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2 décembre 2014 2 02 /12 /décembre /2014 07:55
Inauguration de la chaire Éthique de la décision

 

27/11/2014 Les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan

 

La chaire Éthique de la décision, fruit d’un partenariat entre les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, la Banque Française Mutualiste et la Fondation Saint-Cyr, a été inaugurée le lundi 24 novembre 2014.

 

Une conférence inaugurale a été prononcée à cette occasion par le professeur George Lucas sur le thème "Quelle éthique pour les décideurs ?"

Dans son livre L’éthique des décideurs(1) , le professeur Henri Hude affirme que l’expérience militaire de la prise de décision serait un antidote à la perte de référence de la société et un cadre approprié pour la prise de décision éthique dans les politiques publiques. Les décisions militaires, comme celles de politiques publiques, sont prises en fonction de la sécurité et du bien-être général de la population. Considérant l’intérêt commun et les décisions rapportant le plus grand bénéfice possible tout en affectant le moins possible les populations, les leaders militaires essaient de protéger leurs citoyens en minimisant la blessure et la perte de vie. Cela peut s’étendre au monde civil et notamment en entreprise ou en économie.

Ce cadre de référence est particulièrement significatif dans l’environnement technologique que nous connaissons aujourd’hui car la robotisation du champ de bataille et les cybermenaces sont autant de nouvelles sources de dilemmes moraux tant pour le secteur militaire que civil. Ces deux mondes ont ainsi tout intérêt à échanger et à s’inspirer des bonnes pratiques de chacun.

Le professeur George Lucas a mis en lumière certains principes militaires ne reposant pas entièrement sur les conséquences mais qui définit des stratégies acceptables par lesquelles des conséquences désirables pourront être atteintes (victoire dans la guerre, prospérité économique, sécurité publique). Il s’agit du principe de consentement éclairé. Ce principe kantien(2)  dispose que personne ne peut être partisan ou participant d’une stratégie qui l’affecterait sans l’avoir appréhendée au préalable et que la personne doit avoir librement choisi d’y participer. George Lucas pense que  ce principe généralement utilisé en médecine et dans la recherche expérimentale peut être généralisé et servir de base à une morale universelle qui respecte tout autant le bien être que la liberté démocratique ou les droits fondamentaux de l’Homme, soumis à la prise de décision d’un leader militaire, politique ou économique. Le principe de consentement éclairé constitue l’essence même de la morale. Dans la guerre comme dans l’économie ou l’entreprise, il existe un ensemble de règles –écrites ou non- qui régissent l’attitude et le comportement admis. Respecter ces règles, c’est se comporter avec éthique.

 

(1) Hude Henri, L’ éthique des décideurs, Paris, 2004

(2) Kant Emmanuel, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785

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11 novembre 2014 2 11 /11 /novembre /2014 12:55
photo du colonel B. Heluin (Kapisa, mandat Richelieu, 2011)

photo du colonel B. Heluin (Kapisa, mandat Richelieu, 2011)

 

10.11.2014 par Philippe Chapleau - Lignes de Défense
 

Dans le cadre des Jeudis de la Défense de la Zone de défense et de sécurité Ouest, une conférence débat aura lieu le 27 novembre, à Rennes, à l'ESPE (9, rue Pierre-Legrand) à 19h. Cette conférence est intitulée: "Journalisme de guerre Entre éthique et volonté d'informer, peut-on tout dire et tout montrer ?".

 

Participeront au débat, qui sera ponctué de reportages filmés par des journalistes de guerre:
- le colonel Yves Métayer, chef de la division opérations de l'Etat-major de la zone de défense de Rennes, projeté plusieurs fois à divers postes de commandement en opérations au Kosovo, en Afghanistan et au Mali 
- le lieutenant-colonel Franck Chevallier, conseiller en communication du général commandant les forces françaises en Afghanistan en 2013,
- et le rédacteur de ce blog (j'interviendrai en tant que journaliste du service Politique d'Ouest-France et d'animateur de Lignes de défense).

 

S'inscrire avant le 25 novembre 2014 à la cellule communication ZDS Ouest au 02 23 35 25 18

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4 novembre 2014 2 04 /11 /novembre /2014 12:55
Croire que le drone permet de mener une ‘‘guerre zéro mort” est dangereux

 

03/11/2014 DICoD

 

Avouons-le. Nous n’avons pas toujours le temps de parfaire notre culture générale ou d’approfondir nos connaissances géopolitiques … Pas de panique ! La rédaction vous propose de retrouver chaque dernier vendredi du mois la rubrique « Enjeux et réflexions ». Ce mois-ci, les questions éthiques soulevées par l’usage des drones sont abordées avec l’interview de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, docteur en science politique et en philosophie, et juriste. L’article est extrait du dossier du numéro d’octobre novembre 2014 d’Armées d’aujourd’hui, intitulé « l’ère des drones » et dirigé par notre journaliste Paul Hessenbruch.

 

Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, docteur en science politique et en philosophie, et juriste.

Pour Jean-Baptiste Jeangène Vilmer*, l’usage des drones s’inscrit dans la nature asymétrique des conflits contemporains. Les questions éthiques soulevées lorsque certaines nations ont éliminé des cibles humaines par ce moyen ne doivent pas accréditer l’idée que la « guerre zéro mort » est possible.

 

Pourquoi le drone, en comparaison d’autres systèmes d’arme, pose-t-il tant de questions sur le plan éthique?

 

Ce n’est pas l’armement des drones en tant que tel qui a suscité un débat moral, mais l’intensification des frappes américaines au Pakistan, au Yémen et en Somalie. La première raison est donc une confusion entre la chose et son usage : entre le drone et la politique (américaine et israélienne) d’élimination ciblée qui l’utilise. Celle-ci est discutable, autant moralement que légalement, mais il ne faut pas confondre la fin et les moyens. Cette confusion est extrêmement répandue. La deuxième raison, cette fois propre au système d’arme lui-même, est qu’il permet à celui qui l’utilise de tuer sans risquer de l’être. C’est l’asymétrie du risque qui pose problème à tous ceux qui parlent de « lâcheté ». Pour autant, les drones ne sont pas la cause de l’ère post-héroïque, mais l’un de ses effets. Ils sont l’un des symptômes d’une évolution antérieure. Il existe aujourd’hui un décalage entre ce que doit être la guerre pour la société et ce qu’elle est devenue. La perception de ce qu’elle doit être en reste à la guerre conventionnelle et au modèle antique du choc frontal et du corps-à-corps, dont on a conservé une conception chevaleresque qui confond le champ de bataille et une scène de western (héroïsme). Ce qu’elle est devenue est une guerre irrégulière et asymétrique, c’est-à-dire basée précisément sur l’évitement du choc frontal, parce que l’ennemi n’est plus une armée, mais un acteur non-étatique, souvent déterritorialisé (post-héroïsme).

 

La France est-elle la seule nation à se poser des questions sur l’éthique des drones?

 

Absolument pas, et elle est même loin d’être la première à le faire. Le débat est logiquement antérieur et plus développé dans les pays qui possèdent et utilisent des drones armés : les États-Unis, Israël et le Royaume-Uni. Il existe aussi chez ceux qui ont des drones armables et se posent donc des questions légitimes (France, Allemagne, Italie). C’est désormais un débat global, qu’on retrouve dans les revues et les colloques internationaux en relations internationales, philosophie, droit, stratégie, etc.

 

Quels enseignements peut-on tirer des autres pays ayant recours à ce système?

 

La stratégie américaine au Pakistan a connu une évolution regrettable : un changement majeur a eu lieu lorsque la CIA a élargi ses cibles, ne visant plus exclusivement celles dites de « grande valeur », mais n’importe quel groupe de militants présumés, sur la base d’un comportement a priori douteux. La multiplication de ces signature strikes – des frappes basées non pas sur l’identité (personality strikes) mais sur le comportement – a conduit à de nombreux abus. Ces dérives et l’industrialisation de l’élimination ciblée dont elles sont le symptôme sont évidemment condamnables, et le gouvernement américain en est d’ailleurs revenu (il y a eu 122 frappes au Pakistan en 2010, 73 en 2011, 48 en 2012, 21 en 2013 et pour l’instant 7 en 2014). à condition de ne pas confondre la chose et son usage, il est tout à fait possible de condamner les abus d’une politique laxiste telles que les signature strikes sans remettre en cause le principe même de l’élimination ciblée et l’usage des drones. L’interprétation restrictive d’Harold Koh (conseiller juridique du département d’état jusqu’en janvier 2013), qui estime qu’il est légal de viser des individus, mais uniquement des « high-value -targets », uniquement lorsqu’ils complotent effectivement contre les États-Unis, et uniquement quand la menace est suffisamment spécifique pour invoquer la légitime défense, me semble généralisable et elle pourrait inspirer la France, par exemple si elle décide d’armer ses Reaper.

 

De quelle manière le fait d’avoir recours à des drones alimente l’idée d’une « guerre zéro mort » ? En quoi cette association peut-elle être dangereuse?

 

Les drones alimentent l’idée de « guerre zéro mort », et celle corrélative de « guerre propre », de deux manières : ces appareils donnent l’impression qu’il est possible de combattre sans pertes de notre côté (non-réciprocité du risque) et avec peu de pertes civiles du côté adverse (précision de l’arme). Si les gens sont généralement convaincus que « les drones font beaucoup plus de victimes civiles » alors qu’en réalité ils en font beaucoup moins que leurs alternatives (missiles Tomahawk, campagne aérienne classique ou opération terrestre), c’est parce qu’ils exigent davantage d’une arme qui donne l’impression d’être chirurgicale. Les victimes sont d’autant plus inacceptables qu’elles auraient pu ne pas être faites. Croire que le drone permet de mener une « guerre zéro mort » est doublement dangereux : d’une part parce que cette illusion peut inciter à intervenir, et donc augmenter le nombre de conflits (effet pervers déstabilisateur); d’autre part parce que les drones seuls ne peuvent pas faire grand-chose, ils doivent être accompagnés au sol et protégés dans les airs. L’opérateur du drone peut être lui-même relativement protégé (l’Américain l’est puisqu’il reste à la maison, le Français moins puisqu’il opère in situ), mais il fait partie d’un dispositif impliquant d’autres combattants qui, eux, risquent leur vie.

 

Les propos de cet entretien n’engagent que leur auteur

 

* Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, docteur en science politique et en philosophie, juriste, enseigne le droit de la guerre à Sciences Po Paris et à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. Il est chargé de mission au Centre d’analyse, de prévision et de stratégie.

 

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