15.10.2017 par Alain Establier – n° 180 lettre « SECURITY DEFENSE Business Review ».
SDBR : En ce mois européen de la cybersécurité, pouvez-vous nous décrire l’action de la Préfecture de Police de Paris (PPP) dans le Cybermonde ?
Michel Delpuech : La préfecture de Police est pleinement engagée et mobilisée à travers son organisation dans la lutte contre la cybercriminalité et notamment les infractions commises contre les systèmes d’information ou l’usage frauduleux de leurs données (escroqueries, discriminations, haine raciale sur Internet, contenus pédopornographiques, atteintes à la propriété intellectuelle : téléchargement illégaux, musique, films, données). La brigade d’enquêtes sur les fraudes aux technologies de l’information (BEFTI) de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) - précédemment appelée SEFTI lors de sa création le 7 février 1994 - est en charge d’enquêter sur cette thématique. Pour répondre à l’évolution de cette délinquance, des « groupes Internet » ont été créés dans d’autres brigades centrales de la DRPJ, à l’instar de la brigade de protection des mineurs (lutte contre la pédopornographie), de la brigade des fraudes aux moyens de paiements (escroqueries à la carte bancaire, faux ordres de virement) et à la brigade de répression de la délinquance astucieuse (faux sites Internet, escroqueries qui y sont liées). Depuis mars 2015, un conseiller technique spécial en charge des questions liées à la cybercriminalité est rattaché au cabinet du préfet de Police.
Quelles actions de sensibilisation aux cyber-risques menez-vous, tant à l’interne qu’à l’externe ?
Les agents de la BEFTI ou de la BFMP (Brigade des fraudes aux moyens de paiement) interviennent régulièrement, à la demande des chambres des métiers ou du commerce et de l’industrie, afin d’organiser des conférences permettant de sensibiliser les personnels des différentes organisations professionnelles. Ces conférences sont également l’occasion d’alerter les entreprises sur de nouvelles formes de délinquance, d’arnaques et d’escroqueries, comme les faux ordres de virements internationaux, l’utilisation frauduleuse de moyens de communication (exemple : le « phreaking », technique permettant l’utilisation des standards téléphoniques des sociétés pour effectuer des appels à l’étranger vers des sites qui rémunèrent au passage le hacker). La préfecture de Police s’investit également dans la sensibilisation de ses agents (configuration des postes de travail, formation à la vigilance pour que chacun soit responsable de sa sécurité informatique et de sa navigation sur Internet) afin de renforcer la sécurité collective de ses réseaux.
Le site internet de la préfecture de Police dispose d’un espace cyber sécurité avec de la documentation à destination du public (conseils de prévention, vidéos pédagogiques) et des professionnels (conseils tutoriaux en ligne, démarches pour les dépôts de plainte en ligne par exemple).
Pas un seul jour sans que le risque terroriste ne se rappelle à la population. Quelle est la place de la préfecture de Police dans la lutte contre le terrorisme ?
Le risque terroriste demeure, aujourd'hui, à un niveau très élevé. En dépit de ses revers militaires importants dans la zone irako-syrienne, Daech reste déterminé à frapper notre territoire et, notamment, Paris et son agglomération. Certes, grâce à l'action de l'Etat, le phénomène des départs vers les théâtres d'opérations djihadistes au Sahel et au Moyen-Orient s'est tari. Néanmoins, environ 700 Français ou résidents habituels en France y sont actuellement présents, parmi lesquels environ un tiers de femmes. Environ 260 y ont trouvé la mort. Un peu plus de 200 individus sont d'ores et déjà revenus sur le territoire national. Enfin, un peu moins de 500 mineurs se trouvent sur zone. Notre vigilance est donc totale, de même que notre détermination à lutter contre la menace et protéger nos concitoyens. C'est là un objectif absolument majeur des services de la Préfecture de Police pour ce qui concerne Paris et son agglomération. Nous sommes d'autant plus vigilants que les groupes djihadistes encouragent également, dans le cadre d'un appel global au djihad, le passage à l'acte d'individus qui ne sont pas passés par le Moyen-Orient ou le Sahel, comme en témoignent les derniers attentats commis en France, à Paris, mais aussi à Barcelone.
Avez-vous changé votre approche du risque terroriste devant cette mutation de la menace ?
Cette seconde forme de menace, endogène, est aujourd'hui la plus prégnante. Ces individus radicalisés ne présentent pas de profil spécifique et agissent avec des moyens parfois rudimentaires, tels que des armes blanches ou des armes à destination, comme les véhicules béliers. L'attentat commis au marteau, le 6 juin dernier, contre un policier sur le parvis de Notre-Dame en est une parfaite illustration. Près d'un tiers des individus identifiés comme radicalisés - soit environ 6000 individus - se trouvent en Ile-de-France et dans l'agglomération parisienne ; ils représentent plutôt le haut du spectre de la menace. Paris concentre le plus grand nombre de ces signalements, avec un peu plus de 1000 cas.
Bien évidemment, ils font l'objet d'une attention et d'un suivi fins de la part des services concernés de la préfecture de Police. D'une manière générale, nos services de police sont puissamment mobilisés pour prévenir et lutter contre toute tentative de passage à l'acte. L'ensemble des maillons de la chaîne travaillent dans un souci de coopération constant, qu'il s'agisse du renseignement avec la DRPP (la direction du Renseignement de la préfecture de police de Paris qui travaille en étroite liaison avec les services du premier cercle tels que la DGSI), de l'investigation judiciaire avec la brigade criminelle de la PJ, de la sécurité et de la surveillance sur la voie publique avec les effectifs de la DSPAP (direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne), ou encore de l'intervention spécialisée avec la BRI (brigade de recherche et d'intervention). Telle est d'ailleurs la principale caractéristique de la préfecture de Police : une organisation intégrée qui permet d'assurer un continuum serré entre les actions de sécurité intérieure et de sécurité territoriale. La fluidité des échanges de renseignements entre services, la détection des signaux faibles de radicalisation, l'articulation des moyens judiciaires et administratifs, sont absolument nécessaires contre la menace terroriste diffuse à laquelle nous sommes confrontés.
Paris va donc organiser les JO en 2024. Comment envisagez-vous de préparer les équipes de la PPP à faire face à cette occasion à ces deux menaces majeures que sont le risque cyber et le risque terroriste ?
En lien avec le futur coordinateur national pour la sécurité des Jeux (CNSJ), le modèle intégré de la préfecture de Police et le rôle prépondérant du préfet de Police, à la fois dans la coordination des dispositifs de secours et de sécurité à l’échelle de la région Ile-de-France, comme dans les phases successives de planification et de gestion opérationnelle de la sécurité des Jeux, sont le ciment des projets tels le centre de commandement et d’information et de communication unique et le centre de coordination de la sécurité des transports. Permettre la résilience de tous les moyens pour assurer les missions est la première préoccupation sur laquelle le travail est entrepris. Le coût du numérique sera non négligeable pour être au niveau attendu par les politiques de sécurité nationale et les directives qui en sont issues. Mais la planification permettra de budgétiser les efforts afin de permettre d’atteindre le but de réussite des JO. La cellule de cyber-crise de la préfecture de Police sera prête à être activée à l’instar de ce qui a été fait durant la COP 21 en 2015 ou l’EURO FOOT 2016, avec à sa tête l’autorité qualifiée en sécurité des systèmes d’information de la préfecture de Police, le préfet secrétaire général pour l’administration de la préfecture de Police, lequel est assisté du responsable zonal de sécurité des systèmes d’information et du chargé de missions aux questions liées à la cybercriminalité. L’organisation de cette cellule fait appel à tous les services habituels en matière de gestion de crise de la préfecture de Police. La planification d’anticipation et les exercices dans ce domaine sont traités exactement comme les autres risques en raison de leurs incidences possibles sur la vie de la Nation dans les secteurs d’activité d’importance vitale. Le pilotage de la gestion de crise par le préfet de Police s’effectue en lien avec le Préfet, secrétaire général de la zone de défense chargé de la planification et des exercices de crise.