11.06.2015 par Jean Esparbès, étudiant à Sciences Po Lille et qui réalise actuellement un stage à La Voix du Nord et au blog Défense globale.
Les 25 et 26 juin aura lieu un conseil européen consacré à la politique étrangère et à la défense. Il y sera question de la relance de la défense européenne. La position d’au moins un pays est connue à l’avance. Le Royaume-Uni fait preuve d’une constance à toute épreuve dans sa politique de défense : l’Union Européenne n’a pas à s’immiscer dans ce domaine. Cette conception est cohérente avec l’ensemble de la politique européenne du Royaume-Uni, qui conteste toute extension des prérogatives de la Commission empiétant sur la souveraineté des Etats membres. Avec l'OTAN et en bilatéral, c'est différent avec une véritable " entente cordiale " avec la France.
En matière de défense, seules les relations bilatérales et/ou dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) ont droit de cité. La clé de voûte de sa politique reste la « relation spéciale » avec les Etats-Unis, fondée par Churchill : « Chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous choisirons toujours le grand large. »
Une politique foncièrement atlantiste
La doctrine du Royaume-Uni n’a pas changé, en décembre 2013, dans la bouche du Premier ministre conservateur, David Cameron : « Nous voyons l’OTAN comme le fondement de notre défense collective. Toute action de l’UE devrait lui être complémentaire, mais en aucun cas la dupliquer. »
La seule intégration des forces armées du royaume se situe dans le cadre du commandement militaire intégré de l’OTAN, dont il est un membre fondateur. Le lien stratégique avec les Etats-Unis se traduit aujourd’hui dans les domaines de la dissuasion nucléaire et du renseignement. Le Royaume-Uni est un membre des Five Eyes (avec les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et la Nouvelle Zélande), dont les agences coopèrent plus qu'étroitement.
Pour le Royaume-Uni, le rôle international de l’Union européenne doit se réduire à l’humanitaire ou au développement. L’Agence européenne de défense voit son budget gelé « grâce » à cet activisme britannique. Afin de conserver son influence, Londres présente toujours des candidats compétents au Service européen d’action extérieure et aux missions de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).
Le poids des coopérations bilatérales
Toutes les coopérations, qui ne se font pas dans le cadre de l’OTAN, relèvent du domaine bilatéral. L’heure est même à l’ « entente cordiale » avec la France, depuis les accords de Lancaster House de 2010.
Leurs cultures stratégiques sont proches (héritages coloniaux, aucune appréhension dans l’usage de la force). Les deux disposent d’un poids équivalent avec des budgets conséquents (respectivement 34 milliards de livres sterling et 31,4 milliards d’euros en 2014), des sièges de membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, la quasi-totalité des moyens militaires (terre, air, mer), une solide base industrielle et technologique.
Deux traités constituent la base de cette coopération renforcée. Ils portent sur les infrastructures de simulation de test nucléaire et sur la coopération en matière de défense et de sécurité. Un sommet annuel entre le président français et le Premier ministre britannique liste les progrès de l’année écoulée et annonce les grandes orientations à venir. Au niveau des programmes, le groupe de travail de haut niveau réunit tous les deux mois le Directeur général de l’armement, son homologue britannique et des représentants des groupes industriels.
Ces liens se traduisent par un partenariat dans les domaines de la guerre des mines avec en mars la signature du contrat Maritime Mine Counter Measures (brique du programme Système de Lutte Anti Mines Futur), d’un démonstrateur commun entre Dassault et BAE pour les drones de combat (Future Combat Air System) et du missile anti-navire Léger. Des échecs illustrent également cette relation : l’abandon d’un groupe aéronaval intégré en mai 2012 après le choix britannique du F-35B.
Malgré tout, il ressort une « amélioration de la connaissance mutuelle des armées » d’après Alice Pannier (Le « Minilatéralisme » : une nouvelle forme de coopération de défense, in Politique étrangère, Printemps 2015).
Le CJEF bientôt sur les rails ?
La coopération est enfin opérationnelle avec la Combined Joint Expeditionary Force (CJEF). Celle-ci est supposée être déclarée opérationnelle pour des combats de haute intensité en 2016. La prochaine étape est l’exercice interarmées Griffin Rise (depuis le 3 juin et jusqu’au 17) sur les bases de Creil, Lyon et à bord du HMS Ocean. Regroupant 1 200 personnels, il doit valider l’aptitude d’un état-major conjoint à commander une opération.