23/07/2013 Propos recueillis par Alain Establier – SBBR n°88
SDBR : Colonel, quelle est la particularité du 68ème RAA ?
T V : La particularité de ce régiment est d’être l’héritier des régiments d’artillerie d’Afrique (RAA). A ce titre, il est le dépositaire du patrimoine de ces régiments aujourd’hui disparus, comme le sont d’autres : le 1er régiment de spahis pour l’arme blindée-cavalerie, le 1er régiment de chasseurs d’Afrique pour la cavalerie, le 1er régiment de tirailleurs pour l’infanterie mécanisée…Créé en 1941 à Tlemcen (Algérie), il a participé à l’offensive en Afrique du Nord et notamment à la victoire de Djebel Zaghouan en mai 1943. Grace à l’implication et à la ténacité du colonel Tregou, actuel commandant de l’Ecole d’Artillerie, le régiment a retrouvé son appellation d’origine le 1er juillet 2004. En 2008, six inscriptions supplémentaires, héritées des anciens RAA, sont venues se rajouter dans les plis de son étendard. Après avoir été longtemps rattaché à la Force de Réaction Rapide, depuis 1999 le 68ème RAA fait partie de la 3ème brigade mécanisée, dont le commandement est situé à Clermont-Ferrand ; il est le régiment d’artillerie, d’appui et polyvalent de cette brigade. Le 68ème RAA est basé au camp de La Valbonne (Ain) depuis 1984.
Quel est la taille du régiment, après les cures successives d’amaigrissement que l’Armée a subi ?
A ce jour, le régiment compte 777 personnels (47 officiers, 233 sous-officiers, 485 militaires du rang et 12 personnels civils), auxquels il faut rajouter une unité de réserve opérationnelle de 133 personnes composant la 5ème batterie. Cette unité de réserve participe à des missions de type Vigipirate dans l’Hexagone. Sinon, le régiment comprend 4 unités de combat : 2 unités d’artillerie sol-sol, qui servent alternativement le canon Caesar ou le mortier de 120 mm, une unité sol-air, qui sert le système d’armes Mistral ou le canon anti-aérien de 20 mm monté sur VAB, et une unité dédiée au renseignement « dans la main » du général commandant la 3ème Brigade mécanisée (batterie de renseignement brigade), qui utilise des moyens de guerre électronique, des radars (systèmes Rasit et Ratac*) et des drones de type Drac** pour faire entre autre du ROIM (renseignement d’origine image). Cette unité dispose également d’une section à capacité ROHUM (renseignement d’origine humaine). Le régiment comporte aussi une unité de soutien, la batterie de commandement et de logistique, qui met en œuvre la chaine de commandement régimentaire avec ses postes de commandement, mais aussi la mission ravitaillement en munitions, l’approvisionnement en carburant et vivres. Cette unité c’est le « nerf de la guerre », car sans logistique il ne peut y avoir de manœuvre.
Vous disposez de 2 unités de Caesar. Quel est le retour d’opérations que vous en faites ?
Nous disposons en effet de 2 unités équipées de canons Caesar automoteurs. 10 canons sont suivis au parc de service permanent (PSP). Nous avons une batterie de tir qui est rentrée récemment du Mali, après y avoir passé 3 mois, et en octobre prochain une batterie de 4 pièces mortiers (et d’une soixantaine de personnels) partira au Tchad dans le cadre du dispositif Epervier. Le binôme VBCI / canon Caesar s’est très bien comporté pendant l’opération Serval et, malgré les fortes chaleurs, l’électronique embarquée et la masse artillerie ont très bien résisté. Le Caesar a rempli parfaitement son rôle opérationnel : neutraliser, détruire, aveugler, éclairer. L’unité engagée a effectué des tirs entre 12 kms et 30 kms.
Est-ce qu’un régiment d’artillerie attire aujourd’hui des vocations ?
Oui, car un régiment d’artillerie est constitué de micro-capacités et micro-parcs humains et matériels.
Nous avons 22 types de matériels spécifiques et métiers différents. Cela se concrétise par 11 types de sections, ce qui laisse un choix varié de parcours professionnels pour nos jeunes. Lorsque vous faites de l’artillerie, vous combinez de la technique, du commandement et une palette de fonctions ou métiers opérationnels, qui peuvent même amener nos jeunes à basculer d’un métier sol-sol vers un métier sol-air. Certains personnels sont à l’avant pour l’observation des coups sur le terrain, d’autres sont à l’arrière et servent la pièce d’artillerie, d’autres encore sont dans la batterie de renseignement brigade et mettent en œuvre des savoir faire particuliers de la fonction renseignement, d’autres encore opèrent au sein de la batterie sol-air avec des emplois qui nécessitent l’acquisition de savoir-faire pointus ; nous avons aussi les métiers du soutien et de la logistique, sans parler des compétences nécessaires à certains de nos Africains dans les domaines de la gestion des personnels et des ressources humaines. En fait, il y a une palette de métiers qui permettent au soldat de « se sentir bien » au sein d'un régiment à fortes traditions, de pouvoir évoluer et progresser selon un cursus de carrière défini, dans un métier qu’il a quasi choisi. Pour un régiment d’artillerie d’Afrique nous sommes, au gré des programmations, effectivement souvent en Afrique, soit dans le cadre de détachement d’instruction opérationnelle au profit des pays africains, soit dans le cadre des opérations de maintien de la paix ou d’accord de défense. Cela nous permet de cultiver et d'entretenir les traditions du régiment, en quelques sortes nos racines…
A lire dans le même numéro : Interview du GBA Hubert Trégou, Commandant l’Ecole d’Artillerie de l’armée de Terre de Draguignan