29.06.2015 Romandie.com (ATS)
Le "califat" du groupe État islamique (EI), à cheval sur la Syrie et l'Irak, entre dans sa deuxième année. La communauté internationale s'avère incapable d'arrêter les atrocités des djihadistes qui ont récemment frappé en Tunisie ou au Koweït.
Le groupe dirigé par Abou Bakr al-Baghdadi avait annoncé le 29 juin 2014 qu'il redonnait naissance à une forme de gouvernement islamique dénommé le "califat" et assuré qu'il allait "durer et s'étendre". En un an, il a élargi son territoire en Syrie et en Irak en dépit de la création d'une coalition conduite par les États-Unis, qui veut l'éradiquer.
L'EI a également réussi à constituer un réseau de groupes qui lui sont affiliés à travers le monde. Le groupe cherche à distiller la peur bien au-delà des pays où il est présent.
Cette semaine, il a revendiqué une attaque meurtrière en Tunisie qui a coûté la vie à 38 personnes, majoritairement des touristes étrangers. Il est également soupçonné d'être derrière l'attentat-suicide contre une mosquée chiite au Koweït, qui a fait 26 morts.
L'EI pourrait aussi avoir servi d'inspiration à l'auteur d'une attaque en France qui a égorgé son patron et tenté de faire exploser son véhicule dans une usine de gaz.
"Ce n'est pas clair si ces actions sont centralisées ou coordonnées par l'EI. Mais nous risquons de voir des membres ou des sympathisants de l'EI, rentrés chez eux après avoir reçu une formation militaire, mener à leur initiative des attaques dont l'ampleur dépend de leur capacité, de leurs moyens et des opportunités", note Yezid Sayegh, chercheur au Centre Carnegie pour le Moyen-Orient.
Tueries et exécutions brutales
La manière dont l'EI gouverne son territoire en Syrie et en Irak suscite la peur et l'horreur. Des tueries massives et des exécutions brutales sont devenues sa marque de fabrique. Le groupe contrôle environ la moitié du territoire syrien, dont une large partie est inhabitée, et près d'un tiers de l'Irak.
En Syrie seulement, il a exécuté en un an plus de 3000 personnes, dont 1800 civils, a indiqué dimanche l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Parmi eux, 74 enfants. Ce bilan inclut 200 personnes tuées dans la ville kurde de Kobané (nord) lors d'une attaque la semaine dernière et 900 membres de la tribu sunnite des Chaïtat qui ont péri en 2014 pour s'être opposés aux djihadistes.
Aucun chiffre précis sur les crimes commis en Irak n'est disponible. Mais le groupe est soupçonné d'avoir exécuté des milliers de personnes, dont 1700 recrues, en majorité chiites, assassinées au nord de Bagdad.
A cela, il faut ajouter les milliers de morts dans les combats en Syrie et en Irak: rebelles syriens, combattants kurdes, militaires dans les deux pays, ainsi que des miliciens chiites en Irak.
Manque d'armes et de motivation
Ses adversaires ne peuvent se targuer de réels succès. En tout cas pas les militaires irakiens, particulièrement critiqués pour avoir abandonné leurs positions à la mi-2014.
"Bagdad possède en principe des forces suffisantes pour contrôler le territoire, mais le problème, c'est que toutes les forces combattant l'EI ne reçoivent pas leurs instructions de Bagdad. Certaines agissent à leur guise et d'autres reçoivent leurs instructions d'ailleurs", remarque Zaid al-Ali, auteur du livre "Le combat pour l'avenir de l'Irak".
En Syrie, seules les forces kurdes, soutenues par la coalition internationale, ont infligé de réels revers à l'EI. Selon des analystes, les rebelles manquent d'armes de qualité et les forces du régime manquent de motivation pour faire plier les djihadistes.
Corruption et autoritarisme
Même la coalition ne peut se prévaloir que de succès limités. Elle a épaulé les troupes au sol qui ont réussi à chasser l'EI de Kobané et de Tall Abyad en Syrie, ainsi que de Tikrit et de la province de Diyala en Irak. Mais les djihadistes continuent d'engranger des victoires, comme la capture récente de la cité antique de Palmyre en Syrie ou la capitale provinciale de Ramadi en Irak.
Pour les analystes, le succès de l'EI résulte plus de problèmes politiques que de questions militaires. Il est dû à des "divisions confessionnelles, de la corruption et des décennies d'autoritarisme", affirme ce chercheur.