FOB continue son tour d’horizon des formations politiques sur les questions de défense alors que la LPM (Loi de Programmation Militaire) est en débat à l’Assemblée Nationale. Après Patricia Adam pour le PS (relire ici), FOB ouvre aujourd’hui ses colonnes à Philippe Folliot, député du Tarn, responsable des questions défense au sein du contre gouvernement de l’UDI (Union des démocrates et indépendants) et secrétaire de la commission défense et des forces armées de l’Assemblée.
La LPM (Loi de programmation militaire) a été votée en première lecture au Sénat et maintenant est en discussion à l’assemblée, quel est votre regard sur ce projet ?
La défense doit faire face à une grande contradiction : quand on interroge les citoyens, jamais l’image des militaires n’a été aussi bonne, mais parallèlement le budget de la défense est le premier cité quand on évoque les efforts budgétaires à réaliser.
Il faut sortir de cette contradiction. La défense ne fait pas partie des priorités budgétaires du gouvernement fixées par le Président de la République et qui concernent d’autres ministères comme l’intérieur, l’éducation ou la justice.
Parallèlement, quand on regarde le bilan des 18 mois de la majorité, la plus belle réussite est l ‘opération Serval au Mali.
Près de 60% des futures baisses d’effectifs de la fonction publique sont supportées par la seule défense nationale. Aujourd’hui prévaut un sentiment d’injustice dans la communauté militaire. Plus que quiconque la défense a contribué à l’effort de rationalisation de la dette publique. Depuis les années 60, l’effort de défense français est passé de 5 à 1 ,5% du PIB. Je constate que cet effort n’est pas partagé en proportion par les autres administrations publiques. Le précédent gouvernement a supprimé 44000 postes et l’actuel va en sacrifier 34 000 autres. C’est beaucoup trop. L’ensemble des forces combattantes du pays va être réduit à 78 000 militaires et tiendrait dans le stade de France.
Or, la puissance militaire est une des fonctions régaliennes de l’Etat, c’est un des outils majeurs du Président de la République dans le cadre de négociations internationales. Ce qui fait la différence entre le Président français et la Chancelière allemande, c’est la dissuasion et la capacité d’intervenir militairement et immédiatement pour défendre nos intérêts stratégiques et ceux de l’Europe, comme cela a été le cas avec l’opération Serval au Mali.
La vraie question est : est-ce que la LPM va permettre à notre pays d’arriver à mener ces actions militaires dans un monde toujours plus instable et dangereux, qui se réarme ? Aujourd’hui, nombreux en doutent.
Qu’il s’agisse du Livre Blanc ou de la LPM, les décisions prises conservent tous les éléments essentiels de nos capacités mais les diminuent, c’est à dire que le spectre de nos capacités est toujours aussi large, mais beaucoup plus fragile. Même s’il est normal que la défense contribue à l’effort de réduction des dépenses publiques, on est arrivé au bout du bout de notre système.
Le poids financier de la dissuasion pèse très fortement sur le budget. Est-ce pour l’UDI une capacité qui doit être sanctuarisée ?
Je ne suis pas favorable à la remise en cause de la dissuasion. Avec moins de 300 têtes nucléaires, nous avons atteint le seuil minimum. La dissuasion permet à la France d’assurer son rang au conseil de sécurité de l’ONU ; il faut la conserver. Notre dissuasion aujourd’hui est juste suffisante, mais crédible et indépendante.
Même si la deuxième composante va pouvoir durer jusqu’en 2030, il faut néanmoins d’ores et déjà se poser la question de sa suppression. Celle-ci doit se faire de manière progressive. Un abandon trop brutal de cette composante n’aurait pas de sens car il ne dégagerait pas d’économies suffisantes pour donner des moyens supplémentaires à nos forces conventionnelles.
La précédente majorité avait acté le retour de la France dans les structures intégrées du commandement de l’OTAN. Faut-il pour l’UDI revenir sur ce sujet ?
Je ne pense pas qu’il faille revenir sur la décision du président Sarkozy prise en 2009. Il ne convient pas de revenir sur cette décision, confirmée par le Président Hollande en 2012, qui nous engage vis-à-vis de nos 27 partenaires de l’alliance atlantique, même si à l’époque j’avais pu exprimer des réserves. Par ailleurs, après avoir rappelé que nous ne faisons pas partie du comité des plans nucléaires, il faut peser dans l’OTAN pour pouvoir la réformer de l’intérieur. En outre, la construction d’une PSDC crédible impliquerait ou devrait être l’occasion de transfert de compétences, de moyens humains et capacitaires jusqu’ici consacrés exclusivement aux missions de l’OTAN vers des opérations sous l’égide de l’UE.
L’Europe de la défense a du mal à se faire. Est-ce pour vous un axe prioritaire ?
D’ici quelques semaines, l’UDI fera des propositions fortes sur l’Europe de la défense en vue du conseil européen des 19 et 20 décembre prochains. Il ne peut y avoir d’Europe forte si les pays européens ne sont pas capables d’assurer leur propre défense et sécurité. Et nous assistons à une évolution importante du cadre géostratégique : la stratégie des Etats-Unis bascule de l’atlantique vers le pacifique et il est aujourd’hui fondamental que l’Europe se prenne en charge. Par ailleurs, il faut une tête à l’Europe, et établir un cadre de coopération opérationnel militaire et industriel, une sorte de système à la carte. Nous ne faisons pas la promotion d’une armée européenne mais il faudrait atteindre une complémentarité cohérente entre les différentes défenses européennes, y compris sur le volet industriel. La France doit jouer un rôle moteur dans la construction de l’Europe de la défense et du reste nous avons fait amender la LPM en ce sens.
Les pays européens se distinguent par deux types d’ambitions : la défense des frontières et la défense de leurs intérêts. La vision de chaque pays diffère. Chaque pays a une histoire, une culture et des intérêts différents. La France est à la fois une puissance maritime et mondiale dotée d’une « profondeur stratégique », ce qui n’est pas le cas de la plupart des états européens, qui sont des puissances seulement continentales et européennes.
Le problème est que la défense est un outil diplomatique, or il n’y a pas de réelle diplomatie européenne. C’est un sujet compliqué, mais le préalable à une défense européenne passe par une diplomatie coordonnée faute d’être commune, et non la somme de 28 diplomaties, ce qui hélas est le cas du service d’action extérieur de l’UE (SAEUE).
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