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16 octobre 2013 3 16 /10 /octobre /2013 06:55
"Des défis difficiles" dès 2014 pour mettre en place la LPM (Chef d'état-major)

15/10 LesEchos.fr (AFP)

 

La mise en oeuvre de la Loi de programmation militaire (LPM) "nécessitera de relever des défis difficiles" dès 2014 et devrait se traduire par des "réductions temporaires de capacités", selon le chef d'état-major des armées (CEMA), l'amiral Edouard Guillaud.

 

Devant la Commission de la défense de l'Assemblée nationale, l'amiral Guillaud a souligné début octobre la "cohérence" du projet de LPM (2014-2019) qui traduit "la volonté de conserver des capacités aussi complètes que possibles", malgré les contraintes budgétaires.

 

"Cette cohérence est un point de satisfaction, mais elle ne préjuge pas des défis importants que nous aurons à relever", a-t-il déclaré, selon le compte-rendu de son audition mis en ligne mardi sur le site de l'Assemblée. La mise en oeuvre de la LPM sera, selon lui, "exigeante et nécessitera de relever des défis difficiles dès l'exécution de la loi de finances pour 2014".

 

La LPM doit être examinée lundi 21 octobre au Sénat, avant d'être présentée à l'Assemblée.

 

Avec 183,9 milliards d'euros de crédits affectés à la défense sur la période 2014-2019, la LPM traduit "un engagement fort de l'Etat" pour préserver un système de défense crédible, a affirmé l'amiral Guillaud.

 

Evoquant les crédits d'équipement, maintenus "à 16,1 milliards d'euros annuels en moyenne", il a toutefois souligné que de nombreux programmes seront touchés par des reports, des cadences de livraison revues à la baisse. "Nous nous trouvons donc en situation d'équilibre instable avec très vraisemblablement - ne nous leurrons pas - la perspective de réductions temporaires de capacités", a-t-il fait valoir, évoquant l'un de ses "principaux sujets de préoccupation".

 

Autre motif d'inquiétude, la réduction des effectifs, avec la suppression de 34.000 postes entre 2014 et 2019, et de la masse salariale constituent "un défi pour le ministère de la Défense et donc pour les armées", a fait valoir l'amiral Guillaud.

 

Il est, selon lui, essentiel que les ressources programmées soit garanties dans leur intégralité sur la durée de la LPM.

 

Au total, a-t-il conclu, la Loi de programmation et le projet de budget défense pour 2014 "reflètent le meilleur compromis possible, au regard de la situation économique et financière actuelle. Cette nouvelle LPM sera néanmoins particulièrement complexe à mettre en oeuvre, et ce dès l'année prochaine"

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14 octobre 2013 1 14 /10 /octobre /2013 06:55
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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 11:45
Corymbe : visite de l’inspection des armées

 

11/10/2013 Sources : EMA

 

Les 2 et 3 octobre 2013, au large du Sénégal, la frégate de surveillance (FS) Germinal a accueilli à son bord le général de corps aérien Lefebvre, inspecteur des armées (IDA).

 

L’IDA et sa délégation ont rejoint la frégate en mer, au large de Dakar, à bord de l’hélicoptère embarqué Alouette III. Lors de sa visite, le commandant du Germinal a présenté le bilan du mandat « Corymbe 121 » débuté le 31 juillet dernier et qui s’est achevé le 4 octobre.

 

Au cours du transit, l’équipage du bâtiment a présenté à la délégation les dispositions mises en place afin de mener une intervention en mer sur un bâtiment suspect et d’accueillir d’éventuels « retenus » à bord.

 

Après son accostage à Dakar, l’IDA et sa délégation ont rencontré l’ambassadeur de France, le commandant des éléments français au Sénégal (COMELEF) et le chef « Opérations » de la marine sénégalaise.

 

Enfin, au cours de sa visite, le GCA Lefebvre s’est entretenu, dans chacun de leurs carrés respectifs, avec les représentants des officiers, des officiers mariniers et de l’équipage. Ces tables rondes catégorielles ont été l’occasion d’échanges les plus libres entre les participants et l’Inspecteur des armées.

 

Les inspecteurs de l’IDA remplissent des missions d’étude, d’information et d’inspection en matière de doctrine générale d’emploi et d’organisation. En se rendant à bord du Germinal, l’IDA avait pour objectif de dresser un état des lieux précis du dispositif Corymbe et de la qualité des missions effectuées par les militaires français. L’inspecteur des armées (IDA) rend directement compte au chef d'état-major des armées (CEMA), qu’il assiste dans l'exercice de son pouvoir permanent d'inspection.

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30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 17:55
CEMA : Ouverture de la 21ème promotion de l’École de guerre

30/09/2013 Sources : EMA

 

Allocution de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, à l’occasion de l’ouverture de la 21ème promotion de l’Ecole de guerre.

 

Messieurs les officiers généraux,

 

Mesdames et messieurs les officiers, et stagiaires de la 21ème promotion de l’École de guerre,

 

Vous êtes ici parce que vous avez réussi un concours, et que vous avez choisi de vous préparer à exercer de plus hautes responsabilités. C’est un choix courageux, un chemin exigeant.

 

Je salue nos 109 camarades représentant 73 nations amies de la France. Votre présence au sein de la 21ème promotion est un atout pour chacun d’entre vous et une richesse pour notre École de guerre.

 

Quand vous quitterez cette école, vous participerez à la planification et à la conduite des opérations militaires, vous entretiendrez un outil de combat, vous contribuerez à la construction des capacités futures.

 

Vous avez déjà une première expérience de ces métiers, celle du chef de premier niveau, celle du traitant en état-major. Cette première expérience en tant que professionnel de votre armée est précieuse. Demain, elle ne sera plus suffisante.

 

On attendra de vous que vous abordiez les choses dans leur globalité et donc dans leur complexité, dans un cadre toujours interarmes, interarmées, interministériel et international.

 

C’est pour cela que l’École de guerre est une école de l’interarmées ouverte sur l’international.

 

Ce matin, je voudrais commencer par vous dire ce qu’est le chef d’état-major des armées françaises. Je voudrais ensuite partager avec vous les enseignements que je tire de nos engagements opérationnels, et ma vision des tendances qu’ils dessinent pour le futur. J’aborderai enfin les défis que les armées françaises devront relever.

 

***

 

En tant que chef d’état-major des armées et premier des militaires, le CEMA exerce ses responsabilités dans 3 domaines principaux.

 

Il est le conseiller militaire du gouvernement. Il donne les éléments d’appréciation et propose les options militaires au Président de la République, chef des armées. Évidemment, tout cela tient compte des contraintes de politique intérieure et de politique internationale, mais aussi des contraintes administratives et budgétaires, toutes contraintes qui interagissent continuellement. Ce dialogue permanent entre les plus hautes autorités politiques et militaires est ce qu’on appelle le « politico-militaire ».

 

Le CEMA assure le commandement des opérations militaires, directement sous les ordres du Président de la République. Ce commandement s’exerce sur tous nos moyens, nucléaires et conventionnels, sur le territoire national et en opération extérieure, que l’opération soit nationale ou multinationale.

 

Le ministre de la défense est responsable de l’emploi des forces ; il s’agit d’une responsabilité politique. Pour ma part, je suis responsable de l’emploi opérationnel des forces ; c’est une responsabilité militaire et professionnelle.

 

A l’heure où je vous parle, un peu plus de 8000 soldats, aviateurs et marins français sont en opération extérieure, en Afrique, au Moyen Orient, en Asie centrale et dans les Balkans. D’autres sont mobilisés 7 jours sur 7, dans les missions de dissuasion et pour la protection de nos concitoyens. D’autres sont en alerte, prêts à intervenir où et quand il le faudra. Enfin, d’autres sont prépositionnés à l’étranger, en Afrique, aux Moyen Orient, ce qui veut dire qu’ils sont en alerte ou en opération.

 

Au bilan, dans ce large registre des opérations, quelques 20 000 militaires des 3 armées, des directions et des services interarmées sont en permanence engagés directement sous mes ordres.

 

Enfin, le CEMA est responsable de la cohérence capacitaire, c’est-à-dire de l’aptitude de nos armées à opérer ensemble de manière combinée.

 

Un exemple ? Les opérations menées sur Brega, en Libye, en 2011, qui ont fait intervenir des sous-marins, des frégates, des hélicoptères de combat, des avions de patrouille maritime, des avions de chasse et leurs soutiens.

 

Cette aptitude à la combinaison interarmées, dans un environnement multinational, est ce que l’on appelle l’interopérabilité. C’est une exigence permanente, pour aujourd’hui et pour demain.

 

Elle concerne tous les niveaux de commandement et d’exécution, et tous les éléments qui constituent une capacité : l’équipement, la préparation des forces, mais aussi la doctrine et le soutien. Une capacité est donc un tout cohérent, un ensemble de « briques » permettant de remplir une mission – j’y reviendrai.

 

Ces grands domaines de responsabilité étant posés, je voudrais insister sur 3 points.

 

Premier point : l’existence, en France, d’un lien direct dans le domaine des opérations entre le CEMA et le Président de la République. Ce lien direct est véritablement une singularité.

 

Il garantit l’adéquation entre les objectifs politiques et leur traduction en effets militaires, et ce avec une réactivité que beaucoup nous envient.

 

Deux exemples récents : l’intervention de notre aviation au-dessus de Benghazi, en Libye, le 19 mars 2011 ; et celle de nos forces spéciales, de nos hélicoptères de combat et de nos chasseurs pour bloquer la progression des groupes terroristes vers le Sud malien, le 11 janvier 2013. A chaque fois, l’effet militaire a été appliqué quelques heures seulement après la décision politique. A chaque fois, cette réactivité a été décisive.

 

Deuxième point : le CEMA dispose des voies et des moyens nécessaires à la planification et à la conduite des opérations, du niveau stratégique au niveau tactique.

 

Le Centre de planification et de conduite des opérations de l’État-major des armées est au cœur du dispositif, auquel s’agrègent la Direction du renseignement militaire et le Commandement des opérations spéciales. Ils fonctionnent en symbiose avec les états-majors opérationnels de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine nationale.

 

Ainsi, le CPCO assure le commandement opérationnel de tous les moyens français engagés, mais aussi l’évaluation de la situation, la planification, et la tutelle logistique de toutes nos opérations.

 

Le CEMA s’appuie pour cela sur des capacités de renseignement complètes et autonomes, auxquelles contribue aussi la Direction générale de la sécurité extérieure. Ces capacités permettent une appréciation de situation et une prise de décision souveraines. C’est ainsi que nous avons été en mesure de connaître et de suivre le développement des groupes terroristes au Sahel depuis plusieurs années, puis de planifier l’opération Serval.

 

J’ajoute que les structures de commandement françaises sont certifiées aux normes de l’OTAN et de l’Union européenne, nous donnant ainsi un label pour le commandement d’une opération multinationale dans ces cadres, comme nous l’avons fait 2008 au Tchad lors de l’opération EUFOR-Tchad.

 

Troisième point : La conception et la construction des capacités, c’est-à-dire de toutes les briques nécessaires à la réalisation d’une mission.

 

Elles relèvent du niveau interarmées, parce que c’est à ce niveau que l’on agrège les capacités de chaque armée.

 

De plus en plus, la dimension internationale est recherchée, sous la forme de coopérations ou de mutualisations de moyens. Le programme A 400M et le commandement européen de l’aviation de transport en sont des exemples.

 

Dans tous les cas, la cohérence capacitaire s’envisage à deux niveaux, d’abord au sein de chaque armée, puis au niveau interarmées.

 

Prenons le cas de l’appui aérien. Il mobilise des chasseurs-bombardiers ou des hélicoptères de combat, mais aussi des moyens de coordination dans la troisième dimension, des avions ravitailleurs, des drones, des équipes de guidage, etc. On pense ici d’abord à l’armée de l’air et à l’aéronautique navale, mais les forces terrestres classiques ou spéciales sont également concernées. D’où la nécessité d’un arbitrage interarmées, pour fixer les normes d’interopérabilité et répartir les ressources au mieux, en fonction des besoins de chacun mais surtout des effets à obtenir sur le terrain.

 

Voilà ce que je tenais à vous dire de mes responsabilités.

 

***

 

Je voudrais maintenant vous parler des leçons que je tire de nos engagements, et des tendances que j’y discerne.

 

Nos engagements répondent à 4 caractéristiques.

 

La première d’entre elles – et la plus évidente – est leur diversité : diversité géographique, diversité des menaces, diversité du cadre d’intervention, diversité des objectifs recherchés.

 

Avec le développement de l’asymétrie, et l’émergence de nouveaux domaines de conflictualité comme l’espace et le cyberespace, les possibilités se diversifient encore.

 

Prendre en compte cette diversité nécessite des capacités réactives et polyvalentes, aptes à entrer en premier si nécessaire, à affronter tout type d’adversaire, quel que soit le milieu, et à couvrir tout type d’action.

 

Seconde caractéristique : la durée. Certaines opérations durent quelques jours, comme l’évacuation de ressortissants conduite à Beyrouth en 2006. D’autres durent quelques mois, comme la Libye, en 2011. La plupart durent plusieurs années, et parfois bien davantage : nous sommes au Liban depuis 1978, soit 35 ans, au Tchad depuis 1986, en Afghanistan depuis 2001.

 

Cette caractéristique est, pour les années qui viennent, celle qui sera le plus souvent remise en cause. En effet, tant les gouvernements que les opinions publiques font preuve d’impatience, aussi bien dans la vie de tous les jours que dans leur évaluation stratégique.

 

Le défi majeur pour nos dispositifs reste malgré tout celui de l’endurance. C’est aussi celui de la réversibilité, capacité à se désengager rapidement d’une crise.

 

Troisième caractéristique : la complexité des situations, parce que la plupart des conflits se développent au sein même des États. Souvent, on peut parler de guerre civile.

 

Il est difficile de discerner les acteurs, leurs mobiles, leurs ambitions réelles.

 

Les lignes de fracture politiques, ethniques et religieuses sont instrumentalisées depuis l’extérieur ; il s’agit de confrontations par procuration.

 

La résolution de ces crises nécessite alors de raisonner à l’échelle de la région, ce qui démultiplie les acteurs à prendre en compte et complique encore la compréhension des enjeux. En Afghanistan, au Mali, en Syrie, c’est ainsi qu’il faut appréhender les choses.

 

4ème caractéristique : Ces conflits intra-étatiques naissent de la pauvreté, du sous-développement et de la faillite des États, qui favorisent le développement du radicalisme et du terrorisme.

 

La solution militaire n’apporte qu’une partie de la réponse. Une approche globale est indispensable pour traiter les causes de ces conflits sur l’ensemble du spectre, en agissant dans 3 domaines : la sécurité, la gouvernance et le développement.

 

Cette approche, qui vise en fait la restauration des conditions d’une vie normale, est interministérielle – Interagency en anglais. C’est dans cet environnement que vous serez appelés à évoluer.

 

***

 

Quelles sont, dans ce contexte, les conditions nécessaires à l’intervention ?

 

De manière schématique, 3 conditions doivent être réunies : pour s’engager, il faut de la volonté, des capacités et de la légitimité.

 

Il faut la volonté d’intervenir et d’en assumer le prix !

 

Il est vrai qu’en période de crise, le poids des questions économiques et sociales tend à primer sur les questions de sécurité internationale.

 

Si l’intérêt d’un outil militaire en complément de la diplomatie est correctement perçu par l’autorité politique, il n’en demeure pas moins que son emploi reste conditionné par le temps médiatique et les contraintes de la politique intérieure.

 

C’est une difficulté supplémentaire pour le commandement militaire, que d’appliquer ce vieux principe de la guerre de l’économie des moyens à un champ médiatique, voire politicien !

 

Mais la volonté d’intervenir ne suffit pas : il faut en avoir les moyens !

 

Aujourd’hui, nul n’est en mesure d’assumer seul la résolution d’une crise. La coalition est devenue incontournable, avec toutes les géométries imaginables.

 

Éventuellement adossée à une alliance ou à une organisation internationale, elle est le plus souvent montée de toutes pièces et intègre de plus en plus de partenaires. En Afghanistan, l’ISAF a compté jusqu’à 42 contributeurs !

 

Inévitablement, cette « Babel opérationnelle » met côte à côte des objectifs politiques et militaires différents, des cultures opérationnelles diverses, et des capacités militaires disparates.

 

Enfin, et c’est peut-être le critère primordial, l’intervention doit être légitime, au plan international, comme vis-à-vis des opinions et des électeurs.

 

La légitimité doit être incontestée, de l’amont à l’aval de l’intervention. C’est une vraie difficulté pour nos démocraties, aussi promptes à l’émotion qu’à la lassitude. C’est toujours un point de vulnérabilité, a fortiori pour les interventions multinationales.

 

En l’absence d’ennemi visible aux frontières, les opinions publiques sont de plus en plus sceptiques vis-à-vis des expéditions lointaines, surtout lorsque les enjeux et les résultats sont indirects.

 

Elles traversent aussi une crise de confiance vis-à-vis des autorités politiques et militaires avec, parfois, le sentiment d’une information manipulée au service de desseins cachés. La communication opérationnelle est un critère majeur de succès.

 

L’obtention et l’entretien de la légitimité supposent le respect du droit, et donc la maîtrise de la force, quelles que soient les circonstances. C’est une forme de paradoxe, face à des adversaires qui ne s’embarrassent pas de principes, mais c’est l’honneur des démocraties !

 

***

 

Au-delà de ces grands principes, quelles sont les tendances ?

 

La première est que les États-Unis ne souhaitent plus s’impliquer systématiquement en première place.

 

Ils ont tiré les leçons de leurs expériences afghane et irakienne, au premier rang desquelles les limites de l’emploi de la force, les limites d’une option uniquement militaire, ainsi que la difficulté et le coût de la reconstruction d’un État failli.

 

Face à l’émergence de la puissance chinoise, Washington regarde aujourd’hui davantage vers l’Asie et le Pacifique.

 

Concernant le lien transatlantique, les Américains appellent à un partage plus équilibré du fardeau pour la sécurité de notre continent, qui ne représente plus pour eux un enjeu primordial. Songez qu’aujourd’hui, un Américain dépense 4 fois plus pour sa défense qu’un Européen !

 

Ceci a des implications directes sur les opérations, en termes d’initiative politique, de leadership opérationnel et de capacités militaires. On l’a vu récemment en Libye et au Mali.

 

Deuxième tendance : Les Européens ne comprennent l’intervention extérieure qu’avec parcimonie et au cas par cas.

 

En Europe aussi, les engagements répétés des 20 dernières années ont laissé des traces, sans pour autant susciter de vision partagée des enjeux de sécurité.

 

De plus, face à la crise économique, qui entraîne une réduction généralisée des budgets de défense, la plupart des Européens misent toujours plus sur l’Alliance atlantique, qui a été construite pour faire face à l’Union des républiques socialistes soviétiques.

 

Ils fournissent volontiers des capacités de soutien, mais sont plus réticents à engager la force.

 

Le Sommet européen sur la défense européenne, au niveau des chefs d’État, en décembre, devrait – espérons-le – redonner un nouvel élan à la dynamique européenne !

 

Troisième tendance : l’affirmation nouvelle d’États et d’organisations régionales dans la résolution de crises relevant de leur sphère d’intérêt géographique, culturel ou religieux.

Je pense aux États du Golfe, en Libye et aujourd’hui en Syrie.

 

Je pense à l’Union africaine, à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et aux États de la région au Sahel. Le succès de la MINUSMA en témoigne.

 

***

 

Dans ce contexte géopolitique, les coalitions de demain seront d’abord des coalitions de circonstance.

 

Leur constitution sera un préalable. C’est déjà un premier défi !

 

Ce seront des coalitions à géométrie variable, qui intègreront ceux qui veulent et qui peuvent. Les alliances et organisations permanentes seront confortées dans leur rôle de boîte à outils, forum de dialogue et structure normative, plus que dans leur rôle structurel. C’est à mes yeux la première vertu de l’OTAN, au-delà évidemment de la défense collective.

 

Je suis par ailleurs convaincu que le rôle des acteurs locaux et régionaux sera accru.

 

Ce sont eux en effet qui sont les plus légitimes et donc les mieux à même de gagner une paix durable.

 

L’action internationale s’inscrira principalement en soutien des capacités dont ils disposent, pour leur fournir celles qui leur manquent. Je pense en particulier au renseignement, au commandement, à la logistique et aux appuis. C’est ainsi que la France procède au Mali, avec ses partenaires nord-américains et européens.

 

Il s’agira d’intervenir aussi rapidement que nécessaire, avec une empreinte minimale, constamment optimisée, puis de se désengager aussi vite que possible.

 

***

 

Après ce tour d’horizon géostratégique et des défis opérationnels à venir, je voudrais vous dire comment je vois l’évolution de nos armées pour les 15 prochaines années.

 

Dans le monde de la défense, on a un exercice régulier de prospective pour évaluer les risques, les menaces, les cadres d’intervention et les moyens nécessaires. C’est le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

 

Dans ce cadre, une Loi de programmation militaire décline cette analyse pour nos armées, en termes d’équipement, de personnel et de fonctionnement.

 

La France vient de conduire ces deux exercices, avec la publication d’un Livre blanc au printemps et la préparation d’une Loi de programmation militaire, qui devrait être votée par le Parlement avant la fin de l’année.

 

Dans le contexte de la crise économique, l’exercice est conduit sous forte contrainte budgétaire.

 

Que retenir ?

 

Les missions des armées françaises sont inchangées dans leurs grandes lignes, avec une stratégie militaire articulée autour de 3 grandes missions : la protection du territoire national et des Français, la dissuasion nucléaire et l’intervention extérieure.

 

Des priorités sont réaffirmées : le renseignement, la cyberdéfense.

 

Conséquence : à budget plus contraint, il a fallu faire des choix, réduire les formats et donc revoir les contrats opérationnels, en particulier ceux qui concernent l’intervention extérieure. Mais ces contrats d’intervention restent cohérents avec les missions et le volume de nos engagements passés et, surtout, de nos engagements probables.

 

Au bilan, nous devrions disposer en 2025 d’une armée au format plus réduit qu’aujourd’hui, mais d’une armée adaptée à nos ambitions, telles qu’elles ont été décrites par le Livre blanc.

 

Compte tenu du contexte économique difficile que nous traversons, les 190Md€ consacrés à la LPM 2014-2019 représentent un effort significatif, porté au plus haut niveau de l’État.

 

Ceci dit, le modèle décrit par la LPM présente 3 points de vigilance :

 

Le premier point de vigilance est budgétaire. L’enveloppe allouée est ambitieuse, mais elle repose en partie sur des ressources exceptionnelles. Cette fois-ci comme les précédentes, c’est le respect des budgets annuels au fur et à mesure qui conditionnera la victoire !

 

Deuxième point de vigilance : la déflation des ressources humaines. La LPM fixe l’objectif, 23 500 déflations supplémentaires, dont environ 1000 officiers par an. Ce sera compliqué, vu les efforts déjà réalisés ces dernières années. Inévitablement, il faudra restructurer, dissoudre des unités, fermer des bases.

 

Troisième point de vigilance : la relève des matériels anciens par ceux qui doivent les remplacer, sans discontinuité de service. Avec le report et la réduction de certains programmes, il faudra prolonger des matériels plus longtemps que prévu.

 

Comme pour la plupart des armées représentées ici, les années à venir seront difficiles pour les armées françaises. Il faudra de la combativité dans l’adversité, il faudra de l’imagination pour surmonter les obstacles. Il faudra de l’engagement !

 

***

 

Cet engagement, je l’attends de tous et puisque je suis ici devant vous, je l’attends de chacun d’entre vous !

 

Vous l’avez compris, cette année est d’abord pour vous celle de l’approche de la complexité.

 

Elle doit être avant tout l’occasion de dépasser le confort de ce que vous maîtrisez, de vous ouvrir sur le monde et de parfaire votre culture générale.

 

Vous êtes là pour réfléchir, pour apprendre et pour débattre !

 

Vous êtes là pour réfléchir.

 

Méfiez-vous des vérités toutes faites. Certaines seulement sont valides. Beaucoup trop sont l’alibi du dogmatisme, le paravent d’un conservatisme étriqué ! C’est un frein à l’innovation dont nous avons besoin : « Ce qui a toujours menacé la pensée militaire, c’est le dogmatisme dans la rationalité non appuyée par l’expérience », prévenait Raymond Aron, et c’était en 1975 !

 

Le « pragmatisme », dont on nous rebat les oreilles, doit être utilisé avec discernement. Pour beaucoup, il est le refuge de la paresse intellectuelle !

 

Ayez le souci de comprendre en profondeur, et donc de contextualiser. Ayez le souci de bâtir des analyses personnelles, circonstanciées, et donc de mettre en perspective.

 

Vous êtes là pour apprendre.

 

Vous devez viser des connaissances à la fois larges et précises. C’est cela qui vous permettra de vous forger des convictions étayées et de les défendre avec nuance. C’est ainsi et ainsi seulement que vous serez crédibles et respectés.

 

Prenez le temps de la lecture. Celle de l’actualité, bien sûr, mais en allant au-delà de l’écume des événements. Celle des grands auteurs qui vous permettront de mieux « comprendre la guerre », ses enjeux, ses mobiles, dans toutes leurs dimensions. Ne vous contentez pas de lire Clausewitz : lisez aussi bien Sun Tzu que Guibert, Mahan que Liddell Hart et Warden !

 

La stratégie et la géopolitique sont des disciplines primordiales, mais elles ne sont pas les seules. Etudiez aussi l’histoire militaire, l’économie, le droit des conflits. Toutes ces disciplines sont importantes pour le chef militaire !

 

Vous êtes ici pour débattre.

 

Pour débattre, et pas pour alimenter des polémiques fondées sur des rumeurs ou, pire, sur des préjugés ! Ayez le souci de l’exactitude de vos sources, de l’objectivité de vos raisonnements. Prenez du recul !

 

Cela doit vous permettre de vous méfier des bruits de coursive ! Il y a toujours un peu de vrai, mais souvent beaucoup de faux !

 

A ce propos, ne vous trompez pas de combat : l’avenir de votre armée, direction ou service ne se joue pas ici, en amphi Foch ! Vous êtes là pour promouvoir votre expertise, pas pour l’imposer. Les guerres de clocher, les corporatismes n’ont pas leur place, ni ici, ni ailleurs. Il n’y a qu’un combat qui vaille, celui que nous menons sur le terrain. Toutes les armées, toutes les directions, tous les services y ont leur place, parce que tous sont indispensables au succès !

 

Mesdames les messieurs les officiers stagiaires de la 21ème promotion de l’École de guerre, les solutions à nos défis sont bien largement hors de votre armée d’origine, hors de vos armées nationales. Si vous gardez cela continuellement en tête, alors vous tirerez le meilleur profit de votre année à l’Ecole de guerre !

 

Je vous remercie.

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26 septembre 2013 4 26 /09 /septembre /2013 16:55
Défense : le chef d'état-major des armées veut la peau du système Louvois

26/09/2013 Michel Cabirol – LaTribune.fr

 

L'amiral Edouard Guillaud ne veut plus travailler avec le système informatisé de paiement des soldes. Fin août, Louvois dépassait encore 50 % d'erreurs, selon le chef d'état-major des armées.

 

Quel gâchis... Plus de deux ans après sa mise en place, le système informatisé de paiement des soldes Louvois n'est toujours pas opérationnel, explique le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud. Et loin de là. "Fin août, on a dépassé 50 % d'erreurs !", a-t-il explosé devant la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. Et d'expliquer : "nous sommes sûrs que le calculateur lui-même - cœur du système - est déficient. Il y a un an, c'était encore une querelle d'experts. Maintenant, tout le monde est d'accord". Fermer le ban.

 

Et c'est donc sans surprise que l'amiral Guillaud recommande l'abandon pur et simple de Louvois, qui aura un énorme bug pour le ministère de la Défense. "Il faut faire quelque chose. Louvois coûte cher : on dépasse largement les 100 millions d'euros d'indus ! Un nouveau calculateur coûte plusieurs dizaines de millions d'euros, non budgétés", a-t-il estimé. Et d'affirmer que que l'acquisition d'un nouveau système se fera donc "sous enveloppe". C'est-à-dire au détriment d'autres programmes. Pour le coup, le ministère de la Défense est reparti pour une période de trois ans pour développer un nouveau système. "Je ne suis donc vraiment pas enthousiaste !", a-t-il expliqué.

 

Le secrétaire général pour l'administration est contre

 

En avril dernier, le secrétaire général pour l'administration (SGA), Jean-Paul Bodin, était contre quand les députés lui avaient posé la question sur un éventuel abandon du système Louvois. "Si on décidait de le faire, on ne pourrait pas avoir de nouveau système avant deux ou trois ans, ce qui nécessiterait, pendant la période intermédiaire, de continuer à utiliser le système actuel. De plus, cela aurait de lourdes conséquences en termes financiers et d'organisation : il faut donc par tous les moyens essayer de corriger le système actuel. S'il peut être consolidé, ce que la Direction générale des systèmes d'information et de communication pense possible, nous pourrons le conserver. Nous nous sommes donné encore quelques semaines pour prendre une décision sur ce point".

 

Entre 2010 et 2012, le ministère de la Défense a dépensé environ 40 millions d'euros, avant le plan d'intervention de 2012, en cours de mise en œuvre. "Ces dépenses sont prises en charge sur le budget opérationnel de programme (BOP) « systèmes d'information, d'administration et de gestion » au sein du programme 212, géré par le SGA", avait expliqué le SGA. Depuis le BOP rencontre actuellement "de grosses difficultés financières".

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 18:55
La Toge et l’Epée: politiques et militaires

septembre 20, 2013 par Stephane Taillat - alliancegeostrategique.org

 

L’objectif des auteurs n’est pas de juger le bien-fondé des nouvelles attributions du ministère de la défense et du chef d’état-major des armées (CEMA) explicitées par un nouveau décret paru au Journal officiel du 13 septembre. Sa publication a suscité l’émoi de la communauté de défense (ici sur Secret Défense, et là : une tribune de l’ancien CEMA Henri Bentégeat) ainsi que des pistes de réflexion (EGEA). Nous comprenons aisément qu’il puisse engendrer des débats, qu’il s’agit de ne pas évacuer, et alimenter un processus d’exaspération ou de peur.

 

Le contexte de réforme (civilianisation, repyramidage, restructurations, etc.) y est propice, et il serait d’ailleurs intéressant d’en éclairer quelques aspects. Mais la question est révélatrice d’autres enjeux plus structurels que conjoncturels que nous nous proposons de présenter brièvement ici. En premier lieu, la question de l’interaction entre sphères politiques et militaires. Et en second lieu, celle de la place de l’institution et de la société militaires dans le processus politique.

 

Recadrant les attributions du ministre de la défense et du chef d’état-major des armées (CEMA), ce texte modifie les dispositions suivantes :

  • concernant le ministre, il indique qu’« Il est responsable de la préparation et, sous réserve des dispositions particulières relatives à la dissuasion, de l’emploi des forces. […] Il fixe l’organisation des armées ainsi que des directions et services du ministère. Il établit la programmation des effectifs, des équipements et des infrastructures ». En outre, il traduit les directives du premier ministre « en ordres et instructions pour les autorités subordonnées ».
  • concernant le CEMA, il est précisé que « le chef d’état-major des armées assiste le ministre dans ses attributions relatives à l’emploi des forces. Il est responsable de l’emploi opérationnel des forces. […] Le chef d’état-major des armées assure le commandement des opérations militaires. Il est le conseiller militaire du Gouvernement ».

 

Sans rentrer dans les détails juridiques des responsabilités de chacun, une interprétation de ce texte est le renforcement du rôle du ministre de la défense et la subordination plus étroite du CEMA à sa personne, notamment dans la chaine de décision relative à l’emploi de la force, chaine qui est un des précieux avantages comparatifs de l’outil de Défense français vis-à-vis de ses alliés. En d’autres termes, les dispositions du décret semblent construire une chaîne décisionnelle politique plus cohérente et éloigner le CEMA du cœur de certaines décisions. Du reste, il s’agit d’une évolution entamée depuis plusieurs années déjà : la précédente version de l’article fixant les attributions du CEMA (en date du 25 novembre 2008, et modifié le 19 juillet 2009) stipulait en effet que celui-ci est « responsable de la préparation et de l’emploi des forces, de la cohérence capacitaire des opérations d’armement et des relations internationales militaires ». Simultanément à la traduction dans les textes de la montée en puissance des responsabilités du ministre et de ses grands adjoints civils dans les faits, on constate donc une relativisation de celles du CEMA par effet miroir.

 

Retour sur le primat du politique :

 

« La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». La formule clausewitzienne ne suggère pas seulement que la force armée puisse être un instrument de la raison politique, elle rappelle également que la guerre est traversée de dynamiques politiques, qu’elle en reflète les aspects les plus saillants, aussi bien entre les entités en conflit qu’en leur sein. Bien plus, la remarque de Clausewitz contient un aspect normatif : la sphère politique doit s’efforcer de contenir l’utilisation de la force afin qu’elle accomplisse les buts de guerre.

 

Le primat du politique découle donc à la fois de la nature de la guerre et de la soumission ultime de celle-ci aux fins politiques. Ce point est important car il suggère à la fois l’autonomie propre à la sphère militaire et le fait que la définition des buts politiques lui échappe.

 

On peut donc, en théorie, parler de deux sphères dont le dialogue est au cœur du processus de définition de la stratégie. Distinctes mais pas séparées, elles ne recouvrent pas tout à fait la distinction de statuts entre personnels civils et militaires. La sphère politique est celle où s’exerce la compétence politique (à qui reconnait-on la légitimité de prendre les décisions ?) tandis que la sphère militaire est caractérisée par l’expertise technique. Notons d’emblée que des militaires peuvent appartenir à la première sphère et que certains civils sont tout à fait légitimes à intervenir au sein de la seconde. Leur autonomie respective est toutefois théorique : il peut arriver qu’une décision politique découle d’une appréciation guidée par des considérations techniques. A l’inverse, la sphère politique peut s’ingérer dans la sphère militaire, que ce soit avec les programmes d’acquisition d’armement ou dans certains choix tactiques.

 

Plusieurs risques bien contemporains découlent de l’interpénétration indue dans la pratique de ces deux domaines. Les plus notables sont l’inversion des fins et des moyens d’une part, la micro-gestion d’autre part. Le premier cas intervient lorsque l’on considère qu’un ensemble de techniques ou de tactiques apporte une solution aux problèmes stratégiques sans considération des fins politiques. On le note par exemple dans les discours estimant que le succès d’une guerre de contre-insurrection dépend uniquement de la capacité d’une armée à adopter les « bonnes pratiques » sans tenir compte du contexte et de la dialectique propre à la guerre. Cette substitution du niveau tactique au niveau stratégique découle soit de la pression des militaires pour faire adopter leur stratégie, soit de l’absence de but clairement défini par le pouvoir politique. Le second cas s’observe lorsque le niveau politique, aidé en cela en partie par un ensemble de nouvelles technologies de communications, intervient directement pour dicter les orientations tactiques des techniciens sur la base d’une estimation généralement erronée de ce que peut ou non produire la force militaire.

 

Activité militaire et activité politique :

 

Toutefois, le problème posé par cette relation dialectique renvoie à la question de ce qui sépare, ou rapproche, l’activité militaire de l’activité politique. En d’autres termes, est-il justifié de s’en tenir à une approche qui opposerait systématiquement le technicien militaire au décideur civil ? Cette question a largement été débattue et analysée par les sociologues pour le cas américain et on trouvera une synthèse profitable dans les pages 72 à 97 du dernier ouvrage de Jean Joana ainsi que dans cet article  du même auteur.

 

Pour résumer, ce programme de recherche montre que le processus de professionnalisation des militaires – c’est-à-dire la création d’un corps d’officiers permanents et de procédures administrant leur recrutement, leurs carrières et leurs activités – ne conduit pas nécessairement à leur neutralité politique. Bien plus, elle leur donne des ressources matérielles, politiques et symboliques à exploiter leur permettant – et parfois les incitant – à promouvoir leurs opinions dans ce domaine. Il démontre également qu’on ne peut postuler une homogénéité de valeurs ou d’options stratégiques au sein de l’institution militaire, conclusion frappante dès lors que les observateurs se penchent avec acuité sur la diversité sociologique de cette institution. Enfin, il illustre dans certains cas le glissement de la défense de l’expertise militaire vers des logiques corporatistes.

 

Historiquement en effet, la concentration de l’activité guerrière au sein d’un segment de la société (cette spécialisation pouvant être caractérisée comme la « militarisation de la guerre ») pose le problème de la loyauté de ses membres. Le contrôle s’impose afin de garantir que l’autonomie de la sphère militaire ne débouchera pas sur l’indépendance de l’institution militaire voire sur la politisation ou l’intervention des militaires en politique. Or, ce contrôle a un coût. Menées principalement dans le cadre des forces armées américaines, ces recherches doivent être adaptées au cas français. La difficulté consiste donc à dénouer les tensions et possibles incompréhensions nées au début des années 1960 en France et accentuées par la perte progressive de culture politique au sein de la société militaire. Il n’en est pas de même aux Etats-Unis où les officiers masquent derrière leur apolitisme affiché une conception totalement différente de leur subordination aux décideurs. Interprétée de manière plus large qu’en France, celle-ci considère que la loyauté de l’institution (notamment à travers le rôle de conseil) s’adresse autant au pouvoir législatif  ou à l’opinion publique  qu’à la branche exécutive. D’où une plus grande aisance dans la prise de parole des militaires et l’expression de dissensions. Selon le politologue Peter Feaver – ancien membre du conseil national de sécurité de George W. Bush – les militaires tendraient à s’impliquer davantage dans les débats politiques. Baptisé « McMasterisme »  d’après la thèse du général Henry McMaster – selon qui l’enlisement au Vietnam serait dû à la trop grande réticence des chefs d’état major à s’opposer aux décisions de McNamara et de Johnson – ce phénomène renverrait à une attitude plus agressive et plus autonome des officiers quant à l’expression de leurs désaccords avec les décisions politiques (récemment encore sur la gestion de la crise syrienne par Obama ).

 

Nous comprenons qu’en France, où le contrôle politique étroit du corps des officiers s’est accompagné d’une interprétation très restrictive du devoir de réserve par les militaires eux-mêmes, il est plus malaisé de contester les décisions du pouvoir. En retour, sous la pression du contexte ou en fonction de la perception de l’environnement stratégique, ce dernier peut être tenté de resserrer son emprise sur l’institution et la sphère militaire.

 

Ainsi, la question de l’autonomie et de la spécificité de l’activité militaire  ne saurait se résumer à ma mise en œuvre du combat ni conduire à assimiler totalement haute fonction publique civile et hautes fonctions militaires.

 

La charnière politico-militaire :

Au fond, les rapports entre les deux sphères d’une part, entre activité politique et activité militaire d’autre part renvoient à un équilibre fragile. Celui qui prévaut entre la nécessité de contrôler l’utilisation de la force armée et la juste confiance donnée aux avis des spécialistes de cette dernière. Ce déséquilibre a probablement été accentué du fait de trois évolutions. En premier lieu, la fin de la conscription a produit un décalage susceptible d’influer sur les perceptions des militaires concernant les orientations des politiques de défense et la légitimité prêtée aux décideurs civils dans ce domaine (méconnaissances réelles ou construites). En second lieu, la disparition de menaces clairement identifiées a davantage souligné les dissensions quant à la perception du contexte stratégique. Certes, celles-ci s’expriment bien moins en France qu’aux Etats-Unis mais elles pourraient devenir un des coûts politiques découlant du contrôle des militaires. Enfin, la tendance du corps des officiers à vouloir se dégager des contingences politiques a créé un vide dans leurs relations avec les décideurs, notamment en entravant leurs capacités à se constituer en groupe de pression ou d’intérêts dont la présence serait admise sur la scène stratégique.

 

Ainsi, la question de la confiance et de la connaissance mutuelles est-elle cruciale. Si il est légitime que les décideurs politiques puissent interroger les logiques et le bien fondé des conseils émanant de la sphère militaire, on doit pouvoir supposer en retour une capacité des militaires à se faire entendre et à se faire comprendre. On le voit, le problème dépasse largement les considérations politiciennes, les rivalités bureaucratiques ou la question du contrôle des militaires en démocratie. Il présuppose donc un accès direct au plus haut niveau entre les autorités compétentes qui va au-delà d’un simple état-major particulier, nécessaire mais non suffisant. Il nécessite également de la part des décideurs politiques une connaissance approfondie des affaires stratégiques mais également des logiques profondes qui sous-tendent l’institution ET la société militaires.

 

Ce fait a très bien été étudié dans le domaine de l’économie industrielle à travers les différents dilemmes liés à la délégation de responsabilités par un principal à son agent. Une étude récente de Jacob Shapiro – politologue à Princeton – portant sur les organisations terroristes en illustre les ressorts, d’une manière qui peut servir d’analogie avec le contrôle démocratique de la sphère militaire. . Ces dilemmes s’expliquent par la cause même de la délégation : le fait que le principal ne maîtrise ni toutes les compétences, ni toutes les informations dont dispose son agent. De ce fait, le donneur d’ordre n’est jamais assuré de l’efficience de ses actions. Il peut également se faire que le résultat de l’action dépende d’un paramètre connu de l’agent mais pas du principal. Dans le cas d’organisations gérant la violence, on conçoit que s’ajoute le risque de la déloyauté, ou tout du moins la crainte liée à l’exagération de ce risque par le pouvoir politique. Dit autrement, le principal est confronté à un compromis sans cesse remis en cause entre la nécessité d’exercer un contrôle plus étroit sur son agent et celle de lui déléguer une partie sans cesse plus importante de ses responsabilités. Ce compromis a un coût et, dans le cas des organisations en charge de l’exécution du monopole de la violence légitime, peut s’avérer dangereux. Si on ne peut craindre en effet un coup d’état ou un interventionnisme excessif des militaires en politique, il y a tout de lieu de s’interroger sérieusement sur les conséquences d’un contrôle trop strict en termes d’efficacité ou de capacités.

 

On le voit, le mieux est souvent l’ennemi du bien. Si aucune solution simpliste ou universelle n’existe à ce problème du lien entre le pouvoir politique et la sphère militaire, c’est en raison de la nature même du lien qui les unit et de la spécialisation de l’activité guerrière. Là comme dans le reste de la vie sociale, c’est bien dans la confiance qu’est forgée une saine relation politico-militaire, et dans ce domaine les impressions comptent autant que la cause et l’action, et elles sont souvent réactualisées à chaque changement de personnalités.

 

Stéphane Taillat / En Vérité

Florent de Saint Victor / Mars Attaque

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 07:55
photo MinDef FR

photo MinDef FR

22 septembre 2013 Par Olivier Fourt - RFI

 

La chronique Défense de RFI aborde ce dimanche matin la question de la gouvernance au sein des armées françaises : un décret publié le 13 septembre vient renforcer les pouvoirs du ministre de la Défense face au chef d'état-major des armées.

OK DIFF 22/9 Chronique défense CEMA vs MIN DEF
(02:30)
 
 
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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 07:55
Défense : les responsabilités du ministre renforcées en matière d'emploi des forces

13/09/2013 L’Express.fr

 

PARIS, 13 sept 2013 - Le gouvernement a modifié par décret les attributions respectives du ministre de la Défense et du chef d'état-major des armées pour redonner "toute sa place au ministre" en matière d'emploi des forces armées.

 

Le décret paru jeudi au Journal officiel modifie plusieurs articles du code de la défense et porte notamment sur le rôle des chefs militaires au sein du ministère.

 

Adopté mercredi en Conseil des ministres, il "redonne toute sa place" au ministre "dans la chaîne des responsabilités politiques en matière d'emploi des forces armées et de renseignement extérieur et d'intérêt militaire", selon le compte-rendu du conseil.

 

Sans toucher aux prérogatives du chef de l'Etat, chef des armées, et du Premier ministre, le décret redéfinit les compétences du ministre et du chef d'état-major. "Le ministre est responsable de la préparation et, sous réserve des dispositions particulières relatives à la dissuasion, de l'emploi des forces", selon le texte paru au JO.

 

La responsabilité de l'emploi des forces relevait depuis juillet 2009 du chef d'état-major des armées (CEMA). Ce dernier "assiste" désormais le ministre "dans ses attributions relatives à l'emploi des forces".

 

Ce rééquilibrage s'ajoute à la réforme annoncée de l'organisation et de la gouvernance du ministère, qui limite notamment les attributions de l'état-major en matière financière et de ressources humaines.

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 16:55
Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian et le CEMA, Amiral Edouard Guilaud.

Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian et le CEMA, Amiral Edouard Guilaud.

16.09.2013 Par Nathalie Guibert – LeMonde.fr

 

Ce n'est pas le divorce, mais une sérieuse incompréhension s'installe entre les militaires et le pouvoir politique. L'exécutif a beau saluer le succès des opérations extérieures, Mali en tête, dans les coulisses, sa réforme des armées ne passe pas. Au coeur du différend : la réduction des prérogatives du chef d'état-major des armées (CEMA), au profit du ministre et de ses grands adjoints civils – le secrétaire général pour l'administration (SGA, patron des finances et des ressources humaines) et le délégué général pour l'armement (DGA, responsable des programmes d'équipement).

 

"Le ministre doit être maître chez lui", a résumé Jean-Yves Le Drian. La volonté de François Hollande de rééquilibrer les institutions justifie ce changement. La pratique des années Sarkozy pèse – bien au-delà des circuits courts que la Constitution crée entre le chef de l'Etat et son chef d'état-major, les ministres ont été ostensiblement "sortis de la boucle".

 

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15 septembre 2013 7 15 /09 /septembre /2013 19:55
général d'armée (2S) Henri Bentégeat, ancien chef d'état-major des armées

général d'armée (2S) Henri Bentégeat, ancien chef d'état-major des armées

Par le général d'armée (2S) Henri Bentégeat, ancien chef d'état-major des armées

 

(article paru dans le Figaro le 14/09/2013)

 

Afghanistan, Libye, Mali, Syrie peut-être demain, nos armées volent d’un engagement à un autre, heureuses et fières de servir, oubliant, dans l’ardeur des opérations,  les perspectives moroses de la loi de programmation militaire ; ignorant surtout la révolution silencieuse qui bouleverse l’organisation du ministère de la défense et pourrait, si l’on n’y prend garde, ébranler les fondements de l’institution militaire.

 
La place et le rôle des chefs militaires au sein de ce qui fut longtemps le ministère des armées ont été parfois contestés au cours des dernières décennies. La haute fonction publique, soutenue par les cabinets et le contrôle général des armées, a toujours lorgné vers les postes de responsabilité de ce ministère atypique. Le général Lagarde, il y a 30 ans déjà, disait aux stagiaires de l’Ecole de Guerre : «  on aurait tort de n’y voir qu’un conflit d’intérêts corporatistes. Ce sont deux visions qui s’affrontent : d’un coté, le notre, la subordination de toutes les activités à la préparation opérationnelle, de l’autre, celui des civils, le primat de la gestion budgétaire. Cette dernière approche peut séduire, car elle est plus perméable aux pressions politiques… ». Nous n’en crûmes pas un mot. Nous avions tort.                                            
 
La relève des généraux par des hauts-fonctionnaires à la tête d’institutions, comme le SGDN ou la DGSE, aurait pu nous alerter, mais le caractère interministériel de ces postes pouvait expliquer le changement de portage. Surtout, en parallèle, le développement de l’interarmisation recentrait les armées et le ministère sur leur raison d’être, la préparation et la conduite des opérations. La guerre du Golfe avait montré  l’urgente nécessité de dépasser les intérêts particuliers de chaque armée (Terre, Marine et Air ) en les subordonnant aux impératifs des opérations interarmées. Et, depuis vingt ans, nos engagements incessants dans les Balkans, en Afrique, au Moyen-Orient et en Afghanistan avaient progressivement donné une place centrale, au sein du ministère, au chef d’état-major des armées.

 

Consacrée par les décrets de 2005 et 2009, cette évolution stabilisait et consolidait la charnière politico-militaire en donnant au CEMA les moyens d’exercer son rôle de conseiller militaire du gouvernement. Certains s’en étaient inquiétés, craignant que le ministre de la défense peine à imposer son autorité à un « proconsul » trop puissant. C’était ignorer le poids incontournable, au sein du ministère, du Délégué général pour l’armement, assis sur son socle industriel et social, et du Secrétaire général pour l’administration, détenteur des leviers de la finance et de la gestion.                                                  

 

La  défiance de principe à l’égard du loyalisme des officiers est non seulement infondée mais surtout incompréhensible pour des générations de militaires élevées dans le culte de l’obéissance républicaine. A une époque tristement marquée par l’affaire Dreyfus et l’affaire des fiches, Jaurès avait fait litière de ces accusations en démontrant la constance de la soumission des chefs militaires aux responsables politiques.

 

Aussi les vraies raisons qui conduisent aujourd’hui à retirer au chef d’état-major des armées une part importante de ses responsabilités pour les confier à des fonctionnaires civils se résument-elles dans une formule lapidaire : « il faut recentrer les militaires sur leur cœur de métier ». En clair, les généraux ou amiraux seraient des techniciens du combat, peu aptes à gérer des hommes, des finances, des relations internationales, voire des services logistiques.

 

Cette vision réductrice de la fonction militaire va à l’encontre de traditions millénaires qui exaltaient les rôles de stratège, d’administrateur ou de logisticien comme autant de facettes indispensables au bon exercice du métier des armes. Elle est surtout antinomique des exigences des conflits modernes où l’intelligence de situation, à tous les échelons, requiert une vision large, bien au-delà de la maitrise technique des armes, où le dialogue international est la règle, où l’administration d’un secteur, le contact avec la population et la manœuvre logistique sont des facteurs essentiels du succès.

 

L’évolution sémantique est révélatrice des changements de mentalité. Venues d’Europe du nord où le refus de la guerre et la foi absolue dans le « soft-power » ont marginalisé les armées, certaines expressions, ignorées dans le monde anglo-saxon, se sont imposées progressivement en France. « L’outil militaire » ou « l’expert militaire » renvoient à une vision technicienne du métier des armes. La tentation d’y recourir est d’autant plus grande que la haute technologie est présente partout sur les théâtres d’opérations. On en vient à oublier que ce sont des hommes et des femmes qui conçoivent et conduisent ces opérations, qui endurent et qui souffrent et qui risquent leur vie ou leur intégrité physique pour protéger leurs concitoyens.

 

La prudence et la réversibilité s’imposent donc dans la mise en œuvre de réformes qui peuvent affecter profondément l’exercice futur du métier des armes. Dans un système où les chefs militaires n’auraient plus la capacité d’influer sur les choix majeurs des responsables politiques, on prendrait le risque d’une triple évolution, souvent constatée dans les pays européens où les militaires sont tenus en suspicion : syndicalisation, politisation des élites et découragement des meilleurs.

 
Dans l’univers aseptisé des officiers « recentrés sur leur cœur de métier », on ne rencontre, bien sûr, ni Napoléon, ni De Gaulle, mais c’est aussi Foch, Lyautey, Leclerc ou De Lattre à qui on ferme la porte.
 
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13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 10:55
Le ministre de la Défense redevient celui de la Guerre...

13 septembre 2013 par Jean-Dominique Merchet – Secret Défense

 

Un décret publié aujourd'hui au Journal Officiel confie au ministre la responsabilité de l'emploi de forces armées.

 

Un décret adopté mercredi en conseil des ministres et publié aujourd'hui au Journal Officiel modifie en profondeur l'organisation du pouvoir politico-militaire en remettant le ministre de la Défense au centre du dispositif. Ce nouveau texte précise en effet que "le ministre est responsable de l'emploi des forces, sous réserves des dispositions particulières relatives à la dissuasion", qui reste de la compétence exclusive du chef de l'Etat.

 

Cette phrase ne figurait pas dans la précédente version de l'article R*1142-1 (que l'on peut lire ici). Jusqu'à présent, le ministre de la Défense était responsable des moyens des armées (effectifs, programmes, cadre juridique, etc) mais leur mise en oeuvre dans les opérations lui échappaient. L'emploi des forces relevait en effet du président de la République et, directement, du chef d'état-major des armées (cema). Comme le résumait le général Georgelin, le précédent cema, "le ministre doit me donner les moyens d'éxécuter les ordres que je reçois du président de la République". Une formule provocatrice, qui traduisait le renforcement du poids du cema, à la suite notamment des décrets de 2005 et 2009.

 

Le compte-rendu officiel du conseil des ministres est explicite quant à  la volonté du gouvernement : "le présent décret redonne toute sa place au ministre de la défense dans la chaîne des responsabilités politiques en matière d'emploi des forces armées et de renseignement extérieur et d’intérêt militaire. Il confirme enfin que le chef d’état-major des armées assure le commandement des opérations militaires sous l’autorité du Président de la République et celle du Gouvernement."

 

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25 juillet 2013 4 25 /07 /juillet /2013 11:55
photo DICoD

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24/07/2013 Sources : EMA

 

Organisme unique au sein de la chaîne des opérations des armées françaises, tant par le rôle qu’il tient en matière de conception et de conduite des opérations au niveau opératif, que par la nature et la diversité des missions d’entraînement qui lui sont confiées, l’EMIAFE tire sa force de ses capacités collectives et des compétences très variées qu’il sait mobiliser. Ses missions s’articulent autour des volets « Force » et « Entraînement ». Atout majeur de l’EMIA-FE, cette dualité répond à l’ambition de disposer, en tant que de besoin, dans un cadre national ou multinational, d’une capacité de commandement interarmées sur un théâtre d’opération. Référent opératif pour les armées françaises et garant à ce titre du vivier opératif, l’EMIA-FE apporte ainsi au CEMA la garantie de disposer sous très faible préavis d’un personnel d’active et de réserve entraîné individuellement et collectivement capable de tenir sa place au sein de modules opératifs planification, renfort ou cadre.

 

    Force

 

L’EMIA-FE a notamment pour mission d’armer le noyau clé d’un poste de commandement opératif interarmées, en national ou multinational pouvant compter jusqu’à 250 membres. Capable également de réaliser l’entrée en premier sur un théâtre d’opération par la projection d’une équipe de liaison et de reconnaissance de théâtre (ELRT) de 10 à 15 spécialistes, l’EMIA-FE maintient en alerte des modules de 10 à 30 experts avec pour mission soit de renforcer des états-majors existants (module renfort),dans un cadre national ou multinational (UE, OTAN…), soit d’armer les postes clés d’un PC de force national (module cadre).

 

    Entraînement

 

L’EMIA-FE garantit la mise à disposition au profit des armées d’un vivier cohérent et aguerri de compétences individuelles et collectives de niveau opératif. Il assure pour cela la formation et le suivi des cadres d’active et de réserve appelés à servir dans tout type de structures de niveau opératif.Il est en tant que de besoin appelé à évaluer certains états-majors nationaux,en métropole, outre-mer ou à l’étranger et à les renforcer si nécessaire.Il apporte, par ailleurs, son expertise pour le montage, l’organisation,la conduite et l’évaluation de grands exercices nationaux, bilatéraux ou multinationaux. Il contribue également à la réflexion doctrinale et à la mise à jour des outils d’aide à la décision opérationnelle.

 

Un emploi optimisé par la modularité

Les missions de l’EMIA-FE

Portés par l’EMIA FE, les modules opératifs sont constitués en fonction de la nature de la mission selon le principe du Mission Tailored Package. Par leur maîtrise de la mécanique opérative et des processus de planification, les équipes pluridisciplinaires ainsi constituées apportent la plus-value nécessaire à l’état-major renforcé. Dimensionné au plus juste et pour répondre exactement au besoin, l’engagement par module cohérent garantit, quel que soit le cadre d’emploi, une contribution optimale et efficiente aux opérations, tout en permettant la conduite des exercices majeurs de niveau opératif.

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27 juin 2013 4 27 /06 /juin /2013 07:55
SMP/ESSD: quand l'amiral Guillaud met les points sur les "i"

27.06.2013 par P. CHAPLEAU Lignes de Défense

 

L'amiral Édouard Guillaud, le chef d'état-major des armées, s'est exprimé le 3 juin devant la commission de la Défense et des Affaires étrangères du Sénat. On lira plus bas sa réponse à une question de Michel Boutant. Cliquer ici pour accéder à l'intégralité de son audition.

 

La réponse du CEMA, je dois l'avouer, m'a réjoui et elle prouve que le réalisme peut l'emporter. Pendant que nous tergiversions sur l'éthique des SMP/ESSD, nos concurrents (car ces activités relèvent avant tout d'un échange marchand) nous taillaient des croupières, renforçaient leur monopole, apprenaient (en faisant des erreurs, parfois graves) à réguler le milieu et favorisaient l'émergence de sociétés fortes, éprouvées, légitimes et fières. En France, nous avons fait du surplace en considérant le recours à des prestataires privés comme une maladie honteuse et expliquant pudiquement que, lorsque nous devions nous résigner à le faire, c'était dans le cadre d'expérimentations. En 15 ans, depuis le premier livre que j'ai écrit sur ce sujet en 1997, je confirme: "nous n'avons pas avancé"!

"Les sociétés militaires privées (SMP) sont un sujet qui m'exaspère. Quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage, et pour des raisons d'angélisme idéologique, malgré des rapports sur la situation, nous n'avons pas avancé.

Mon point de vue est qu'il faut encore travailler sur la question des SMP à terre car celles-ci posent des problèmes de droit international. La situation est plus simple pour les SMP à la mer : le droit de la mer est simple, dès lors que vous êtes sorti des eaux territoriales, le droit applicable est celui du pavillon, quelle que soit la nationalité de l'équipage, de l'affréteur, ou du propriétaire de la cargaison !

Nous avons les moyens, en passant par la loi, de dire que nous acceptons des équipes de protection embarquées, si elles sont de droit français employant des nationaux et réservées aux pavillons français. Le risque, si nous n'agissons pas, outre le fait de voir nos anciens militaires employés par des SMP étrangères, est surtout que des armateurs sont prêts à se dépavillonner, avec les conséquences économiques qui en résulteraient !

Il est contre-productif de faire l'amalgame avec une SMP qu'on emmènerait lors d'une OPEX faire de la protection. Cette question des SMP a été évoquée lors des discussions sur le Livre Blanc, puis le débat a été refermé. Il est nécessaire de régler ceci par une loi. Le vrai problème est que ça réveille une peur du mercenariat, alors même que ça n'a rien à voir !

Sur ce même sujet, je ne résiste pas à donner le texte de l'intervention d'Alain Juillet qui a ouvert les débats lors du colloque sur les ESSD du 28 mai dernier:

"Le premier aspect de ce problème apparaît lorsque l’on envisage le côté militaire. Indiscutablement, nos troupes, et en particulier les forces spéciales, sont des militaires dont l’excellence technique est reconnue au niveau international. D’un autre côté, le Livre blanc prévoit des réductions d’effectifs telles que les armées n’auront plus la capacité de remplir un certain nombre de missions qu’elles assument aujourd’hui. Il faudra donc bien trouver des solutions. C’est un aspect. L’autre aspect concerne ce qui se passe à l’extérieur. Quand on est une grande entreprise française qui travaille sur des sites à l’étranger impliquant des salariés, on s’interroge nécessairement sur les mesures à prendre pour évoluer dans des zones difficiles ou dangereuses. Depuis la loi de 2003, la situation est très simple : on ne peut pas travailler avec des sociétés de sécurité françaises car c’est interdit par la loi. On ne peut pas non plus utiliser les services de sociétés d’assurance françaises parce qu’elles seraient mêlées à des situations qui ne sont pas prévues par la loi. Les grandes entreprises françaises sont donc obligées de passer des contrats avec des ESSD ou des sociétés d’assurance étrangères pour accomplir des missions qui pourraient parfaitement être réalisées par des sociétés françaises. Le constat est encore plus alarmant quand vous regardez ce qui se passe actuellement au large de la Somalie en matière de piraterie où l’on a été obligé de mettre en place des systèmes de protection des bateaux. Les Français ont investi, via la Marine nationale, avec les commandos marine essentiellement. Ce qui est étonnant, c’est de voir comment font les autres pays. A part les Français, il n’y a aucune unité militaire étrangère qui assure ce type de missions. Tout ceci est pris en charge par des sociétés privées. Tout le monde y est, les Français sont les seuls à investir au niveau militaire. Pourquoi pas diriez-vous, mais il faut alors regarder le coût d’une telle opération pour l’Etat, alors même que ses dépenses doivent être contrôlées. Par ailleurs, Il est attristant de constater que les entreprises françaises doivent recourir à des ESSD étrangères, que ce soit en matière de sécurité ou d’assurance, et ainsi transférer une partie de leurs moyens financiers et de leurs exigences de sécurité à l’étranger. Ce point constitue la raison profonde de notre soutien au rapport des députés Ménard et Viollet auxquels nous avons tout de suite dit : « il faut absolument que vous arriviez à changer le système actuel ». Car le système actuel est basé sur une vision idéologique et historique des activités couvertes par le terme d’entreprises de services de sécurité et de défense, appelées autrefois SMP. Il est certain qu’en France, la période de la France-Afrique et du mercenariat reste présente dans les mémoires et nous pénalise par rapport à tous les autres pays du monde. Aux États-Unis, les grandes ESSD n’ont aucun problème et possèdent une image correcte au sein de la population et ce, tant qu’elles ne commettent pas de dérapages. Mais cela relève d’une affaire de contrôle. Elles travaillent également étroitement avec l’État. Les techniciens français de grandes sociétés françaises qui travaillent en Afghanistan actuellement doivent recourir à des sociétés étrangères lorsque l’armée française ne peut pas assurer leur sécurité. Je rappelle que depuis l’arrêt Karachi, les entreprises sont « sécuritairement » responsables de tous leurs salariés à l’étranger, que ce soit pendant ou hors les heures de travail. Une responsabilité importante pèse donc sur les entreprises et nous préférerions que la protection de ces salariés soit assurée par des sociétés françaises. Je vous dis ceci afin de bien faire comprendre que notre volonté est d’assurer, dans les meilleures conditions possibles, la sécurité de nos employés, la défense et la sûreté de nos sites en recourant à des personnels français. Si je reprends l’exemple somalien, il est à la fois fascinant et affligeant de voir que parmi les personnels qui travaillent dans les sociétés étrangères, il y a une grande majorité d’anciens soldats français. En effet, les anciens commandos marine y sont largement représentés parce qu’ont leur reconnaît de grandes qualités. Il est tout de même lamentable que l’on ne soit pas capable, en France, de reconnaître nous-mêmes concrètement leurs qualités. Arrêtons de nous tirer une balle dans le pied et soyons raisonnables. Vous allez suivre aujourd’hui un programme qui va permettre de couvrir un grand nombre d’éléments du thème étudié. D’une part, il faut être bien conscient que nous sommes entrés dans un monde de plus en plus dangereux et de plus en plus agressif au quotidien. Je vais peut-être choquer les militaires, surtout dans cette salle, mais je fais partie de ceux qui sont convaincus que le combat militaire aura de moins en moins d’importance à l’avenir par rapport au combat économique et que, dans le même temps, le combat économique va utiliser des moyens militaires ou de sécurité de plus en plus importants. On ne peut pas comprendre, par exemple, la guerre en Ituri, au Congo, sans se souvenir qu’en réalité ce n’est pas une guerre entre Hutus et Tutsis, c’est une guerre pour des raisons minières. Il s’agit de contrôler le Coltan dans la zone, parce que ce minerai est indispensable à la fabrication des téléphones portables. Ce n’est pas autre chose. On voit bien l’interpénétration des intérêts. Dans cette approche, Il est nécessaire de pouvoir protéger nos sites et nos personnels. Tout à l’heure, vous allez écouter une intervention du général Jean-Michel Chéreau, directeur de la sécurité d’AREVA, qui se trouve actuellement au cœur de problèmes importants. Mais derrière lui, il y a d’autres sociétés, d’autres problèmes du même genre. On ne peut pas continuer à accepter de ne pas être capable de faire face à la concurrence internationale et on ne peut pas non plus accepter d’être obligé de faire systématiquement appel à l’armée française alors qu’elle a à peine les moyens d’assurer ses propres missions. Il est donc nécessaire de trouver des équilibres. La question de l’assurance, qui sera évoqué ultérieurement, est très importante car les assureurs jouent un rôle essentiel dans le monde moderne. Ce sont eux qui font disparaître une grande partie de la prise de risque. C’est également eux qui vont compenser financièrement cette prise de risque de manière à l’éliminer lorsque quelque chose se passe. Je ne rentrerai pas dans les détails car cette question recouvre certains domaines sensibles, mais indiscutablement les assureurs ont un rôle important aujourd’hui. Regardez la Lloyd qui a pris, de ce côté-là, un rôle non négligeable dans tous les domaines et en particulier concernant la problématique des rançons demandés par les pirates au large de la Somalie Nous nous intéresserons ensuite aux problèmes juridiques qui apparaissent quand on parle de sécurité privée. Dès que l’on parle des ESSD, se pose la question des modifications ou du changement de la fameuse loi qui a tout bloqué en France, loi indiscutablement régressive par rapport à ce qui existe ailleurs. Il faut en effet se souvenir que pendant que l’on votait cette loi en France, les Américains de MPRI étaient en train de former les résistants kosovars qui devaient ensuite prendre le pouvoir. Les Américains avaient en effet envoyé là-bas une ESSD américaine. Cet épisode montre qu’il est important de disposer de textes de loi extrêmement précis afin éviter les dérives. Il faudra aussi, et c’est une des questions à ne pas oublier, intégrer correctement le fait que lorsque l’on prévoit le recours à des ESSD, surgissent les questions de l’ouverture du feu et de la réciprocité. Ici encore existent des problèmes juridiques très importants puisque l’on ne peut pas faire ni laisser faire n’importe quoi. Il importe donc de mettre en place une loi et des modalités d’application qui permettent de contrôler très étroitement les ESSD pour empêcher les dérives l’on a pu connaître, notamment en Irak avec la société Blackwater. Les actions incontrôlées d’une entreprise de sécurité sont inacceptables et inadmissibles. Mais ce n’est pas parce que une société a complètement dérivé en Irak qu’il faut, pour autant, « jeter le bébé avec l’eau du bain ». L’État aura un rôle très important dans cette exigence de contrôle et de sécurité. J’ajouterai pour ma part qu’en ce qui concerne les militaires que nous avons surentraînés pour remplir un certain nombre de missions, ils se retrouveront de plus en plus jeunes en fin de service sur le marché du travail. Ces ex-soldats d’élite seraient avantageusement accueillis dans des entreprises spécialisées. Cela permettrait aussi de contrôler la fiabilité et la qualité du personnel en évitant l’embauche « d‘enfants perdus » risquant d’être à l’origine de dérives inacceptables. Il faut garder la tête froide et se poser les questions objectivement. C’est l’intérêt de colloques et de réflexions comme celle qui vient d’être menée par le CSFRS. Cela permet de se dire : « On à un problème, il faut que l’on en considère toutes les facettes sans passion, sans idéologie et que l’on essaye d’analyser rationnellement la situation afin de faire des propositions concrètes ». C’est le but aussi des échanges que vous allez avoir, parce que l’on va pouvoir sentir la sensibilité des uns et des autres, comprendre les problèmes posés par les uns et les autres, puis arriver, ensemble, à bâtir un projet acceptable par l’Etat. Cela devra nous permettre de rebondir de manière efficace par rapport à tous nos concurrents internationaux. "

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20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 16:55
Allocution du CEMA - Clôture de la session nationale de l’IHEDN 14 juin 2013

20/06/2013 Sources : EMA

 

Allocution de l’amiral Édouard Guillaud - Clôture de la session nationale de l’IHEDN 14 juin 2013

 

Mon général,

 

Mesdames, messieurs les auditeurs,

 

Vous voici donc arrivés au terme d’un parcours qui, j’en suis convaincu, vous aura beaucoup apporté.

 

Vous connaissiez la défense, les armées, certaines de leurs missions. Aujourd’hui, cette connaissance est aiguisée. Vous avez réfléchi au rôle des armées dans la Nation, à leur positionnement vis-à-vis de nos alliés et partenaires stratégiques.

 

Vous maîtrisez leurs atouts, leurs défis, leurs succès mais aussi leurs contraintes et leurs fragilités. Vous avez aussi compris que le métier militaire ne se résume pas à un combat dans la verte, une interception à haute altitude ou la chasse au boutre somalien – et j’en passe.

 

C’est pour cela que la clôture d’une session de l’IHEDN n’est pas une conclusion mais une invitation à aller de l’avant, à entretenir vos relations, à poursuivre vos échanges, à approfondir vos réflexions et, surtout, à témoigner. C’est ce que j’attends de vous désormais.

 

Je compte sur vous pour dire ce que vous avez partagé ici. Je compte sur vous pour être nos relais dans vos cercles professionnels, associatifs et amicaux. C’est pour cela que vous avez été choisis. C’est ainsi que votre réseau, vos réseaux trouvent tout leur sens et prennent toute leur dimension.

 

Je compte sur vos analyses, sur vos retours d’expérience pour nous enrichir à votre tour. Mais je ne compte pas sur vous pour être des admirateurs béats de la défense en général, de l’institution militaire en particulier. Au pays de Rabelais, Descartes et Voltaire, la liberté de pensée et d’expression doit aussi être mise à profit dans le champ couvert par la défense nationale !

 

Vous savez les grands sujets qui nous intéressent aujourd’hui, sur le front des opérations comme sur celui de la préparation de l’avenir. Nous en avions parlé en début d’année. Depuis, vous avez entendu les grands responsables de l’État et même, occasion rare à l’IHEDN, le Président de la République : statistiquement, c’est une à deux fois par mandat. Pas plus.

 

A ce moment de bilan, je vais vous donner mon appréciation des défis qui se profilent, quelques semaines après la publication du nouveau Livre blanc, qui fixe le cap pour nos armées à l’horizon 2025, et alors que nous sommes engagés dans la préparation de la Loi de programmation militaire, qui en sera la première déclinaison pour la période 2014-2019.

 

***

 

Mon point de vue est bien sûr celui du chef militaire, responsable de la définition de la stratégie militaire et de la conduite des opérations.

 

Ce sont des tâches de plus en plus exigeantes pour les armées, avec un niveau d’engagement qui reste très élevé et des moyens de plus en plus comptés, et avec la complexité qui caractérise les opérations modernes.

 

C’est pourtant l’honneur de nos armées de relever ces défis ! Votre année à l’IHEDN vous aura permis de le mesurer : la réactivité, l’efficacité et la discipline au feu de  nos forces sont exemplaires, il faut le dire !

 

Au-delà de ces qualités opérationnelles de notre outil de défense, vous aurez noté ses atouts au plan politico-militaire.

 

C’est grâce à la qualité de nos forces que nous pouvons être moteurs dans les instances internationales, à l’ONU, à l’OTAN comme à l’UE ou ailleurs. Sans notre engagement résolu, hier en Afghanistan, en Côte-d’Ivoire, en Libye et aujourd’hui, au large de la Somalie et au Mali, nous n’aurions pas le même crédit auprès de nos grands partenaires : je peux en témoigner !

 

Sans ces engagements militaires, nous ne pourrions accompagner ces mouvements de fond que sont la volonté des organisations régionales d’assumer davantage leurs responsabilités, à l’instar de la CEDEAO : cela aussi, je peux en témoigner !

 

Nous sommes ainsi membres du club très fermé des nations qui veulent et qui peuvent. Vouloir et pouvoir, voilà les deux conditions indispensables de toute action internationale ! Et ces deux conditions sont de plus en plus rarement réunies, notamment en Europe : c’est même, vis-à-vis des désordres du monde, la principale limite de nos démocraties. Nous sommes parmi les pays qui ont encore conscience que l’histoire est tragique !

 

***

 

C’est une lourde responsabilité, pour aujourd’hui comme pour demain : il faut être ambitieux et volontaire pour s’imposer dans le temps long des relations internationales, avec ses aléas géopolitiques et économiques.

 

Ambitieux et volontaire, mais réaliste.

 

Notre présent est celui d’un monde où les termes de sûreté, de stabilité et de sécurité sont plus fuyants, plus difficiles à définir dans l’absolu. Dans le choix de nos interventions, dans la formulation des buts de guerre, les circonstances sont souvent plus fortes que les principes !

 

Notre présent est celui d’un monde toujours plus ouvert et poreux, où les risques et les menaces se diversifient, s’interpénètrent et sont plus difficiles à détecter et à identifier. Le domaine cybernétique en est la meilleure illustration, lui qui brouille les frontières entre risque et menace, entre civil et militaire, entre public et privé, et qui se joue de la géographie. A l’heure de la mondialisation, l’échelle d’analyse n’est plus seulement l’État ou les alliances mais aussi l’individu, le groupe et leurs valeurs propres. Les réponses s’en trouvent compliquées. Le militaire doit adapter constamment sa grille de lecture et ses moyens d’action ; la finalité – et, parfois, le principe même – de son action sont moins évidents.

 

Notre présent est également celui d’un monde où les instruments traditionnels de régulation des désordres internationaux traversent une crise de légitimité. L’ONU est toujours prisonnière de ses contraintes et en particulier de son côté Tour de Babel. L’OTAN connaît des doutes existentiels, avec la fin annoncée de sa présence en Afghanistan. L’Union européenne veut être un acteur global de la résolution des crises, mais minore systématiquement leur volet militaire. Il faut toujours composer avec ce contexte international !

 

Ce présent, il est enfin celui d’une crise économique et financière persistante, une crise qui impose une pression croissante sur les dépenses de l’Etat, et donc sur les budgets de défense, du moins en Europe. Avec cela aussi, il faut composer : l’ambition est indissociable des moyens permettant de la concrétiser !

 

C’est tout l’enjeu de la définition d’une stratégie de défense et de sécurité nationale, tout l’enjeu de l’expression de notre ambition nationale. C’est tout l’enjeu de l’adaptation de notre outil de défense, tout l’enjeu de la préservation d’un capital précieux mais d’ores et déjà fragilisé.

 

Vous le savez, la réduction continue des budgets de défense conjuguée à l’inflation des coûts exerce une tension sur les moyens, qu’il est de plus en plus difficile de maîtriser. Dans ces conditions, définir le chemin qui va des moyens aux fins implique : penser autrement, imaginer d’autres voies.

 

***

 

Le Livre blanc 2013 se veut une réponse à la fois volontariste et réaliste.

 

Réponse volontariste parce qu’il réaffirme l’ambition d’une France souveraine et engagée, maîtresse de son destin et soucieuse d’assumer ses responsabilités internationales.

C’est une ambition cohérente avec notre Histoire, avec notre façon de percevoir le monde, avec la conscience du rôle que nous entendons y jouer, avec les attentes de nos alliés et de nos partenaires stratégiques.

 

Elle se concrétise par la volonté de conserver des capacités autonomes d’appréciation de situation, de commandement et d’action. Elle se concrétise par le maintien de notre force de dissuasion dans ses deux composantes. Elle est celle d’une France motrice à l’ONU, au sein de l’OTAN et de l’Union européenne, d’une France volontaire et capable.

 

Une France volontaire et capable, c’est une France dotée d’un outil militaire complet ! C’est une France dotée d’un outil militaire cohérent, d’un outil militaire apte à remplir les missions assignées, dans chaque milieu, en combinant les atouts de chacune des composantes !

 

Mais le Livre blanc 2013 se veut aussi une réponse réaliste. Il ne dessine pas un monde rêvé, ajusté à nos moyens nationaux d’y peser. Il n’idéalise pas la réalité difficile de nos coopérations internationales, comme s’il suffisait de vouloir plus d’OTAN ou plus de PSDC pour les rendre plus volontaires et plus capables. Il assume le grand écart de notre outil de défense, entre des priorités confirmées – comme le renforcement du renseignement, de nos capacités de lutte informatique –, et l’entretien d’un outil pointu, sous forte contrainte budgétaire.

 

***

 

Je l’ai dit, faire aussi bien avec moins impose de faire autrement, de trouver de nouvelles marges de manœuvre.

 

A partir du Livre blanc, j’identifie 3 leviers.

 

Le premier levier concerne les contrats opérationnels et donc les formats : il s’agit d’afficher une ambition militaire correspondant mieux à la réalité de nos armées, celle de nos capacités, celle de nos engagements.

 

C’est vrai, le contrat majeur d’intervention – le plus visible – affiche un chiffre réduit de moitié par rapport à 2008, dont nous savions qu’il était déjà irréalisable ! Et dans sa définition actuelle, 15 000 hommes, ce contrat majeur peut être tenu et reste compatible avec nos autres grandes missions : la protection, la dissuasion et la gestion de crise.

 

Il est bien évident que, dans ces conditions, l’outil complet et cohérent dont j’ai parlé est plus ramassé, avec une conséquence immédiate et assumée : nous ne pourrons plus faire autant, c’est-à-dire que la simultanéité des engagements sera la première variable d’ajustement.

 

Nos zones potentielles d’intervention ont beau être hiérarchisées plus clairement, en partant du territoire national, de l’Europe et de ses approches, il faudra faire des choix et parfois se résoudre à intervenir plus modestement.

 

Il faudra être plus agiles pour redistribuer les moyens engagés sur nos théâtres et transférer l’effort vers d’autres forces. Nos concepts d’emploi seront adaptés, dans le sens d’une plus grande porosité des capacités entre les fonctions stratégiques, entre les missions, entre les théâtres.

 

Le deuxième levier concerne la structure même de nos forces.

 

La polyvalence appliquée à toutes nos unités a un coût de plus en plus élevé. Il est même insoutenable aujourd’hui !

 

Cette polyvalence se justifie-t-elle d’ailleurs encore sous cette forme ? La réalité du terrain, celle des opérations que nous menons, démontre le contraire, avec des équipements parfois sur spécifiés, des savoir-faire entretenus à coût élevé et non mobilisés.

 

Certaines unités doivent « savoir tout faire », maîtriser les matériels les plus performants, les compétences les plus pointues. Mais certaines unités seulement, celles qui « entreront en premier » et, d’emblée, feront face aux milieux les plus hostiles, aux adversaires les plus coriaces !

 

La question n’est plus aujourd’hui celle de la dialectique entre quantité et qualité. Équation insoluble : il faut les deux ! Il faut de la quantité pour durer. Il faut de la qualité pour répondre de la bonne manière. Aujourd’hui, le juste besoin en termes d’équipement, de formation et d’entraînement est celui d’une qualité mieux différenciée. Ce juste besoin ne se traduit pas de la même manière dans chacune de nos armées, dont le milieu physique d’emploi, les logiques de montée en puissance et de soutien sont spécifiques. Mais il s’impose. Partout.

 

Ici encore, à vouloir tout faire, c’est l’ensemble qui est fragilisé !

 

Le troisième levier est lié au précédent. Il est celui d’une poursuite des logiques de mutualisation.

 

Il est possible de mieux faire encore en interarmées, et surtout en interministériel.

 

Il est possible de mieux faire avec nos partenaires de l’OTAN et de l’UE. Le travail est immense mais nous ne partons pas d’une feuille blanche : il faudra mieux capitaliser ! Je pense à des organisations de type EATC ou des structures de type CJEF entre autres. Je pense aussi aux GTUE, qu’il faudrait enfin utiliser !

 

***

 

Le modèle complet défini par le Livre blanc a donc sa cohérence sur le papier, mais à l’heure de la construction budgétaire, sa réalisation est un pari, et je dirais même que c’est un pari risqué, parce que nous avons une très faible visibilité sur l’avenir !

 

Aujourd’hui, j’entrevois quatre risques majeurs.

 

Le premier, qui englobe tous les autres, est bien sûr budgétaire.

 

L’enveloppe identifiée pour la LPM 2014-2019, et les premiers éléments de la construction budgétaire pour les prochaines années sont au seuil critique. Et ces enveloppes budgétaires ne tiennent pas compte de l’inflation : c’est pour nous une perte de pouvoir d’achat année après année, alors que le coût des grandes masses augmente beaucoup plus vite que l’inflation !

 

Il faudra garantir le respect de l’exécution budgétaire, notamment pour les ressources exceptionnelles dont le niveau – 6 Md€ – est totalement inédit !

 

Enfin et peut-être surtout, la réalisation du modèle est conditionnée par les perspectives économiques après 2016. Elle parie sur un retour à meilleure fortune après une phase en mode « survie ». Qui saurait le garantir ?

 

Le deuxième risque porte sur les ressources humaines.

 

Les déflations à réaliser sont encore considérables, 34 000 postes : les 10 000 restants de la précédente LPM et les 24 000 de ce Livre blanc. Ceci représente, sur la période 2014-2018, l’équivalent d’une section de combat ou d’un équipage d’AWACS supprimé par jour ouvrable, ou encore l’équipage d’une FREMM tous les 5 jours !

Il faudra identifier ces postes, en préservant l’équilibre toujours délicat entre capacités de combat et de soutien et en conduisant les restructurations nécessaires, le tout sans rupture de service !

 

Le troisième risque concerne l’équipement des forces.

 

Son niveau est déjà, depuis plusieurs années, celui du juste besoin.

 

Je le disais, il faudra différencier nos capacités mais en partant de l’outil d’aujourd’hui, en intégrant le temps long des programmes, le temps tout aussi long des ressources humaines, et des enjeux industriels parfois prépondérants.

 

Mutualiser en interarmées ? On a déjà fait beaucoup, dans des domaines comme le renseignement, le commandement et la formation. Il faudra être imaginatifs pour identifier d’autres voies, et prudents dans nos réorganisations !

 

En interministériel, la mutualisation des capacités « dures » est toujours plus délicate : les ministères civils ont d’autres priorités !

 

A l’international enfin, notre volontarisme est peu ou insuffisamment partagé. Ce n’est pas facile : on ne force pas des partenaires qui ne veulent pas ! Là aussi, il faudra être imaginatifs, et assumer les « interdépendances librement consenties » !

 

Mais soyons clairs : la différenciation et la mutualisation ne résoudront pas à elles seules nos problèmes !

 

Dernier élément induit par le Livre blanc : le vieillissement assumé de nos matériels. Cumulé avec les déflations à venir et la révision des cibles des programmes, il pèsera de plus en plus sur l’activité des forces.

 

Ce qui me conduit au dernier facteur de risque : l’activité opérationnelle.

 

Dans ce domaine aussi, nous sommes déjà en dessous des normes, et parfois clairement en dessous ! Vouloir gagner sur les coûts d’entretien du matériel, de masse salariale, de carburant et de fonctionnement en diminuant encore l’activité des forces entraînerait des réductions de capacités, temporaires voire définitives. Avec le risque de ne plus pouvoir remplir certaines missions. Avec, aussi, des effets évidents sur le moral et la cohésion du personnel.

 

***

 

Le moral et la cohésion sont les clés de nos succès opérationnels et de la réussite des réformes à venir.

 

Le modèle du Livre blanc 2013 dessine une armée transformée dans son organisation, dans ses modes de fonctionnement, dans ses moyens et dans ses mentalités. Il faudra préparer ces adaptations, les conduire, maîtriser les aléas. Il faudra être innovant, volontaire, endurant. Le personnel des armées, civil et militaire, sera à la fois cœur de cible et acteur du changement.

 

Au plan opérationnel, moins de moyens signifient des tensions capacitaires accrues. Au plan organisationnel, les déflations dont j’ai parlé signifieront : incitation au départ pour certains, restructuration pour beaucoup, réduction des avancements pour tous. Dans ce paysage exigeant, maussade et tourmenté, il sera plus difficile d’attirer et de fidéliser. Il sera plus difficile de susciter l’envie.

Or le personnel aspire naturellement à une certaine forme de reconnaissance. Le considérer comme il se doit, c’est d’abord lui donner les moyens de bien remplir sa mission. C’est aussi lui donner la possibilité de progresser. C’est enfin l’éclairer sur l’avenir.

 

***

 

En conclusion, les défis de notre défense sont nombreux. Le Livre blanc 2013 esquisse une armée ramassée mais encore capable et cohérente. Sa traduction concrète s’annonce difficile, très difficile.

 

Elle nécessitera une forte implication des armées. Elle nécessitera des investissements élevés dans la durée, alors que l’avenir économique est incertain. Elle nécessitera le soutien de la Nation dans son ensemble : en période de crise et en l’absence de menace militaire immédiatement perceptible, la défense n’est plus un sujet de préoccupation majeure.

 

Baisser la garde serait irresponsable, sauf à accepter d’être démunis. Il nous appartient de le dire. Il vous appartient de le dire, haut et fort !

 

Je vous remercie.

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 15:55
Allocution du CEMA à la commission de Défense et des forces armées

 

 

04/06/2013 Sources : EMA

 

Le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, s'est présenté devant la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale le 22 mai.

 

"La date de cette audition est d’autant mieux choisie que ce matin même le général Barrera est venu me rendre compte de la fin de son mandat, le général Laurent Kolodziej lui succédant à la tête de la brigade Serval, et que j’ai reçu hier le général Foucaud, qui prendra dans trois semaines la relève du général de Saint-Quentin comme commandant de l’opération.

 

En tout état de cause, quatre mois et demi après son déclenchement et un mois après le vote du Parlement autorisant sa poursuite, il est intéressant de faire le point, avant de s’interroger sur les perspectives à court, à moyen et à long termes.

 

Des membres de la commission et vous-même, Madame la présidente, vous êtes rendus sur place et vous avez pu constater les particularités de la bande sahélo-saharienne. Vous avez aussi pu mesurer les conditions extrêmes auxquelles nos hommes sont confrontés – aujourd’hui, à Gao, il fait 45° à l’ombre !

 

Ces déplacements de parlementaires sur les théâtres d’opération sont nécessaires, je dirais même essentiels, non seulement pour vous, élus de la Nation, mais aussi pour nos troupes sur place. Votre présence témoigne en effet de l’attachement que vous leur portez et de la reconnaissance de la communauté nationale. Je tiens à ce propos à rendre hommage aux six militaires français morts au combat et à nos blessés – un peu plus de deux cents depuis le début de l’opération, étant entendu que j’inclus dans ce nombre les quelque 150 qui ont été victimes d’un « coup de chaleur ».

 

Mon propos s’articulera en trois parties. Je vous donnerai d’abord mon appréciation sur la situation en ce 22 mai et sur les perspectives immédiates qui s’en dégagent. Je vous indiquerai ensuite les premiers enseignements tirés de cette opération, avant d’évoquer pour finir les enjeux de nos futures interventions telles qu’on peut les envisager à la lumière du Livre blanc.

 

Il me faut commencer par rappeler quelques éléments de contexte ainsi que les objectifs fixés par le Président de la République. Vous le savez, notre intervention a été décidée au profit d’un État malien en situation de fragilité, qui ne contrôlait plus ses frontières depuis longtemps, laissant libre cours à toutes sortes de trafics. Les Nations unies estiment ainsi à treize milliards de dollars la valeur marchande de la drogue ayant transité en 2012 par le bassin sahélo-saharien, soit huit fois le budget de l’État malien. La situation politique laissée par Amadou Toumani Touré mêlait complaisance et corruption. L’État se montrait incapable d’apporter la moindre réponse aux attentes des populations du Nord, au moment même où de nombreux mercenaires touaregs rentraient chez eux après la chute du régime libyen.

 

C’est dans ce cadre que l’armée malienne a subi deux déroutes successives, au premier semestre de 2012, puis à partir de décembre dernier. Confrontée à des combattants aguerris, elle était mal commandée, rarement payée, mal équipée et affaiblie par des clivages internes. Elle s’est révélée dans ces conditions incapable de défendre la souveraineté de l’État, en dépit des actions de coopération menées de longue date, par nous-mêmes et par nos alliés.

 

Il faut également se souvenir que cette zone retenait notre attention depuis 2007, à cause des prises d’otages qui s’y sont produites – dix-huit en 2011 et six autres en 2012 –, dont onze ont concerné des Français. Face à cette situation, nous avons procédé à de nombreuses planifications de précaution, pour être à même de faire face à tous les cas de figure – sans pour autant envisager ce qui s’est passé précisément en janvier. Nous avons également mené des actions ponctuelles, avec un déploiement préventif de forces spéciales dans l’ensemble de la zone pour instruire les forces africaines. Enfin, dès 2009, le Gouvernement a établi un plan interministériel, dit « Plan Sahel », comprenant coopération, soutien militaire, aide à la justice et aide au développement.

 

Mais, de façon générale, jusqu’au 11 janvier, la France a privilégié l’action indirecte dans un cadre multilatéral où étaient mis en avant les Africains et leurs organisations régionales, au premier rang desquelles la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine, notre pays intervenant essentiellement en soutien.

 

Ce qui a déclenché notre engagement, c’est le « pas de trop » franchi par les groupes armés djihadistes – qui s’est révélé une erreur stratégique – lorsqu’ils ont cherché à sortir de l’Azawad « historique » et tenté de s’emparer de la ville de Mopti et, surtout, de la piste de Sévaré.

 

Les objectifs fixés par le Président de la République lors des conseils restreints de janvier étaient parfaitement clairs : stopper l’offensive vers Bamako et ainsi préserver l’existence d’un État malien ; détruire – ce qui signifie en langage militaire neutraliser 60 % des forces ennemies – et désorganiser la nébuleuse terroriste ; aider au rétablissement de l’intégrité et l’unité territoriales du Mali ; enfin, rechercher les otages, les nôtres en particulier.

 

Je vous rappelle brièvement l’enchaînement des opérations. L’avancée des groupes armés djihadistes a été bloquée dès le 11 janvier, premier jour de l’opération ; Gao a été reprise le 26 janvier, Tombouctou le lendemain, de sorte que les djihadistes ont été repoussés au nord du fleuve Niger ; à la fin de février, nous avons atteint la frontière algérienne avec la libération de la ville frontalière d’In Khalil ; le sanctuaire d’Al-Qaïda de l’Adrar des Ifhogas a été pris début mars, après des affrontements dont vous avez tous vu des images et qui se sont déroulés notamment dans la vallée de l’Amettetaï.

 

En quatre mois donc, l’offensive a été brisée. Il n’y a plus de sanctuaire djihadiste au Mali : 80 % de la logistique des terroristes a été détruite et ils ont été chassés des zones de peuplement. L’État malien a commencé à réinvestir le Nord. Enfin, il n’y a plus dans le Nord-Mali de zone où nous ne soyons allés, seuls ou accompagnés des forces africaines, au premier rang desquelles les Tchadiens et les Nigériens, mais sans oublier les Mauritaniens avec lesquels nous avons coopéré dans le Nord-ouest, en plein accord avec les autorités de Bamako.

 

Les nombreux défis que nous avons relevés méritent d’être soulignés, notamment ceux du temps, de l’espace – ou plutôt des espaces – et du climat.

 

Le temps tout d’abord. Notre réaction au déclenchement de l’opération a été, j’oserai le mot, fulgurante. En l’espace de quelques heures, nous avons traduit la volonté politique de la France en action militaire. La cadence de l’opération a également été extrêmement rapide : nous avons toujours conservé l’initiative sur l’adversaire ; nous avons pu reprendre leurs principaux points stratégiques avant la saison chaude, évitant ainsi l’enlisement que prédisaient certains.

 

L’espace a également constitué un défi, d’abord en raison de l’éloignement du Mali puisque Bamako se trouve à quatre mille kilomètres de Paris, ensuite en raison de la diversité d’un territoire où coexistent désert de sable au Nord-ouest, désert montagneux au Nord-est et savane désertique au Sud-est, le Sud-ouest étant mi-désertique mi-marécageux. Il s’agit enfin d’un espace immense : la distance de Bamako à Gao équivaut à celle de Paris à Brest mais, sans voie ferrée ni autoroute et par plus de 40 degrés, il faut dans le meilleur des cas trois jours pour la parcourir en l’absence de toute opposition.

 

Le troisième défi est celui du climat. Vous avez pu constater lors de votre déplacement à quelles conditions extrêmes nos troupes doivent faire face. Les combats de l’Adrar ont été livrés par une température de 45°. Chargé de trente kilos, chaque homme avait besoin de dix litres d’eau par jour. Comme ils étaient deux mille, ce sont donc vingt tonnes d’eau qu’il fallait acheminer quotidiennement, soit la capacité de deux avions C-130. D’autre part, dans les conditions météorologiques actuelles, un C-160 Transall ne peut transporter que vingt-huit passagers au maximum, contre soixante en plein hiver. Nos soldats ont tenu, non seulement parce qu’ils étaient bien entraînés, mais aussi parce que nous avons pu relever ce défi logistique.

 

Les actions politiques, diplomatiques et militaires ont toujours été en phase. Je voudrais mettre en exergue deux points en particulier. Le premier est connu et reconnu, et je l’avais déjà évoqué à propos de l’opération Harmattan : le processus décisionnel politico-militaire français est réactif grâce à une chaîne aussi courte que possible. Deuxièmement, nous avons bénéficié du soutien quasi immédiat de certains de nos alliés et partenaires.

 

J’en viens aux perspectives immédiates.

 

Conformément à la volonté exprimée par le Président de la République, nous avons commencé à réduire notre empreinte sur le théâtre. En effet, la poursuite des opérations ne nécessite plus le même niveau de forces ; d’autre part, la mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) a commencé à déployer ses 6 000 hommes, y compris dans le Nord, en attendant de se transformer, à partir du 1er juillet, en mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), d’effectif double, soit plus de 12 000 hommes.

 

L’État malien, quant à lui, s’est engagé dans un processus de réconciliation nationale : les administrations commencent à revenir dans le Nord du pays ; un médiateur agréé par toutes les parties a été désigné pour discuter avec toutes les populations, touarègues comme arabes, qui ne sont pas plus unies les unes que les autres. Enfin, il est maintenant quasiment certain qu’une élection présidentielle se tiendra le 28 juillet et le 11 août, juste après le ramadan. Comme l’a indiqué le Président de la République, c’est la vitesse à laquelle se déroulera ce processus qui dictera le niveau et la nature de notre présence.

 

La réconciliation a aussi besoin du financement de la communauté internationale et de l’implication des acteurs régionaux. De ce point de vue, on ne peut que se réjouir du succès de la conférence des donateurs de Bruxelles qui, le 15 mai, s’est achevée sur la promesse de 3,2 milliards d’euros de dons. Comme je vous l’ai dit, l’intervention au Mali n’a pas constitué une surprise en elle-même : seule la date et le facteur déclenchant nous étaient inconnus. Nous avions envisagé toutes les hypothèses, excepté que les trois groupes djihadistes lanceraient ensemble une offensive militaire en bonne et due forme.

 

Il est d’ores et déjà possible d’en tirer quelques enseignements militaires.

 

Tout d’abord, les forces armées françaises ont atteint un niveau d’efficacité exceptionnel, reconnu dans le monde entier : fortes de leurs engagements précédents, en Afghanistan, en Libye et en Côte d’Ivoire, où nous avions testé des modes d’action un peu nouveaux, elles ont démontré l’étendue de leur savoir-faire. Notre objectif est de le préserver dans le cadre de la future loi de programmation militaire.

 

Trois points ont été améliorés, et d’abord l’intégration interarmées jusqu’à un niveau élémentaire – ce que j’appelle les opérations combinées : lors de la bataille de l’Adrar des Ifoghas, les drones et des avions Atlantique 2 de la marine ont permis aux troupes au sol de bénéficier des appuis combinés de la chasse, des hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre, l’ALAT, et de l’artillerie. Deuxièmement, le partage du renseignement « inter-agences », aussi bien entre nos services qu’avec nos alliés, est devenu plus fluide. Enfin, le processus de ciblage a été plus efficace, comme le prouve l’absence de dommages collatéraux.

 

Mais certaines lacunes capacitaires demeurent et n’ont pu être que partiellement comblées par l’aide de nos alliés. Le transport stratégique militaire tout comme le transport tactique ont été sous forte tension alors que c’est un élément clé sur ce type de théâtre. En matière de drones, nous avons certes déployé nos deux Harfang beaucoup plus tôt que prévu – alors qu’il était programmé de les faire venir à Niamey à partir de la fin de février, c’est-à-dire après l’aménagement d’une aire de stationnement en dur, ils ont été disponibles dès le 20 janvier –, mais cette capacité s’est révélée insuffisante, de sorte que le soutien de drones américains a été le bienvenu. Pour le ravitaillement en vol aussi, nous avons bénéficié de l’aide des États-Unis qui, aujourd’hui encore, mettent à notre disposition, en moyenne, trois avions par jour. Nous avons également eu recours à des ravitailleurs espagnols, britanniques et allemands. Enfin, je relève que nous ne disposons toujours pas d’hélicoptères lourds. En Europe, seuls les Allemands et les Britanniques en possèdent et ils sont tous d’origine américaine. Les Britanniques les mobilisent en Afghanistan tandis que les Allemands demeurent contraints par leurs règles d’engagement des forces. Ces appareils présentent l’avantage de conserver par forte chaleur une capacité de charge équivalente à celle d’un hélicoptère de type Cougar, ce qui nous suffirait.

 

Au-delà de ces enseignements strictement militaires, je tirerai trois leçons sur le plan stratégique.

 

La France conserve en Afrique une forte capacité d’influence, que nous devons et pouvons faire prospérer. C’est le général de Saint-Quentin, commandant de l’opération Serval, qui était responsable de la cellule de coordination avec les différents contingents africains. Cette responsabilité était attendue et même réclamée par nos partenaires africains, à tel point que les forces tchadiennes, dont je dois saluer l’engagement et le courage, ont demandé à être placées sous commandement français, comme les forces nigériennes d’ailleurs.

 

La capacité des forces africaines à se mobiliser est le second enseignement, et une heureuse surprise. En l’espace de deux mois, 6 000 hommes ont été déployés sur le territoire malien. Leur niveau opérationnel est certes hétérogène, leur équipement et la logistique associée sont défaillants, mais cet engagement rapide est une première et cette manifestation de bonne volonté doit être encouragée.

 

Enfin, l’aide militaire européenne a été globalement tardive. Des soutiens importants ont certes été obtenus, mais souvent dans un cadre bilatéral. Comme pour la Libye, les Britanniques, les Danois et les Belges ont répondu présents en moins de vingt-quatre heures et sans aucune restriction d’emploi. Le général Barrera me disait ce matin à quel point il avait été « bluffé » par le courage des pilotes danois, qui ont été envoyés jusqu’à Tessalit ou Kidal, ou des pilotes belges, qui ont fait du transport tactique dans des zones de combat. L’European Union Training Mission in Mali (EUTM Mali), la mission européenne de formation de l’armée malienne, forte de ses 550 hommes, est à pied d’œuvre depuis le 1er mars, et aura formé d’ici au 8 juin le premier bataillon malien, l’objectif étant d’en former quatre au cours d’une première phase de douze mois.

 

Les combats d’ampleur terminés, les sanctuaires terroristes durablement détruits, s’ouvre aujourd’hui le temps de la stabilisation, tant militaire que politique, ce qui exige une approche globale, du point de vue géographique comme en ce qui concerne les domaines d’action.

 

Il faut « penser Sahel », et non pas se limiter au Mali. Le Tchad, le Niger et la Mauritanie doivent rester mobilisés, de même que l’Algérie, qui a fait preuve de bonne volonté – j’irai jusqu’à dire qu’une étape a été franchie. Enfin, nous ne devons pas oublier le Sud libyen.

 

Il faut également « penser réconciliation », et non pas uniquement élections, présidentielle en juillet et août, puis parlementaires en septembre et octobre. Enfin, il faut « penser développement » et non pas uniquement subventions. Le Mali ne doit pas devenir un trou noir comme l’est aujourd’hui le Sud libyen.

 

Cette intervention doit contribuer à notre réflexion sur les perspectives opérationnelles telles que les dessine le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

 

Celui-ci prend acte de la diversité des opérations. Le Mali est, comme l’ont été nos interventions en Afghanistan et en Libye ou encore la lutte contre la piraterie, l’une des manifestations de cette diversité. L’opération Serval entre aussi dans la catégorie de ce que le Livre blanc a appelé les engagements « probables ». Je note également que le volume des forces engagées au lancement de l’opération correspondait à celui de la future force interarmées de réaction immédiate, la FIRI.

 

D’autre part, pour cette opération malienne, la France a systématiquement recherché l’appui des forces locales et régionales, nécessité soulignée par le Livre blanc, afin d’éviter un engagement strictement national dans la durée, selon le principe « Premier entré, premier sorti ».

 

Troisièmement, l’opération Serval s’est appuyée sur une gestion dynamique des efforts et sur une certaine porosité entre les différentes fonctions stratégiques, ce qui est conforme aux principes de différenciation et de mutualisation prônés par le Livre blanc.

 

En revanche, si la combinaison de nos forces en interarmées a bien fonctionné, ce ne sera sans doute pas une mince affaire de réaliser la même chose avec nos alliés. En effet, j’ai pu constater la semaine dernière à Bruxelles que, si nos partenaires de l’OTAN et de l’Union européenne sont très admiratifs de ce que nous avons réalisé, ils doutent de pouvoir nous imiter. Il est vrai que ce savoir-faire qui est le nôtre est le fruit d’une expérience acquise au fil des années, depuis l’implosion de l’empire soviétique et le début des conflits balkaniques dans lesquels nous sommes intervenus.

 

Dans le Livre blanc de 2013, l’Afrique a retrouvé sa place. Nos partenaires européens commencent enfin à prendre en compte les enjeux de la stabilité de la zone sahélienne pour leurs intérêts de défense et de sécurité. Les Pays-Bas, par exemple, ont annoncé hier qu’ils participeraient à la deuxième génération de forces destinée à pourvoir aux effectifs de l’EUTM Mali, tant pour la protection des forces que pour l’équipe d’instructeurs. Une initiative aussi nouvelle de ce pays est bien la manifestation d’une prise de conscience. Je souhaite que le conseil européen de décembre, qui sera consacré à la défense, soit l’occasion d’une avancée sur le sujet.

 

Je voudrais enfin noter que nous avons dû notre rapidité d’action à deux atouts : le dispositif d’alerte Guépard, qui permet de disposer en permanence d’une compagnie pouvant être projetée en urgence immédiatement, et nos forces prépositionnées. Sans ces dernières, il aurait été impossible, même avec d’importantes capacités de transport stratégique, d’agir aussi vite, aussi fort et donc aussi efficacement. Le Livre blanc prend acte de cette nécessité de conserver plusieurs points d’appui en Afrique, sans indiquer combien, de façon à laisser assez de souplesse pour que nous puissions nous déployer aux endroits nécessaires.

 

Notre liberté d’action politique est directement liée à l’effort que nous consentirons en matière de préparation opérationnelle de nos forces. C’est en effet le niveau de cette préparation opérationnelle qui détermine notre rapidité de montée en puissance. Le maintien du niveau d’activité sera donc l’un des enjeux de la future loi de programmation militaire.

 

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, quatre mois et demi après son déclenchement, nous pouvons dire que l’opération Serval est un succès militaire. C’est l’exploitation de ce succès qui permettra de restaurer la paix dans un Sahel enfin stable."

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 17:45
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30.05.2013 Par Olivier Berger, grand reporter à La Voix du Nord.- Défense globale

 

Le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, s'est présenté devant la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale le 22 mai. La parole du CEMA demeure essentielle en période de redéfinition d'un modèle d'armée et d'ajustements budgétaires même s'il était d'abord face aux députés pour retirer des enseignements de l'opération Serval.

" Quatre mois et demi après son déclenchement, nous pouvons dire que l'opération Serval est un succès militaire ", se félicite le CEMA qui évoque les atouts et les lacunes capacitaires françaises et parle aussi de Livre blanc et d'Europe...

 

Les Nations-Unies estiment à 13 milliards de dollars la valeur marchande de la drogue en 2012 passée par le bassin sahélo-saharien (huit fois le budget du Mali). L'instabilité politique et deux défaites de l'armée malienne face aux rebelles ont plongé le pays dans le chaos. Premier constat sans concessions de l'amiral Guillaud : L'armée malienne " était mal commandée, rarement payée, mal équipée et affaiblie par des clivages internes ". Voilà pour le tableau de départ.

Sauf que " cette zone retenait notre attention depuis 2007 à cause des prises d'otage (onze Français) ", rappelle le CEMA qui souligne que de " nombreuses planifications de précaution " ont été conduites dans la région (sans imaginer le scénario du Mali). Ce qui a conduit à un déploiement préventif de forces spéciales et dès 2009, à un plan Sahel interministériel, comprenant coopération, soutien militaire, aide à la justice et aide au développement.

Un déclenchement " fulgurant "

Nous voici le 11 janvier après " le pas de trop " des jihadistes. Le président de la République demande de " stopper l'offensive vers Bamako et ainsi préserver l'existence d'un Etat malien ; détuire - ce qui signifie en lagage militaire détruire 60 % des forces ennemies - et désorganiser la nébuleuse terroriste ; aider au rétablissement de l'intégrité et l'unité territoriales du Mali ; enfin, rechercher les otages, les nôtres en particulier ".

Si le résultat en quatre mois fut efficace et que la réaction au déclenchement fut " j'oserai le mot, fulgurante ", l'amiral Guillaud reconnaît que l'opération Serval a usé les hommes. Il rend hommage aux six militaires français morts au combat et aux plus de deux cents blessés, dont 150 victimes d'un coup de chaleur. Les défis de l'espace - " ou plutôt des espaces " (la distance de Bamako à Gao équivaut à celle de Paris à Brest) - et du climat (plus de 40°).

" Les combats de l'Adrar ont été livrés par une température de 45°. Chargé de 30 kilos, chaque homme avait besoin de dix litres d'eau par jour. Comme ils étaient 2 000, ce sont donc vingt tonnes d'eau qu'il fallait acheminer quotidiennement, soit la capacité de deux avions C-130. Nos soldats ont tenu, non seulement parce qu'ils étaient bien entraînés mais aussi parce que nous avons pu relever ce défi logistique. "

Plus loin, l'amiral Guillaud reconnaît que " nous sommes allés assez loin dans la prise de risque ". La France n'avait pas parachuté de bulldozers depuis Diên Biên Phu (1954) ou mené une opération aéroportée comme à Tombouctou depuis Kolwezi (1978) !

Désormais, la France réduit son empreinte au Mali. La MISMA de 6 000 hommes se déploie, y compris dans le nord, avant de devenir le 1er juillet la MINUSMA, forte de plus de 12 000 hommes. Le reste est politique (élection présidentielle le 28 juillet et le 11 août) et financier (3,2 milliards d'euros réunis lors de la conférence des donateurs le 15 mai à Bruxelles).

Efficacité exceptionnelle et lacunes capacitaires

Sur le plan des enseignements militaires, le CEMA s'enthousiasme : " Les forces armées françaises ont atteint un niveau d'efficacité exceptionnel. " Première réussite, l'intégration interarmées " jusqu'à un niveau élémentaire ", puis le partage du renseignement inter-agences, " aussi bien entre nos services qu'avec nos alliés " et le processus de ciblage " plus efficace ". Au-delà, les atouts français sont connus : l'alerte Guépard et les forces prépositionnées. Mais aussi le transport maritime (18 000 tonnes de matériel lors du premier mois).

Autre carte majeure à choyer selon le CEMA dans la prochaine Loi de programmation militaire : la préparation opérationnelle des forces. Voilà qui touchera le Commandement des forces terrestres et le général Clément-Bollée qui travaillent actuellement sur le sujet à Lille.

Mais l'amiral Guillaud ne peut passer à côté de la " douloureuse " : " Les lacunes capacitaires n'ont pu être que partiellement comblées par l'aide de nos alliés. " Faiblesses : transports stratégique et tactique ; les deux pauvres drones Harfang " si bien que le soutien des drones américains a été le bienvenu " ; ravitaillement en vol (trois avions US par jour encore actuellement) ; absence d'hélicoptères lourds.

Reste la question du coût. Les 630 millions d'euros prévus au titre OPEX n'incluent pas l'opération Serval " pour laquelle 300 millions ont été engagés " (plus de 400 fin 2013). Ils seront inclus dans le budget général de la Défense avec une éventuelle rallonge de Matignon. La facture globale tourne autour de 100 000 € par homme et par an. La situation sera tendue en fin d'année.

De l'Europe à la Loi de programmation militaire...

Sur le plan stratégique, le CEMA se félicite de l'influence française conservée en Afrique, de la mobilisation des forces africaines. Il regrette : " L'aide militaire européenne a été globalement tardive (...) souvent dans un cadre bilatéral. "  Britanniques, Danois et Belges ont répondu présent en moins de 24 heures " sans restriction d'emploi ". Des pilotes danois et belges ont même transporté des Français en zones de combat.

Le CEMA doute cependant qu'une pareille opération soit aussi réalisable en coalition. " Si nos partenaires de l'OTAN et de l'Union européenne sont très admiratifs de ce que nous avons réalisé, ils doutent de pouvoir nous imiter. "

Le livre blanc prend acte de la diversité des opérations (Afghanistan, Libye, piraterie et Mali), de " la nécessité de conserver plusieurs points d'appui en Afrique ". Le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, a même demandé d'avoir une base militaire française comme à Dakar !

L'amiral Guillaud constate aussi que " le volume des forces engagées au lancement de l'opération correspondait à celui de la future force interarmées de réaction immédiate, la FIRI ", que la France a recherché des appuis locaux et régionaux pour respecter le principe " premier entré, premier sorti ".

Quels enseignements faut-il en tirer ? Le cas malien n'est que " l'un des modèles des opérations à venir ", sans oublier d'éventuelles surprises stratégiques. Le CEMA s'interroge : " La question est de savoir si la programmation militaire doit nous permettre de parer à toutes les hypothèses ou seulement aux plus probables.

Faut-il, par exemple, conserver toutes les compétences en aérolargage ? " C'est l'un des points délicats du projet de loi de programmation militaire car si l'on peut perdre en savoir-faire en quelques mois, il faut plus de dix ans pour le retrouver ", prévient l'amiral Edouard Guillaud, face à un combat plus politique désormais...

OL. B.

A lire ici, l'intégralité de l'audition de l'amiral Guillaud.

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 12:45
photo EMA

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22.05.2013 Commission de la défense nationale et des forces armées (A.N.)

 

Audition de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées (CEMA), sur les enseignements de l’opération Serval.

 

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 15:55
CEMA : entretien avec le chef du commandement régional américain pour l’Afrique

24/05/2013 Sources : EMA

 

Le 21 mai 2013, l’amiral Edouard Guillaud, chef d’état-major des armées, a reçu le général d’armée David Rodriguez, chef du commandement régional des Etats-Unis pour l’Afrique (US AFRICOM).

 

Cette rencontre s’inscrit dans le cadre du dialogue militaire régulièrement entretenu entre les deux pays. Créé en 2007 et stationné à Stuttgart en Allemagne, l’AFRICOM a pour mission de coordonner les activités militaires des Etats-Unis sur le continent africain.

 

Au cours de leur entretien, l’amiral Guillaud et le général Rodriguez ont fait le point sur la coopération militaire franco-américaine mise en œuvre au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et en Afrique centrale. L’état-major américain AFRICOM constitue un partenaire privilégié dans des régions où la France entretient une présence permanente à travers son dispositif de forces prépositionnées et en opération, comme au Sénégal, au Gabon, au Tchad, en République centrafricaine, à Djibouti, en Côte d’Ivoire ou au Mali.

 

Cette coopération opérationnelle s’est en effet renforcée depuis le déclenchement de l’opération Serval. Les Américains apportent à la France un appui dans les domaines du ravitaillement en vol, du transport tactique et stratégique et dans l’échange d’informations. Des actions communes appuieront la montée en puissance de la future mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).

CEMA : entretien avec le chef du commandement régional américain pour l’Afrique
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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 16:55
LBDSN : Message de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’Etat-Major des Armées.

01/05/2013 Sources : EMA

 

A l’occasion de la publication du Livre Blanc de la défense et de Sécurité Nationale, le chef d’état-major des Armées a adressé un message aux Armées.

 

Le 29 avril 2013, la Commission du Livre blanc a remis le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale au Président de la République. A partir d’une analyse de l’environnement géostratégique, des risques et des menaces pour notre défense et notre sécurité, ce document déterminant pour notre outil de défense définit l’ambition nationale et les moyens qu’y consacre notre pays. Le ministre de la défense en a présenté les principales lignes de force à l’ensemble des hauts responsables du ministère. Elles feront l’objet d’une communication spécifique au sein des armées.

 

Les armées, les directions et les services interarmées ont pris toute leur part dans cette actualisation de notre stratégie de défense et de sécurité, aux côtés des autres organismes du ministère. La loi de programmation militaire qui sera votée dans quelques mois traduira pour les armées les décisions portées par ce Livre blanc. L’enjeu est de bâtir un modèle d’armée capable de relever les défis opérationnels à venir. Nous restons pleinement mobilisés.

 

Dans le prolongement du message du ministre de la défense, je voudrais dès aujourd’hui vous communiquer mes objectifs. Ils sont au nombre de trois.

 

Mon premier objectif est de garantir la cohérence de ce modèle d’armée au regard des contrats opérationnels qui nous sont fixés. Ces contrats sont réalistes. Ils tiennent compte de l’évolution des risques et des menaces, des formes de la conflictualité ainsi que de la posture de nos alliés et partenaires stratégiques. Ils permettent une action adaptée à cet environnement, dans tous les milieux, y compris l’espace cybernétique, dans un cadre budgétaire particulièrement contraint. Nous devrons nous adapter à ces nouveaux contrats.

 

Mon deuxième objectif est de poursuivre la transformation de notre outil, sans rupture. Tous les domaines de l’emploi, de la préparation et du soutien de nos forces seront concernés : recrutement et formation, acquisition et maintien en condition du matériel, activité opérationnelle. Nous devrons faire bien, mais avec moins. Nous définirons et mettrons en œuvre des concepts innovants, dans un cadre résolument interarmées. Nous développerons plus encore nos coopérations multinationales, avec nos amis européens, nos alliés et nos partenaires stratégiques. C’est ainsi et seulement ainsi que nous maintiendrons notre outil militaire au meilleur niveau, un outil qui compte parmi les premiers à l’échelle de l’Union européenne et de l’Alliance atlantique. Cela demandera un fort investissement individuel et collectif.

 

Mon troisième objectif, c’est vous : votre détermination, votre solidarité, votre courage. Vous êtes la principale richesse des armées ; leurs succès sont les vôtres. Notre effort portera principalement sur le maintien d’une activité opérationnelle adaptée aux missions qui nous seront confiées : c’est le gage de l’efficacité et de la cohésion. Dans un contexte déjà marqué par une forte déflation des effectifs, qui va se poursuivre, je serai particulièrement vigilant au moral et à la condition militaire. Le dialogue de commandement, la concertation en sont les piliers.

 

Les moyens que le Livre blanc consacre à la défense et la sécurité nationale sont comptés mais réalistes compte tenu de la situation dans laquelle se trouve la France. Je sais que les travaux à conduire seront difficiles. Je sais qu’ils susciteront d’inévitables questions. Je veillerai à vous apporter les réponses légitimement attendues.

 

Personnel militaire et civil des armées, vous avez toujours démontré un engagement exceptionnel au service de notre pays. Vous avez toute la confiance du Président de la République, chef des armées, et du Ministre de la défense. Vous avez toute ma confiance.

 

Je sais, pour vous avoir rencontrés, en France comme sur nos théâtres d’opération, que vous saurez vous adapter aux exigences nouvelles. Nous relèverons les défis à venir ensemble, pour le succès de nos armes, pour les succès de la France. Telle est la vocation de nos armées.

 

Plus d'informations sur le lien.

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12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 09:00

Mindef

 

06/11/2012 Michel Cabirol – LaTribune.fr

 

Grandeur et décadence des armées françaises... Mercredi après-midi débute l'examen en séance des crédits de la mission Défense du projet de loi de finances (PLF) pour l'année 2013. Le PLF devrait en principe être voté le 20 novembre. En trois volets, voici les principales déclarations à l'occasion de leur audition à la commission de la défense de l'assemblée nationale du chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, puis des chefs d'état-major terre, air, marine et enfin du délégué général pour l'armement.

 

Dans ce premier volet, voici les principales déclarations de l'amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées, lors de son audition devant la commission de la défense de l'assemblée nationale :

 

• Sur le modèle défini par le Livre blanc de 2008 :

"Le modèle défini par le Livre blanc de 2008 n'est plus soutenable, malgré les efforts que l'État a consentis pour la défense et ceux des armées pour s'optimiser. Depuis 15 ans et la fin de la conscription, l'outil de défense est dimensionné en moyenne à 32 milliards constants en valeur de 2012. Le nouveau budget triennal programme 29 milliards pour 2015, soit quasiment 10% de moins. C'est clairement un changement de portage".

 

• Sur le recul des crédits à la défense cette année :

"En tenant compte des lois de finances rectificatives et du gel de crédits supplémentaires intervenu en juillet, les crédits de 2012 sont désormais en recul de 1,2 milliard par rapport à l'annuité initialement prévue. Conjugué à l'écart cumulé de 1,9 milliard de la fin de 2011 et sans préjuger des conditions de la fin de gestion de 2012, le recul dépassera les 3 milliards à la fin de l'année".

 

• Sur le gel des recrutements et le moral des troupes :

"D'autres risques concernent le domaine des ressources humaines. Les économies décidées imposent de geler le recrutement de 2000 personnes en 2012 et de diminuer de nouveau, en 2013, des mesures catégorielles. Le taux de retour des économies dégagées par les déflations s'établit, selon le ministère, à 33% en 2011 et à 20% en 2012. Selon le projet de loi de finances, il atteindra 30% en 2013, soit beaucoup moins que la norme en vigueur qui est de 50%. Le moral est déjà fragile, je l'ai souligné en juillet. Ce ne sont pas ces mesures qui vont l'améliorer».

 

• Sur le renouvellement des équipements :

"Les économies réalisées sur les équipements représentent 850 millions. Au total, la diminution des engagements atteint 5,5 milliards en 2012 et 2013, dont près de 4,5 pour les seules opérations d'armement, le reste se répartissant entre les petits équipements des armées et l'infrastructure. Sur deux ans, elle représente plus de la moitié d'une annuité du titre V. Ces décalages, qui préservent les choix futurs, impliquent dans l'immédiat des aggravations ou de nouvelles réductions temporaires de capacité, sans parler de la prolongation d'équipements à bout de souffle : les cloisons intérieures de certains avions sont dans un triste état ; dans la coque de certains navires, l'épaisseur du métal n'est plus que d'un centimètre en comptant les couches de peinture ; le châssis de certains blindés montre des faiblesses..."

 

• Sur la capacité à soutenir le rythme de l'effort budgétaire d'ici à 2015 :

"Au résultat, la divergence cumulée entre les ressources prévues aujourd'hui et la programmation initiale atteint 10 milliards pour 2013-2015, soit presque une année de masse salariale du ministère hors pensions ou la totalité du programme des six sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) Barracuda. Si l'on prolonge la tendance actuelle, on obtiendra en 2020 un écart de 40 milliards en valeur de 2012, soit 130% du budget total d'une année. Un tel écart n'est pas de l'ordre de l'ajustement. Il nous impose de revisiter nos ambitions. Pour mémoire, l'effort de défense était, aux normes OTAN -c'est-à-dire hors pensions et hors gendarmerie-, de 2% du PIB en 1997, avant de se stabiliser ces dix dernières années entre 1,6% et 1,7%. En 2012, il est de 1,55%. À l'horizon de 2015, il dépassera à peine 1,3%. Compte tenu de la situation des finances publiques, le modèle en vigueur n'est plus soutenable. Nous devrons donc penser autrement".

 

• Sur les gisements d'économies potentiels:

"Les déflations d'effectifs de la LPM en cours s'étalent jusqu'en 2015. Aller au-delà impliquerait des dissolutions de structures et d'unités de combat supplémentaires. On ne peut donc considérablement réduire la masse salariale. Deuxièmement, les marges de manoeuvre sur le fonctionnement courant sont désormais réduites à leur plus simple expression. Vous qui êtes au contact des réalités locales, interrogez les commandants d'unités ou de bases de défense. Ils vous diront que la fin de l'année sera difficile. Même si l'on décidait de nouvelles restructurations, seules à même de générer des effets d'échelle, elles ne produiraient pas d'économies à court terme, puisque toute réforme commence par un investissement. Troisièmement, l'activité opérationnelle est 10% à 15% en deçà des objectifs de la LPM, selon les capacités et les matériels. Le ministre de la défense a obtenu que les crédits soient plus importants en 2013, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir: leur niveau actuel n'est pas loin de remettre en cause le choix d'une armée polyvalente et homogène, garantissant réactivité, souplesse d'emploi et endurance. Quatrième contrainte, les crédits d'entretien du matériel, en retrait de 550 millions sur les prévisions initiales pour 2009-2012, croissent en 2013, mais, en raison de l'arrivée de nouveaux matériels, ils devront ensuite être soutenus si nous ne voulons pas dégrader davantage une disponibilité technique déjà moyenne. Celle des matériels déployés en opérations est bonne, mais nous en sommes réduits à déshabiller Pierre pour habiller Paul. En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle (MCO) de nos matériels, nous avons réussi à faire autant avec moins de moyens; nous ne ferons pas mieux avec encore moins. Dès lors, les seuls nouveaux gisements d'économies sont externes. Ils se situent notamment dans les contrats de MCO que nous passons avec nos industriels, dont les marges, pointées par la Cour des comptes et l'inspection des finances, peuvent dépasser 50%. Nous devrons négocier avec eux, quitte à le faire assez brutalement".

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4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 11:30
La France, l'adieu aux armes ? (5/5) - par @MCabirol

 

31.08.2012 par Michel Cabirol - LaTribune.fr

 

Respectée pour ses compétences par ses alliés, l'armée française appartient encore au club restreint des puissances militaires autonomes. Mais elle est aujourd'hui face à un tournant pour maintenir ses ambitions opérationnelles pourtant déjà en mode de "juste suffisance". La très forte contrainte budgétaire et surtout la rédaction d'un nouveau Livre Blanc vont avoir certainement des conséquences sur ses moyens, et donc son fonctionnement. C'est ce qui ressort des auditions à l'Assemblée nationale des quatre grands patrons de l'armée française réalisées en juillet. Le dernier volet des cinq états des lieux proposés par "latribune.fr" montre que le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud est prêt à monter au front pour défendre la cohérence opérationnelle des armées.
 

Les quatre grands patrons des armées sont inquiets. Inquiets de l'avenir au moment où le nouveau gouvernement a lancé cet été des "travaux déterminants pour notre outil de défense" - la révision du livre blanc, déjà démodé alors qu'il ne date que de 2008, et la préparation d'une nouvelle loi de programmation militaire. "Nous savons que ces travaux seront conduits dans un contexte économique et financier difficile, très difficile", souligne le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, qui estime que la révision du livre blanc "imposera des choix conséquents". "Nous sommes à nouveau à l'heure des choix", explique-t-il. Tout en rappelant que "la guerre ne se prévoit pas toujours et la guerre que l'on imagine est rarement celle que l'on fait". "Nous serons surpris, c'est certain, estime-t-il. Nous serons impliqués dans d'autres crises, c'est également certain. Comme il est certain que la physionomie de nos engagements futurs bousculera nos références".

 

"Le monde réarme mais l'Europe désarme"

 

C'est pourquoi les grands patrons des armées ne veulent pas renoncer, en dépit des très fortes contraintes budgétaires qui s'annoncent, à certaines des ambitions opérationnelles de l'armée française. D'autant comme le rappelle l'amiral Guillaud, "le monde réarme mais l'Europe désarme : elle ne consacre plus que 1,6 % de son PIB à ses dépenses de défense, à comparer aux 5 % des Etats-Unis et aux chiffres imposants de la Chine (...). L'Europe désarme alors que la nouvelle posture stratégique américaine est en train de basculer vers la zone Asie-Pacifique". Du coup, le chef d'état-major des armées demande des clarifications sur "l'ambition politique mais aussi l'ambition opérationnelle" que le gouvernement en attend. "Quel rôle souhaitons-nous pour notre pays sur la scène internationale ? Quel rôle à l'Union européenne et dans l'Alliance atlantique ? Quelles opérations souhaitons-nous pouvoir mener ? Autant de questions structurantes car si nos ambitions déterminent notre outil, inversement notre outil contraint nos ambitions". Voici les ambitions sur lesquelles ils s'accrochent.

 

Quels moyens financiers ?

 

Les propos de l'amiral Guillaud sont clairs, très clairs. Il met en garde le gouvernement d'une logique comptable. "S'agissant de l'effort financier, il y a deux façons de voir les choses : soit l'on obéit à une logique strictement comptable - une photo noir et blanc, à un instant donné -, soit l'on regarde la vie avec les trois dimensions géométriques, plus le temps, plus les trois couleurs, plus la biologie. Vous pouvez vivre soit au jour le jour, soit avec une perspective. Je sais bien sûr où va ma préférence, mais c'est un choix qui ne dépend pas de moi". Et de s'interroger "où faut-il mettre le curseur et que faut-il sanctuariser". Selon lui, "toute diminution du budget se traduira mécaniquement par un abandon de capacité. Il est difficile de demander à un militaire de choisir s'il préfère qu'on lui coupe la main droite ou la main gauche en admettant qu'il soit ambidextre". Et d'insister pour que "budget 2013 et la prochaine Loi de programmation de finances publiques n'obèrent pas l'avenir".

 

Le prépositionnement des troupes françaises indispensable

 

Pour le chef d'état-major des armées, si la France veut "conserver une certaine influence", le "prépositionnement me semble une bonne chose". C'est d'ailleurs la solution "historique française, qui permet l'acculturation des troupes déployées". Ce que confirme le chef de l'état-major de l'air, le général Jean-Paul Paloméros. Présente au Tchad avec des avions de chasse, l'armée de l'air peut opérer ainsi au Sahel, notamment pour des missions de renseignement. "Une vraie puissance aérienne montre toute son utilité sur un théâtre aussi vaste", explique-t-il.

Le général Paloméros estime que "la prévention passe par le prépositionnement - six Rafale sont ainsi installés de façon permanente aux Emirats arabes unis, à Al Dhafra". Cette posture, précise-t-il, contribue "à la stabilisation du Golfe persique sans compter que ces avions pourraient au besoin intervenir très rapidement en Afghanistan". "Le prépositionnement à Djibouti permet lui aussi d'assurer un soutien aux nombreuses opérations dans la région, tout en contribuant à sa stabilisation", assure le général Paloméros. C'est également vrai dans les départements et collectivités d'outre-mer (DOM-COM), notamment en Guyane, en Nouvelle-Calédonie... Ce qui a permis à l'armée de l'air d'acquérir « une dimension internationale » grâce à la reconnaissance de la part de pays étrangers.

 

Un constat partagé par la marine. Car "la plupart des opérations militaires se déclenchent très vite, nécessitant la projection rapide d'un dispositif qui fait ensuite l'objet d'une planification plus élaborée, souligne le chef d'état-major de la marine, l'amiral Bernard Rogel. Cela impose de notre part d'avoir, dans des zones de crise ou d'intérêt stratégique, des bâtiments prépositionnés". Ainsi la marine assure une présence en dans l'est méditerranéen, l'Océan indien ou le Golfe de Guinée. Ce qui permet à la marine de surveiller les 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE) de la France. "Si nous ne surveillons pas notre ZEE et ne montrons pas notre pavillon, nous serons pillés". En outre, il rappelle que "l'une des forces de la France repose sur son dispositif de bases mondiales, lequel repose sur les DOM-COM et les accords de défense que nous avons avec des pays comme le Gabon, la Côte d'Ivoire ou les Emirats arabes unis". Ce réseau a permis à la marine de disposer de "capacités d'action quasiment immédiates un peu partout". Ainsi, lors du séisme en Haïti, le fait d'avoir une base à Fort-de-France nous a offert un point d'appui très utile". Même stratégie pour l'armée de terre. J'ai souhaité capitaliser sur les infrastructures militaires des DOM-COM afin d'entretenir une formidable culture de projection", explique le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Bertrand Ract Madoux.

 

La coopération oui mais elle a ses limites

 

"Il ne faut pas attendre des miracles de ces coopérations", avertit le chef d'état-major des armées. Un exemple de coopération inabouti : la brigade franco-allemande. "Cela fait des années, explique l'amiral Guillaud, que l'on essaie de déployer la brigade franco-allemande (dans une opération extérieure, ndlr). Nous n'avons pas réussi à le faire en Afghanistan pour deux raisons : d'abord, les Allemands étaient dans le nord du pays alors que nous étions dans l'est ; ensuite, les règles d'engagement, donc les consignes d'ouverture du feu, n'étaient pas les mêmes pour les Allemands et pour les Français (...) Si l'on veut que cette brigade fonctionne, il faut l'utiliser et non la laisser dans un camp d'entrainement ».

 

D'une façon générale, il estime ce serait « un leurre » de « tout miser sur les partages et mutualisations capacitaires ». Car la « smart defence » de l'Otan et « pooling and sharing » de l'Union européenne sont des opportunités intéressantes mais elles ne rempliront le vocation que si elles sont vécues par tous comme un atout pour faire plus ensemble et non comme une excuse pour faire moins chacun ».  Et de rappeler que « l'envie des Européens pour une défense commune reste faible. L'idée d'une Europe puissance ne fait guère d'émules ». Le général Paloméros y croit. « Cette approche de plus en plus capacitaire, interarmées et internationale, devrait nous permettre de limiter les impasses auxquelles nous serons contraints ». Il estime d'ailleurs que le développement de la défense et de l'Otan impliquera également que « nous passions par l'étape difficile du renseignement ».

 

Dans ce contexte, l'amiral Guillaud plaide lui pour des "coopérations renforcées", qui sont "le chemin le plus réaliste". A l'image de la coopération franco-britannique, « validée dans les faits lors de la crise libyenne ». « Elle doit être poursuivie avec détermination et réalisme parce que nos armées affichent des ambitions et un niveau comparables ». C'est ce que pense aussi l'amiral Rogel.  « Pour mutualiser, il avoir une valeur d'échange, estime le chef d'état-major de la marine. Or, nous avons des capacités navales que nous sommes les seuls à maintenir en Europe, ce qui limite les possibilités en la matière. Enfin, l'amiral Guillaud recommande de renforcer la coopération avec Berlin « indispensable » ainsi que trois autres pays (Italie, Espagne et Pologne).

 

Le renseignement essentiel

 

Le renseignement est la "mission la plus essentielle", estime le général Paloméros. L'armée de l'air dispose "d'une vraie culture en la matière", rappelle-t-il. Ainsi le premier avion qui a survolé l'Afghanistan en 2001 était un Mirage IV. Le renseignement a été aussi indispensable en Libye. "Le renseignement, dont il nous faudra renouveler les moyens avec les dernières technologies disponibles, fera d'ailleurs l'objet d'une réflexion dans le cadre du futur livre blanc".

 

Retrouvez les épisodes précédents :

 

> France, l'adieu aux armes (1/5) "L'armée française ne peut tenir certains de ses contrats opérationnels"

 

> France, l'adieu aux armes (2/5) "En matière d'équipements militaires, la France oscille entre grandeur et décadence"

 

> France, l'adieu aux armes (3/5) "Les déficiences dans l'entretien des matériels français"

 

> France, l'adieu aux armes (4/5) "Seuil d'alerte pour le moral des armées"

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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 08:00

http://www.defense.gouv.fr/var/dicod/storage/images/base-de-medias/images/ema/le-chef-d-etat-major/120218-cema-visite-du-general-richards-chef-de-l-armee-britannique/visite-du-general-richards-chef-de-l-armee-britannique/1564756-1-fre-FR/visite-du-general-richards-chef-de-l-armee-britannique_article_demi_colonne.jpg

 

18/02/2012 Sources : EMA

 

Le 16 février 2012, l’amiral Edouard Guillaud, chef d’état major des armées (CEMA) a reçu son homologue britannique, le général David Richards.

 

Les deux chefs militaires ont abordé les différents thèmes de la relation franco-britannique, notamment dans le domaine des équipements, à la veille du sommet du 17 février entre le président de la République et le Premier ministre britannique.

 

Ils ont également fait un tour d’horizon sur les opérations militaires auxquelles participent les deux pays.

 

Cette rencontre a été symbolisée par la signature du concept interarmées de la Force expéditionnaire interarmées conjointe (CJEF - Combined Joint Expeditionary Force ) et la déclaration d’intention (Statement of Intent ) relative à l’organisation des échanges d’officiers dans les états-majors de niveaux opératif et stratégique, ainsi que les directives d’objectifs pour 2012.

 

Cette coopération sera illustrée à l’automne par un exercice franco-britannique majeur en Méditerranée qui impliquera le Groupe aéronaval (GAN) et des unités amphibies.

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