Par le Colonel Dominique Lemaire, directeur des études et de la prospective de l’Ecole de Cavalerie - Revue Cavalerie Mai 2014
La réorganisation de la cavalerie 2016, dont le principe et le modèle ont été validés par le CEMAT en décembre 2013, est désormais sur les rails. Conséquence de la publication du Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale d’une part, du vote de la loi de programmation militaire 2014-2018 d’autre part, ce nouveau modèle a été régi par une maxime : « Faire de toute contrainte une opportunité ».
Comme toute l’armée de Terre, la cavalerie, ou plus formellement la sous-fonction « Combat embarqué » et ses 11 régiments, devait rendre des effectifs et contracter le volume de ses équipements, ceci sans faire d’impasse capacitaire.
Le travail itératif mené dès le printemps 2014 avec l’EMAT, le CFT et notre arme soeur du combat de mêlée qu’est l’infanterie nous amène aux constats suivants :
1. Contrairement à la règle (encore dans les esprits de certains…) qui prévalait jusqu’au début du XXIe siècle, les forces terrestres sont durablement passées sur la logique du réservoir organique de forces (régiment, escadron…) capable d’être employé selon des configurations opérationnelles d’emploi liées clairement aux contingences de la mission (GTIA, SGTIA…). Cette exigence est illustrée dans le schéma ci-dessus.
2. Le peloton reste le plus petit dénominateur commun entre l’organisation et l’emploi.
3. Les différentes fonctions opérationnelles n’ont plus les moyens cohérents de faire des métiers marginaux, et la tâche des commandants d’unité au quartier doit donc être facilitée : faisons bien au quotidien ce que nous savons faire le mieux. Ceci a impliqué une réflexion commune avec l’infanterie sur la subordination organique d’unités comme les pelotons d’appui direct, relevant plutôt du style donné par le combat débarqué d’une part, comme les sections de reconnaissance régimentaire voire les sections antichars des régiments d’infanterie dont le style de combat relève plutôt du combat embarqué.
4. Les régiments et les escadrons AMX10 RCR en particulier souffraient jusqu’à présent d’un échenillage chronique avec la conséquence connue que pour faire un escadron selon le TUEM, il était nécessaire de démonter la valeur d’un demi-escadron supplémentaire (manque du troisième cavalier dans les VBL). Par ailleurs, les escadrons Leclerc disposaient au REO10 d’un effectif inférieur à la centaine.
5. La structure organique quaternaire des régiments reste une référence. Par ailleurs, la structure des pelotons à quatre Leclerc avait montré toute sa pertinence, et la présence d’une patrouille d’investigation avait également montré son utilité dans les pelotons Leclerc.
6. Compte tenu de la situation opérationnelle de référence passée et actuelle, toute unité de cavalerie a été - et sera - amenée à être projetée sous la forme d’un SGTIA à base de VBL quelle que fut sa dénomination (EEI, EAE…). Ceci entraîne le fait que toute unité est capable, à la MCP près, de générer cette unité et de maîtriser en « fond de sac » les savoir-faire de base de l’investigation. Par ailleurs, aucun EEI organique n’a été employé en tant que tel en opérations aux ordres d’un commandement de niveau 3 (cette observation factuelle ne remet pas en cause cette occurrence possible d’emploi).
Fort de ces constats, et compte tenu de l’objectif de déflation donné pour le chantier « Combat des blindés », l’organisation de la cavalerie proposée à l’automne 2013 a consisté à :
- Transférer la capacité des PAD à l’infanterie ;
- Proposer l’abandon de la capacité VAB-HOT ;
- Abandonner la description organique des EEI ;
- Organiser tout régiment de cavalerie sur un modèle quaternaire à trois escadrons canon et un escadron de reconnaissance et d’intervention. Ce dernier escadron, descendant organisationnel des EEI, ERIAC et EAE, est organisé sur le modèle des anciens ERIAC autour de quatre PRI identiques. Il a vocation à générer des SGTIA pour des missions d’intervention à dominante éclairage travaillant au profit d’un commandement de niveau 3 (brigade) ou 4 (GTIA). Selon la répartition des patrouilles reconnaissance ou missile, le PRI16 peut être employé sous les anciens formats PBL, PEI, PRIAC ou PAC. Enfin, les PRI ont également vocation à être employés comme SRR par les GTIA à dominante infanterie ;
- Densifier les escadrons Leclerc en passant les pelotons à quatre chars et quatre VBL, mettre fin à l’échenillage des escadrons AMX10 RCR en décrivant de nouveau en poste permanent le personnel manquant. Ces actions permettent de décrire tout peloton de cavalerie à 23 ou 24 cavaliers.
- Améliorer marginalement la description en organisation des ECL. En particulier, les groupes commando montagne et parachutiste seront alignés sur une même organisation.
Ce nouveau modèle, décrit plus précisément dans les pages de ce numéro de Cavalerie, a généré également des évolutions doctrinales sans remise en cause des fondamentaux. Enfin, pour ce qui est de formation, une généralisation de la formation à l’investigation pour tous les cadres sera réalisée et une nouvelle option « reconnaissance-intervention-missile » (RIM) sera mise en place dès l’automne 2014, reprenant le socle de l’option éclairage appelée à disparaître, et donnant une cohérence au cursus de formation des cadres appelés à servir en ERI.
L’ordre d’opérations « Cavalerie 2016 » du 28 février 2014 reprend les grands principes et actions induites par cette nouvelle réorganisation.
EMAT : état-major de l’armée de Terre
CFT : commandement des forces terrestres
GTIA : groupement tactique interarmes
SGTIA : sous-groupement tactique interarmes
TUEM : tableau unique des effectifs et matériels (décrit l’organisation en opérations)
REO : référentiel en organisation (décrit l’organisation en France)
EEI : escadron d’éclairage et d’investigation
EAE : escadron d’aide à l’engagement
MCP : mise en condition avant projection
PAD : peloton d’aide à l’engagement
ERIAC : escadron de reconnaissance et d’intervention antichar
PRI : peloton de reconnaissance et d’intervention
PBL : peloton de blindés légers (peloton à quatre patrouilles VBL : une de commandement, trois d’éclairage sans missile)
PEI : peloton d’éclairage et d’investigation (peloton à quatre patrouilles VBL : une de commandement, deux d’éclairage, une antichar avec MILAN)
PRIAC : peloton de reconnaissance et d’intervention antichar (pelotons à quatre patrouilles VBL : une de commandement, une d’éclairage, deux antichar avec MILAN)
PAC : peloton antichar (pelotons à quatre patrouilles VBL : une de commandement, trois antichar avec MILAN)
ECL : escadron de commandement et logistique