04/02/2012 Par Richard Werly, du quotidien Le Temps – LaTribune.fr
Entre les Etats-Unis et l'Europe, la défense anti-missile demeure un casse-tête stratégique A la conférence annuelle sur la sécurité de Munich, les demandes américaines se sont faites plus pressantes sur une participation européenne à ce programme mis en œuvre par l'Otan. Un article de notre partenaire suisse, Le Temps.
Leon Panetta est venu à Munich pour poser à nouveau aux Européens une question de confiance. Le secrétaire d’Etat américain à la défense, chargé d’engager les importantes coupes budgétaires prévues dans le budget militaire des Etats-Unis dans la décennie à venir, a répété samedi à la conférence annuelle sur la sécurité que son pays tiendrait ses promesses en matière de défense anti-missile en Europe. Un projet toujours contesté par la Russie qui, officiellement associée, traîne en réalité des pieds par crainte qu’il ne soit contraire à ses intérêts: « Nous ne sommes pas vraiment au stade des discussions a confirmé à Munich le ministre des Affaires étrangères russe Serguei Lavrov. Nous en sommes encore à celui des consultations ».
Le prochain déploiement, par les Etats-Unis, de batteries d’intercepteurs en Roumanie et en Pologne, et de navires Aegis en Espagne a été confirmé, quelques jours après la décision prise par l’Otan de placer le futur centre de commandement de ce dispositif en Allemagne, sur la base de Ramstein. La capacité des Européens à répondre par des investissements similaires, dans un domaine très coûteux et à l’heure d’une crise sans précédent de la zone euro, reste en revanche en suspens: « Ce sujet est celui qui pose le plus de problème confirme l’analyste français des questions stratégiques François Heisbourg. Au vu des budgets de défense des pays membres de l’UE, ceux-ci ne sont guère capables d’offrir les assurances qu’attend le Pentagone ».
Ce donnant-donnant transatlantique semble, plus que jamais, la priorité de l’administration Obama, campagne électorale oblige. Avec, au centre du débat, le rôle de l’Alliance Atlantique et la capacité des Européens à investir, outre dans la défense anti missile, dans les secteurs dont la guerre en Libye a démontré les faiblesses, tels les structures de commandement, les moyens de ravitaillement en vols, les systèmes de défense antiaérienne ou tout ce qui concerne les moyens de communication.
Précisant le tir sur les conséquences des coupes budgétaires du Pentagone de ce coté-ci de l’Atlantique, Leon Panetta a confirmé le retrait prochain de deux brigades américaines stationnées en Europe, soit environ 7 000 hommes déployés ces dernières années, il est vrai, le plus souvent hors du vieux continent. En contrepartie, un détachement aérien américain sera installé en Pologne et la participation des Etats-Unis à la force de réaction rapide de l’Otan sera accrue. La conclusion cette semaine d’un accord, au sein de l’Alliance, sur la future surveillance aérienne radar du territoire européen vient compléter le dispositif. Sans que l’on sache toutefois, là encore, quelles réponses apporteront les pays membres de l’Union, tant ces investissements sont coûteux: « Washington s’emploie à rassurer l’Europe. L’inverse n’est pas vrai » estime François Heisbourg.
Paradoxalement, la convergence la plus forte entre Européens et Américains se trouve peut-être en Afghanistan, où les uns comme les autres ont en tête d’accélérer le calendrier de retrait. Hôte de la conférence de Munich, le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westervelle a été bien seul à répéter que Berlin ne retirerait pas ses troupes avant l’échéance prévue de la fin 2014. Tout en répétant l’engagement des alliés à « sortir tous ensemble », à continuer d’assurer la formation de l’armée Afghane et à se tenir prêt à mener des opérations de combat malgré l’adoption d’une posture plus défensive, Leon Panetta a implicitement confirmé que le sort de l’Otan et de l’axe transatlantique ne se joue plus à Kaboul.