17.06.2013 Par Frédéric Lert (FOB)
Dans le cadre de sa démarche « Concept Vision », MBDA présente pendant le salon du Bourget son étude de missile surface-sol à longue portée « Hoplite ». Morgan Ossola, chef de projet, explique le pourquoi et le comment de cet exercice de style.
Quelle est l’origine de la démarche Concept Visions ?
Nous en sommes cette année à la quatrième édition de ce qui peut être comparé, dans son esprit, au « concept car » des constructeurs automobiles. L’idée est de promouvoir des technologies et d’interroger les utilisateurs finaux sur notre interprétation des besoins futurs à une échéance relativement lointaine, 30 ans et plus. Concept Visions n’est pas un programme et ne donnera pas lieu à un développement : c’est une initiative qui doit nous permettre de développer notre créativité.
Quels ont été les projets des années précédentes ?
En 2010 nous avons présenté au salon de Farnborough un travail sur l’armement du fantassin. L’année suivante, au salon du Bourget, nous avions le missile Perseus de frappe stratégique à très longue portée. L’an dernier, nous avons présenté le concept Vigilus d’armement des drones.
Quand avez-vous commencé à travailler sur Hoplite ?
Nous avons commencé les études en début d’année, avec une équipe de six ingénieurs à temps plein.
Qui a choisi le sujet d’étude ?
Le sujet est choisi par le secteur des études amont de MBDA, en accord avec l’équipe de « business development ». Le projet nous est ensuite transmis avec pour mission de trouver des réponses aux questions techniques soulevées.
Les visiteurs du salon peuvent voir de belles maquettes sur le stand MBDA. Hoplite ne serait il pas avant tout un exercice de communication ?
La maquette sur le stand, c’est la partie émergée de l’iceberg. Hoplite reste avant tout un travail d’ingénieur qui va bien au-delà d’un simple exercice de communication. Comme pour un vrai programme, on passe des revues internes avec des feuilles de route, pour être certain d’avoir un concept qui tient la route. C’est un travail financé à 100% par les quatre entités nationales de MBDA.
Pourquoi avoir choisi le thème du missile surface-sol ?
On pense qu’en 2035, des missiles complexes seront nécessaires pour fournir une capacité d’appui nécessaire dans une large gamme de scénario opérationnels : appui feu, contre-batterie, suppression de défense aérienne… Le champ de bataille de 2035 sera sans doute plus encombré, moins « net » et plus disputé qu’aujourd’hui. Le besoin d’armements de précision se fera sentir pour garantir le temps de réaction et traiter la déconfliction 3D en offrant des trajectoires plus évoluées. Il y aura également besoin d’un vrai saut capacitaire pour faire face aux tentatives de brouillage GPS et d’autoprotections des véhicules.
Quelles capacités opérationnelles prêtez-vous à Hoplite ?
Nous avons imaginé deux missiles distincts, le Hoplite S et le Hoplite L. Mais les deux auront le même gabarit, des masses comparables et pourront être intégrés indifféremment sur un même lanceur. Le Hoplite S sera relativement basique et pourra être tiré dans des engagements simples ou supportés par une tierce partie (JTAC, drone, avion…). Avec le Hoplite L, on offrira une capacité d’imagerie autonome avancée, avec une liaison de données bidirectionnelles permettant de garder l’homme « dans la boucle » sous certaines conditions. Et en plus des deux missiles, on a imaginé un système de contrôle de mission perfectionné permettant d’optimiser l’emploi des missiles.
Quelle sera la portée du missile ?
Les deux missiles, S et L, seront disponibles pour des applications terrestre ou marine, avec des portées équivalentes : 70 km en suivi de terrain ou 160 km en altitude, si l’espace aérien le permet.
Pourquoi 70 kilomètres en basse altitude ?
Des différents scénarios d’emploi envisagés, le plus dimensionnant est le tir de contre-batterie. On nous a donc demandé cette portée pour dépasser largement l’allonge des canons « classiques » de 2035. Les 60 km devant être parcourus en moins de 2 minutes, le missile sera supersonique pendant son vol. Les 160 km en altitude doivent permettre aux navires de tirer contre des sites sol-air ennemis en restant hors de vue des systèmes de défense côtière.
Quel système de propulsion envisagez-vous pour obtenir une vitesse supersonique et une telle portée ?
L’éjection du tube se fera avec un piston et nous avons privilégié le concept de « turbo fusée » pour le vol de croisière. C’est un système hybride, aérobie mais à propergol solide, qui comprend une chambre de combustion intégrant un accélérateur à poudre. La puissance est pilotable pour permettre une croisière supersonique mais avec une arrivée sur la cible en subsonique pour laisser éventuellement le temps d’intervenir à un opérateur.
Et pour la charge militaire ?
On veut pouvoir viser des cibles très différentes comme un blindé ou une équipe mortier. Nous pensons utiliser un pénétrateur cinétique accéléré : une bonne maitrise de la hauteur d’impact donne un cône létal très resserré, limitant les risques de dommages collatéraux.
Quelles autres technologies mettez-vous en avant pour Hoplite ?
Le missile sera équipé d’un Ladar (NDA : radar fonctionnant avec un laser plutôt qu’avec les ondes radio) permettant de remplir plusieurs fonctions : altimétrie, désignation de la cible, fusée de proximité et même imagerie très basique pour le Hoplite S, de manière à compenser les erreurs de navigation. Le Hoplite L disposera d’un senseur trimode très robuste pour la désignation d’objectif.
A quoi vous sert aujourd’hui ce projet ?
Notre premier objectif est de le présenter au salon du Bourget, en particulier pour avoir des retours de ses utilisateurs potentiels. D’un point de vue purement technologique, nous avons pu identifier certaines choses qui vont entrer dans les feuilles de route technologiques de MBDA. Les études pourront se poursuivre sur certaines idées…
L’exercice est-il à présent terminé pour vous ?
Non ! Après le salon du Bourget, nous allons communiquer en interne sur Hoplite. Puis nous allons capitaliser sur les connaissances acquises au profit des études amont et des responsables des prochains « Concept Visions », pour les aider à mener à bien leurs projets.