14.11.2012 par P. CHAPLEAU Lignes de Défense
Après les Africains qui se sont mis en ordre de marche dimanche dernier à Abuja, c’est au tour des Européens de préciser leurs intentions sur la question sahélienne et la reconquête du nord du Mali.
Jeudi, les cinq pays du groupe Weimar+ (France, Allemagne, Pologne, Italie et Espagne) se réuniront à Paris, à l’initiative du ministre français de la Défense qui entend toujours relancer l’Europe de la défense. Outre les questions industrielles et capacitaires (on pense aux drones, aux ravitailleurs et aux services de santé qui pourraient être mutualisés), la question des opérations conjointes (dont la très probable intervention au Mali) sera abordée.
Lundi 19, ce seront les contours de la future mission EUTM Mali (EU Training Mission Mali) qui devraient être esquissés lors de la réunion des ministres de la Défense et des Affaires étrangères, à Bruxelles.
Cependant, tous ceux qui attendent qu’un inventaire détaillé et un agenda précis soient rendus publique à l’issue de ces deux réunions risquent d’être déçus. « On ne se situe pas encore dans le décisionnel », prévient-on au cabinet de Jean-Yves Le Drian où l’on se félicite toutefois des progrès réalisés sur le dossier malien : « Le Mali, c’est la première case qui a été cochée dans la colonne Europe de la Défense ». Effectivement, si les espoirs français se concrétisent, c’est bien une opération de formation et de soutien européenne qui sera effectuée au Mali.
La comparaison avec l’UETM Somalie est tentante. Cette mission de formation a été lancée en avril 2010 (son mandat court jusqu’à la fin 2012) pour former, en territoire ougandais, les troupes gouvernementales somaliennes. Seize Etats de l’UE ont contribué et fourni 125 instructeurs qui ont déjà encadré 3 000 soldats somaliens. Belle mission, mais qui a bénéficié de l’aide logistique et financière US et qui a impliqué au moins une entreprise privée : Medical Support Solutions (un marché initial de 4,9 millions d'euros) puisqu’aucun pays n’avait fourni de contribution dans le domaine médical.
Dans le cas de la future EUTM Mali, plusieurs questions attendent toujours des réponses :
- qui va fournir des formateurs et/ou du financement ? Combien de formateurs faudra-t-il pour que l’armée malienne soit rapidement opérationnelle ?
- combien de soldats maliens seront formés ?
- Où aura lieu la formation ? En fonction du lieu se posera aussi la question de la « force protection ».
Quid du SAV ? La formation ne constitue qu’un pan de l’effort européen pour contribuer à la reconquête du Nord. Un soutien logistique (tant au profit des forces maliennes qu’au profit des forces UA/Cédéao) est impératif. La question du renseignement est également posée : faut-il ne compter que sur les capacités européennes (dans ce cas, un recours au privé pour des opérations aéroportées est envisageable) ou espérer que l’aide US se concrétisera par le déploiement de moyens satellitaires et aériens ?
Dernier aspect, et non des moindres : la planification (faiblesse africaine persistante). Au moins trois experts français ont pris part aux études qui ont débouché sur le fameux concept opérationnel entériné à Bamako ; mais il va falloir faire davantage. Les réponses à ces questions pourraient être données seulement après le feu vert de l’Onu qui va se pencher, fin novembre, sur un éventuel mandat sous chapitre VII. Le conseil de sécurité devra, s’il donne ce feu vert, nommer une « lead nation ». Paris ne tient pas à assumer ce rôle puisque la reconquête est une affaire africaine et le soutien une affaire européenne. L’Union africaine (qui a hier soir approuvé l'envoi d'une force internationale au Mali) pourrait se voir confier ce rôle (qu'elle tient déjà en Somalie) ; un tel choix impliquerait alors des pays comme l’Algérie, la Mauritanie, l’Afrique du Sud…
A l’Afrique donc de fournir les troupes combattantes ; aux Européens de fournir des formateurs et des moyens « en soutien pour une réponse globale », comme l’a encore rappelé, mardi, Jean-Yves Le Drian. L'air est désormais connu puisque c'est celui que joue la France en Afghanistan. Pourtant, François Hollande l'a assuré hier: c'est au Sahel "qu'il y a les plus grands dangers pour notre pays".
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