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29 mars 2016 2 29 /03 /mars /2016 11:55
Interview du GDA (2S) Didier Bolelli, Président de GEOS


 

Interview par Alain Establier - SECURITY DEFENSE Business Review n°146 du 22/03/2016

 

 

SDBR : Après une longue carrière militaire*, vous avez pris la présidence du groupe Geos en juin 2014. Parlez-nous de Geos**.

DB : Geos existe depuis plus de 15 ans et appartient aujourd’hui à 75% au groupe Halisol, société d’investissement implantée en France, au Luxembourg et dans différents pays d’Europe, et à 20% au groupe Verspieren, courtier d’assurances. Ma première décision a été de réorganiser le management de l’entreprise, avec le recrutement d’un directeur général au profil commercial, Christophe Klieber. Geos a traversé les 15 dernières années avec des hauts et des bas, successivement leader et initiateur dans nos métiers, puis concurrencé par de nouveaux entrants et confronté à une croissance mal maitrisée. Aujourd’hui Geos est stabilisé, dispose d’une image forte de pionnier du secteur, concentré sur ses métiers, grâce à ses 330 collaborateurs et son emprise géographique. Le siège de Geos est à Paris, nous avons un bureau à Londres, une filiale en Algérie, une filiale au Nigeria, une filiale en Allemagne et une filiale en Amérique latine (siège à Mexico, bureaux à Panama, Bogota et Caracas). Nous avons bien sûr des partenariats avec d’autres sociétés au plan local, en Afghanistan, Chine et en Russie notamment.

 

Quels sont les métiers de Geos aujourd’hui ?

La stratégie de Geos est de fournir une solution globale en terme risques de sureté et de sécurité à ses clients. Pour ce faire, Geos développe en propre trois métiers principaux et multiplie des partenariats avec les meilleurs experts sur les métiers complémentaires afin de couvrir l’ensemble des besoins clients. Les trois métiers de Geos sont donc  la protection des activités, la protection des collaborateurs et le renforcement des ressources. L’idée principale est de fournir aux entreprises la capacité de travailler à l’étranger, en leur fournissant le corpus sécuritaire classique et, éventuellement, les personnels qualifiés qui leur manquent (par exemple des ingénieurs SSI ou des ingénieurs télécoms) après une période d’intégration adaptée. Nous sommes donc dans l’industrie de services, avec des personnels habitués à travailler en zones de crises, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Concernant les autres lignes métiers, nous préférons travailler avec des partenaires de premier plan plutôt que de disposer d’une capacité limitée. C’est notamment le cas de l’intelligence économique où nous ne réalisons en direct uniquement que la composante intelligence géostratégique.

 

Donc vous vous êtes organisés en fonction de ces métiers ?

Nos trois métiers correspondent à 3 Business Unit : une BU « gestion des risques » (cartographie des risques, conseil et prévention,  protection des activités, des matériels et équipements, mise en œuvre et accompagnement, escorte, gestion de crise, etc.) ; une BU « Geos Travel Services » (GTS), pour protéger les collaborateurs dans l’esprit de la jurisprudence Karachi (conseil, sensibilisation et prévention, suivi et information par notre bureau veille-analyse, opérations et gestion de crise). Le suivi des collaborateurs s’appuie sur le suivi PNR (Passenger Name Record) couplé à une option GPS. La troisième BU, «Industrie Services », permet à l’entreprise de  renforcer ses ressources dans différents domaines en tant que de besoin : réseaux et systèmes d’information, sûreté, maintien en condition opérationnelle des équipements, hygiène sécurité et environnement, ingénierie et construction, logistique.

 

Pourquoi une filiale en Allemagne ?

C’est l’héritage d’une acquisition du passé, une société spécialisée dans la gestion de crise de réputation… A partir de cette base existante, nous essayons de la développer en direction des entreprises allemandes qui sont très intéressées par les marchés du Maghreb et d’Afrique, où Geos a un vrai savoir-faire. Nous leur proposons donc de la sécurité et de l’accompagnement des voyageurs. Il n’y a pas d’ESSD allemandes à ma connaissance.   

 

Quelles sont les valeurs de Geos aujourd’hui ?

Les valeurs que nous portons au sein de Geos sont la transparence, l’indépendance, le respect du facteur humain et des engagements pris, la maîtrise de nos activités, la confidentialité et l’esprit de partenariat avec nos clients. Pour porter ces valeurs, nous nous attachons à vérifier la qualité des hommes et des femmes qui font Geos. Vous connaissez mon passé militaire, mes valeurs et toute la priorité que j’ai toujours donnée au facteur humain, et je vous assure que je suis tout particulièrement attaché à l’éthique et au respect de l’éthique par Geos. Pour que l’entreprise soit tout à fait transparente, nous avons mis à plat les fonctions transverses et les fonctions supports. L’accompagnement des clients à l’international dans des zones crisogènes nécessite un vrai professionnalisme, dans les process juridico-financiers et de gestion des ressources humaines, pour s’inscrire dans la durée. C’est ainsi qu’ont été créées des vraies directions administrative et financière.

 

Par rapport à vos concurrents, comment se situe Geos aujourd’hui ?

Il faut bien admettre qu’il y a le marché français et le reste du monde. Les entreprises françaises ne sont pas aujourd’hui en mesure de rivaliser avec les entreprises anglo-saxonnes, pour des problèmes de taille critique. Les principaux compétiteurs français réalisent entre 20 et 30 millions d’euros de chiffre d’affaires et se trouvent confrontés à des entreprises, comme le canadien Garda, le britannique Control Risks ou l’américain Academi (ex-Blackwater), qui sont 10 ou 20 fois plus grosses ! Pourquoi ? D’abord, parce que la culture française commence juste à prendre en compte la sécurité. Dans les pays anglo-saxons, la sécurité est intégrée dès le démarrage des projets. Ensuite, parce que l’Etat et les responsables français doivent reconnaitre les ESSD (entreprises de services de sécurité et de défense) comme des sociétés à part entière, à partir du moment où elles sont agréées : ceci sous-entend qu’elles sont respectables et de droit privé, donc qu’elles ont un but lucratif. A partir de là, de nombreuses fonctions confiées aux services de l’Etat pourront être externalisées, donc nos sociétés grossiront et seront plus compétitives, sur les grands appels d’offres internationaux, face aux leaders que nous avons évoqués. Il faut noter que ces leaders réalisent une énorme part de leur chiffre d’affaires avec des services régaliens. Par exemple, à Kaboul (Afghanistan), dans certains domaines 70% des personnels qui travaillent dans le PC des alliés sont des contractuels civils ; c’est une tendance inexorable.

 

Comment faire évoluer en France cette situation un peu bloquée ?

Il faudrait que l’Etat répertorie et valide un certain nombre de sociétés comme Geos, qu’il les contrôle puis qu’il les habilite. Pas question que l’Etat se désintéresse du contrôle mais, avec une habilitation en bonne et due forme, nos sociétés pourraient changer de dimension, en prenant en sous-traitance des missions qui lui seraient confiées par l’Etat français, comme les Américains ou les Britanniques le font depuis longtemps. Cette procédure d’habilitation, ou de certification, devrait s’appuyer sur un contrat cadre permettant ensuite de postuler aux appels d’offres. A nous ESSD, regroupées au sein du CEFSI***, de faire la preuve que nos sociétés sont dignes de confiance et respectent les valeurs permettant l’habilitation par l’Etat français. Prenons un exemple : lorsque la politique étrangère amène la France à former les soldats ou les gendarmes d’un pays africain, pourquoi envoyer des militaires français d’active, de moins en moins nombreux, alors que les principales ESSD ont les capacités pour remplir ces missions ? Aujourd’hui par exemple, certaines ESSD, dont Geos, concourent pour la formation des forces spéciales irakiennes. Les forces spéciales françaises ont certainement beaucoup d’autres missions importantes à remplir en ce moment, non ?

 

Les entreprises anglo-saxonnes reçoivent la manne financière de leurs gouvernements mais aussi des cadres. N’est-ce pas là la grande différence avec la France ?

Absolument. Les entreprises anglo-saxonnes sont des points de passage temporaires pour de nombreux cadres de l’armée ou pour des fonctionnaires détachés. Donc se crée, de fait, une relation de confiance entre ces sociétés et les services de l’Etat ; c’est en effet une grande différence de perception du rôle de chacun.

 

Au-delà de ces différences liées au fonctionnement de la France, le regroupement de certaines ESSD ne permettrait-il pas de faire émerger un ou deux compétiteurs de taille européenne, dans un premier temps ?

J’appelle de mes vœux une forme de consolidation du marché. Ce serait l’idéal pour faire émerger une ou deux entreprises de 70/80 millions de CA. Mais, pour faire une consolidation il faut être deux… Le CEFSI est un premier pas positif pour tout ce que nous venons de dire, faire reconnaitre la profession, faire progresser l’idée d’habilitation, se parler entre opérateurs, etc. Pour autant, le CEFSI doit gagner en visibilité, ce qui lui manque cruellement aujourd’hui. Le CEFSI n’a pas encore l’ampleur qu’il mériterait d’avoir et doit gagner en maturité. Peut-être en se structurant ? Le CEFSI est pourtant une tribune pour faire passer un message commun, donc encourageons-le.

 

* Le général d’armée (deuxième section) Didier Bolelli a occupé plusieurs postes durant sa carrière militaire et notamment ceux de directeur des opérations de la DGSE, de directeur de la DPSD et de directeur de la DRM.

** GEOS : www.fr.groupegeos.com

***CEFSI : club des entreprises françaises de sûreté à l’international  

 

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3 octobre 2015 6 03 /10 /octobre /2015 12:45
Gabon: SGF peut (enfin) lancer sa mission de formation


01.10.2015 par Philippe Chapleau - Lignes de Défense

Après des mois d'incertitude politico-bancaire du côté gabonais, Sovereign Global France (SGF) démarre la préparation opérationnelle et la mise à niveau des 450 hommes du contingent gabonais pour la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations-Unies pour la Stabilisation en République Centrafricaine (MINUSCA). Voir mon post d'octobre 2014 sur la signature de l'accord franco-gabonais ici.

Une équipe SGF dirigée par Jean-­Luc Cuny est présente à Libreville pour lancer le programme qui va mobiliser une vingtaine d'employés de l'ESSD française au Gabon, à Bangui et à New York.

En vue de la mise à niveau Onu du bataillon déployé au sein de la MINUSCA, SGF assurera : 
- pour fin 2015, l'instruction du personnel déployé en Centrafrique et la fourniture des équipements en soutien de l’homme ; 
- le suivi des inspections Onu en Centrafrique et l’assistance aux relations avec l’Onu à New York ;
- la préparation des relèves du bataillon prévues en 2016 et 2017.

Selon SGF, la société de Jérôme Paolini et Peer de Jong  appuiera également le ministère de la Défense gabonaise lors de "la perception des matériels livrés par les industriels français de la Défense: transports de troupe blindés Aravis (Nexter), véhicules et matériels roulants (Renault Truck Défense et Sofema), système de télécommunications (Thales)."

Reste Piriou. Le chantier de Concarneau a toujours sur les bras l'ex P400 La Tapageuse et attend de pouvoir le livrer à la marine gabonaise.

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7 avril 2014 1 07 /04 /avril /2014 11:55
Lutte contre les pirates ou bataille de chiffonniers?

 

07.04.2014 par Philippe Chapleau - Lignes de Défense



Intermède électoral oblige, le vote des lois est toujours à l'arrêt. Parmi les textes en attente figure celui sur l'embarquement d'équipes de protection privées sur les navires battant pavillon français.

Le dossier n'est pas, pour autant, au point mort. D'une part, la commission de la Défense doit se pencher sur ce dossier mardi 8 avril à 14h (sauf changement de programme puisqu'à 15h, le Premier ministre fera une Déclaration de politique générale du gouvernement).

D'autre part, les discussions se poursuivent dans les coulisses pour rédiger les fameux décrets d'application.

Visiblement, tous les participants à ces négociations ne considèrent pas le problème sous le même angle.

On pourrait croire que ce qui motive d'abord le recours aux EPE et plus spécifiquement celles fournies par des ESSD, serait la sécurité des équipages, la protection des navires et des cargaisons. A en croire certains conseillers ministériels (ex-conseillers?), ce n'est pas la priorité.

Il s'agirait avant tout d'assurer la "compétitivité" des armateurs qui maintiennent leur flotte sous pavillon français et qui menacent de dépavillonner si leurs intérêts financiers ne sont pas mieux pris en compte. Pourtant, leurs résultats 2013 ne semblent pas particulièrement catastrophique: ainsi CMA-CGM affiche une rentabilité aussi bonne que celle de Maersk et "une très grande solidité opérationnelle", selon son directeur financier Michel Sirat qui s'exprimait dans le marin du 4 avril.

 

Illustration de ces divergences d'intérêts avec le débat sur le nombre d'agents que doit compter une EPE du privé. La commission des lois estime que "4" agents doivent composer une EPE; les armateurs assurent que "2", c'est suffisant, surtout pour des trajets courts. Pour les ESSD, au minimum et seulement dans le cas de navigation réduite et rapide: "3".

Les échanges en cours portent aussi sur la nature de l'armement embarqué, les règles d'engagement (RoE), ainsi que sur les processus d'accréditation des agents étrangers par le CNAPS.

 

Dommage que cette réflexion (à bien des égards, visiblement, de qualité) ne porte pas sur les activités de toutes les ESSD et pas seulement sur les EPPN (entreprises privées de protection des navires).

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4 avril 2014 5 04 /04 /avril /2014 11:55
Lutte anti-piraterie: les navires français pourront se défendre avec des armes

Depuis 2008, les armateurs de navires français bénéficient de la protection de la Marine nationale pour prévenir les risques d'attaques pirates, mais ne sont pas autorisés à embarquer des gardes armés. photo Marine Nationale

 

28-03-2014 CC G. Desvignes, étudiant à l’Ecole de Guerre, promotion "Ceux de 14" - Challenges.fr

 

Le 8 avril, les députés vont examiner un projet de loi sur les "activités privées de protection des navires". Une privatisation salutaire qui arrive un peu tard.

 

Le projet de loi sur les "activités privées de protection des navires" est présenté à l’assemblée le 8 avril. Il s’agit d’autoriser la présence de gardes armés à bord de navires battant pavillon français croisant dans les zones infestées de pirates, comme dans le Golfe d’Aden ou du Niger. Mais, ce projet autorise aussi la création "d’entreprises privées de protection des navires". Problème: le retard pris par ce débat risque de pénaliser une offre française qui arrive dans un marché déjà mature.

 

La protection privée des navires fait partie du domaine plus vaste des services liés à la sécurité et à la défense, qui comprend des domaines aussi variés que l’audit sécuritaire, le soutien logistique aux armées, la formation ou encore la protection (armée ou non) de sites ou de personnes. En France, ce secteur suscite une réticence quasi-généralisée. D’une part, parce qu’il est souvent confondu, à tort, avec la notion de "mercenariat" ; et d’autre part, parce que les grands ministères régaliens, et en particulier la Défense, craignent qu’il ne provoque l’externalisation d’une partie de leurs compétences.

 

Un marché de 400 milliards de dollars

 

En février 2012, la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale publiait d’ailleurs un rapport d'information sur les sociétés militaires privées (SMP), pudiquement dénommées en France entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD). Ce rapport rédigé par les députés Ménard et Viollet fait le constat d'un secteur français fragile et peu structuré et prône la mise en place d'une régulation étatique pour favoriser son "essor rapide".

 

De fait, ce marché est estimé à 400 milliards de dollars en 2020! La volonté est noble : elle consiste à vouloir créer un modèle d'entreprise dont l’éthique serait garantie par l'Etat à travers un dispositif d'agréments et de contrôle. Dans ce contexte, le projet de loi sur la protection privée des navires battant pavillon français peut être perçu comme les prémices d’une prise en compte par l'Etat de la privatisation des services liés à la sécurité et la défense.

 

Il semble néanmoins que la volonté soit moins ambitieuse, et exclusivement inspirée par la faible attractivité du pavillon national. En effet, en ce début d'année 2014, la France reste l’un des tous derniers Etats maritimes de l’Union européenne à interdire la présence de gardes privés à bord des navires battant son pavillon. Pour assurer leur sécurité, les armateurs peuvent exclusivement s’appuyer sur les équipes de protection embarquée (EPE) de la marine nationale. Cette solution, un temps privilégiée par la communauté maritime française, souffre d'un manque de souplesse qui pèse sur la compétitivité du pavillon, essentiellement pour des raisons de respect des délais diplomatiques nécessaires au déploiement des militaires et de leur armement.

 

Du temps perdu

 

Faisant le constat de l'emploi de gardes armés privés "en toute illégalité" sur certains navires et du risque de dépavillonnement, les armateurs ont, ces dernières années, très largement plaidé pour un assouplissement de la position française. Il leur aura fallu attendre six ans après la mise en place des premières EPE pour que l'Etat admette qu'il n'est plus en mesure de répondre pleinement aux attentes du monde maritime. Ce temps perdu pour les armateurs l'a aussi été pour les ESSD françaises désireuses de s'implanter sur ce secteur. En revanche, il a largement profité aux sociétés anglo-saxonnes, et en particulier britanniques, qui dominent actuellement le marché de la protection privée des navires, lequel est estimé à plusieurs milliards de dollars.

 

En effet, à l'opposé du modèle souhaité par la France, les pays anglo-saxons ont laissé se développer et s’autoréguler leurs ESSD. Avec des entreprises pesant désormais plusieurs milliards, ils sont des acteurs incontournables de ce secteur: la société britannique G4S affiche un chiffre d’affaires de près de 9 milliards d’euros, alors que la plus grosse ESSD française, GEOS, pèse à peine 40 millions d'euros.

 

Arrivée d'une offre low-cost

 

Le domaine de la protection armée des navires ne fait pas exception à cette hégémonie. L’avance prise par les ESSD anglo-saxonnes leur permet de bénéficier d’un réseau logistique facilitant le transit des armes sur terre et dans les eaux territoriales de pays tiers et d’un effet de masse limitant les temps d'inactivité des équipes entre deux contrats de protection. En outre, l’arrivée d’une offre "low cost", principalement originaire des pays asiatiques, les a obligés à gagner davantage en compétitivité en intégrant dans leurs équipes du personnel provenant majoritairement d’Inde et du Pakistan. Le marché de la protection des navires n’aura donc pas attendu la fin de la vacance législative française pour se développer.

 

Pendant ces six années, certaines ESSD françaises ont néanmoins su s'adapter. Profitant d’un droit du travail plus permissif et d’une moindre pression fiscale, nombre d’entre elles ont fait le choix de l’implantation de filiales à l’étranger, voire d’un développement "off-shore". C’est le cas par exemple de la société "Gallice" qui est présente sur le marché de la protection des navires par l’intermédiaire d’une filiale basée en Irlande.

 

Intérêts économiques et politiques

 

Dans ce contexte, et compte tenu du faible appel d’air que créera ce projet de loi (de l’ordre de 12 millions d'euros pour une centaine de navires à protéger), il semble ambitieux d'envisager un rapatriement des entreprises ou filiales françaises "off-shore"; de même qu'il paraît difficile d'être aussi optimiste que les rédacteurs du projet de loi qui estiment que 300 à 500 emplois seront créés, alors que le marché sera ouvert à la concurrence européenne et donc britannique.

 

Avec le retard accumulé, il est peu probable que la France, quasiment absente des problématiques du secteur des services liés à la sécurité et la défense puisse imposer son modèle dans un marché très largement libéralisé et mature. Les normes en vigueur (et notamment l’International Code of Conduct for Private Security Service Providers –ICoC) traduisent la conception anglo-saxonne du secteur et illustre parfaitement ce point.

 

Pourtant, contribuer au développement d’une offre française dans ce secteur présente à la fois des intérêts économiques et politiques. Economiques d’abord, parce que dans un contexte budgétaire difficile qui voit une réduction des pouvoirs de la puissance publique, il est préférable de se reposer sur des ESSD nationales pour protéger les intérêts nationaux, privés ou publics. Politiques ensuite, parce que les ESSD font partie du paysage géostratégique et qu’elles sont intrinsèquement liées à leur Etat d’origine. Elles sont donc susceptibles d’être des vecteurs d’influence et de diffusion du modèle français, mais aussi des capteurs participant au recueil du renseignement partout où elles agissent.

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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 12:55
SMP, ESSD...: externalisation à la carte selon le ministre de la Défense

17.09.2013 par P. CHAPLEAU Lignes de Défense
 

A méditer ces quelques phrases tirées de l'audition devant une commission sénatoriale de Jean-Yves Le Drian, le 12 septembre 2013 (cliquer ici pour accéder à l'intégralité):

 

"Je suis favorable à la reconnaissance des sociétés militaires privées dans le domaine du transport maritime, car la marine nationale ne peut pas tout faire. Je l'ai fait savoir aux acteurs du secteur. Nous sommes proches d'aboutir. J'y suis défavorable en revanche pour l'armée de terre, car cela s'apparenterait à du mercenariat, ce qui est contraire à notre tradition républicaine et à nos convictions. Vous pouvez d'ores et déjà rassurer nos armateurs : un projet de loi sera bientôt déposé par Frédéric Cuvillier."

1°) un projet de loi avait déjà été annoncé pour le printemps puis passé à la trappe. Il est effectivement plus que temps de légaliser une situation de fait, qui ne concerne en réalité que quelques dizaines de navires battant pavillon français naviguant régulièrement dans les zones à risques.

 

2°) "Pas de sociétés militaires privées au profit de l'armée de terre", dit le ministre qui confond ESSD (aux prestations liées à la sécurité principalement, cf. Geos qui a protégé les personnels de Thales en Afghanistan) et ESOA (entreprises de soutien opérationnel aux armées) qui interviennent déjà dans les domaines de la formation et du soutien, voire du renseignement (cf. CAE Luxembourg au Mali).

 

3°) ah ce fameux "mercenariat" que brandit le ministre comme une fiole de sarin! Quand cessera-t-on de tout confrondre et d'oublier les termes même de la loi de 2003?

 

4°) dans quels domaines l'armée de terre peut-elle faire (et fait-elle déjà) appel aux SMP? Dans le soutien principalement. Or, c'est dans ce domaine même que le ministre, son cabinet et les élus qui évoluent dans le sillage de JYLD tiennent à supprimer des postes (cf. la LPM) et à réduire le nombre de militaires pour y augmenter le nombre de personnels civils ("fonctionnaires et ouvriers d'Etat" comme l'a dit une élue cherbourgeoise que j'ai citée dans un post récent). 

L'affaire de l'externalisation de la fonction habillement s'inscrit dans cette logique, avec la volte-face du ministère après l'annonce que le groupement conduit par Ineo Support Global avait remporté l'appel d'offres (cliquer ici pour lire mon post du 4 juin).

 

Tout ça m'oblige à reconnaître que quelque chose m'échappe: on veut réduire les effectifs dans les Armées, précariser encore plus les militaires à coups de contrats courts, tout en recrutant des civils au statut protégé (tant mieux pour eux), qui travaillent plus, qui coûtent moins cher (dixit la même élue cherbourgeoise) et dont les futures réformes des armées (car il y en aura d'autres) ne pourront supprimer les postes qu'avec primes et promesses de reclassement...

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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 11:55
RhibFpsPatino - crédit  Eunavfor Marine Espagnole

RhibFpsPatino - crédit Eunavfor Marine Espagnole

17/09/2013 Michel Cabirol  - LaTribune.fr

 

Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian est favorable à la reconnaissance de sociétés militaires privées dans le domaine du transport maritime. Un projet de loi sera bientôt déposé.

 

Et revoilà les héritiers de Bob Denard, ou plutôt des corsaires du Roi… Un pas semble avoir été franchi dans la reconnaissance des sociétés militaires privées (SMP) en France. « Je suis favorable à la reconnaissance des sociétés militaires privées dans le domaine du transport maritime, car la marine nationale ne peut pas tout faire », a récemment expliqué au Sénat le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, pourtant au départ frileux sur un dossier sensible auprès de l'opinion publique mais qui a fait l'objet de pressions de la marine nationale.

 

Le Drian défavorable pour l'armée de terre

« Les marins ne voulaient pas devenir dans le cadre des équipes de protection embarquées le prestataire des armateurs français », décryptent un bon connaisseur du dossier. En outre, Jean-Yves Le Drian a également estimé que des hommes armés sur un navire n'ont qu'un rôle défensif sans aucune stratégie offensive. Ce qui ne serait pas le cas pour l'armée de terre. Et d'ailleurs le ministre a tenu à être très clair : « j'y suis défavorable pour l'armée de terre, car cela s'apparenterait à du mercenariat, ce qui est contraire à notre tradition républicaine et à nos convictions ».

« Nous sommes proches d'aboutir » et dans ce cadre, « un projet de loi sera bientôt déposé par Frédéric Cuvillier », a-t-il précisé. C'était une demande très forte des armateurs français qui réclamaient une protection des navires battant pavillon français. Les armateurs menaçaient de se tourner vers l'offre britannique, faute d'un cadre juridique permettant aux Français de concourir. « Cela pourrait même accentuer le phénomène de dépavillonnement », avait expliqué les anciens députés, Christian Ménard (UMP) et Jean-Claude Viollet (PS) dans un rapport parlementaire sur les SMP présenté en février 2012. Pour autant, selon nos informations, au ministère des Transports, qui se met dans les pas de Matignon, ce dossier ne semble pas prioritaire. D'autant qu'il y a un calendrier parlementaire très, très encombré.

 

1.000 navires battent pavillon français

Armateurs de France recense 250 navires battant pavillon français et 750 autres opérés par des Français mais sous des pavillons tiers. Soit une flotte de quelque 1.000 navires. Leur activité conduit une part importante d'entre eux à transiter dans des zones où sévissent des pirates : détroit de Malacca, côtes africaines, notamment Golfe de Guinée et au large de la Somalie. D'après les informations recueillies par Christian Ménard dans les travaux relatifs à la piraterie maritime, on comptait en 2009 environ 600 personnes retenues en otage par des pirates somaliens.

C'est le cas d'une entreprise comme CMA-CGM qui est présente dans près de 400 ports à travers le monde. Alors que des menaces pèsent sur son activité, elles accroissent le coût des primes d'assurance. « Les surprimes liées à une traversée de l'océan Indien sont généralement de 0,5 % de la valeur du navire, soit souvent proches de 20.000 à 30.000 dollars supplémentaires par jour de traversée », rappelaient les deux députés. La plupart du temps, les armateurs assument ce surcoût. Car éviter les zones dangereuses, par exemple en transitant par le cap de Bonne-Espérance, induit un allongement des transits et une surconsommation de fioul.

 

Prise de conscience avec l'affaire du Ponant

L'affaire du Ponant a médiatisé la menace en France. Le 4 avril 2008, ce voilier battant pavillon français a été pris en otage par des pirates somaliens. Des Français ont été libérés une semaine plus tard contre le versement d'une rançon. Mais une opération héliportée a permis d'arrêter une partie des preneurs d'otage ainsi que de la rançon. La France a riposté en mettant en place des équipes de protection embarquées (EPE) de la Marine nationale généralement composées de fusiliers marins, sur les navires les plus vulnérables. « Une réponse efficace mais aux capacités limitées », ont estimé Christian Ménard et Jean-Claude Viollet.

Ces équipes protègent notamment les thoniers senneurs, qui pêchent au large des Seychelles, ainsi que des navires transportant des cargaisons stratégiques. D'après les données fournies par l'état-major de la marine, 104 navires français ou d'intérêt français sont inscrits au contrôle naval volontaire et circulent dans l'océan Indien. On compte parmi eux : 61 navires non vulnérables, 20 vulnérables et 23 très vulnérables, dont les thoniers.

 

La Marine nationale bon marché

C'est le Premier ministre qui décide de l'affectation des EPE. Les critères d'attribution d'une protection sont les suivants : pavillon français, présence de citoyens français à bord, nationalité française du propriétaire, transport d'une cargaison ou activité d'intérêt stratégique pour la France. Le coût des EPE (2.000 euros par jour en moyenne) est inférieur au coût moyen d'une équipe privée (3.000 euros par jour). « La prestation de la marine française est donc bon marché », ont constaté les deux députés. À titre de comparaison, une EPE de la marine royale néerlandaise coûte en moyenne 80.000 euros par traversée. Ce prix s'explique par sa composition : 18 agents par navire, dont un infirmier urgentiste.

D'après le ministère de la Défense, 30 % des navires de commerces embarquent des équipes armées de SMP/ESSD. Le même ministère met en avant leur « efficacité avérée », aucune capture n'ayant eu lieu en leur présence. Celles-ci ont permis de déjouer 30 % des attaques. Certains pavillons, tels que Singapour, imposent la présence d'hommes armés en cas de vulnérabilité.

En outre, la multiplication des actes de piraterie au large des côtes somaliennes a conduit le gouvernement à préconiser une solution militaire européenne permettant d'escorter certains navires à travers des convois sécurisés, l'opération Atalante. Celle-ci se concrétise par des échanges d'informations et surtout la mise en place de convois sécurisés.

Les mauvais souvenirs laissés par Bob Denard

Les polémiques ayant entouré l'activité de mercenaires français en Afrique, et notamment de Bob Denard, ont conduit le législateur à adopter un projet de loi visant à réprimer sévèrement le mercenariat. Faute d'un cadre pénal, Bob Denard n'avait pas été inculpé pour mercenariat. L'adoption de la loi de 2003 réprimant le mercenariat a donné un signal fort à la communauté internationale.

Passés les souvenirs de l'action de Bob Denard, les années 2000 ont vu des événements polluer à nouveau le débat sur les entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD). Il s'agit en premier lieu de l'intervention américaine en Irak, qui a suscité une réprobation de la part de l'opinion française. Un rejet d'autant plus marqué que certaines des dérives observées sur ce théâtre étaient le fait de SMP américaines, parfois directement impliquées dans des opérations militaires, par exemple lors de la tentative de prise de contrôle de la ville de Falludjah.

 

Un marché estimé entre 200 et 400 milliards de dollars

Les auteurs du rapport estiment aujourd'hui que près de 1.500 SMP sont actives à travers le monde. Ayant très tôt bénéficié des crédits publics dégagés par des externalisations, et s'appuyant sur des marchés importants, les sociétés anglo-saxonnes concentrent l'essentiel des effectifs et des moyens. Le chiffre d'affaires global du secteur est difficile à évaluer mais les spécialistes le situent entre 100 et 200 milliards de dollars par an. Pour l'ensemble ESSD (SMP et SSP), le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) évoque même le chiffre de 400 milliards de dollars de chiffre d'affaires et des effectifs pouvant atteindre un million de personnes à travers le monde.

« La demande de protection privée existe et l'offre française doit s'organiser, faute de quoi le rang de la France comme puissance maritime mondiale pourrait être menacé, estimaient Christian Ménard et Jean-Claude Viollet. Les évolutions doivent intervenir rapidement (…). Il s'agit à la fois de plaider pour l'adoption d'exigences minimales vis-à-vis du secteur, tout en veillant à ce que les États gardent la main sur la gestion et le contrôle de leur pavillon »

 

Sarkozy intéressé par le sujet

Ce sujet a fait l'objet au plus haut niveau de l'Etat d'une prise de conscience qui a donné lieu à un certain nombre de réflexions. Le chef d'état-major particulier du président de la République a mandaté le secrétaire général de la défense et la sécurité nationale (SGDSN) à l'été 2010 pour étudier les conditions dans lesquelles un tel secteur d'activités pourrait se développer en France. Cette étude a donné lieu à un premier rapport, soumis à la présidence de la République le 1er févier 2011. Un mandat complémentaire sur le volet maritime a été confié au secrétaire général de la mer, sous l'égide du SGDSN. Les conclusions de ces travaux sont restées confidentielles.

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4 juillet 2013 4 04 /07 /juillet /2013 07:55
Les actes du colloque du 28 mai sur les ESSD francaises sont en ligne

02.07.2013 par P. CHAPLEAU Lignes de Défense

Le CDSE et le CSFRS ont organisé le 28 mai dernier une matinée de travail relative aux ESSD (entreprises de services de sécurité et de défense), suite au rapport d’informations des députés Christian Ménard et Jean-Claude Viollet. Les actes de ce colloque sont disponibles ci-joint.

J'engage tous ceux que le sujet intéresse à les lire. Les interventions ont l'avantage d'être courtes, franches, provocantes et réalistes. Je ne dis pas ça parce j'ai animé ces débats mais parce que la teneur des interventions et des échanges a démontré une maturation de la question des ESSD.

On se souviendra aussi des propos du CEMA devant les parlementaires sur cette thématique (cliquer ici pour lire mon post).

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27 juin 2013 4 27 /06 /juin /2013 07:55
SMP/ESSD: quand l'amiral Guillaud met les points sur les "i"

27.06.2013 par P. CHAPLEAU Lignes de Défense

 

L'amiral Édouard Guillaud, le chef d'état-major des armées, s'est exprimé le 3 juin devant la commission de la Défense et des Affaires étrangères du Sénat. On lira plus bas sa réponse à une question de Michel Boutant. Cliquer ici pour accéder à l'intégralité de son audition.

 

La réponse du CEMA, je dois l'avouer, m'a réjoui et elle prouve que le réalisme peut l'emporter. Pendant que nous tergiversions sur l'éthique des SMP/ESSD, nos concurrents (car ces activités relèvent avant tout d'un échange marchand) nous taillaient des croupières, renforçaient leur monopole, apprenaient (en faisant des erreurs, parfois graves) à réguler le milieu et favorisaient l'émergence de sociétés fortes, éprouvées, légitimes et fières. En France, nous avons fait du surplace en considérant le recours à des prestataires privés comme une maladie honteuse et expliquant pudiquement que, lorsque nous devions nous résigner à le faire, c'était dans le cadre d'expérimentations. En 15 ans, depuis le premier livre que j'ai écrit sur ce sujet en 1997, je confirme: "nous n'avons pas avancé"!

"Les sociétés militaires privées (SMP) sont un sujet qui m'exaspère. Quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage, et pour des raisons d'angélisme idéologique, malgré des rapports sur la situation, nous n'avons pas avancé.

Mon point de vue est qu'il faut encore travailler sur la question des SMP à terre car celles-ci posent des problèmes de droit international. La situation est plus simple pour les SMP à la mer : le droit de la mer est simple, dès lors que vous êtes sorti des eaux territoriales, le droit applicable est celui du pavillon, quelle que soit la nationalité de l'équipage, de l'affréteur, ou du propriétaire de la cargaison !

Nous avons les moyens, en passant par la loi, de dire que nous acceptons des équipes de protection embarquées, si elles sont de droit français employant des nationaux et réservées aux pavillons français. Le risque, si nous n'agissons pas, outre le fait de voir nos anciens militaires employés par des SMP étrangères, est surtout que des armateurs sont prêts à se dépavillonner, avec les conséquences économiques qui en résulteraient !

Il est contre-productif de faire l'amalgame avec une SMP qu'on emmènerait lors d'une OPEX faire de la protection. Cette question des SMP a été évoquée lors des discussions sur le Livre Blanc, puis le débat a été refermé. Il est nécessaire de régler ceci par une loi. Le vrai problème est que ça réveille une peur du mercenariat, alors même que ça n'a rien à voir !

Sur ce même sujet, je ne résiste pas à donner le texte de l'intervention d'Alain Juillet qui a ouvert les débats lors du colloque sur les ESSD du 28 mai dernier:

"Le premier aspect de ce problème apparaît lorsque l’on envisage le côté militaire. Indiscutablement, nos troupes, et en particulier les forces spéciales, sont des militaires dont l’excellence technique est reconnue au niveau international. D’un autre côté, le Livre blanc prévoit des réductions d’effectifs telles que les armées n’auront plus la capacité de remplir un certain nombre de missions qu’elles assument aujourd’hui. Il faudra donc bien trouver des solutions. C’est un aspect. L’autre aspect concerne ce qui se passe à l’extérieur. Quand on est une grande entreprise française qui travaille sur des sites à l’étranger impliquant des salariés, on s’interroge nécessairement sur les mesures à prendre pour évoluer dans des zones difficiles ou dangereuses. Depuis la loi de 2003, la situation est très simple : on ne peut pas travailler avec des sociétés de sécurité françaises car c’est interdit par la loi. On ne peut pas non plus utiliser les services de sociétés d’assurance françaises parce qu’elles seraient mêlées à des situations qui ne sont pas prévues par la loi. Les grandes entreprises françaises sont donc obligées de passer des contrats avec des ESSD ou des sociétés d’assurance étrangères pour accomplir des missions qui pourraient parfaitement être réalisées par des sociétés françaises. Le constat est encore plus alarmant quand vous regardez ce qui se passe actuellement au large de la Somalie en matière de piraterie où l’on a été obligé de mettre en place des systèmes de protection des bateaux. Les Français ont investi, via la Marine nationale, avec les commandos marine essentiellement. Ce qui est étonnant, c’est de voir comment font les autres pays. A part les Français, il n’y a aucune unité militaire étrangère qui assure ce type de missions. Tout ceci est pris en charge par des sociétés privées. Tout le monde y est, les Français sont les seuls à investir au niveau militaire. Pourquoi pas diriez-vous, mais il faut alors regarder le coût d’une telle opération pour l’Etat, alors même que ses dépenses doivent être contrôlées. Par ailleurs, Il est attristant de constater que les entreprises françaises doivent recourir à des ESSD étrangères, que ce soit en matière de sécurité ou d’assurance, et ainsi transférer une partie de leurs moyens financiers et de leurs exigences de sécurité à l’étranger. Ce point constitue la raison profonde de notre soutien au rapport des députés Ménard et Viollet auxquels nous avons tout de suite dit : « il faut absolument que vous arriviez à changer le système actuel ». Car le système actuel est basé sur une vision idéologique et historique des activités couvertes par le terme d’entreprises de services de sécurité et de défense, appelées autrefois SMP. Il est certain qu’en France, la période de la France-Afrique et du mercenariat reste présente dans les mémoires et nous pénalise par rapport à tous les autres pays du monde. Aux États-Unis, les grandes ESSD n’ont aucun problème et possèdent une image correcte au sein de la population et ce, tant qu’elles ne commettent pas de dérapages. Mais cela relève d’une affaire de contrôle. Elles travaillent également étroitement avec l’État. Les techniciens français de grandes sociétés françaises qui travaillent en Afghanistan actuellement doivent recourir à des sociétés étrangères lorsque l’armée française ne peut pas assurer leur sécurité. Je rappelle que depuis l’arrêt Karachi, les entreprises sont « sécuritairement » responsables de tous leurs salariés à l’étranger, que ce soit pendant ou hors les heures de travail. Une responsabilité importante pèse donc sur les entreprises et nous préférerions que la protection de ces salariés soit assurée par des sociétés françaises. Je vous dis ceci afin de bien faire comprendre que notre volonté est d’assurer, dans les meilleures conditions possibles, la sécurité de nos employés, la défense et la sûreté de nos sites en recourant à des personnels français. Si je reprends l’exemple somalien, il est à la fois fascinant et affligeant de voir que parmi les personnels qui travaillent dans les sociétés étrangères, il y a une grande majorité d’anciens soldats français. En effet, les anciens commandos marine y sont largement représentés parce qu’ont leur reconnaît de grandes qualités. Il est tout de même lamentable que l’on ne soit pas capable, en France, de reconnaître nous-mêmes concrètement leurs qualités. Arrêtons de nous tirer une balle dans le pied et soyons raisonnables. Vous allez suivre aujourd’hui un programme qui va permettre de couvrir un grand nombre d’éléments du thème étudié. D’une part, il faut être bien conscient que nous sommes entrés dans un monde de plus en plus dangereux et de plus en plus agressif au quotidien. Je vais peut-être choquer les militaires, surtout dans cette salle, mais je fais partie de ceux qui sont convaincus que le combat militaire aura de moins en moins d’importance à l’avenir par rapport au combat économique et que, dans le même temps, le combat économique va utiliser des moyens militaires ou de sécurité de plus en plus importants. On ne peut pas comprendre, par exemple, la guerre en Ituri, au Congo, sans se souvenir qu’en réalité ce n’est pas une guerre entre Hutus et Tutsis, c’est une guerre pour des raisons minières. Il s’agit de contrôler le Coltan dans la zone, parce que ce minerai est indispensable à la fabrication des téléphones portables. Ce n’est pas autre chose. On voit bien l’interpénétration des intérêts. Dans cette approche, Il est nécessaire de pouvoir protéger nos sites et nos personnels. Tout à l’heure, vous allez écouter une intervention du général Jean-Michel Chéreau, directeur de la sécurité d’AREVA, qui se trouve actuellement au cœur de problèmes importants. Mais derrière lui, il y a d’autres sociétés, d’autres problèmes du même genre. On ne peut pas continuer à accepter de ne pas être capable de faire face à la concurrence internationale et on ne peut pas non plus accepter d’être obligé de faire systématiquement appel à l’armée française alors qu’elle a à peine les moyens d’assurer ses propres missions. Il est donc nécessaire de trouver des équilibres. La question de l’assurance, qui sera évoqué ultérieurement, est très importante car les assureurs jouent un rôle essentiel dans le monde moderne. Ce sont eux qui font disparaître une grande partie de la prise de risque. C’est également eux qui vont compenser financièrement cette prise de risque de manière à l’éliminer lorsque quelque chose se passe. Je ne rentrerai pas dans les détails car cette question recouvre certains domaines sensibles, mais indiscutablement les assureurs ont un rôle important aujourd’hui. Regardez la Lloyd qui a pris, de ce côté-là, un rôle non négligeable dans tous les domaines et en particulier concernant la problématique des rançons demandés par les pirates au large de la Somalie Nous nous intéresserons ensuite aux problèmes juridiques qui apparaissent quand on parle de sécurité privée. Dès que l’on parle des ESSD, se pose la question des modifications ou du changement de la fameuse loi qui a tout bloqué en France, loi indiscutablement régressive par rapport à ce qui existe ailleurs. Il faut en effet se souvenir que pendant que l’on votait cette loi en France, les Américains de MPRI étaient en train de former les résistants kosovars qui devaient ensuite prendre le pouvoir. Les Américains avaient en effet envoyé là-bas une ESSD américaine. Cet épisode montre qu’il est important de disposer de textes de loi extrêmement précis afin éviter les dérives. Il faudra aussi, et c’est une des questions à ne pas oublier, intégrer correctement le fait que lorsque l’on prévoit le recours à des ESSD, surgissent les questions de l’ouverture du feu et de la réciprocité. Ici encore existent des problèmes juridiques très importants puisque l’on ne peut pas faire ni laisser faire n’importe quoi. Il importe donc de mettre en place une loi et des modalités d’application qui permettent de contrôler très étroitement les ESSD pour empêcher les dérives l’on a pu connaître, notamment en Irak avec la société Blackwater. Les actions incontrôlées d’une entreprise de sécurité sont inacceptables et inadmissibles. Mais ce n’est pas parce que une société a complètement dérivé en Irak qu’il faut, pour autant, « jeter le bébé avec l’eau du bain ». L’État aura un rôle très important dans cette exigence de contrôle et de sécurité. J’ajouterai pour ma part qu’en ce qui concerne les militaires que nous avons surentraînés pour remplir un certain nombre de missions, ils se retrouveront de plus en plus jeunes en fin de service sur le marché du travail. Ces ex-soldats d’élite seraient avantageusement accueillis dans des entreprises spécialisées. Cela permettrait aussi de contrôler la fiabilité et la qualité du personnel en évitant l’embauche « d‘enfants perdus » risquant d’être à l’origine de dérives inacceptables. Il faut garder la tête froide et se poser les questions objectivement. C’est l’intérêt de colloques et de réflexions comme celle qui vient d’être menée par le CSFRS. Cela permet de se dire : « On à un problème, il faut que l’on en considère toutes les facettes sans passion, sans idéologie et que l’on essaye d’analyser rationnellement la situation afin de faire des propositions concrètes ». C’est le but aussi des échanges que vous allez avoir, parce que l’on va pouvoir sentir la sensibilité des uns et des autres, comprendre les problèmes posés par les uns et les autres, puis arriver, ensemble, à bâtir un projet acceptable par l’Etat. Cela devra nous permettre de rebondir de manière efficace par rapport à tous nos concurrents internationaux. "

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 21:05
Vers un rôle accru du privé dans la défense française

15.02.12 Nathalie Guibert LEMONDE

 

Les feux viennent de passer au vert, en France, pour que les sociétés militaires privées prennent toute leur place dans le monde de la défense. Les derniers mois ont vu converger sur ce sujet les états-majors, les armateurs, les instances gouvernementales, des parlementaires. Un tournant.

 

Dans un rapport bipartisan remis mardi 14 février à la commission de la défense de l'Assemblée nationale, les députés Christian Ménard (UMP, Finistère) et Jean-Claude Viollet (PS, Charente) appellent sans équivoque à soutenir le secteur. "Le monde avance sur ces sujets sans attendre la France. Notre pays doit construire un modèle qui lui est propre", concluent-ils, en proposant une labellisation nationale.

 

Pour leurs promoteurs, ces sociétés représentent autant un marché considérable qu'un outil d'influence stratégique. "L'Etat va donner le signal d'une ouverture maîtrisée", résume un haut responsable du Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale, missionné de son côté en 2010 par l'Elysée avec l'objectif de structurer le secteur. La privatisation de la sécurité est "un phénomène dans lequel on est comme poussé dans une seringue. Prétendre l'arrêter serait hypocrite. Il faut poser les bornes politiques, opérationnelles, juridiques", expliquait il y a peu une source du Secrétariat général.

 

L'emploi régalien de la force - le combat, la garde de prisonniers - est exclu du champ des propositions actuelles. Nul ne prévoit de toucher la loi de 2003 qui pénalise le mercenariat. La "crainte du mercenaire" pèse encore lourd, notent MM. Ménard et Viollet. Pour des raisons d'image, Sodexo, "pourtant propriétaire de l'entité britannique Sodexo Defence, a refusé d'être entendu". On parlera donc en France d'"entreprises de service de sécurité et de défense", ESSD.

 

En Afghanistan, les contractors américains sont plus nombreux que les troupes régulières (113 000 contre 90 000) et ils ont connu pour la première fois, en 2011, plus de pertes (430 morts contre 418), selon le New York Times. Comme en Irak, les privés ont commis bavures et exactions. Ces "problèmes éthiques n'invalident pas l'intérêt des sociétés militaires privées", assurent les parlementaires français.

 

De fait, selon les experts, les prestations armées ne représentent que 10 % à 20 % du chiffre d'affaires mondial du secteur. Les entreprises françaises sont déjà présentes sur d'autres créneaux, très divers, du gardiennage à l'intelligence économique. Dans la logistique et la formation des armées, l'externalisation progresse, y compris en France. Dans les zones de conflit, les sociétés privées gèrent la protection des emprises de l'Union européenne (UE), assurent la logistique de l'ONU. Elles assurent, à l'étranger, l'ingénierie de sécurité et la protection des grandes entreprises nationales, d'Areva à Bouygues. Elles vivent aussi, pour le compte d'Etats, de la formation militaire. C'est le cas de la petite française Gallice Security, qui a pour client le Gabon. Mais c'est l'américaine Academi, ex-Blackwater, qui vient d'emporter pour 500 millions de dollars le contrat pour créer une force supplétive aux Emirats arabes unis.

 

Les nouveaux enjeux de la sécurité maritime ont compté dans la "conversion" française. Le secteur est dominé par les compagnies anglo-saxonnes, certaines ont déjà acheté des bateaux de guerre. "La situation impose de protéger nos navires en y embarquant des gardes armés", défendent les députés. La loi française actuelle ne le permet pas. Mais dans les faits, les 70 commandos de la marine nationale formant les équipes de protection embarquées (EPE) mises à disposition des bateaux sous pavillon français ne peuvent couvrir les besoins. Les armateurs l'ont admis fin 2011, plaidant pour un recours au privé dans "un cadre normalisé".

 

Dans la foulée, un solide verrou a sauté : celui que tenait l'état-major de la marine. "Il faut avoir une approche pragmatique", déclare au Monde l'amiral Bernard Rogel, nouveau chef d'état-major, en rupture totale sur ce point avec son prédécesseur. Pour l'amiral, " il faut garder dans la main de l'Etat la protection des bateaux déclarés stratégiques pour la France, soit parce qu'ils vont chercher une ressource pour laquelle ils n'ont pas le choix de leur zone d'activité (les thoniers, les câbliers des opérateurs de communication), soit que leur cargaison soit elle-même stratégique". Pour tout le reste, "on ouvre".

 

Fondées par d'anciens militaires, des forces spéciales, de la DGSE ou du GIGN, les sociétés nationales saluent avec prudence l'ouverture promise. "Il y avait une certaine hypocrisie à nous dire quand nous quittions l'armée que nous étions l'élite, pour ensuite nous déclarer infréquentables et nous mettre des bâtons dans les roues", souligne Gilles Sacaze, PDG de Gallice Security et ancien du service action de la DGSE. "Nous sommes dans un cercle vertueux", abonde Alexandre Hollander, directeur général d'Amarante, une autre PME du secteur qui déclare une croissance "à deux chiffres". "Nous ne sommes plus vus comme des gens qui viennent piquer dans l'assiette. Et le milieu se professionnalise", ajoute-t-il.

 

La question des armes sera complexe à résoudre. Aujourd'hui, les ESSD qui en utilisent contournent la difficulté en passant par des succursales et des contrats de droit local. Ce qui coûte aussi beaucoup moins cher. Un garde armé libyen est actuellement payé 150 euros par jour ; un Français en toucherait 900, nous explique un patron du secteur. "On fait l'autruche", critiquent les députés. Ils notent qu'en Libye, une société dirigée par des Français mais opérant sous droit hongrois, Argus, assure la sécurité de locaux de l'UE.

 

Les projets actuels cantonneraient les ESSD à un usage de légitime défense. Il faudra néanmoins prévoir des procédures d'exportation particulières d'armes légères dans ce cadre, une possibilité de stockage en France (ce que la police ne voit pas d'un bon oeil), et, surtout, des règles d'ouverture du feu.

 

La France penche pour un contrôle étatique. Une nouvelle loi s'inspirerait de la loi de 1983 qui a organisé le secteur de la protection privée sur le territoire. Un contrôle strict des personnels et des sociétés pourrait être mis en oeuvre par les services. Objectif : une liste de sociétés labellisées. Bruno Delamotte, le patron de Risk and Co, se dit "très dubitatif" sur un cadre législatif : "Comment va-t-on encadrer ma filiale de Dubaï qui va utiliser des Sud-Africains en Irak ?" Pour lui, ces projets masquent le sujet de fond : la fragilité économique des ESSD françaises, sous-financées et trop petites pour la compétition internationale.

 

Au moins, le dossier est sur la table.

 


Le petit marché français

 

 

Quelque 130 sociétés privées de sécurité françaises revendiquent une activité internationale. Mais une poignée d'entre elles réalise 95 % du chiffre d'affaires du secteur : Geos (480 personnes, 38 millions d'euros de chiffre d'affaires revendiqué en 2010), Risk and Co (120 personnes, 20 millions d'euros), Amarante (130 personnes, 10 millions d'euros), Gallice (50 personnes, 5 millions d'euros). Un marché minuscule comparé à celui de la Grande-Bretagne, très bien placée dans le domaine de la sécurité maritime, ou des Etats-Unis, qui sous-traitent depuis longtemps une part de leurs forces, armées et de police (l'Etat américain a versé 85 milliards de dollars, soit 64,5 milliards d'euros, aux SMP en Irak entre 2003 et 2007). La société américano-britannique G4S compte 600 000 employés pour 8 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Les PME françaises tentent de constituer un groupement professionnel. Les sociétés anglo-saxonnes se sont déjà autorégulées, en édictant un code professionnel de conduite de Genève, moyen d'imposer leur norme au marché mondial.

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 08:50
Sociétés Militaires Privées (SMP): un rapport de l'Assemblée nationale qui leur ouvre la porte

14.02.2012 par P. Chapleau Lignes de Défense

 

C'est un communiqué qui l'annonce aujourd'hui: les députés Ménard et Viollet, dans leur rapport d'information sur les sociétés militaires privées, se disent favorables à la création de ce que j'appelle SPER (sociétés de protection en milieu à risques) et de ce qu'ils appellent ESSD (entreprise de services de sécurité et de défense). On lira leur communiqué ci-dessous.

 

Trois remarques à chaud puisque je n'ai pas encore lu le rapport (mais je suis certain que Christian Ménard va me l'adresser sans tarder):

 

1- de telles sociétés existent déjà en France, dûment enregistrées auprès des autorités et ayant pignon sur rue. S'agit-il d'officialiser ce qui existe déjà légalement, en dépit des affirmations passées du ministre de la Défense sur les SMP?

 

2- la réalité du milieu des SMP couvre un spectre beaucoup plus large que les seules sociétés de sécurité et de protection. Pour ma part, et je n'étais le seul à le dire lors des auditions devant les deux députés, j'avais insisté sur l'éventail large des missions et donc sur la réalité des ESOA (entreprises de soutien opérationnel aux armées) dont les activités doivent aussi être régulées en vue d'un résultat optimal.

 

3- j'attends de lire le rapport, mais je me demande bien si la notion de "régulation" est abordée. Si oui, tant mieux, sinon, c'est un coup d'épée dans l'eau!

 

Bon, je considère que le verre est à demi plein. Trinquons quand même...

 

Le texte du communiqué:

 

« Dans un rapport rendu ce jour à la Commission de la Défense et des Forces Armées de l'Assemblée nationale, les députés (UMP - Finistère) Christian Ménard et (PS - Charente) Jean-Claude Viollet, viennent de briser un tabou en préconisant l'ouverture, en France, d'Entreprises de Services de Sécurité et de Défense (ESSD). Les deux parlementaires, pourtant issus de deux groupes politiques opposés, se rejoignent totalement sur la nécessité de créer des sociétés françaises destinées à assurer la sécurité, notamment à l'étranger, de nos grands groupes industriels, de leurs personnels, mais aussi de leurs intérêts. « Nous devons avoir conscience que notre pays, en raison de la multiplicité des théâtres d'opérations, doit avoir recours à ce type de sociétés. Les Anglo-Saxons, Sud-Africains, Israéliens, entre autres, l'ont fort bien compris en créant de telles entités... » assure Christian Ménard, déjà auteur de deux précédents rapports sur la Piraterie Maritime, ajoutant « les Armateurs de France, l'énorme majorité des militaires (qui voient là la possibilité d'une seconde carrière), les industriels vont dans le sens d'une telle ouverture. Il appartient désormais à notre pays, d'expérimenter (pourquoi pas au niveau de la piraterie maritime ?), de légiférer et, bien sûr, de labelliser de telles sociétés... »

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