25/05/2012 Jean Guisnel Le Point.fr
Au 1er janvier 2013, 42 % des effectifs militaires français en Afghanistan s'y trouveront toujours. Si tout se passe comme prévu, la promesse du président sera tenue avec six mois de retard.
Au cours d'une visite de huit heures sur le sol afghan qui n'avait pas été annoncée publiquement, le président de la République et chef des armées François Hollande a confirmé le retrait "ordonné et coordonné" des troupes françaises qu'il avait annoncé durant la campagne. Ses précisions sur place rendent ce mouvement beaucoup moins rapide qu'annoncé. Aux journalistes que l'Élysée avait invités à l'accompagner à Kaboul, François Hollande a déclaré que 2 000 "troupes combattantes" quitteront le pays d'ici la fin 2012. Ce qui veut dire concrètement que 1 500 soldats resteront sur place après la fin de 2012, soit 42 % des effectifs actuels.
Plus précisément, 3 550 militaires - dont 150 gendarmes - se trouvent actuellement en Afghanistan. Ils seront 2 000 de moins au 31 décembre 2012, soit une accélération notable par rapport aux 800 retours prévus à cette date par Nicolas Sarkozy. Au 1er janvier 2013, une partie des gendarmes seront rentrés, à savoir ceux qui sont affectés aux POMLT (Police Operational Mentor and Liaison Team), tandis que ceux assurant la formation de la gendarmerie afghane dans la province du Wardak resteront sur place. 1 000 militaires assureront jusqu'au début du second semestre 2013 les opérations de désengagement, y compris ceux qui seront spécifiquement chargés de la protection des logisticiens. Ne resteront plus ensuite sur place que les 400 soldats français intégrés à l'Isaf, que ce soit dans l'état-major, dans les centres de formation ou dans l'hôpital Role 3 installé sur l'aéroport de Kaboul.
Principe de réalité
De fait, le président de la République s'est trouvé confronté à la réalité, ce qui l'a contraint à faire évoluer son discours depuis le début de l'année. Le 20 janvier 2012, quatre soldats français (un cinquième a perdu la vie depuis) étaient assassinés par un militaire afghan. Le jour même, le candidat socialiste confirme le calendrier qu'il appliquera, s'il est élu : "Je renouvelle ma volonté de retirer nos forces d'Afghanistan, le plus rapidement possible, au plus tard à la fin de l'année 2012, en concertation avec nos alliés."
Lors d'un point de presse qui se tient le même jour, il enfonce le clou : "Si les Français m'accordent leur confiance le 6 mai prochain, je retirerai nos troupes d'Afghanistan fin 2012. Ce retrait se fera rapidement, en concertation avec les autorités afghanes et avec nos alliés, et avec toutes les garanties pour que nos soldats, dans ce délai, puissent être protégés. C'est une décision ferme, que je défends depuis longtemps (...) Cette opération n'a que trop duré." Deux jours plus tard, lors de son grand meeting au Bourget, le candidat socialiste fustige la décision de Nicolas Sarkozy d'accélérer le retrait en lançant : "Présider la République, c'est savoir aussi prendre des décisions difficiles, pas simplement à la suite d'un drame. Leur sacrifice suscite le respect de la nation tout entière. Mais il faut aussi avoir la lucidité de dire (...), d'affirmer que notre mission est terminée."
Pas avant l'été 2013
Ces mots très fermes se sont pourtant heurtés à l'impossibilité matérielle d'évacuer tous les hommes et tout le matériel avant l'été 2013. L'état-major des armées avait déjà fait ses calculs, réminiscence des problèmes scolaires de robinet et de baignoire : sachant qu'en l'absence de routes ouvertes et de chemins de fer, seuls des avions russes et ukrainiens peuvent évacuer les 1 200 véhicules, les 1 600 containers et tout le fatras d'une armée en campagne, impossible de faire plus vite ! Quant aux soldats français, ils passent six mois en Afghanistan, puis rentrent chez eux et doivent être remplacés. Les avions français suffisent à faire les navettes, mais une chose est sûre : pendant le retrait, de nouveaux soldats français vont arriver en Afghanistan ! Sentant venir le pépin, les armées se sont rapprochées des conseillers du candidat socialiste, notamment de Jean-Yves Le Drian, pour expliquer que la date de fin 2012 était juste impossible à respecter... Il ne fut pas plus difficile à convaincre que le candidat.
Le discours a donc changé. Début février, la notion de "troupes combattantes", pourtant maladroite, a été reprise par l'équipe de François Hollande, qui la présentait en personne dans son discours sur la défense du 11 mars : "Nous accélérerons dans les meilleures conditions de sécurité le retrait de nos forces combattantes pour que, fin 2012, nos soldats soient rentrés." François Hollande aurait été mieux inspiré de dire, ce qui est vrai, qu'il poursuivra la politique engagée depuis l'été 2011, et confirmée depuis janvier dernier, à savoir que les troupes françaises ne seront plus engagées dans des opérations de combat. La feuille de route que le président de la République a donnée au chef d'état-major des armées, l'amiral Édouard Guillaud, ce matin à Kaboul est on ne peut plus claire : "Le retrait ne sera pas facile à organiser. Nous devons prendre toutes les précautions. Le chef d'état-major des armées est là, et il aura comme mission d'assurer le succès de cette opération comme il y a eu des succès jusque-là. Nous devons limiter autant qu'il sera possible nos pertes, faire en sorte qu'il n'y ait aucun risque pour nos soldats, rapatrier notre matériel. Voilà votre mission."