20 mai, 2015 Pierre Brassart (FOB)
Il y a 37 ans débutait l’une des plus fameuses opérations menées par l’armée française et la Légion étrangère. L’opération Bonite (ou Léopard) a conduit le 2ème Régiment étranger de parachutistes à sauter sur la cité minière zaïroise de Kolwezi (en actuelle République démocratique du Congo) pour sauver la population expatriée (majoritairement belge et française) qui s’y trouvait, menacée par des rebelles opposés au dirigeant zaïrois Mobutu.
La crise de Kolwezi, qui a débuté le 13 mai avec la déroute des forces zaïroises et la prise de la ville par les rebelles) a duré 9 jours, entre la prise de la ville et l’évacuation du dernier civil occidental de Kolwezi. Les gouvernements occidentaux (belge et français) hésitent à intervenir dans un premier temps, les Belges ne souhaitant pas montrer un soutien trop fort à Mobutu et les Français qui, bien que ne voulant pas trop empiéter sur les plates-bandes belges (le Zaïre étant une ancienne colonie belge) espèrent gagner des points auprès de Mobutu et étendre leur influence dans le plus grand pays francophone d’Afrique et l’un des plus riches du continent.
L’année précédente, la France avait déjà soutenu le Zaïre lors d’une première incursion rebelle dans la région de Kolwezi, qui avait duré plusieurs mois et avait nécessité un important renfort marocain pour reprendre le contrôle du territoire.
Lorsque les gouvernements européens concernés se rendent compte que la situation à Kolwezi se dégrade et que des civils commencent à être assassiner, ils se décident à intervenir. Cependant, les différences de points de vue politiques à propos du zaïre et de son dirigeant et les divergences sur le caractère de la mission à entreprendre empêchent qu’une opération commune soit mise en place.
Au lieu de cela, la France décide de lancer le 2ème REP de Calvi dans une opération qui a pour but de reprendre la ville et de la sécuriser pour écarter toutes menaces. La Belgique, elle, charge également son Régiment Para-Commando de reprendre la ville mais son objectif premier est l’évacuation de la population. Toute personne désirant quitter la ville, soit vers une autre ville zaïroise soit vers l’Europe (via Kinshasa et des vols affrétés par des compagnies occidentales) devra en avoir la possibilité.
De par cette différence dans les ordres donnés aux unités, les effectifs et les moyens engagés sont bien différents. La France estime que les quelques centaines d’hommes du 2ème REP seront suffisants pour reprendre la ville des mains des rebelles (dont le nombre est estimé entre 3 et 4000 hommes). Les légionnaires sont transférés à Kinshasa via des appareils commerciaux, sans une partie de leur matériel (notamment leurs parachutes et leur antenne médicale). Le gouvernement belge, lui, souhaite pouvoir mener son opération d’évacuation quoi qu’il arrive et donc ne veut pas compter sur les moyens zaïrois. Ce sont donc 8 C-130 (la quasi-totalité des moyens de transport tactique de la Force aérienne belge) qui sont envoyés au Zaïre emportant avec eux deux bataillons de para-commando, une compagnie anti-char, un escadron de reconnaissance et une antenne médicale parachutiste, soit un total d’un peu plus de 1100 hommes (le gros de la troupe partira par long-courriers commerciaux). Une vingtaine de véhicules est également chargée dans les appareils.
Grâce aux relations diplomatiques spéciales que la France entretient avec l’Algérie, les avions transportant les légionnaires peuvent traverser l’Afrique par la voie la plus rapide, alors que les Belges doivent contourner en passant par l’ouest. Ce détour pour les Belges permet aux Français d’être les premiers sur place.
De Kinshasa, la France lance directement son opération, le 19 mai, sans attendre les Belges. Ceux-ci atterrissent à Kamina (une base zaïroise située à deux pas de Kolwezi) lorsque les premiers légionnaires sautent sur Kolwezi. Ces derniers ont été équipés de parachutes américains, ce qui a impliqué un certain bricolage pour adapter les gaines de saut des légionnaires. Malgré un saut tardif (la nuit tombe vite) et le manque d’avions zaïrois (empêchant le 2ème REP de sauter avec l’ensemble de son effectif), les légionnaires prennent position et commencent à sécuriser la zone.
Le lendemain à l’aube, le 20 mai, les Belges effectuent un poser d’assaut sur l’aéroport de Kolwezi. Une fois celui-ci sécurisé, les bataillons para-commandos se mettent en route vers la ville. Plusieurs altercations ont lieu entre les parachutistes belges et français, mais une solution est vite trouvée après une discussion entre officiers légionnaires et para-commandos. Les zones d’habitation expatriée sont confiées aux Belges alors que les cités ouvrières où se concentrent les rebelles restant (la majorité d’entre eux ayant quitté la ville) reviennent aux légionnaires.
Les para-commandos commencent alors à ratisser la ville à la recherche des civils occidentaux, soulagés de voir enfin les secours après une semaine infernale. Les premiers convois arrivent à l’aéroport et un ballet incessant de C-130 commence afin d’évacuer tous les civils (car tous veulent partir) de Kolwezi. Il faudra deux jours pour évacuer plus de 2000 personnes. Une fois l’évacuation terminée, les para-commandos se replient sur Kamina tandis que les Français continuent à pourchasser les rebelles dans la région. Au final, 5 légionnaires et 1 para-commando mourront durant l’opération. Plusieurs légionnaires doivent la vie à l’antenne médicale avancée déployée par les Belges sur l’aéroport de Kolwezi.
Cette opération demeure le dernier grand saut mené par l’armée française. Ces dernières années, le 2ème REP a de nouveau fait parler de lui en effectuant plusieurs opérations aéroportées au Mali et dans la région sahélienne.
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