9 octobre 2014, lesoir.be
« Les rapports de force dans le monde ont beaucoup changé au cours des dernières décennies et ne sont pas encore stabilisés. La prévisibilité de l'évolution et de l'impact des menaces n'en a pas été simplifiée, bien au contraire. Le terrorisme international, la prolifération des ADM, les cyberattaques, les États défaillants ou les conflits qui provoquent l'instabilité régionale avec des répercussions potentielles dans notre pays ou en Europe: le besoin de sécurité est élevé.
Une Défense moderne reste une des composantes essentielles de notre sécurité et une nécessité absolue pour mener une politique étrangère et de sécurité crédible. Dans un monde où les problèmes et défis sécuritaires sont légion, il importe que la Belgique continue de s’inscrire dans un modèle de coopération et de solidarité internationales au sein de l’OTAN, de l’UE et de l’ONU.
La sécurité belge n’est pas plus européenne qu’atlantique et vice-versa. Nous avons besoin d’une alliance forte de l’OTAN avec les Etats-Unis et ces derniers ont besoin d’une Union Européenne solide et bien intégrée. Le gouvernement s’attèlera dès lors au renforcement de la Politique Européenne de Sécurité et Défense ainsi qu’à la crédibilité de notre Défense au sein de l’OTAN.
L’OTAN en tant qu’organisation continue de jouer un rôle pivot dans notre politique de sécurité et de défense, tant au niveau de la dissuasion et de la défense du territoire de l’OTAN, qu’au niveau des efforts de maintien de la paix et de la sécurité ailleurs dans le monde. La Belgique restera par conséquent un partenaire solidaire et crédible au sein de l’OTAN et plaidera pour que l’OTAN continue de relever de nouveaux défis.
L’UE doit accentuer son rôle « d’acteur mondial » dans les domaines de la paix et de la sécurité par le truchement d’une politique de sécurité et de défense plus solide, et le gouvernement entend bien y contribuer. Dans le domaine de la sécurité et de la défense, l’UE est un acteur complémentaire par rapport à l’OTAN. Elle doit prendre davantage de responsabilités dans la résolution de certaines crises. Le gouvernement prendra et soutiendra des initiatives au niveau européen pour qu'un déploiement des EUBG soit facilité. La réforme des EUBG sera préconisée, dans le sens d’un partage plus équitable des charges et des risques entre les États membres.
Résolument engagée au sein de l’ONU, la Belgique entend poursuivre une contribution crédible aux efforts de maintien de la paix et de la sécurité internationale. Le gouvernement contribuera de préférence aux seules opérations des casques bleus de l’ONU si nous pouvons soutenir une mission avec des capacités spécifiques pour lesquelles l’ONU est confrontée à des carences.
Nos partenariats bilatéraux, notamment avec les pays d’Afrique centrale, sont considérés comme un instrument pour le renforcement des capacités pour la paix et la stabilité. Le gouvernement évaluera de façon critique si les efforts déployés au cours des dernières années ont porté leurs fruits, avant de prolonger les partenariats ou de prendre de nouvelles initiatives. Les synergies interdépartementales entre les Affaires étrangères, la Défense et la Coopération au développement (approche 3D) seront maintenues.
La tâche principale de l’armée continuera à être sa participation aux missions à l'étranger dans le but de promouvoir la paix et la sécurité dans le monde. La Défense s’efforcera de concentrer ces missions à l'étranger. En dehors de ses missions classiques de défense collective dans un cadre OTAN ou UE, de protection et d’évacuation de nos ressortissants, des opérations de garde-côtes et de sauvetage en mer et d’aide à la Nation en cas de catastrophe ou quand les moyens civils sont insuffisants, la Défense prend en charge un ensemble d’autres tâches permanentes. Le gouvernement les évaluera eu égard à leur réelle utilité pour tous les acteurs. Cette évaluation n’hypothèque en rien de nouvelles collaborations créatrices de réelle plus-value pour l’ensemble des intervenants militaire et civils. Si ces tâches entraînent des coûts supplémentaires pour la Défense, ils seront facturés.
Sur le plan budgétaire, force est de constater que le budget de la Défense a très largement contribué au processus d’assainissement de nos finances publiques ces dernières années.
Il faut éviter qu’à l’avenir, la participation belge aux opérations internationales avec nos partenaires soit menacée suite à un manque d’investissements, ne permettant plus d’assurer la sécurité de nos militaires.
Ailleurs dans le monde, les budgets de défense ont spectaculairement augmenté. L’Europe doit toutefois pouvoir continuer à compter à l’avenir sur une capacité militaire suffisante si elle veut être et rester crédible sur la scène internationale. Sans porter préjudice à d’autres initiatives internationales éventuelles dans la même sphère, qui seront également examinées dans une optique favorable, le gouvernement œuvrera à la conclusion d’un accord au niveau de l’OTAN et européen, sur la base d’un partage équitable des charges et des risques (burden and risk sharing) par lequel les pays participants s’engagent à ne plus réduire leurs budgets de défense dès maintenant.
A cette fin, d’autres initiatives devront être prises pour une planification commune des programmes d’achat et de standardisation des systèmes d’armement, la mise en place d'une capacité de planification militaire et l’exécution d’opérations communes tant militaires qu’humanitaires, sur la base d’un partage équitable des charges et des risques (burden and risk sharing). Le gouvernement encouragera la poursuite pragmatique d’une politique de défense européenne, en coopération avec l’OTAN, basée sur des forces armées nationales dynamiques multipliant les coopérations entre elles: éducation et formation ; Recherche et Développement (R&D).
L’Europe pourra ainsi s’assurer d’une ceinture de sécurité et éviter que la vision à long terme dans le domaine de la défense ne soit mise sous pression à un moment donné.
Le gouvernement tient à une armée déployable, efficace, rationalisée, moderne, bien entraînée et jeune. Dans ce cadre, les coûts de personnel doivent rester sous contrôle et la sécurité, la motivation et le bien-être du personnel doivent rester au centre des préoccupations. La réforme du statut du personnel en vue d’améliorer l’opérationnalité de l’armée sera mise en œuvre sans délai. Une optimalisation accrue des statuts sera poursuivie, si cela devait s’avérer nécessaire pour un rajeunissement et les besoins de l'armée. Afin d'assurer la capacité physique de notre armée, la préparation et l’évaluation des tests sportifs seront ajustées. Le gouvernement fixera la taille et la composition de l’effectif en personnel pour stabiliser la Défense. Une réduction supplémentaire du personnel n’entraînera pas automatiquement une réduction du budget de la Défense. La Réserve sera abordée dans ce contexte. L’implantation future des unités de la Défense sera fixée en conséquence, en tenant compte également du potentiel des quartiers, des coûts et des équilibres en matière de dispersion régionale, en intégrant l’impact éventuel du recrutement sous-régional, le bien-être des militaires, l’articulation territoriale de l’aide à la Nation et à la lumière également des actuelles ou futures coopérations multinationales.
La réciprocité de la coopération avec d'autres départements, les autorités locales et le secteur privé sera envisagée, aussi longtemps que cela représente une valeur ajoutée pour tous les acteurs concernés.
La compétence de la police militaire sera élargie afin qu’elle puisse intervenir en cas d’infractions routières. Il ne peut toutefois en découler que la police militaire doive intervenir pour remplacer les services de police réguliers.
Afin d’absorber l’impact de la vague de départs à la retraite qui atteindra son apogée entre 2019 et 2024, la Défense confiera, en phases successives et dans le respect de la concertation sociale, toutes les activités qui ne nécessitent aucune expertise et expérience militaires à des civils statutaires ou contractuels au sein de la Défense, ou les externalisera.
Le Ministre de la Défense examinera la nécessité d’une initiative législative visant à aligner les droits politiques des militaires sur ceux des autres fonctionnaires.
La Défense consentira des efforts supplémentaires pour améliorer la diversité, en particulier de genre, au sein de l'armée. Le recrutement doit être assuré par des campagnes de recrutement ciblées afin de s'assurer que la société se reflète dans le personnel de la Défense.
La communication entre la Défense et la population est essentielle pour le recrutement, le soutien social et l’image de la Défense. La Défense accordera plus d'attention à sa communication, par l’utilisation, entre autres, des médias sociaux.
Le gouvernement cherchera à réaliser les recommandations du groupe de travail parlementaire sur l’équilibre linguistique dans l’armée.
Le bien-être de nos militaires, la législation sur le bien-être au travail et la concertation sociale resteront des préoccupations majeures du gouvernement. La Défense continuera à adapter sa législation médico-militaire afin de respecter la législation sur le bien-être au travail, et poursuivra le développement d’un modèle intégré de santé et de bien-être qui tient compte de tous les risques rencontrés et de toutes leurs conséquences sur la santé du personnel, pendant et après sa carrière.
Afin de rester pertinents au niveau international et de rester un employeur attractif, un important volet investissements est nécessaire à l’avenir, en ce qui concerne le matériel des composantes tant terrestre qu’aérienne ou navale. Le gouvernement devra prévoir à cet effet d’importants budgets d’investissement. Une armée moderne est une assurance stratégique et doit disposer d’un matériel moderne. Les efforts pour débloquer les budgets nécessaires ne sont toutefois pas seulement une question de solidarité intergénérationnelle, mais peuvent aussi être source d’incitants économiques importants et d’innovations. A ce titre, le Gouvernement prendra en compte la dimension industrielle et économique, à l’instar de ce que font régulièrement certains de nos partenaires européens. Pour réaliser cela au maximum, le gouvernement examinera l'opportunité de l'invocation de l'article 346 TFUE.
Le principe de l’enveloppe budgétaire sera maintenu, mais au niveau des investissements, le gouvernement œuvrera à la mise en place d’une loi de programmation militaire sur 10 ans ayant à l’esprit une vision stratégique à long terme et explorant également la possibilité de méthodes alternatives de financement pour les programmes d’investissement majeurs. Ceci doit permettre aux entreprises de se préparer aux futurs programmes militaires majeurs.
Actuellement, on peut encore recueillir, pour notre politique étrangère et de sécurité, les fruits des investissements dans l’armée, qui, pour certains, remontent à plus de 30 ans. De cette manière, nos enfants auront à leur disposition des moyens adéquats dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité. Le gouvernement prendra une décision qui permettra à la Belgique de conserver pour le long terme une capacité de chasse et de bombardement en vue de la fin de vie annoncée du F-16 actuel et définira une orientation stratégique pour la succession des frégates M, des chasseurs de mines et d’autres systèmes d’armement tels que les drones et le matériel majeur de la composante Terre.
La Défense doit disposer d’un service de renseignement militaire moderne, organisé et équipé pour la protection des intérêts nationaux tels que définis dans la Loi et pour le soutien des opérations militaires. Une étude sera effectuée sur le rôle, les compétences, le financement, l'organisation interne et les capacités des services de renseignement et sur la coopération entre ces services, ainsi que sur la gestion de ces organes et le contrôle de ceux-ci. Il sera procédé à une optimalisation du fonctionnement sur la base de cette étude. Il sera également tenu compte de ce besoin lors de l’évaluation de la législation relative aux méthodes de renseignement. Le gouvernement veillera à ce que notre pays soit mieux paré contre les cybermenaces. Notre armée étudiera cette question avec une attention particulière de manière à pouvoir faire face spécifiquement à une menace provenant d’un logiciel malveillant développé à des fins d’espionnage ou d’autres fins malveillantes et dont notre pays pourrait être la cible.
Le gouvernement poursuivra ses efforts en vue d’un renforcement de la coopération internationale, dans le cadre du Benelux, et aussi à l’échelon bilatéral et à l’échelle multilatérale plus large – pour renforcer le pooling & sharing avec nos alliés et pour multiplier avec eux les programmes communs d’acquisition de matériel.
À l’intérieur de ces contours, le ministre de la Défense proposera une vision stratégique à long terme au gouvernement dans les six mois afin que les décisions nécessaires puissent être prises pour le cadre budgétaire global, l’effectif en personnel, la carrière et les capacités. Seront traités, entre autres: l’infrastructure, le degré d’occupation, le recrutement, la répartition géographique, la rationalisation des états-majors, de la logistique et des autres services d’appui de la Défense.
Une restructuration approfondie de la Composante médicale visant au déploiement opérationnel sera entreprise (révision de l'autonomie, désengagement des tâches purement civiles). Dans ce cadre, l’avenir et la nécessité de maintenir un hôpital militaire seront examinés.
Les décisions en matière de participation aux opérations à l’étranger seront prises conformément à l’article 167, § 1er, de la Constitution. Le gouvernement informera sans délai le parlement. Le gouvernement recherchera avec le parlement, un mécanisme nouveau, transparent et moderne de transmission des informations relatives aux opérations en cours, aux éventuels changements apportés à ces opérations et aux partenariats militaires, et ce, dans le respect du degré de confidentialité adéquat. Une évaluation finale sera prévue.
La Belgique participera à l'opération Resolute Support post 2014 en Afghanistan et se retirera cette année de l'opération au Liban.
Le Gouvernement se penchera sur l’avenir, la place et le statut de l'IGN, du MRA, de l'OCASC et de l’IV-INIG. Un groupe de travail sous l'autorité du Ministre de la Défense réunira ces deux dernières administrations pour évaluer les avantages et inconvénients d’un rapprochement structurel entre ces deux parastataux. Un rapport sera remis au Gouvernement au cours de la première année de la législature.
Parallèlement à son rôle dans les commémorations, la Défense a une longue tradition en ce qui concerne la protection du Patrimoine, entre autres par le biais du Pool historique de la Défense, le Centre de Documentation historique ou le Musée royal de l’Armée. Le Gouvernement tient à poursuivre cette tradition. En outre, lors des commémorations de la Première Guerre mondiale, le Gouvernement sera attentif à tous ceux qui, par leur sacrifice personnel, ont contribué à l’effort de guerre, et il veillera à transmettre leur Mémoire aux prochaines générations. »