10 décembre 2013 Romandie.com (AFP)
PARIS - Le président afghan Hamid Karzaï, pressé par les Etats-Unis de signer un accord entérinant une présence militaire américaine dans son pays après 2014, a accusé mardi Washington de livrer une guerre psychologique au peuple afghan, dans un entretien avec le quotidien français Le Monde.
Il a en outre accusé les Etats-Unis de se comporter en Afghanistan comme une puissance coloniale.
M. Karzaï, qui entretient des relations conflictuelles avec le gouvernement de Barack Obama et proteste régulièrement contre la mort de civils afghans dans les opérations militaires américaines, a refusé jusqu'à présent de parapher le traité de sécurité entre Kaboul et Washington, qui définira les modalités d'une présence militaire américaine après que les 75.000 soldats de l'Otan seront partis, fin 2014.
Le président afghan refuse de signer cet accord avant l'élection présidentielle d'avril 2014, à laquelle il ne pourra pas se présenter, la Constitution lui interdisant de briguer un troisième mandat.
Vous devez devenir un allié et vous comporter en allié. Pas en adversaire, a déclaré M. Karzaï.
Aux Américains, je dis: pourquoi le peuple afghan doit-il payer le prix de cette guerre contre le terrorisme ? Pourquoi attaquez-vous une maison afghane en raison de la présence d'un soi-disant taliban, un taliban inconnu, et causez ainsi la souffrance ou la mort de femmes et d'enfants ? Les Américains lanceraient-ils une attaque de drone sur leur sol à cause d'un tueur ou d'un terroriste ? Alors pourquoi le font-ils en Afghanistan ? Pensent-ils qu'un Afghan vaut moins qu'un Américain ? Je souhaiterais que les Américains aient le même respect pour un enfant afghan que pour un enfant américain, a-t-il poursuivi.
Attaquer les maisons afghanes est l'acte d'un adversaire. Lancer une guerre psychologique contre le peuple afghan est l'acte d'un adversaire. Il s'agit d'une guerre psychologique contre notre économie, en encourageant les entreprises à quitter l'Afghanistan, en encourageant les capitaux à quitter l'Afghanistan, en effrayant la population afghane sur les conséquences de 2014, dans l'hypothèse où les Américains ne seraient plus ici, a-t-il estimé, ajoutant qu'il s'agissait du résultat d'une propagande d'Etat de Washington.
Agacée par le refus d'Hamid Karzaï de signer le traité, pourtant approuvé en novembre par une Loya Jirga (grande assemblée traditionnelle afghane), Washington a laissé planer la menace d'une option zéro, avec retrait de tous les soldats américains d'ici un an à la fin de la mission de combat de la force de l'Otan (Isaf), et la suppression des milliards de dollars d'aide militaire promis à Kaboul.
De quoi faire craindre l'effondrement de l'Etat central afghan, déjà faible et sous perfusion de l'aide internationale, au profit des insurgés qui contrôlent une partie du pays, 12 ans après la chute des talibans qui avaient offert un sanctuaire à Oussama ben Laden et à Al-Qaïda avant les attentats du 11 septembre 2001.
Les Américains ne peuvent pas nous acculer ainsi (...). Ils ne peuvent pas ainsi profiter de notre état de dépendance. Ce que j'entends ces derniers jours, et ce que j'ai déjà entendu avant, est classique de l'exploitation coloniale. Les Afghans ne s'inclineront pas. Ils ont déjà battu les colonisateurs, a mis en garde Hamid Karzaï.
Si les Etats-Unis sont ici, si les pays de l'Otan sont ici avec leurs ressources dépensées à bon escient - et non gaspillées - et nos maisons respectées, si la paix règne, alors leur présence est positive pour l'Afghanistan et nous l'apprécions. (...) Si leur présence ici signifie la continuation de la guerre, des bombes et des tueries, alors cela ne vaut pas la peine, a jugé le chef de l'Etat afghan.
Porté au pouvoir par les puissances occidentales fin 2001, après la chute des talibans, Hamid Karzaï a été élu en 2004, puis réélu en 2009 après le retrait de son adversaire à l'issue d'un premier tour calamiteux, entaché de fraudes massives.
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