25.09.2014 Vincent Lamigeon, grand reporter à Challenges - Supersonique
Un programme hors de prix, le plus coûteux de tous les temps pour le Pentagone. Des performances sur les théâtres d’opérations encore à prouver. Et malgré tout un indéniable succès commercial. Tel est le paradoxe du chasseur F-35 de Lockheed Martin, qui, après le Japon, Israël, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou l’Italie, vient d’accrocher la Corée du Sud à son tableau de chasse, avec une commande de 40 F-35A. Le chasseur s’impose ainsi face à son concurrent américain, le F-15 de Boeing, et face à l’avion européen Eurofighter Typhoon, ce qui n’est pas une surprise tant l’appel d’offres semblait calibré pour lui.
On savait déjà que le coût unitaire de l’appareil avait explosé depuis le lancement du programme. Selon le GAO, la Cour des comptes américaine, l’investissement du Pentagone atteint ainsi 390 milliards de dollars pour le développement et l’acquisition des 2.457 appareils destinés aux forces américaines (Air Force, Navy et Marines), soit un prix de 159 millions de dollars par avion. Loin, très loin des 81 millions de dollars prévus en 2001 au lancement du programme.
On pouvait s’attendre à ce que le prix à l’export soit moins élevé, les frais de développement n’étant, bien sûr, facturés qu’une fois au pays d’origine, et les clients export bénéficiant généralement de prix hors développement. Etonnamment, le prix consenti par les Coréens semble plus haut que le prix américain, si l’on se fie aux chiffres de l’agence de presse coréenne Yonhap. La commande de Séoul se fait sur la base de 40 appareils à 7,07 milliards de dollars, soit un prix unitaire de 176,8 millions de dollars, 18 millions de plus que le prix « américain ».
Comment expliquer cet écart ? Un spécialiste de l’aéronautique militaire décrypte : « Le prix coréen est très probablement le véritable prix du F-35 pour des pays non partenaires du programme. Le prix américain, lui, est issu d’un mode de calcul très compliqué, qui intègre des estimations des coûts de production futurs, ce qui explique qu’il évolue constamment. »
A titre de comparaison, le prix unitaire du Rafale, sur la base de l’offre faite à la Suisse -et refusée- en septembre 2012 (22 avions pour 3,126 milliards de francs suisses, Dassault s’alignant à l’époque sur le prix des Gripen), est de 142 millions de dollars. Sur la base du prix unitaire estimé par la Cour des comptes (101,1 millions d’euros), le Rafale ressort même à 128,6 millions de dollars pièce. Moins cher, donc, qu’un F-35 certes plus récent, mais doté d’un seul moteur et sans aucune utilisation opérationnelle à ce jour.