17 mars 2015 par Jacques N. Godbout – 45eNord.ca
Le gouvernement Harper a enfin ratifié le traité international interdisant les bombes à sous-munitions après des années d’hésitations à transposer la Convention sur les armes à sous-munitions en droit canadien craignant pour la capacité des Forces armées canadiennes à participer à des opérations conjointes avec les États-Unis qui n’ont pas signé la convention et n’en ont pas l’intention.
Les armes à sous-munitions désignent un conteneur qui, une fois largué (avion, hélicoptère) ou lancé (pièce d’artillerie, missile) s’ouvre en l’air afin de répandre plusieurs dizaines voire plusieurs centaines (plus de 600 dans certains cas) de projectiles explosifs de taille réduite, des «sous-munitions», sur une vaste zone d’impact.
L’administration américaine n’a jamais caché son opposition à la Convention. Les États-Unis, à tort ou à raison, considèrent les armes à sous-munitions comme des armes «efficaces […] légitimes» qui démontrent «une utilité militaire claire». Et les Américains n’ont tout simplement pas l’intention de signer la Convention, misant sur le développement d’armes à sous-munitions quasiment «infaillibles», dont le taux de non fonctionnement ne dépasserait pas 1%.
Tout le monde s’entend pourtant pour dire que ce sont des armes horribles, critiquées principalement en raison de leur caractère non-discriminatoire dans la mesure où l’étendue et l’imprécision de la zone touchée risquent d’affecter – outre les cibles militaires désignées – des populations civiles à proximité.
Et dans les faits, 98% des victimes des armes à sous-munitions sont des civils.
Mais, comme l’expliquait en 2014 Benoît Mararaval dans 45eNord.ca, ce n’est pas tant la destruction des stocks qui dérangeait le Canada, qui n’emploie de toutes façons pas d’armes à sous-munitions, mais les conséquences de l’adhésion sur la capacité des Forces armées canadiennes à participer à des opérations conjointes avec un État non partie à la Convention. En l’occurrence, les États-Unis.
La solution qu’a trouvé le gouvernement conservateur canadien a été de retirer un seul mot, de sorte que le texte interdit clairement au personnel militaire canadien d’utiliser directement ces armes, mais n’exclut pas leur participation indirecte dans des opérations conjointes où elles sont utilisées.
De toutes façons, la Convention prévoyait bien dans son article 21 que le Canada, par exemple, peut «s’engager dans une coopération et des opérations militaires avec des États non parties [les États-Unis dans le cas présent] qui pourraient être engagés dans des activités interdites» par la Convention.
L’interopérabilité avec les États-Unis serait donc garantie sans pour autant autoriser le personnel militaire canadien à employer «lui-même des armes à sous-munitions [ou à] expressément demander l’emploi de telles munitions dans les cas où le choix des munitions employées est sous son contrôle exclusif».
Le directeur général de Mines Action Canada, Paul Hannon, cité par La Presse Canadienne, a affirmé pour sa part que de grandes inquiétudes demeuraient, bien que les forces canadiennes aient exclu l’utilisation de cette arme considérée comme cruelle.
Comme le rapportait l’an dernier 45eNord.ca, outre le caractère non-discriminatoire de ces armes, bien que les sous-munitions soient censées exploser à l’impact, leur utilisation a révélé de nombreux cas de sous-munitions dont le détonateur ne s’est pas déclenché. Le Comité international de la Croix-Rouge estime le taux de non-fonctionnement des sous-munitions entre 10% et 40%.
Une seule de ces bombes contient des centaines de sous-munitions de la grosseur d’une balle de baseball qui restent donc souvent inactives pendant des décennies, présentant un risque constant pour les civils et les enfants dans des dizaines de pays en après-guerre.
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