Robert gates à Pékin en janvier 2011
15.02.2011 par Edouard Maire - info-aviation
Le budget militaire de la Chine, si souvent critiqué par l’Occident, stimule aussi les dépenses militaires de l’Asie et profitent indirectement aux fournisseurs d’armes américains et européens.
Les avions de combat de Lockheed Martin (F-35, F-22, F-16) et de Boeing (F/A-18) sont actuellement exposés au salon aéronautique de Singapour. Les deux plus grands entrepreneurs de la défense des États-Unis se préparent à rivaliser avec l’Eurofighter (EADS) et Saab sur un appel d’offres de 7 milliards de dollars lancé par la Corée du sud. D’autres compétitions similaires sont ouvertes au Japon et en Inde.
Les dépenses militaires de l’Asie-Pacifique pour les avions de combat, les missiles et d’autres équipements est appelé à croître en moyenne de 4,2% par an, atteignant 114 milliards de dollars en 2016, selon le cabinet Frost & Sullivan, en raison de la forte croissance économique et des tensions géopolitiques, notamment dans la mer de Chine du Sud, la péninsule coréenne et le détroit de Taiwan. Le budget de la défense chinois augmentera à lui-seul de 14% chaque année jusqu’en 2015, selon Goldman Sachs Group Inc.
Taïwan va moderniser sa flotte de F-16 pour contrer la menace chinoise. Budget : 3,7 milliards de dollars (Lockheed Martin).
« L’augmentation des recettes publiques signifie que plus d’argent est disponible pour les dépenses de la défense », a déclaré Tim Huxley, directeur exécutif de l’Institut international d’études stratégiques en Asie à Singapour. « De nombreuses parties de l’Asie sont également précaires ce qui crée un sentiment d’insécurité chez les gouvernements. »
Les bombardements par la Corée du Nord et l’attaque d’un navire de guerre qui a tué 50 marins sud-coréens en 2010 ont clairement tendu la situation. La Corée communiste dispose d’une armée de 1,2 million d’hommes, de missiles balistiques et d’assez de plutonium pour une demi-douzaine d’armes nucléaires, selon les estimations de l’armée américaine.
La Chine travaille sur son premier porte-avions et son nouvel avion furtif J-20. En 2011, le pays a prévu d’augmenter ses dépenses militaires de 13% à 601,1 milliards de yuans (95 milliards de dollars), a déclaré Li Zhaoxing, porte-parole du Congrès national de la Chine populaire. La Chine stimule son budget pour remplacer son matériel de combat vieillissant et met davantage l’accent sur sa sécurité nationale au milieu de la montée des tensions territoriales, analyse Ronald Keung et Tom Kim de l’institut Goldman Sachs.
Taïwan, qui est considérée par la Chine comme une province renégate*, va mettre à niveau 146 chasseurs F-16 par Lockheed Martin dans un programme estimé à 3,7 milliards de dollars selon le ministère de la Défense taiwanais. La modernisation des F-16 pourrait aussi inclure l’installation de nouveaux radars et systèmes de navigation.
De son côté, la Corée du Sud envisage d’acheter 60 avions de combat. Les candidats à l’appel d’offres sont le F-35 de Lockheed Martin, le F-15 de Boeing, le Typhoon du groupement Eurofighter et le Gripen de Saab. La Corée compte aussi acquérir des hélicoptères d’attaque pour son armée de terre et sa marine, et envisage même l’achat de véhicules aériens sans pilote.
Le Japon n’est pas en reste. En décembre 2011, Lockheed Martin a signé une commande pour livrer 42 avions F-35 au pays du soleil levant. Cette acquisition pourrait coûter jusqu’à 1,6 milliards de yens (21 milliards de dollars) pour acheter, exploiter et entretenir durant plus de 20 ans les F-35, selon le ministère de la défense japonais. Singapour a également signé en tant que partenaire de développement pour l’avion de combat F-35. Il s’agit du programme d’armement le plus cher de l’histoire américaine (382 milliards de dollars).
L'Inde a choisi le Rafale pour rivaliser avec la Chine et le Pakistan. Budget : 11 milliards de dollars (Dassault).
L’Inde, autre grand géant d’Asie (et adversaire potentiel de la Chine), a récemment sélectionné le Rafale de Dassault Aviation pour son appel d’offres MMRCA portant sur 126 avions de combat. Des négociations exclusives sont en cours.
« L’Eurofighter qui est déjà en lice sur l’appel d’offres sud-coréen, est aussi candidat en Malaisie et dans le Golfe persique », a déclaré Enzo Casolini, le dirigeant d’Eurofighter, une joint-venture entre BAE Systems, Finmeccanica et Airbus. « L’Asie est « un marché important, » a t-il ajouté, « Exporter le Typhoon est également très important pour l’industrie européenne et pour l’économie européenne. »
L’Eurofighter a ralenti sa production à cause des réductions des budgets militaires européens effectués dans le cadre des plans d’austérité. Les dépenses militaires de l’Europe de l’Ouest ont baissé d’environ 5% l’an dernier et vont encore diminuer cette année selon l’agence de notation Fitch Ratings.
Pendant ce temps, les dépenses militaires de l’Asie-Pacifique ont augmenté de 14% en 2011, soit la plus forte croissance du monde selon Frost & Sullivan. Le Japon est le plus dépensier en matière de défense (derrière la Chine), avec une dépense de 54,5 milliards de dollars en 2010, selon le Stockholm International Peace Research Institute.
L’Inde est au troisième rang avec 41,3 milliards de dollars dépensés en 2011. Quant aux États-Unis, leurs dépenses mondiales ont atteint 698 milliards de dollars.
La Chine cherche également à profiter de la croissance des budgets de défense en vendant l’équipement intérieur développé à l’étranger. Lors du salon de Singapour, le groupe AVIC fera la promotion de l’avion de chasse JF-17 Thunder, qui a été développé avec le Pakistan. AVIC exhibera aussi son avion d’entraînement L-15, le Yilong, et le drone Ptérodactyle.
« Ce meeting permet à la Chine de montrer le pouvoir grandissant des entreprises de son industrie aérospatiale », a déclaré Ken Zhang, un analyste de la défense à Pékin. « AVIC a également besoin de stimuler ses exportations pour financer ses frais de recherche et développement car les marges sur les ventes à l’armée chinoise sont insuffisantes », ajoute t-il.
Lockheed Martin voit aussi l’Asie-Pacifique comme un gros client pour les technologies de défense antimissile, comme c’est le cas au Moyen-Orient depuis une décennie.
La Corée du sud a acheté 40 F-15 pour renforcer sa flotte. Budget : 4,4 milliards de dollars (Boeing).
« Nous observons les mêmes tendances en Asie pour la sécurité globale de la région », a déclaré Robert Stevens, dirigeant de Lockheed Martin, lors d’une conférence le 26 janvier avec des analystes. « La prolifération des technologies, le désir d’obtenir des missiles de plus grande performance, plus autonomes, plus précis, incitent les gouvernements asiatiques à obtenir une certaine protection contre les menaces de missiles balistiques. »
L-3 Communications, basée à New York, s’intéresse de près aux systèmes habités aéroportés de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, ainsi que les drones de surveillance pour l’Asie, a déclaré son directeur, Michael Strianese, lors d’une conférence le 31 janvier.
Raytheon, le plus grand fabricant mondial de missiles, prévoit que 30% de ses commandes et 26% de son chiffre d’affaires en 2012 viendraient de l’extérieur des États-Unis, notamment l’Asie et le Moyen-Orient.
« La forte croissance dans les pays émergents et la demande en équipements de défense est un bol d’air pour les fabricants d’armes occidentaux, » a déclaré l’agence Fitch, le 1er février. « À moyen terme, la dépendance sur les marchés émergents pour le secteur de la défense va continuer de croître. »
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