Le Groupe aérien embarqué et ses renforts ont retrouvé, depuis le 6 octobre, le pont d’envol du porte-avions Charles de Gaulle et son équipage afin de ré-entraîner les équipes de mises en œuvre des aéronefs.
Durant cette sortie en mer, les manœuvres se consacrent aux qualifications à l’appontage, de jour ou de nuit, des nouveaux pilotes d’aviation embarquée de la Marine nationale. Sur les 60 pilotes de l’aviation embarquée, environ 10 d’entre eux passent à chaque session leurs qualifications. En octobre, 12 pilotes doivent chacun réaliser six appontages jugés «satisfaisants» par les Officiers d’Appontage (OA):
- 4 en qualification initiale de jour (dont 3 sur Rafale et 1 pilote britannique en échange sur SEM)
- 1 en transformation (passage de SEM à Rafale)
- 2 sur Hawkeye en adaptation (passage de qualification sur porte-avions américain à porte-avions français)
- 5 en qualification de nuit
Alors qu’ils se sont entraînés à terre depuis plusieurs semaines et qu’ils ont déjà réalisé des appontages lors de leur formation aux États-Unis, l’enjeu est pour eux de s’adapter au pont d’envol du Charles de Gaulle et à son environnement.
En ce dimanche matin, pour le dernier jour des EAE, une ruche à taille humaine s’agite sur le pont d’envol. Pierre, jeune pilote en qualification de jour, s’approche vers le Rafale sur lequel il va effectuer son dernier appontage pour les EAE. Autour de lui, le ballet du personnel du pont d’envol (ponev) et des techniciens se suspend à son arrivée.
«Ça ne se sait pas forcément», explique-t-il, « mais lorsqu’on a le casque sur la tête c’est le silence total, plus un son ne filtre. Tout ralentit, on se créé une bulle. Tous ces regards braqués sur nous, c’est beaucoup de pression. On sait que tous ces gens ont travaillé dur pour que nous puissions prendre l’avion. On veut bien faire, on veut réussir. Pour eux. Parce que ce vol, c’est le nôtre, mais c’est aussi le leur. Alors malgré le stress, on leur rend un sourire et on leur ouvre la porte de notre bulle, pour les y inclure eux aussi.»
Plus tard, dans l’après-midi, Guillaume s’apprête lui aussi à être catapulté. Face au nez de son avion, le déflecteur (grosse trappe qui se lève et s’abaisse sur le pont d’envol) est relevé pour le protéger du souffle du Rafalequi le précède. «À ce moment-là», raconte-t-il, «je suis dans les starting blocs. Le souffle passe quand même sur les côtés, et mon avion tremble. Je suis déjà dans le vol, mais pas complètement. C’est mon dernier moment de répit. Et lorsque l’avion de devant est parti, que le déflecteur s’abaisse, que je vois la vapeur de la catapulte, je me dis «ça y est, c’est à moi». Je ne pense plus à rien, rien d’autre que le vol. J’essaye de ne plus être qu’automatismes et réflexes.»
Jean, qui a déjà passé ses qualifications il y a quelques années, est toujours aussi touché par le spectacle qui se joue sur le pont d’envol. «Je sais ce qu’ils ressentent, je suis passé par là, et je continue de vivre ça à chaque fois que je suis sur le point d’être catapulté. Je vois la vapeur des catapultes qui s’élève, j’entends le bruit des moteurs qui ronflent, je sens les vibrations dans l’estomac, je vois les chiens jaunes qui se tiennent prêts. Je me dis que c’est vraiment magique et impressionnant. Et d’un coup je réalise que c’est moi qui suis dans le cockpit et j’ai envie de crier. C’est de l’adrénaline, du stress, mais du bon stress.»