5 avril 2015 par Jacques N. Godbout – 45eNord.ca
Un document interne du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) révèle la présence d’un système d’échange de renseignements sur l’implication de présumés extrémistes à l’étranger avec divers partenaires, qui va au-delà du réseau habituel des «Five Eyes» (les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande), rapporte aujourd’hui la Presse Canadienne.
L’agence de presse canadienne a obtenu, dit-elle, une note interne de cinq pages titrée «S’attaquer à la menace du déplacement des terroristes» en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, où plusieurs données ont été toutefois caviardées.
Selon la note, le SCRS doit disposer «prioritairement» d’informations sur ce phénomène du déplacement des terroristes. «Obtenir les informations pertinentes sur cette menace pour conseiller le gouvernement nécessite des enquêtes approfondies au pays et à l’étranger étant donné les éléments nationaux et internationaux qu’elles comportent», est-il écrit.
Le SCRS fait cependant observer que les alliés habituels du Canada avaient plutôt renforcé leurs ressources déjà existantes au lieu de créer des liens avec d’autres pays. Le Canada, quant à lui, ferait face à des «défis opérationnels et à des pressions sur les ressources» causés par des facteurs qui ont été censurés dans le document.
La note a été rédigée en septembre, précise la presse canadienne, soit un mois avant les attaques au Monument commémoratif de guerre du Canada et au Parlement, à Ottawa qui ont amené le gouvernement Harper à proposer le nouveau projet de loi antiterroriste C-51 afin de mieux cibler les canadiens radicalisés qui vont se battre à l’étranger. Les nouvelles mesures accorderait aussi de nouveaux pouvoirs au SCRS pour qu’il puisse enquêter dans d’autres pays.
Mais Amnistie Internationale Canada a indiqué que de c’est justement ce genre d’échange d’informations qui avait mené à la torture de quatre Arabo-Canadiens à l’étranger après les attaques du 11 septembre.
Selon le secrétaire général de l’organisme, Alex Neve, ce partage d’informations avec des partenaires non traditionnels pourrait mener à des abus puisque plusieurs de ces pays ont un piètre bilan en matière de droits de l’Homme. Même l’échange d’informations avec les alliés traditionnels suscite des questions, selon le responsable d’Amnistie Internationale Canada, «sur ce qui est partagé, sur qui et vers quel pays».
Le cas le plus connu est celui de Maher Arar, un Canadien d’origine syrienne, arrêté à New York avant d’être déporté en Syrie, où il a été détenu et torturé. Sous la torture, il avait fait de fausses confessions sur son implication dans le groupe extrémiste al-Qaïda.
Le gouvernement fédéral avait conclu que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait fourni des informations erronées aux autorités américaines, qui auraient mené à la détention de Maher Arar.
Un autre rapport d’enquête déposé en 2008 par l’ancien juge de la Cour suprême Frank Iacobucci avait conclu quant à lui que le Canada était en partie responsable des sévices subis par trois autres Arabo-Canadiens, qui avaient été emprisonnés et torturés en Syrie. Les autorités canadiennes avaient dans ces cas partagé de l’information, y compris des allégations non corroborées, avec des services de renseignement étrangers.