18 mai 2015 par Jacques N. Godbout – 45eNord.ca
Alors que les forces de la coalition minimisent les gains du groupe armé État islamique (EI) qui, inversement, les exagèrent pour mieux servir sa propagande, et au moment où les djihadistes viennent de remporter à Ramadi une victoire symbolique importante pour eux et, inversement, le gouvernement irakien vient d’y subir une défaite lourde de conséquences, il n’est pas sans intérêt de se rappeler comment tout ça a commencé, un 9 avril 2013.
Voici donc un rappel de quelques dates-clés dans la progression des groupes djihadistes, dont, bien sûr, l’organisation État islamique (EI) qui contrôle de larges pans de territoires en Syrie et en Irak et dont l’empire, ou plutôt le califat, s’étend maintenant jusqu’aux portes de Bagdad.
Le 9 avril 2013: CREATION DE L’EIIL
Le chef d’Al-Qaïda en Irak, Abou Bakr al-Baghdadi, annonce une fusion de son groupe, l’État islamique en Irak (ISI), avec le Front Al-Nosra, qui combat le régime en Syrie, pour former l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL).
Mais Al-Nosra prête allégeance au chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, et décline le parrainage de Baghdadi. L’EIIL sera désavoué par Al-Qaïda début 2014.
Le 14 javier 2014: RAQA AUX MAINS DES DJIHADISTES
L’EIIL conquiert la ville de Raqa, dans le nord de la Syrie, après de féroces combats contre des rebelles rivaux. Raqa, premier chef-lieu de province à échapper totalement au contrôle du régime, devient alors son fief.
Le 9 juin 2014: L’EIIL S’EMPARE DE MOSSOUL, 2E VILLE D’IRAK
L’EIIL lance une offensive fulgurante en Irak, s’emparant dès le lendemain de Mossoul (nord), 2e ville d’Irak, puis de vastes territoires aux confins du Kurdistan irakien autonome, chassant des dizaines de milliers de membres des minorités chrétienne et yazidie (kurdophone et non musulmane).
Dès janvier, l’EIIL allié à des tribus sunnites hostiles au gouvernement avait pris le contrôle de Fallouja et de quartiers de Ramadi (Al-Anbar, ouest).
Le 29 juin 2014: PROCLAMATION D’UN CALIFAT
L’EIIL proclame l’établissement d’un « califat » dirigé par Baghdadi, qui prend le nom de Calife Ibrahim, sur les territoires conquis en Irak et en Syrie et change le nom du groupe en « État islamique » (EI). L’annonce est toutefois rejetée par la majorité des courants islamistes en Syrie, mais le groupe, qui s’apparente à une secte en pleine croissance, peut compter sur des milliers de croyants fanatisés.
Le 8 août 2014: FRAPPES AMERICAINES EN IRAK
En Irak, les États-Unis lancent des frappes contre des positions djihadistes, s’impliquant directement pour la première fois depuis le retrait de leurs troupes fin 2011.
Le 19 août 2014: EXÉCUTION D’OTAGES PAR L’EI
L’EI met en ligne les images de la décapitation d’un journaliste américain, enlevé en Syrie en 2012, en représailles aux frappes aériennes américaines en Irak.
Depuis, l’EI a revendiqué l’exécution de plusieurs autres otages. Le groupe est accusé de semer la terreur dans ses bastions, où il mène des arrestations, des décapitations et des lapidations.
Le 23 sept 2014: PREMIERS RAIDS DE LA COALITION EN SYRIE
Les États-Unis aidés de leurs alliés arabes mènent les premiers raids aériens contre les djihadistes en Syrie.
Le 7 octobre 2014: LE CANADA SE JOINT À LA COALITION
Par un vote de 157 pour et 134 contre que les députés canadiens optent pour des frappes aériennes et le déploiement d’un avion CC-150 Polaris, deux avions CP-140 Aurora, un avion de transport CC-130 Hercules et six avions de chasse CF-18, et ce, pour une durée minimale de six mois, renouvelable.
Le 26 jan 2015: L’EI CHASSÉ DE KOBANE
L’EI est chassé de Kobané, ville frontalière de la Turquie, après plus de quatre mois de violents combats menés par les forces kurdes avec le soutien prépondérant des frappes de la coalition.
Cet échec intervient le jour même où un responsable militaire en Irak annonce que la province de Diyala (est) est libérée du groupe extrémiste.
Le 7 mars 2015: LE SERGENT ANDREW DOIRON: PREMIÈRE VICTIME CANADIENNE
Le sergent Andrew Doiron des Forces armées canadiennes est tué en Irak dans un incident de tir ami quand des membres des Forces d’opérations spéciales sont pris pour cible par erreur par les forces de sécurité kurdes à la suite de leur retour à un poste d’observation derrière les lignes de front.
Le 30 mars 2015: EXTENSION DES FRAPPES CANADIENNES À LA SYRIE
Par un vote de 142 pour et 129 contre, les députés de la Chambre des communes à Ottawa ont votent pour prolonger d’un an la mission militaire canadienne contre le groupe armé État islamique et l’étendre de l’Irak à la Syrie.
– MARS-AVRIL 2015: CHUTE IDLEB ET JISR AL-CHOUGHOUR
Le 28 mars, l’Armée de la Conquête, coalition composée de groupes islamistes, comme Ahrar al-Cham, et djihadistes, tel que le Front al-Nosra, s’emparent de la ville d’Idleb (nord-ouest), 2e capitale provinciale à échapper au contrôle du régime en Syrie.
Le 25 avril, la coalition s’empare de Jisr al-Choughour (province d’Idleb).
L’EI et le Front Al-Nosra partagent la même idéologie djihadiste mais sont rivaux sur la plupart des fronts en Syrie, même si les deux groupes collaborent dans certains endroits.
Le 17 mai 2015: L’EI VICTORIEUX A RAMADI, REPOUSSÉ A PALMYRE
En Irak, l’EI affirme avoir pris le contrôle total de Ramadi, capitale de la province d’Al-Anbar. Le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, ordonne à ses troupes de « tenir leurs positions » face aux jihadistes. Les combats ont fait environ 500 morts en deux jours.
En revanche, en Syrie, les djihadistes de l’EI sont repoussés par les forces syriennes à la périphérie de la ville antique de Palmyre. La bataille de Palmyre, notamment dans ses environs, a fait plus de 310 morts en quatre jours.
Et le reste de l’histoire est en train de s’écrire alors que les haut-gradés des États-Unis qui mènent la coalition contre le groupe extrémiste, comme le chef d’État-major interarmées Martin Dempsey ou le brigadier-général Thomas Weidley, commandant sur le théâtre d’opération en Irak et en Syrie, ne cachent pas que la victoire contre l’EI n’est pas pour demain et peut-être pas pour après-demain non plus. Et c’est sans compter les autres groupes djihadistes.
De plus, il semble qu’on parle plus des combattants de l’État islamique aujourd’hui qu’on a jamais parlé jadis les talibans, même au cœur de la guerre en Afghanistan, ce qui n’est sans doute pas pour déplaire au groupe ultra-radical qui se nourrit de la publicité qu’on lui fait, qui l’aide puissamment à recruter des combattants.
Vraisemblablement, le drapeau noir des djihadistes, qu’il soit brandi par le groupe l’État islamique ou une autre organisation radicale et violente, va continuer à flotter encore longtemps sur les terres musulmanes. Peut-être qu’il serait temps de songer à transporter la guerre sur le front idéologique, comme ont su si bien le faire avant nous les groupes extrémistes.
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