Général Irastorza : "Pour nous qui vivons en paix dans un monde bien instable, cette commémoration doit être un appel à la vigilance."
20 Novembre 2013 Par Frédéric Pons – V.A.
Interview. Ancien chef d’état-major de l’armée de terre, Elrick Irastorza préside la Mission du centenaire. Il précise l’esprit et les grandes lignes des commémorations de la Grande Guerre.
Quel est l’enjeu majeur de ce centenaire ?
Depuis la disparition du dernier poilu, la mémoire du conflit couve toujours sous la cendre. D’où l’idée de faire directement contribuer les Français à une grande dynamique mémorielle structurée autour de deux verbes : comprendre comment on en est arrivé là, comment on a pu supporter tout cela cinquante-deux mois durant ; honorer tous les morts de cette sanglante effusion. La Grande Guerre fut une rupture brutale et une épreuve. Pour nous qui vivons en paix dans un monde pourtant bien instable, cette commémoration doit être un appel à la vigilance.
Aux lendemains de la bataille de la Marne, le général Foch, commandant la IXe armée, à qui son entourage proposait de porter un toast à la victoire, rétorqua : « Non, il y a eu trop de morts. » Il ne sait pas encore que son fils et son premier gendre viennent d’être tués le même jour. Son second gendre, gazé, lui survivra quelques jours seulement. Ce sera le lot de milliers de familles. Il n’y a donc rien à fêter, juste se souvenir pour mieux préparer l’avenir.
L’agenda 2014-2018 est-il déjà établi ?
L’année 2014 sera une grande année mémorielle à finalité pédagogique couvrant l’ensemble du conflit. Un millier de projets labellisés émanant de tout le territoire et de l’étranger en constitueront le coeur. Une seconde vague de projets est en cours d’élaboration et de labellisation. Pour 2014, le président de la République a retenu quatre grands rendez-vous : le 14 Juillet, qui rassemblera à Paris les délégations de 72 pays ; le week-end du 3 août, date de l’entrée en guerre ; le 12 septembre, pour la commémoration de la bataille de la Marne ; le 11 Novembre, afin de rendre un hommage appuyé, à Notre- Dame-de-Lorette, aux 600 0000 morts, toutes nations confondues, des batailles d’Artois.
Après 2014, le cycle commémoratif renouera avec une itinérance régionale jalonnée par les grands rendez-vous chronologiques : l’Artois, la Champagne et les contreforts vosgiens en 2015, la Somme et Verdun en 2016, le Chemin des Dames et l’arrivée des Américains en 2017, la seconde bataille de la Marne et les ultimes offensives en 2018.
Comment sera abordé le problème des fusillés ?
Le rapport du Pr Antoine Prost est un premier pas vers l’effort de compréhension que le président de la République appelle de ses voeux. Il trouvera son prolongement dans la création d’un espace dédié au musée de l’Armée et la mise en ligne des archives. Il appartiendra ensuite à chacun de cheminer sur la voie du pardon, en son âme et conscience, fût-ce au cas par cas.
Les civils de l’arrière-front seront-ils associés à l’hommage rendu aux soldats ?
« Debout donc femmes françaises, jeunes filles et fils de la Patrie ! Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur le champ de bataille… Il n’y a pas dans ces heures graves de labeur infime, tout est grand qui sert le pays. » Cet appel vibrant et entendu du président du Conseil René Viviani, dès le 2 août 1914, nous fait obligation de rendre un hommage particulier à “celles de 14” qui permirent la victoire de “ceux de 14” et aux 700 000 veuves et au million d’orphelins qui durent affronter, seuls, l’après-guerre.
Quelle est la place faite aux ressortissants de l’ex-empire français ?
Ce sont les tirailleurs et les zouaves de la division marocaine du général Humbert, aux côtés du 77e régiment d’infanterie, qui reprennent la crête de Mondement, le 9 septembre. La bataille de la Marne vient de basculer. Il faut nous souvenir qu’ils furent de toutes les batailles : 75 000 d’entre eux y laissèrent leur vie. Leurs descendants doivent en avoir une légitime fierté.
Comment ce centenaire sera-t-il financé ?
L’État financera la totalité des événements régaliens. Pour soutenir les projets labellisés, la Mission du centenaire est dotée d’un fonds d’initiative de 7 millions d’euros, dont 5 abondés par recours au mécénat et aux dons dans les conditions de défiscalisation actuellement en vigueur. Les attentes sont fortes chez les porteurs de projets, passeurs de mémoire qu’il ne faudrait pas décevoir.
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