08.09.2015 Par Nathalie Guibert - lemonde.fr
Deux avions Rafale équipés d’appareils photo et vidéo ont effectué mardi 8 septembre un premier vol de reconnaissance au-dessus de la Syrie, a annoncé le ministre des affaires étrangères français, Laurent Fabius, conformément aux annonces de François Hollande dans sa conférence de presse de rentrée, lundi. Un avion C-135 ravitailleur français a également participé à cette mission afin de fournir du carburant aux avions.
Alors que d’autres vols de reconnaissance sont prévus pour les prochains jours, le président français a annoncé lundi que, dans un second temps, « selon les informations recueillies, le renseignement collecté, nous serons prêts à faire des frappes » contre l’Etat islamique (EI). Le chef de l’Etat a avancé la légitime défense pour expliquer ce virage de la stratégie française, qui avait refusé jusqu’à présent de procéder à des bombardements en Syrie :
« C’est depuis la Syrie que sont organisées les attaques contre plusieurs pays, notamment le nôtre. »
Seront visés les centres de commandement, les camps d’entraînement et la logistique de l’organisation terroriste ; ce que les militaires nomment les « centres de gravité » de l’adversaire. Selon la défense, il ne s’agira pas d’une « campagne de frappes massive », mais de coups ciblés. En dévoilant ces orientations, M. Hollande a rejeté toute intervention au sol. Ecartée depuis le début de la guerre par les puissances occidentales parties prenantes du conflit, elle forme un projet « inconséquent et irréaliste », a tranché le président à l’adresse des personnalités de la droite française qui la réclament.
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La décision présidentielle revient à étendre l’opération « Chammal », menée depuis un an en Irak, en intégrant davantage la coalition dirigée par les Etats-Unis. Les Rafale basés aux Emirats arabes unis vont mener ces premières missions, les Mirage 2000 stationnés en Jordanie étant certes plus proches, mais réservés à l’attaque. Il n’est pas annoncé pour l’heure de moyens supplémentaires, dont l’armée de l’air, déjà engagée au maximum de ses capacités en France et à l’étranger, serait bien en peine de disposer. Quelque 800 militaires sont ainsi déployés pour Chammal, dans les opérations aériennes et les missions de conseil de l’armée irakienne et des peshmergas (combattants kurdes). Une soixantaine de spécialistes sont incorporés dans les états-majors de la coalition, à Tempa (Floride), au Koweït, à Bagdad, et surtout au quartier général des opérations aériennes d’Al-Udeid, au Qatar. En Irak, la France a mené quelque 200 raids aériens, soit 5 % du total, depuis septembre 2014.
« Autonomie de décision et d’action »
« En Syrie, nous voulons connaître ce qui se prépare contre nous. » M. Hollande a admis que la participation actuelle de la France à la coalition internationale ne lui permettait pas de disposer du renseignement nécessaire. C’est pour conserver la sacro-sainte « autonomie de décision et d’action » française et, demain, espérer peser dans le règlement de la crise syrienne, que Paris veut s’investir davantage en Syrie. Le premier objectif des opérations de reconnaissance sera de mettre à jour la cartographie du conflit syrien, que Paris avait réalisée entre 2012 et 2013 avec ses alliés américains et britanniques quand il s’agissait de préparer des frappes contre les armes chimiques de Bachar Al-Assad. Puis il s’agira de pouvoir discuter des cibles, dans les « boîtes » et les « corridors » aériens attribués aux avions de chasse français par l’état-major de la coalition.
Le président français a affirmé qu’il faisait « des choix ». Dans ce volet militaire, le choix consiste à toucher un ennemi prioritaire quand, hier, Paris en visait deux sans discrimination, le groupe djihadiste et le régime syrien : en se joignant à la campagne contre l’EI dans le ciel souverain de la Syrie, M. Hollande s’inscrit ainsi dans une coordination de fait scellée entre les forces américaines et celles de Damas. Pour que les Rafale puissent voler, il faut qu’un accord avec M. Assad – armé par la Russie – garantisse que ses très performants missiles sol-air ne tirent pas, ou, solution alternative, que les Etats-Unis ouvrent chacune des missions françaises avec des systèmes de brouillage dont ne disposent pas les Français. Les MiG syriens ne seront pas des cibles s’ils ne menacent pas les appareils de la coalition. En clair, chacun devra éviter la confrontation s’il veut marquer des points face à l’EI.
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