en vol de jour à bord d’une Gazelle Viviane.
Visibilité excellente, vulnérabilité maximale.
(photo MinDefFR)
12.01.2013 par Frédéric Lert (FOB)
On s’était familiarisé avec Nijrab, Tagab puis Brega, Bengazi… A chaque année son théâtre d’opération et sa géographie nouvelle. Voici donc venir Konna et Mopti sur l’atlas des guerres françaises. Ces villes placées au centre du Mali, à l’exacte limite entre le sud et le nord du pays, sont à présent les points focaux de l’opération Serval qui a pour but d’arrêter l’offensive djihadiste.
Des moyens français ont été positionnés à Mopti dans la nuit du 10 au 11 janvier. Certaines informations parues dans la presse font état de huit rotations de Transall. Dans le même temps, des hélicoptères étaient mis en place à Ouagadougou, au Burkina Faso voisin. C’est de cette ville qu’est parti un premier raid français hier dans l’après-midi, pour stopper une offensive rebelle partie de Konna en direction de Mopti.
Un coup d’œil rapide sur une carte montre qu’il y a environ 200 km de Ouagadougou à la frontière malienne. Ajoutez une centaine de kilomètres pour aller de la frontière à la zone des combats, entre Konna et Mopti. Un raid direct au départ de la capitale ne passe pas en terme d’autonomie : les hélicoptères ont donc bénéficié d’une zone de ravitaillement avancée, proche du Mali. Les Gazelle utilisées par l’Alat, et en l’espèce le 4ème RHFS (Régiment d’Hélicoptères des Forces Spéciales) disposent d’une autonomie d’environ 1h30 en ordre de combat. Ce qui laisse donc, déduction faite de l’aller-retour, et à condition de décoller au plus près de la frontière, une demi-heure de « playtime » au maximum sur la zone des combats.
L’intervention des hélicoptères aurait été décisive pour casser la dynamique ennemie et les rebelles auraient reculé « de plusieurs dizaines de kilomètres » selon des sources maliennes. Reste que cette intervention s’est faite de jour selon les informations officielles, ce qui s’est sans doute payé par le décès d’un pilote, le lieutenant Damien Boiteux du 4ème RHFS. Agé de 41 ans, le lieutenant Boiteux était très expérimenté, avec à son actif de multiples opex au Kosovo, en Bosnie et en Côte d’Ivoire. Le ministre évoquait une blessure par balle tandis que certaines sources font état d’un éclat qui lui aurait sectionné l’artère fémorale alors que son hélicoptère était déjà engagé sur le chemin du retour, après le raid.
Envoyer les Gazelle de jour contre une colonne fortement défendue est une décision qui ne peut se justifier que dans l’urgence. Rappelons ici en deux mots que la Gazelle comme son nom l’indique, est à l’origine un appareil pacifique, conçu pour le transport « corporate », qui a effectué son premier vol en 1967. Séduite par sa rapidité et sa manœuvrabilité, et faute de mieux, l’Alat en a fait par la suite la clef de voûte de ses capacités d’attaque. La Gazelle est un appareil rapide, bien adapté au vol à très basse hauteur, mais n’offrant aucune protection à son équipage. Celui-ci est assis face au danger, dans sa bulle de plexiglas, avec pour seule protection le gilet pare-balle et la visière du casque Gueneau… Sans influence sur les munitions de 7,62 à 23 mm dont disposent les rebelles maliens…
Le 4ème RHFS dispose d’une douzaine de Gazelle de deux modèles différents : les SA341 équipées d’un canon de 20mm et les SA342 « Viviane » mettant en œuvre le missile HOT. Les deux types d’hélicoptères seraient engagés dans les combats, avec sans doute une prééminence accordée à la Viviane. Celle-ci peut à priori décocher ses missiles à distance de sécurité mais elle doit pour cela se découvrir et s’exposer en demeurant en stationnaire une vingtaine de secondes, le temps que le missile filoguidé frappe sa cible.
Pour réduire cette vulnérabilité, l’Alat privilégie le combat de nuit pour lequel a été conçu le viseur Viviane. La quasi totalité des entraînements, et particulièrement au sein du 4ème RHFS, se fait après le coucher du soleil. Ce mode opératoire a parfaitement réussi en Libye : face à des ennemis solidement armés, les Gazelle ont accumulé plusieurs dizaines de raids sans recevoir un seul impact. Mais en Libye, l’Alat maîtrisait tous les paramètres de son intervention, ce qui n’a sans doute pas été le cas pendant ce premier raid malien.