Le 20 novembre 2000, en Australie, les internautes n’ont plus accès à la toile. Telstra, leur principal fournisseur d’accès, ne tourne plus qu’à 30 % de sa capacité habituelle. Le trafic est ralenti, toute tentative de connexion est impossible. La raison ? La rupture d’un câble sous-marin au large de Singapour.
Difficile d’imaginer que nos photographies de voyage postées sur les réseaux sociaux ou que nos conversations sur Skype avec nos amis du bout du monde transitent sous la mer ? Et pourtant. Ce sont plus d’un million de kilomètres de câbles qui sillonnent le fond des océans, permettant d’assurer 99 % des communications intercontinentales, loin devant les satellites. Et le développement de cette technologie ne date pas d’hier. Les premières tentatives d’immersion de câbles remontent aux années 1840. C’est en 1851 que la toute première ligne sous-marine est inaugurée : posée au fond de la Manche, elle relie Calais à Douvres.
Ce pas de géant dans le développement des communications internationales sera le premier d’une longue série. Dès le mois d’août 1858, la liaison est établie entre l’Europe et les États-Unis, permettant l’envoi de messages en quelques heures seulement. Loin des 15 jours de traversée nécessaires pour qu’un courrier traverse l’Atlantique ! Mais la composition inadaptée du câble à l’environnement marin aura très rapidement raison de cette première. Sept années de travail, de multiples tentatives de pose et autant d’échecs seront nécessaires, avant qu’en 1866 un autre câble déroulé par le plus grand paquebot de l’époque, le Great Eastern, relie à nouveau le Vieux Continent au Nouveau Monde.
Depuis cette date, la technique n’a cessé d’évoluer. Les années 50 voient naître les câbles téléphoniques et la fin des années 80 les câbles en fibres optiques dont les performances sont progressivement décuplées. La capacité de transmission est passée au très haut débit, multipliant ainsi par 1 million le volume de flux.
Une économie connectée
Ces câbles sont également le support des marchés financiers, permettant de se jouer des distances et des créneaux horaires pour parier à la hausse ou à la baisse de Tokyo à Londres, en passant par New York. À l’heure des opérations boursières, chaque milliseconde gagnée dans le transfert de données peut valoir plusieurs millions de dollars.
L’entrepreneur de son côté peut commander, contrôler la fabrication, puis la livraison via les porte-conteneurs de sa prochaine collection de prêt-à-porter, de son dernier modèle de voiture ou de son smartphone. Et bon nombre d’entreprises sont de plus en plus tributaires de ces plates-formes dématérialisées. L’accès au Cloud Computing (nuage virtuel) qu’elles utilisent aux fins de messagerie, de stockage de fichiers clients, de données comptables ou financières est particulièrement dépendant de la qualité du réseau. Le risque, en recourant à ce type de technologie, est qu’en cas de coupure internet – due à une rupture de câble ou à une attaque ciblée – les activités de ces sociétés s’en trouvent gelées.
Lorsque les États perdent le fil
Dans le monde actuel inter – voire ultra – connecté, le bon fonctionnement de ces liaisons sous-marines est crucial. Déjà, lors de la Grande Guerre, ces liens revêtaient une importance décisive, à tel point que les alliés se sont attelés à en priver l’Allemagne dès les premières heures du conflit. Ce faisant, ils s’assuraient un avantage stratégique majeur dans le déroulement des hostilités.
C’est aussi la stratégie qu’ont adoptée les États-Unis pour isoler Cuba du reste du monde dès le début de l’embargo en 1962. Il faudra attendre près de 50 ans pour que la Havane soit enfin connectée via un unique câble sous-marin.
Si cette mainmise sur les câbles de télécommunications revêt une importance considérable dans les relations entre États, elle est tout aussi essentielle concernant le contrôle et la surveillance des populations. Qu’il s’agisse d’espionnage d’agences gouvernementales – comme rappelé par l’affaire Snowden – ou de régimes autoritaires qui paralysent les communications pour faire taire les contestations de leurs peuples, le pouvoir que confère la maîtrise de ces outils est immense.
Câbles stratégiques
Les câbles sous-marins ne sont pas indestructibles, loin de là. Les contraintes qu’ils subissent sont nombreuses : température, salinité, pression, courants, tempêtes, séismes et glissements de terrain sous-marins, ancres, chaluts et même attaques de requins ! Autant de facteurs qui rendent ces serpents de mer vulnérables. Ceci sans compter les dégradations volontaires, le vandalisme et les autres formes de sabotages. D’autant qu’ils ne sont pas non plus à l’abri de destructions une fois à terre, quand bien même ils seraient enfouis dans le sol.
Dans le cadre de ses missions, la Marine a aussi vocation à protéger les navires civils qui œuvrent à la pose de ces câbles, ainsi qu’à déceler toute forme d’activité suspecte ou délictueuse à l’encontre de ces précieux moyens de communication.
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