"Ce n'est pas l'envie qui manque, frapper en Syrie nous ferait certainement du bien, mais cela ne résoudrait rien." Voilà comment un officiel français répond à la question de savoir si la France s'apprête à riposter aux attentats perpétrés à Paris en s'en prenant à des cibles de Daech dans le pays de Bachar El-Assad. Quant à envisager une action punitive au Yémen, par où est passé l'un des frères Kouachi, il n'en est pas question : "Au Yémen, mieux vaut laisser les Américains faire le travail, confie une source diplomatique proche du dossier. Ils ont davantage la connaissance du terrain. Il y a une répartition des rôles, eux au Yémen et en Syrie, et nous au Sahel."
Les responsables français ont pourtant bien conscience que la position de la France sur la Syrie, réaffirmée cette semaine par le président de la République lors de ses vœux aux armées et au corps diplomatique, peut se révéler compliquée à expliquer à l'opinion. Si les auteurs des attentats de Paris ont un lien avec Daech et avec Al-Qaida, et que leurs actions sanglantes sont saluées par ces organisations terroristes, pourquoi ne pas aller participer avec les forces américaines et arabes aux frappes qui visent ces entités en Syrie? "Parce qu'il faut traiter les causes et pas les symptômes, répond un diplomate. Si on ne participe toujours pas aux frappes contre Daech en Syrie, c'est parce que cela ne répond pas au chaos qui persiste et qui a favorisé la montée en puissance de l'organisation État islamique." Cette posture n'est pas figée dans le marbre. Jeudi, à Londres, Laurent Fabius participera à une réunion de la coalition internationale contre Daech.
Ne plus agir seuls
Les Français n'ont pas renoncé à l'idée de faire pression sur les Américains pour sanctuariser une zone dans le sud de la Syrie afin de pouvoir y aider l'opposition syrienne non radicale. "Si les Russes et les Iraniens nous laissaient entendre qu'ils ne veulent plus soutenir plus longtemps à bout de bras le régime de Bachar ou si les Américains finissent par comprendre l'utilité d'une zone de protection dans le sud qui nous permette d'aider les rebelles à reprendre du terrain, cela changerait la donne", confie un expert gouvernemental du dossier. C'est la raison pour laquelle les initiatives russes visant à réenclencher une négociation entre les parties syriennes ne sont plus regardées d'un mauvais œil à Paris.
En attendant, la France va renforcer son appui militaire aux rebelles syriens, notamment dans la région d'Alep, et participer activement à la formation de combattants de l'opposition dans les camps qui ont ouvert récemment en Turquie, en Arabie saoudite et en Jordanie. Même si ce programme s'échelonne sur plusieurs années. Si un doute a pu s'installer sur la validité de la moins mauvaise des stratégies, une certitude s'impose : "Nous ne pouvons plus agir seuls." Cela vaut pour la lutte contre Daech mais également et surtout, dans les mois qui viennent, contre les djihadistes en Libye, dont la menace va en s'amplifiant.