Comme lors de la première édition, les Français ne passent pas inaperçus dans ce Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique. Jean-Yves Le Drian reste le principal parrain - pour ne pas dire « tonton » - de l'événement. Chacun, d'où qu'il vienne, espère avoir un mot avec le ministre de la Défense français. Quelques-uns des plus hauts gradés, notamment en matière de renseignement, sont également présents pour rencontrer leurs homologues et échanger leurs réflexions.
Pour la séance d'ouverture de cette seconde édition, lundi, le général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées françaises, a présenté son analyse de la situation sécuritaire dans la région. Il proposait des axes de réponse : travailler sur le long terme, respecter le droit international pour ne pas jouer le jeu des terroristes, adopter une approche globale avec des effets militaires, mais aussi sociaux, économiques et politiques. Surtout, le général insiste : « Nous allons avoir besoin de votre aide et de votre conseil pour savoir comment contribuer. »
Encadrer les Africains
L'idée clef, à Dakar, est d'affirmer que les Africains doivent prendre en main leur propre sécurité. Les partenaires internationaux ne sont là que pour aider. Pour illustrer cette logique, Jean-Yves Le Drian donne quelques informations sur une opération militaire en cours dans le nord du Mali : les militaires français de Barkhane et leurs collègues maliens y ont, selon le ministre, saisi des stocks « significatifs » d'armes. « Ce genre de choses se passe tout le temps, assure-t-il. On n'en parle pas tous les matins. »
En Afrique, la France est presque sur tous les fronts et cherche à mobiliser au maximum les forces locales. La Force multinationale mixte, en cours de mobilisation pour lutter contre Boko Haram, a été l'une des priorités françaises au cours de ce Forum. Elle a déjà bénéficié des apports en renseignement de Paris. Un haut responsable militaire français assure ainsi que des informations d'une rare qualité, notamment sous la forme d'images satellitaires, ont été remises aussi bien aux Nigérians, qu'aux Tchadiens. Ici aussi, la collaboration est le mot d'ordre : « Les Africains apportent du renseignement humain et nous apportons du renseignement technique, explique un autre militaire français. Ce n'est pas du renseignement de même nature. » Le modus operandi consiste en général pour les Africains à identifier un lieu qui les intéresse et à demander aux Français ce qu'ils y voient et ce qu'ils y entendent, grâce à des équipements particulièrement sophistiqués ( satellites, interceptions... )
Paris cherche à mettre en place ce type de collaborations dans tous les secteurs. Jean-Yves Le Drian a ainsi pu discuter avec plusieurs de ses homologues de la piraterie dans le Golfe de Guinée. Il s'agit d'aider les différents pays à communiquer et à collaborer entre eux, les militaires français formant des spécialistes et conseillant les marines locales. « Le rôle d'un forum comme celui-ci, note le ministre de la Défense français, c'est de renforcer la prise de conscience et d'aider à ce qu'il y ait une coordination des acteurs. »
Vendre les méthodes françaises
Mobilisées sur une multitude d'opérations, les armées françaises ne peuvent pourtant plus fournir beaucoup d'efforts supplémentaires. Pour continuer à renforcer la lutte contre l'insécurité sur le continent, la France déploie donc toujours plus d'officiers de liaison et de spécialistes, notamment du renseignement et de la logistique, pour favoriser la lutte contre les différents groupes terroristes. Chaque fois, il s'agit de mobiliser les différents partenaires. Une responsable du Département de la Défense américain admet ainsi que l'intervention de la France au Mali, en 2013, n'avait pas laissé beaucoup de choix à Washington : « Nous avons eu 48 heures pour réagir. »
Depuis la fin des années 1990, la France continue à former des armées locales... Avec des résultats mitigés. A propos des forces armées maliennes, un militaire français note par exemple qu'elles restent peu fiables : « Cela fait 50 ans que l'on forme les Maliens, à chaque fois, ils se sont écroulés. » L'une des nouvelles priorités est la formation de forces spéciales locales que la France tente de mettre en place. Là aussi, malgré les bonnes volontés, un conseiller de Jean-Yves Le Drian évoque les méfiances de dirigeants de certains pays inquiets de contingents militaires trop bien formés qui échapperaient à leur contrôle.
Paris cherche enfin à impliquer l'Union européenne sur le plan militaire. Jean-Yves Le Drian veut encore convaincre ses collègues européens de déployer une opération en République centrafricaine, sur le modèle de la Mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM). Tous ces efforts se retrouvent jusque dans le domaine de la sécurité informatique, pourtant rarement évoqué par les principaux intéressés lors des échanges : des spécialistes de ce secteur, civils et militaires, ont passé le Forum à faire le tour des autorités africaines pour proposer leurs savoir-faire.