, faire ciller Obama. Et dire que, «jusqu'à la fin août, il disait, “the sooner the better” (le plus tôt sera le mieux), en parlant des frappes», lâche un diplomate avec une pointe de dépit.