29/05/2015 M. Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense
Allocution du ministre de la Défense sur le volet Marine du projet de loi d'actualisation de la LPM, Lann-Bihoué le 29 mai 2015
Allocution aux personnels de la Marine nationale
– Seul le prononcé fait foi –
Mesdames et Messieurs les élus,
Amiral,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les officiers, officiers-mariniers, quartiers-maîtres et matelots,
Mesdames et Messieurs,
Je ne surprendrai personne en disant que j’ai toujours un grand plaisir à venir sur cette base de Lann-Bihoué, parce que c’est pour moi le synonyme d’un retour au pays natal, celui de Lorient, où j’ai fait ma vie et où je continue de vivre, lorsque mes activités de ministre me laissent un peu de répit.
Mais aujourd’hui, je suis d’autant plus heureux d’être ici, avec vous, que je rends visite à la Marine nationale.
Plus que jamais, dans un environnement stratégique qui s’est fortement dégradé, notre Marine prend la figure d’un navire au milieu des avis de tempêtes.
Les périls sont là, comment le nier ? D’un côté, nous devons affronter une menace terroriste, qui a pris une ampleur inédite et grave, sur de nombreux théâtres, au plus loin comme au plus près. Dans le même temps, la crise ukrainienne a ravivé le spectre des menaces de la force, c’est-à-dire de conflits interétatiques sur le continent européen lui-même. Les récentes démonstrations de puissance de forces navales étrangères (russe, chinoise) jusqu’à nos approches maritimes sont là pour nous le rappeler. Ce sont aussi les actes illicites de plus en plus fréquents en mer, ici trafics d’êtres humains, migrants, armes, drogues, là menaces sur les flux et apparition de zones de non-droit. Chacun en conviendra, la mer est aujourd’hui le lieu d’expression d’une violence de plus en plus forte, ce que nous ne saurions tolérer.
Il y a donc aujourd’hui une conjonction de crises et de menaces graves, soudaines et sans aucun doute durables à la fois.
Les marins le savent bien, la mer croisée est la plus dangereuse… A n’en pas douter, cette navigation est difficile, mais elle permet aussi d’éprouver la valeur des hommes et des femmes qui composent un équipage, comme l’excellence du navire sur lequel ils peuvent compter pour cette mission.
De fait, dans ce contexte dégradé, la Marine connaît un déploiement quasi-permanent sur cinq zones maritimes, alors qu’une à deux seulement étaient prévues par le livre blanc. C’est aujourd’hui l’Atlantique nord, la Mer noire, la Méditerranée, l’Océan indien et le golfe de Guinée. J’y ajoute le golfe arabo-persique, avec le retour il y a quelques jours du porte-avions et de son escorte au terme d’un engagement remarqué dans l’opération Chammal en Irak.
Dans le même temps, elle poursuit ses missions permanentes, sur toutes les mers du globe, qu’il s’agisse de garantir notre stratégie de dissuasion ou bien de protéger nos intérêts en contribuant notamment à l’action de l’Etat en mer.
La Marine est ainsi un acteur essentiel de notre posture de protection, que le Président de la République vient encore de renforcer. Elle a en effet la charge de protéger nos approches en métropole et outremer, par nos moyens navals, aéronavals et le dispositif sémaphorique. Elle contribue également à cette posture sur terre, en garantissant la protection de nombreux sites stratégiques de la Défense, notamment ceux liés à la dissuasion, avec les fusiliers marins. Ce sont, ainsi, aujourd’hui, près de 3 200 marins qui sont affectés à cette mission « Protection » en métropole.
Le livre blanc de 2013 et la loi de programmation militaire, votée la même année, avaient déjà pris acte de ces enjeux, en exprimant le besoin – et surtout en le rendant possible – d’une Marine moderne sur l’ensemble du spectre de ses missions.
Je pense ici aux travaux d’élaboration du successeur des actuels sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). Je pense également à la mise en service opérationnel des frégates multi-missions (FREMM) et des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda, les deux étant équipés du missile de croisière naval (MdCN).
Je veux d’ailleurs saluer, ici, le récent tir, qui est le premier en Europe depuis une plateforme navale, du MdCN, réalisé depuis la FREMM Aquitaine. Cette réussite est celle de la Marine et de nos industriels, qui confirment une fois de plus leur excellence, au service de notre défense et notre économie.
Parmi les mesures fortes portées par la LPM au profit de la Marine, je pense également à la rénovation de la composante de patrouille maritime, dont je viens d’apprécier une fois de plus la qualité. Je mesure en particulier sa plus-value dans les opérations aéroterrestres en cours.
Je pense encore à la rénovation à mi-vie du porte-avions Charles de Gaulle, à l’adaptation de ses Rafales aux nouveaux standards, ou encore au lancement d’une force de guerre des mines de nouvelle génération, basée sur l’emploi des drones.
Voilà en quelques mots les principaux chantiers capacitaires que nous avons envisagés, et pour certains d’ores et déjà engagés, dans le cadre de la LPM votée en 2013. Cette dynamique va bien sûr se poursuivre, et elle va se trouver encore renforcée par le projet de loi portant actualisation de la loi de programmation militaire, que je défends en ce moment même au Parlement.
Cette démarche d’actualisation était prévue par la LPM elle-même. Mais le contexte international, que j’ai rappelé, qui nous confronte à des menaces nouvelles, inédites par leur gravité, et met sous tension notre système de force, a incité le Président de la République à accélérer le calendrier de l’actualisation et à décider d’un effort supplémentaire pour notre Défense, à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons face.
Cette actualisation vise à garantir à nos forces armées la capacité de faire face dans la durée à l’ensemble de leurs engagements opérationnels, et cela sur le territoire national comme à l’extérieur de nos frontières, dans les espaces maritimes en particulier.
Dans cette perspective, le chef de l’Etat, chef des armées, a décidé un effort particulier pour la composante de surface, qui constitue donc un axe majeur de l’actualisation de la LPM. Cette actualisation, plus largement, permet d’améliorer la cohérence d’ensemble des programmes actuels et futurs, en matière d’objectifs, de calendrier, d’organisation industrielle. Ce sont ces mesures sur lesquelles je voudrais revenir maintenant.
Je veux citer en premier lieu la FREMM, bâtiment qui vient de réaliser avec succès, je l’ai dit, le premier tir du missile MdCN. Cela nous donne une capacité de frappe de précision au cœur des territoires hostiles, capacité pré-positionnée et discrète, depuis n’importe quelle zone maritime. Cette capacité est unique en Europe.
La FREMM Provence, deuxième du nom pour la Marine Nationale après l’Aquitaine, doit être livrée dans les jours qui viennent. Ce bâtiment a déjà remporté l’adhésion de clients export avec le Maroc et maintenant l’Egypte. Il démontre ainsi sa pertinence pour répondre aux besoins de différentes Marines. Pour répondre favorablement à la demande exprimée par l’Egypte, et être en mesure de procéder à une livraison avant l’été, il a fallu prélever une FREMM sur la production en cours. Je tiens à dire aujourd’hui que la qualité et les performances de la FREMM , ainsi que la réactivité de l’équipe France, dans ses différentes composantes, nous ont permis de relever ce défi.
Ce prélèvement sera compensé et je maintiens la livraison à la Marine Nationale de 6 FREMM anti sous-marines, d’ici fin 2019, selon le plan fixé par la LPM. La production des frégates devra donc être accélérée. Par la suite, d’ici 2022, deux autres FREMM anti sous-marines seront livrées. Ces dernières auront une capacité de défense anti-aérienne renforcée, par rapport aux premières FREMM. Enfin, elles seront suivies, dès 2023, par la livraison des 5 frégates de taille intermédiaire (FTI) prévues.
En effet, pour prendre en compte le réaménagement des livraisons des FREMM que je viens d’évoquer, j’ai décidé d’avancer le programme FTI de près de deux ans. Le lancement de ce programme permettra donc une première livraison dès 2023, dans la continuité de la production des FREMM à Lorient.
Cette feuille de route « Frégates » s’appuie également, pour finir, sur des travaux de rénovation et de modernisation des frégates de type La Fayette, afin de garantir le format de 15 frégates de premier rang dans l’attente de la livraison des frégates FTI.
Je voudrais insister ici sur cette décision prise au sujet des frégates de taille intermédiaire. Au-delà de l’enjeu majeur pour notre Marine, il s’agit bien aussi d’un choix de politique industrielle.
L’analyse de la DGA, menée ces derniers mois en collaboration avec DCNS et son partenaire Thalès, a en effet démontré le besoin d’un renforcement d’une offre française à l’export, qui soit complémentaire du produit FREMM. L’enjeu est aussi de pouvoir nous différencier au plan technologique, d’ici dix ans, d’une concurrence mondiale concentrée sur le créneau des frégates de taille intermédiaire, avec le lancement de projets similaires en Espagne, Italie, et Allemagne notamment.
Dans cette double perspective, opérationnelle et industrielle, le lancement anticipé du programme de la frégate de taille intermédiaire va permettre tout à la fois de respecter le format fixé par le Livre blanc, de donner à DCNS et à l’ensemble des sous-traitants une visibilité significative dans leurs plans de charge (tant en ingénierie qu’en production), et enfin de doter la FREMM d’un produit complémentaire permettant à DCNS d’élargir sa compétitivité à l’export.
Au-delà de ce paquet Frégates, dont chacun mesure ici l’importance, je veux également souligner deux autres décisions prises dans le cadre de l’actualisation de la LPM au profit des équipements de la Marine.
Pour renforcer notre capacité à faire respecter notre souveraineté dans le Sud de l’Océan Indien, il est prévu de porter de 3 à 4 le nombre de Bâtiments Multi-Missions, les B2M. Les premiers exemplaires sont en cours de fabrication par les chantiers de Piriou et DCNS. J’ai eu l’occasion de visiter le chantier Piriou de Concarneau en février dernier, et j’espérais déjà pouvoir être en mesure de baptiser un 4ème B2M. Je suis heureux de le confirmer aujourd’hui.
Enfin, les capacités de soutien et d’assistance hauturiers militaires vont être également renforcées, par l’acquisition de deux bâtiments de servitude BSAH supplémentaires, pour compléter les deux initialement prévus. Ces quatre bâtiments, dont les deux premiers devraient être livrés dès 2017, interviendront en soutien de l’action de nos moyens navals dans la surveillance de nos approches maritimes métropolitaines. Si j’en crois la presse, l’attribution de ce marché pourrait intervenir prochainement, et je me félicite de cette bonne nouvelle !
Ainsi, fort de cette politique industrielle renforcée, je ne peux qu’appeler de mes vœux la poursuite de la dynamique vertueuse de la filière française navale de surface, qui a remporté récemment des succès mérités. Les commandes nationales, pour les FREMM à Lorient, les B2M, mais aussi les contrats à l’exportation remportés auprès de la Malaisie et de l’Egypte, soulignent une fois de plus le dynamisme et la capacité d’innovation de la région Bretagne, et plus particulièrement des chantiers DCNS et Piriou, que je veux féliciter.
Au-delà des équipements, l’actualisation de la LPM représente un défi majeur sur le plan des ressources humaines pour toutes les armées, et notamment pour la Marine. Cette actualisation permettra ainsi de renforcer ses effectifs, pour qu’elle soit pleinement en mesure de relever ces différents défis. J’ai pour objectif de créer 800 postes, dont plusieurs centaines de fusiliers marins pour renforcer la protection de nos sites sensibles, ainsi que notre capacité à exploiter de l’information dans le cadre de la protection et de la sûreté des approches littorales. En outre, la création de près de 250 postes est visée au profit notamment de l’accompagnement de nos partenaires, je pense en particulier aux succès de nos frégates et de nos patrouilleurs construits par les chantiers français.
L’actualisation de la loi de programmation militaire renouvelle donc la forte ambition que nous formons pour notre Marine, porte une série de dispositions majeures en ce sens.
Le plan « Horizon Marine 2025 » va dans le même sens. L’amiral Rogel m’a présenté ce plan stratégique et je l’ai approuvé parce qu’il indique un chemin ambitieux et adapté aux enjeux auxquels notre Marine va être confrontée. C’est une démarche qui inscrit dans le temps long l’ambition d’une Marine opérationnelle, à vocation mondiale, qui se modernise, et adapte son organisation pour agir en permanence et sur toutes les mers dès que son action est requise. Une Marine, aussi, qui s’appuie sur des hommes et des femmes exceptionnels, sur des équipages performants et combatifs comme j’ai pu le constater lors de toutes mes visites, en mer ou à terre. Je veux aussi saluer, ici, les acteurs du soutien, comme ceux que j’ai rencontré récemment à Toulon pour la gestion de la solde des marins : ce sont leurs grandes qualités qui m’ont conduit à désigner la Marine pour effectuer en premier la bascule sur le nouveau logiciel Source solde.
J’ai ouvert mon propos avec une image, celle d’un navire engagé dans une navigation difficile, exigeante, passionnante, qui sait compter sur la qualité de son équipage, fort aussi du cap qui a été tracé, pour rallier l’objectif. Derrière cette image, il y a un message, et je voudrais conclure par-là : dans un contexte de tensions stratégiques, de menaces directes pour notre sécurité collective, j’ai pleine confiance dans notre Marine pour relever les défis qui l’attendent aujourd’hui. Ministre de la Défense, je me tiens plus que jamais à vos côtés dans cette aventure partagée.
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