La France réceptionne officiellement ce lundi, à Séville chez Airbus Military puis sur la base aérienne d'Orléans, son premier A400M. Très attendu, cet avion de transport militaire de nouvelle génération a été commandé à 50 exemplaires par Paris. Dernier grand programme de coopération européenne, il a bien failli ne jamais aboutir. Le Délégué général pour l'armement, Laurent Collet-Billon, explique pourquoi cet appareil devait absolument voir le jour.
Le premier exemplaire de l'A400M a été livré avec quatre ans de retard à l'armée française. Le programme a bien failli virer au fiasco. Quelles leçons en avez-vous tiré?
Sans l'implication forte des Etats clients, le programme aurait en effet pris fin en 2009. Mes homologues des nations partenaires (Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni, Turquie, Belgique, Luxembourg, NDLR) et moi-même, nous nous sommes mobilisés pour éviter cela.
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Nos experts techniques respectifs ont retroussé leurs manches pour sortir un programme alors dans l'impasse. Les leçons à tirer sont multiples, à la fois sur l'empilement toxique des spécifications opérationnelles, sur le niveau de contrôle par le client des travaux industriels et, enfin, sur la nécessité d'organiser la répartition industrielle selon les compétences et non selon la nationalité... C'est aussi, je pense, une démonstration de plus qu'il est beaucoup plus simple d'initier des coopérations à deux, de définir clairement les règles du jeu ensemble avant d'élargir à d'autres partenaires.
Que va apporter cet appareil à l'armée française ? Quels sont les défis à relever lors de la mise en opération?
C'est un avion trois en un : il fait du transport tactique, en opérant depuis des pistes courtes et non préparées en milieu hostile, il fait du transport stratégique, avec un long rayon d'action, et du ravitaillement en vol. Avec l'A400M, le transport aérien militaire français va entrer dans une nouvelle dimension. Concrètement, il pourra convoyer directement sans escale vers des terrains sommaires à plusieurs milliers de kilomètres de la métropole un volume conséquent de soldats accompagnés de leur matériel. Sans parler de sa capacité à ravitailler en vol tous types d'aéronefs, y compris des hélicoptères.
Pour ce qui est des défis à relever, je vois principalement la mise en place d'un soutien en opérations le plus commun possible afin d'éviter les errements de programmes européens passés. Dans les mois à venir, nous allons amorcer cette logique avec un contrat de soutien franco-britannique dans le cadre du Traité de Lancaster House. Ce sera un très bon test et pour nos équipes un réel challenge.
Seul l'export permettra de rentabiliser ce programme très coûteux. Quelles sont les perspectives de ventes?
Il existe déjà un client export qui est la Malaisie. C'est logique, l'A400M constitue le meilleur compromis entre la capacité de transport stratégique d'un C-17 (construit par Boeing) et les qualités requises pour les missions tactiques, telles que permises par le C130J (construit par Lockheed Martin). Les clients potentiels sont notamment au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique.