Le buggy blindé CRAB est un engin de reconnaissance d'un type nouveau : léger, puissant, rapide et peu cher. Ne manque que le premier client !
04/07/2011 Jean Guisnel Défense ouverte
Le Point.fr
Aucune image officielle ne sera disponible avant plusieurs mois, ne serait-ce que parce que les traits de la bête ne sont pas encore figés. Mais les premières ébauches conçues sur ordinateur au
bureau d'études de Panhard, que Le Point a pu voir la semaine dernière, montrent un engin blindé très original. L'industriel ne l'a pas encore proposé officiellement à l'armée de terre,
mais se dit convaincu que son projet correspond exactement à l'engin de remplacement de l'AMX-10, de l'ERC-90 Sagaie et de certains modèles de VBL. Pour faire simple, disons que cet engin est un
buggy blindé. Des véhicules du Paris-Dakar, il reprend la forme effilée, l'arrière fessu de percheron et le moteur très puissant de 330 chevaux. Son rapport poids-puissance (40 chevaux par tonne)
est celui du char Leclerc...
L'engin est un projet conçu sur fonds propres par l'industriel français, qui l'a baptisé CRAB, pour Combat Reconnaissance Armoured Buggy (buggy blindé de reconnaissance armée). Cet engin très
rapide (110 km/h sur route) présente des caractéristiques étonnantes : les roues avant et les roues arrière sont directrices, ce qui lui permet de braquer sur un rayon très court (sept mètres).
Contrairement à l'antique EBR, fierté de Panhard, il ne dispose pas de deux postes
de pilotage, l'un à l'avant, l'autre à l'arrière. Mais c'est tout comme ! Si le véhicule doit reculer, le pilote ne voit plus la route à travers le pare-brise blindé, mais sur des écrans : il
peut ainsi conduire sans changer de position. Gageons qu'il faudra quelques heures au simulateur avant d'acquérir la maîtrise de cette manoeuvre. Les armes proposées, toutes commandées de
l'intérieur, installées sur un tourelleau maison et dotées de 200 coups, sont au choix du client, qui peut opter soit pour une 12,7 classique, soit pour tout autre calibre, jusqu'au 40 mm. En
passant par le 30 mm qui équipe l'hélicoptère Tigre.
Un marché français ?
Les roues sont semblables à celles du VAB (1,10 mètre de diamètre), la hauteur du véhicule ne dépasse pas 1,75 mètre, sa longueur (4,50 m) et sa largeur (2,50 m) sont modestes et l'accent a été
mis sur la "survivabilité" de l'engin : il peut rouler sur plusieurs kilomètres avec un radiateur ou un carter à huile détruit, les réserves de liquide de frein sont doublées et seul l'équipage
de trois hommes est protégé par une "cellule de survie" (STANAG 3, pour les experts), dont les études ont été financées par la DGA. Une protection plus conséquente aurait été possible, mais au
prix d'un alourdissement considérable de l'engin. Christian Mons, P-DG de Panhard, assume : "Nous n'avons pas voulu d'un bunker roulant." Ni augmenter trop le prix... De ce point de vue, son
objectif de prix est double. D'une part, le CRAB doit être proposé à un million d'euros TTC, au motif qu'il doit être "petit, étroit, pas cher", les trois autres mots d'ordre appliqués lors de sa
conception étant "furtivité, discrétion, mobilité". D'autre part, la "caisse" ne représente que la moitié de cette somme, l'autre étant consacrée à l'armement. Celui-ci surmonte le véhicule, dont
le toit peut supporter 1,5 tonne.
Existe-t-il un marché français pour cet engin, qui ne peut songer à être exporté sans avoir d'abord séduit les militaires français. Panhard en est persuadé. Pour son conseiller militaire, le
général Vincent Desportes, dont les conceptions stratégiques lui avaient valu quelques
ennuis avant qu'il ne quitte le service actif en septembre dernier, il ne sert à rien de rêver : "Dans l'avenir, le budget de l'armée de terre sera comprimé. Elle aura moins d'engins
principaux de combat, sera contrainte à l'économie des forces et devra remplacer certaines forces lourdes - restreintes à de petits noyaux - par des véhicules plus économes. Il est certain que
l'armée de terre va revenir sur ses zones d'action habituelles, où il lui faudra contrôler de vastes espaces et mener des combats urbains. On ne fait pas tout avec du lourd. Et, pour tenir une
ville, il faut occuper cent carrefours !" Et de souligner l'intérêt pour la guerre urbaine d'un engin disposant d'un canon pouvant tirer à 65 °, pour atteindre des cibles situées à proche
distance et grande élévation.
L'armée de terre a actuellement dans ses cartons le programme Scorpion, visant à remplacer le véhicule de l'avant blindé par le VBMR (véhicule blindé multirôle), et les AMX-10 RC et les Sagaie par des EBRC (engin blindé de reconnaissance et de
combat). Pour ce dernier véhicule, Panhard avait planché sur le Sphynx, mais Christian Mons est convaincu que ce concept est complètement dépassé. Et que le CRAB pourrait parfaitement remplacer l'EBRC dans certaines de ses missions: "Le Sphynx
est une reproduction homothétique des engins actuels. Ce que nous proposons est un changement de concept. Nous y travaillons depuis un an et demi et nous y avions consacré 5 000 heures
d'ingénieurs. Nous avons changé de modèle : au lieu de concevoir un engin puis d'en définir le prix, c'est l'inverse qui nous a guidés : un prix de départ et une conception qui s'y tient. Nous
sommes satisfaits de nos premiers résultats." Résultat, le CRAB tombe pile-poil dans le créneau d'un engin que l'armée de terre a envisagé pour le lointain avenir : le VBAE (véhicule blindé
d'aide à l'engagement). Il est clair que Panhard table sur une accélération de ce programme...