11.07.2013, leparisien.fr
La Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) suggère la création d'un "avis sans objet" en cas d' "absence manifeste de lien" entre la demande de déclassification d'un magistrat et le contenu des documents classifiés soumis à son avis.
Les gardiens du secret défense souhaitent être autorisés à expliciter le rejet d'une demande de déclassifier un document par le fait qu'il n'a pas de lien avec l'enquête concernée afin de ne plus nourrir le soupçon d'entrave à la justice.
Dans son dernier rapport 2010-2012 publié jeudi, la Commission consultative du secret de défense nationale (CSSDN) relève qu'elle n'a pas la "possibilité de distinguer parmi les avis défavorables ou partiellement défavorables qu'elle rend, ceux qui sont justifiés par des raisons de fond touchant à la sensibilité des documents et ceux qui s'expliquent par l'absence manifeste de lien entre les documents et les requêtes des juridictions".
Pour la CCSDN, "cette situation est de nature à créer des malentendus en donnant à penser, à tort, que beaucoup d'informations sont retenues alors qu'elles pourraient se révéler utiles à la Justice".
Pour lever ce soupçon, la CCSDN demande donc au législateur la possibilité de pouvoir formuler un "avis sans objet" en cas d'"absence manifeste de lien" entre le document dont un magistrat souhaite la déclassification et l'objet de sa requête en déclassification.
Pour l'heure, la commission, autorité administrative indépendante créée par la loi du 8 juillet 1998 et composée de trois hauts magistrats et de deux parlementaires, peut rendre trois types d'avis: "favorable", "favorable à une déclassification partielle", "défavorable". Ils sont publiés au Journal officiel, mais ne comportent pas les motivations de la commission. Chaque avis est accompagné d'un "relevé d'observations" réservé au ministre qui a sollicité son avis.
Lorsqu'un magistrat de l'ordre judiciaire ou administratif souhaite prendre connaissance d'un document secret défense dans le cadre de son instruction, il adresse sa requête en déclassification à l'autorité administrative (Elysée, Matignon, Défense, Intérieur, ...) concernée. Celle-ci se tourne alors vers la CCSDN pour solliciter son avis sur la possibilité de déclassifier ou non ce document protégé par trois niveaux possibles (confidentiel défense, secret défense, très secret défense).
"Supputations malveillantes"
A plusieurs reprises depuis sa création, la CCSDN a été accusée par des magistrats ou des avocats d'avoir refusé de donner un avis favorable à la levée du secret défense.
Selon ses détracteurs, les cinq sages de la commission auraient ainsi voulu empêcher les juges d'instruction d'accéder à des éléments gênants pour l'exécutif dans des affaires sensibles comme les frégates de Taïwan ou l'implication de la France dans le génocide du Rwanda. En clair, les membres de la CCSDN refuseraient de déclassifier des informations qui pourraient se révéler utiles aux magistrats.
Or, relève la présidente de la CCSDN, Evelyne Ratte, dans l'introduction du rapport, "beaucoup pensent que le secret est utilisé à d'autres fins que ce pour quoi il est fait", c'est à dire protéger les intérêts fondamentaux de la Nation.
Elle convient pourtant que "les familles des victimes ne pourront jamais se départir de l'exigence d'une transparence sans limite". Mais la présidente dénonce "un procès en détournement du secret, parfois alimenté par des affirmations gratuites pouvant aller jusqu'à des supputations malveillantes".
Les 222 avis rendus par la CCSDN depuis sa création ont été suivis dans 95 % des cas par les autorités administratives concernées.
Sur les 208 avis rendus entre 1998 et la fin de l'année 2012, note la CCSDN, 137 avis l'ont été au ministère de la Défense (trois services de renseignements et forces armées), 27 à celui de l'Intérieur, 22 au Premier ministre et 22 à d'autres ministres ou autorités.
44 % des 208 avis rendus étaient favorables à la déclassification, 32 % partiellement favorables et 22 % défavorables. 2 % étaient des non-lieux à statuer.
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