Guy Teissier. Crédits photo : Assemblée nationale
04/09/2011 Par Isabelle Lasserre - Figaro.fr
INTERVIEW - Le président de la commission défense de l'Assemblée nationale dresse le bilan de l'engagement en Libye et met en garde contre une baisse du budget militaire français.
La 9e université de la défense, fondée par le député Guy Teissier, s'ouvre ce matin à Rennes en présence de 400 participants dont 140 industriels, sur l'un des sites de la Direction générale de l'armement (DGA).
LE FIGARO. - Quelles leçons l'armée et la défense françaises peuvent-elles tirer de l'intervention militaire en Libye ?
Guy TEISSIER - L'opération en Libye a montré que notre défense nationale est capable, avec ses alliés européens, de conduire une action d'envergure et de longue durée. Nos moyens d'observation et de communication, notre capacité d'entrer en premier sur un théâtre et celle de conduire une action coordonnée ont probablement atteint un niveau sans précédent dans une opération extérieure. Ce résultat aurait été impossible à atteindre sans une excellente industrie de défense et sans une DGA capable de traduire au niveau technique les besoins opérationnels et de conduire des programmes qui en découlent. C'est ce qu'ont démontré, plus particulièrement, les missions conduites par les avions de chasse Rafale et Mirage et les hélicoptères d'attaque. Et tout cela sans provoquer de dégâts collatéraux ou presque et sans faire de victimes dans nos rangs.
L'Europe de la défense en est-elle ressortie affaiblie ou confortée ?
Pour que la défense européenne existe vraiment, il faut, dans les meilleurs délais, que soit créé un état-major européen. C'est l'une des principales leçons de l'intervention en Libye.
Aurions-nous les moyens de refaire, s'il le fallait, une telle opération dans quelques mois ?
La volonté politique existe. Mais il faut aussi une volonté financière. Le président de la République m'a assuré que le budget de la défense ne serait pas touché en 2012. S'il l'était, nous changerions ipso facto de format et nous ne pourrions plus tenir nos engagements. Notre capacité d'entrer en premier sur un théâtre d'opérations serait remise en cause, de même que notre statut de nation cadre. Même notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies serait fragilisé, car je pense que la dissuasion nucléaire ne suffirait pas à le garantir. Toute atteinte au budget risquerait donc de déclasser notre défense au niveau opérationnel.
En Afghanistan, les forces internationales préparent leur retrait. Quelles leçons tirez-vous de cette intervention pour la défense et l'armée françaises ?
Nous avons découvert une nouvelle forme de combat asymétrique, qui a exigé de notre part un effort d'adaptation. Je pense notamment aux IED, ces bombes artisanales face auxquelles nos combattants, habitués à des conflits où la supériorité numérique suffisait à disperser l'assaillant, ont parfois été démunis. Après l'attaque d'Uzbin, en août 2008, nous avons rectifié le tir, fourni davantage de protection à nos soldats et renforcé les moyens de renseignements. Les militaires français, après dix ans de professionnalisation, ont atteint un excellent niveau qui leur a permis de remporter de nombreux succès sur le terrain. Autre avancée : la formation de l'Armée nationale afghane (ANA), qui augmente en volume et en capacité et dont nous espérons qu'elle pourra prendre les postes clés que nous occupions le moment venu. Il faudra s'assurer qu'existe à Kaboul un État capable de se tenir debout sans béquilles. Mais je suis sûr qu'après avoir su faire la guerre, nous saurons faire la paix. Je ne pense donc pas, comme certains le disent, que les militaires tués en Afghanistan sont morts pour rien.