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12 juillet 2013 5 12 /07 /juillet /2013 10:55
Le Livre blanc va avoir des "dommages irréparables" sur les armées

11-07-2013 Le Nouvel Observateur (AFP)

 

Des députés UMP ont signé une lettre ouverte à François Hollande pour dénoncer les coupes dans le budget de la défense

 

Les députés UMP de la Commission de la défense dénoncent "l'impact psychologique désastreux" que le nouveau Livre blanc a, selon eux, sur les forces armées et les "dommages irréparables" que sa mise en oeuvre va causer à la défense nationale.

Dans une lettre ouverte au président François Hollande, les 18 élus UMP affirment que le Livre blanc présenté fin avril n'avait pour but que d'"habiller de considérations présentables" des coupes déjà programmées dans le budget défense.

"Inopportune, l'initiative du Livre blanc l'est encore et surtout par l'impact psychologique désastreux sur nos forces armées de l'annonce des nouveaux et très lourds sacrifices que vous allez leur imposer", écrivent-ils.

Le Livre blanc 2013 prévoit notamment la suppression de 24.000 postes supplémentaires dans les armées en cinq ans, après les 54.000 suppressions déjà décidées en 2009.

"Modèle de survie" 

Les signataires estiment "extrêmement fragile" la construction budgétaire qui intègre "environ 6 milliards de ressources extra-budgétaires non identifiées" sur la période 2014-2019.

Vos décisions auront pour effet de ramener nos forces armées à un 'modèle de survie', selon l'expression du chef d'état-major des armées", l'amiral Edouard Guillaud, poursuivent-ils.

Ils évoquent également une "grave menace" pour l'industrie française de défense, qui "sans un niveau de commandes suffisant" ne pourra plus produire de nouveaux matériels à la pointe de la technologie et exporter des équipements.

La préparation de la Loi de programmation militaire (LPM, 2014-2019), qui doit être présentée prochainement en Conseil des ministres, sera selon eux "déterminante". Le Livre blanc prévoit un budget défense de 179,2 milliards d'euros pour la durée de la LPM, avec un budget annuel de 31,4 milliards jusqu'en 2016, soit le même montant que pour l'année 2013.

La LPM doit être discutée à l'automne au Parlement.

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10 juillet 2013 3 10 /07 /juillet /2013 15:55
L’homme des casernes va devoir évoluer

10.07.2013 par P. CHAPLEAU – Lignes de Défense

 

La suppression de 54 000 postes, c’était une réforme. 24 000 de plus, ça pourrait être une révolution. Au cabinet du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, on préfère parler d’"évolutions" et de "rapide mise en œuvre de changements". Et ainsi déminer un terrain socialement délicat.

 

On connaîtra le détail de la LPM d’ici au 2 août, date du dernier conseil des ministres avant la trêve estivale. Mais Jean-Yves Le Drian a déjà pris des décisions suite à une année de travaux sur cinq chantiers : la gestion des ressources humaines, l’organisation de la chaîne financière, l’organisation des soutiens via les bases de défense (dont le nombre pourrait marginalement décroître), les relations internationales et la fonction communication.

 

Objectifs : "recentrage sur le cœur de métier", "suppression des doublons", "amélioration de la qualité des services". Et plus prosaïquement suppression de 16 000 postes (les 8 000 autres le seront dans les unités opérationnelles). Traduction pratique: 20 % des postes en moins dans les soutiens (avec suppression des états-majors de soutien défense par exemple), 10 % à 20 % des postes supprimés dans les RH, 100 postes grignotés dans les relations internationales, un tiers des postes de communicants sacrifié… Il faut tailler dans les effectifs et réduire la masse salariale, le fameux titre II qui, en 2012, a augmenté de 2,8 % alors que les effectifs du ministère baissaient de 2,3 % !

 

Deux autres chantiers sont toujours en cours : le maintien en condition opérationnelle (MCO) et le haut commandement militaire. Du côté du MCO, l’équation est simple : le budget actuel de 6,2 milliards d’euros (20 % des crédits du ministère) va exploser, que l’on donne la priorité au matériel ancien de plus en plus cher à maintenir en vie, ou que l’on favorise les matériels récents, encore plus gourmands en maintenance de très haut niveau technologique. "La reprise en main est impérative", quitte à demander aux prestataires de baisser "sensiblement" leurs marges.

 

Le sort du haut commandement n’est pas réglé. Le rééquilibrage entre le politique et l’état-major des armées a donné lieu à quelques grincements de dents ; d’autres sont à venir puisque la question du dé-pyramidage est posée. Le taux d’encadrement est passé de 14,8 % en 2008 à 17 %, suite à la réforme de 2008 et à l’allongement de deux années du temps de service. L’objectif est de redescendre à 16 %, voire moins… "Avec des mesures d’aide au départ" et, pourquoi pas une prolongation du temps dans chaque grade, une diminution du recrutement des officiers et donc du nombre des élèves officiers dans les écoles.

 

Le ministre n’a pas retenu les "évolutions les plus radicales". Mais il prévient : "Si nous ne parvenions pas à atteindre les objectifs qui s’imposent à nous, je ne pourrais que revoir ces orientations".

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5 juillet 2013 5 05 /07 /juillet /2013 16:55
Armées : les chefs d'état-major en réflexion et au combat (et surtout, bonnes vacances !)

05/07/2013 Par Olivier Berger, grand reporter à La Voix du Nord. - Défense globale

 

Au moment de prendre de menus congés estivaux mais néanmoins réparateurs, je n'allais pas placer ce blog sous cloche durant un mois (reprise des activités le lundi 5 août) sans m'atteler à des projections capacitaires, alors que de sourdes négociations et d'intenses batailles en coulisses s'opèrent. Je n'allais pas non plus vous abandonner un mois sans provoquer un abîme de réflexions contradictoires.

Ministres, élus, conseillers, états-majors sont en pleine réflexion sur une revue capacitaire complète des armées et un nouvelle déflation de 24 000 personnels en plus des 10 000 restant à accomplir.

Nous profitons des auditions en juin de tous les chefs des états-majors, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, pour tirer des constats et des enseignements en attendant le juge de paix (si elle est enfin réaliste), la Loi de programmation militaire (LPM) de l'automne...

Par ordre d'entrée en scène avant le défilé du 14-Juillet, le CEMA, l'amiral Edouard Guillaud, le CEMAT, le général Bertrand Ract-Madoux, le CEMAA, le général Denis Mercier, et pour finir, le CEMM, l'amiral Bernard Rogel.

 

CEMAGuillaud.jpgLe chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud (photo AFP), a lancé les hostilités. Ou disons plus poliment, a sonné le tocsin. " Les travaux, qui se conduisent sous forte contrainte budgétaire, suscitent dans les armées des inquiétudes majeures dans le domaine des ressources humaines, de l'équipement et de l'activité des forces. " Il martèle le maître-mot des chefs d'état-major : " Le fondement de l'efficacité opérationnelle, c'est la cohérence. "

Le CEMA convient que le Livre blanc est enfin un exercice de vérité mais reste lucide : " Notre capacité à agir en masse, dans la durée et la simultanéité, ne sera plus la même. Il faudra faire des choix et parfois se résoudre à intervenir plus modestement. "

Conséquence : " Nous devrons donc revoir nos concepts d'emploi, dans le sens d'une plus grande porosité des capacités entre les fonctions stratégiques, entre les missions, entre les théâtres. C'est ce que je traduis sous le vocable " gestion dynamique des efforts " en fonction des besoins. "

L'inquiétude majeure de l'amiral Guillaud se situe autour de la sécurisation du budget de la Défense... L'enveloppe identifiée pour la LPM 2014-2019 (179,2 milliards d'euros en valeur 2013) et 31,4 milliards pour le budget 2014 (c'est-à-dire 30,9 milliards d'euros avec l'inflation) reste " à un seuil suffisant ". Mais les 6 milliards d'euros prévus en recettes exceptionnelles doivent intégrer un mécanisme de sauvegarde pour éviter le crash. " Ce sont les fameux « 20% des investissements » qui peuvent avoir un impact sur « 80% du modèle » ! "

Voyons ça dans le détail...

TERRE

VBMRNexter.jpgLe constat est rude mais clair. De 2008 à 2019, l'armée de Terre aura subi 35 000 suppressions de postes et 22 000 transferts. Au-delà de cette colossale déflation humaine, le général Ract-Madoux regrette aussi des reports d'opérations de rénovations des infrastructures. Le plan de réhabilitation de l'hébergement, lancé il y a quinze ans, ne concerne que la moitié des régiments. La diminution des cibles et les reports de livraisons (environ 20 % de 2008 à 2013) amène le CEMAT à ne prendre aucun gant : " Contrairement, à ce qui est écrit dans le Livre blanc de 2008, l'armée de Terre n'a bénéficié d'aucune priorité. "

- Réductions. La force projetable va passer de huit à sept brigades, perdre entre 5 et 6 000 hommes et de six à huit régiments, nous disait récemment le commandant de la force terrestre, le général Clément-Bollée. Cela implique " un resserrement de la force terrestre projetable de 71 000 à 66 000 hommes ". " Je préfère des dissolutions à des saupoudrages ", affirme le CEMAT. En tout, la brigade comprise, l'armée de Terre doit supprimer près de 10 000 postes supplémentaires.

CEMATGalRact-Madoux.jpg- Limites. Le général Ract-Madoux (photo ministère de la Défense) discerne des fragilités : " Avec une brigade interarmes en moins, le modèle à 66 000 conditionne à un seuil de stricte suffisance la faisabilité de ce nouveau contrat. " L'armée de Terre a également grand besoin de nouveaux camions et de véhicules légers tactiques. " Le contrat opérationnel et la préparation pourraient être obérés dès 2018 ", s'alarme le CEMAT. Il manque en 2013 23 millions d'euros pour l'entretien du matériel terrestre et 19 millions d'euros pour l'aéronautique.

- Projections. Le nouveau contrat opérationnel passe pour une opération de coercition majeure de 30 000 à 15 000 soldats, plus 10 000 hommes pour intervenir sur le territoire national et un échelon national d'urgence en alerte de 5 000 hommes. Les perspectives de JPO (journées de préparation opérationnelle) en 2013 sont mauvaises, 83 jours au lieu de 90.  " Le niveau de 120 jours d'engagement opérationnel ne pourra être atteint qu'avec 30 jours d'OPEX. "

Sur le plan du matériel, le programme Scorpion est préservé par le Livre blanc. Mais l'arrivée du VBMR (véhicule blindé multirôle, photo Nexter) à partir de 2018 et celle de l'EBRC (engin blindé de reconnaissance et de combat) en 2020 va entraîner la prolongation des AMX-10 RC et des VAB jusqu'en 2030... La livraison du véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE), repoussé de 2025 à 2030, implique également la prolongation de la durée de vie des VBL (véhicules blindés légers), non budgetée à ce jour selon le CEMAT.

" L'armée de Terre, aux côtés des autres armées, a démontré son efficience, bâtie sur un niveau de ressources devenu " juste insuffisant " et dont l'excellent ratio coût-efficacité demeure un atout incomparable pour notre pays. " Le CEMAT considère que l'armée de Terre est à " un seuil plancher pour un pays de 65 millions d'habitants ".

AIR

air_a330-mrtt.jpgComme les autres chefs d'état-major, le général Denis Mercier entend surtout préserver " le maintien de notre cohérence ". L'armée de l'Air, avec ses deux missions permanentes, la défense aérienne et la dissuasion, reste une arme de poids : "Aujourd'hui, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, nous disposons d'au moins un millier d'aviateurs qui sont en permanence en train d'armer des postes nous permettant de basculer instantanément du temps de paix au temps de crise. " Derniers exemples éclatants des atouts et des fragilités : la Libye et le Mali.

- Réductions. Passage à 225 avions de chasse, marine comprise (320 en 2008), plus une cinquantaine d'avions de transport tactique, sept avions de détection et de surveillance aérienne, douze ravitailleurs multirôles (MRTT, photo ministère de la Défense) et douze drones MALE (moyenne altitude longue endurance). Ajoutons des avions légers de surveillance et de reconnaissance et huit systèmes sol-air de moyenne portée SAMP/T. Après la perte de 16 000 aviateurs, la fermeture de douze bases aériennes et une contraction globale de 30 %, l'armée de l'Air devrait perdre encore 2 400 hommes.

- Fragilités. 

1. La protection réclame une rénovation des radars. Le système ACCS (Air Command and Control System) doit se trouver dans la LPM. Le programme SCCOA (Système de Commandement et de Conduite des Opérations Aériennes) accuse un retard de trois ans avec le décalage d'une quatrième étape.

2. Nécessité de l'amélioration du réseau des systèmes d'information et de communication.

3. L'arrivée " maintes fois décalée " des MRTT implique que le ravitaillement est en déficit et en coûteuse surmaintenance après cinquante ans de service (les éternels C-135). " Si cette flotte reste clouée au sol, la composante aéroportée serait inutilisable et nous ne disposerions plus de capacités à intervenir à distance. C'est-à-dire qu'en fait, nous ne ferions plus grande-chose. " Voilà au moins une priorité claire.

CEMAAGalMercier.jpg- Projections. Si l'armée de l'Air ne pratiquait pas la différenciation du matériel, en pérennisant des Mirage 2000, pendant la montée en puissance du Rafale, elle n'atteindrait pas le contrat de 225 avions de chasse. Le même esprit prédomine du côté des hommes. Les aviateurs ont adopté " une nouvelle organisation de notre capacité à durer ", indique le général Mercier (photo ministère de la Défense). En clair, deux cercles sont mis en place : un s'entraînant sur tout le spectre et un second pratiquant sur les avions de complément comme les avions d'instruction. Figurez-vous que le tableau de bord du petit Pilatus PC-21 peut être configuré comme celui d'un Rafale. Ce qui permet à ce second cercle de s'entraîner 40 h sur Rafale et 140 h sur d'autres moyens pour atteindre les 180 h annuelles... Pire, il s'agit désormais de maintenir un entraînement diminué de 20 %.

L'armée de l'Air se débrouille. Les Mirage 2000-5 vont passer de 7 000 h à 9 000 heures de vol, " une première " glisse le général Mercier. Les Mirage 2000 D seront rénovés (obsolescence des radars et des calculateurs de missiles). " Nous avons besoin d'une nouvelle tranche Rafale... dans un volume à définir ", s'inquiète le CEMAA. Les douze MRTT prévus au lieu de quatorze impliqueront le maintien de C-135.

MER

fremm-aquitaine.jpgAvec 11 millions de km² de zone économique exclusive et sa mission majeure d'instrument de la dissuasion nucléaire, la France ne peut décemment pas trop tirer sur sa Marine et ses coûteux équipements... Le chef d'état-major de la marine, l'amiral Bernard Rogel,  assure : " Il est essentiel que la notion de déploiement naval permanent soit reprise (dans le Livre blanc) car elle constitue le fondement de notre action et une des clefs de notre réactivité. " Du coup, " je considère que le résultat pour la Marine est acceptable au vu des données d'entrée. "

- Réductions. Abandon d'un deuxième porte-avions au moins jusqu'en 2025 ; suppression d'un BPC (bâtiment de projection et de commandement) sur quatre ; suppression de trois frégates sur dix-huit (en plus des sept de la LPM précédente). Les décisions vont entraîner la suppression de la permanence de la Marine nationale dans une zone d'opération extérieure

- Tensions. Quatre fragilités apparaissent aux yeux de l'amiral Rogel.

1. Tension sur les effectifs (limite organisationnelle et une limite de gestion, la Marine comptant plus de mille qualifications différentes) ;

2. Tension sur le volume d'activités des forces (l'emploi opérationnel permanent réduit les crédits OPEX pour la Marine) ;

3. Fragilité liée au renouvellement des équipements à l'horizon 2025. Le Livre blanc reste flou sur les patrouilleurs, les avions de chasse marine et n'évoque pas le cas des bâtiments logistiques, la patrouille maritime et les hélicoptères. Un impératif pour le CEMM : " La réduction du format doit s'accompagner du respect strict du calendrier de livraison des équipements. "

4. Tension sur le soutien et le maintien en condition opérationnel.

CEMMAmiralRogel.jpeg- Projections.  Le déploiement permanent d'une frégate ne pourra plus se faire en Atalanta (l'opération européenne anti-piraterie dans l'océan indien) et en Méditerranée orientale " mais en Atalanta ou en Méditerranée orientale ". Même conséquence pour la force d'avions de patrouille maritime " non plus en Atlantique et en Afrique mais en Atlantique ou en Afrique ". L'Atlantique reste " une zone naturelle " et la sécurité dans le golfe de Guinée (mission Corymbe) est appelée à prendre de l'importance.

Les frégates sont réduites de 18 à 15, dont quatre de défense aérienne. Le reste sera un panachage entre les FREMM (photo Marine nationale de la FREMM Aquitaine) et les frégates type Lafayette. En outre-mer, la Marine maintient six bâtiments (deux à la Réunion, deux aux Antilles, un en Nouvelle-Calédonie et un dans le Pacifique). Elle travaille toujours sur la construction des B2M (bâtiments multimissions) faiblement armés pour remplacer les bateaux de transports légers (BATRA). Les patrouilleurs P400 devront être prolongés puisque le programme BATSIMAR (patrouilleur littoraux) a déjà été repoussé une fois.

"Il ne faudra pas être surpris dans dix ans que le chef d'état-major de la Marine réponde qu'il ne peut que remplir imparfaitement l'une ou l'autre de ses missions ", évalue le CEMM (photo ministère de la Défense).

Fermez le ban.

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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 11:55
photo Armée de l'Air

photo Armée de l'Air

27 juin 2013 par Frédéric Lert – Aerobuzz.fr

 

Aerobuzz revient sur la rencontre organisée, au salon du Bourget, par l’association des journalistes de défense avec le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’Air. Cohérence, compétence et réactivité sont les mots clef à retenir...

 

Le dernier Livre Blanc sur la défense et la Loi de Programmation Militaire (LPM) qui va en découler entraineront une réduction globale du format des armées à laquelle l’armée de l’Air n’échappera pas. Mais pour le général Mercier, Chef d’Etat-Major de l’Armée de l’air, plus que le format, c’est avant tout la cohérence globale de l’outil aérien qui compte : « A quoi bon avoir des centaines d’avions si l’on ne dispose pas d’une cohérence globale ?  » s’interrogeait-il. L’opération Serval a montré cette cohérence dont l’armée de l’Air peut encore se féliciter.

 

Pour la première fois depuis longtemps, la France a été engagée dans une opération aérienne à 100% sous commandement national. L’armée de l’Air y a démontré sa capacité à agréger des moyens très différents (chasse, transport, renseignement…) décollant de sept bases séparées les unes des autres par plusieurs milliers de kilomètres. « L’opération Serval nous a également conduit à utiliser l’ensemble de nos savoir-faire, depuis le bombardement de précision jusqu’à la reconnaissance et la surveillance, en passant par le « command & control », les poser d’assaut, le parachutage de charges lourdes etc. (…) Mon objectif à l’avenir est que l’on puisse préserver et moderniser cette cohérence  ».

 

La cohérence est aussi une affaire d’hommes et de femmes. L’armée de l’Air maintient en permanence environ un millier de personnes sur le pied de guerre, prêtes à partir en mission au coup de sifflet bref. Les équipages ne représentent qu’une petite part de ce chiffre. Serval l’a encore montré, les spécialistes des réseaux prennent aujourd’hui une importance majeure dans la conduite des opérations. « Nos spécialistes des systèmes d’information et de commandement, qui sont des gens clef pour nos opérations, ont toujours la valise à la main…  » soulignait le général Mercier. « Ce qui fait de nous une grande armée de l’Air (…), ce qui impressionne le plus nos homologues, c’est notre capacité à monter des réseaux complexes  ». Faire communiquer les bases, les détachements, les aéronefs, planifier les opérations, organiser les centres de commandement et de contrôle et assurer la transmission des ordres et des informations, le tout dans des conditions de sécurité et de fluidité essentielles aux opérations militaires : le défi n’est pas simple.

 

Autre point évoqué, celui de l’entrainement des équipages et la disponibilité des appareils. Les deux sont intimement liés. « Le format de nos armées est plus conditionné par la capacité à entretenir le matériel plutôt qu’à l’acheter » rappelait le général Mercier. Faute de budgets suffisants, l’entretien programmé des matériels est devenu une variable d’ajustement au cours des années passées, ce qui c’est traduit par un appauvrissement des stocks et une capacité insuffisante à régénérer l’activité. « Notre activité a été réduite de 20%. C’est une situation que l’on peut maintenir deux ou trois ans mais pas plus. Je suis prêt à diminuer notre format mais à condition que cela nous permette de remonter le niveau d’activité des unités de première ligne, pour qu’elles gardent cette capacité à « entrer en premier » sur un théâtre d’opération  ».

Armée de l’Air : la quadrature du cercle

Car si la réduction du nombre d’appareils est rendue acceptable par la polyvalence des avions entrant en service (le meilleur exemple étant celui du Rafale), elle se traduit également par une exigence de formation accrue pour les équipages. Dans un monde idéal, et afin d’exploiter au mieux les capacités de son avion, un pilote de Rafale devrait voler 250 heures par an. La norme affichée est actuellement de 180 heures. Mais même ce chiffre est difficile à atteindre, l’armée de l’Air reconnaissant que ses pilotes de combat sont aujourd’hui plus près de 150 heures annuelles… Un déficit que l’on retrouve également chez les transporteurs et les pilotes d’hélicoptères.

 

Il n’y a pourtant pas de miracle : en 2011 en Libye, en 2013 au Mali, les interventions décisives de l’armée de l’Air se sont faites avec des préavis très courts, quelques jours tout au plus. Impensable dans ces conditions de s’accorder quelques semaines de remise à niveau : aéronefs et équipages devaient être prêts, immédiatement. Avec la compétence et la cohérence évoquées plus haut, cette réactivité est une qualité essentielle que l’armée de l’Air devra à tout prix conserver dans les années à venir pour garder toute sa crédibilité.

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24 juin 2013 1 24 /06 /juin /2013 13:50
Organisation des industries de défense en Europe source ead-minerve.fr

Organisation des industries de défense en Europe source ead-minerve.fr

21/06/2013 Par Pascal Pincemin, Guillaume Martinez* - LeFigaro.fr

 

TRIBUNE - Pascal Pincemin*, associé membre du comité exécutif, et Guillaume Martinez*, associé M & A transaction services chez Deloitte, estiment que l'Europe devra prendre des initiatives sur les procédures d'achats publics pour permettre l'émergence d'un marché européen de la défense.

 

Le livre blanc de la défense 2013 a poursuivi un objectif: mettre en cohérence les objectifs stratégiques, les capacités opérationnelles et les contraintes budgétaires de la France.

 

Si les propositions concernant les forces armées sont désormais clarifiées et consistent pour l'essentiel en un transfert à budget constant (au niveau du budget 2013: 31 milliards d'euros soit 1,76% du PIB) d'effectifs et de moyens vers trois axes prioritaires - les deux premiers déjà identifiées en 2008 - que sont la cyberdéfense, le renseignement et les forces spéciales, qu'en est-il de l'industrie de défense française? Quels enjeux, quelles conséquences, quelles difficultés de mise en œuvre pour un secteur qui regroupe plus de 4000 entreprises en France?

 

À court terme: augmenter les ventes!

 

Alors que les situations de crise se multiplient et que l'éventail de menaces s'élargit, les industries européennes sont prises en tenaille entre la baisse tendancielle des budgets et des commandes d'État, et l'agressivité commerciale des firmes américaines et des acteurs issus des pays émergents. Pour autant, le contexte d'un marché européen atone contraint les acteurs du secteur de la défense à considérer les exportations comme un élément central de leurs modèles commerciaux. La priorité immédiate des industriels est simple: vendre… vendre sur les marchés en croissance, en Asie, au Moyen-Orient et en Amérique latine.

 

Continuer à renforcer la performance opérationnelle pour maintenir ses capacités d'innovation

 

Les industriels n'ont d'autres choix que de proposer de nouveaux produits répondant aux besoins des différentes armées (interarmées et intégrables) et exportables. Ils doivent aussi réduire les coûts de développement et de production, notamment en simplifiant les spécifications, allongeant les séries et développant les accords de coopération aux niveaux français et européen. Ils doivent également faire évoluer leurs offres vers plus de services intégrés, comme le maintien en condition opérationnelle, et se tourner vers les marchés les plus porteurs, que sont notamment la protection des voies maritimes, les systèmes intégrés de commandement et de contrôle, et la cybersécurité, autant d'axes prioritaires mis en avant dans le livre blanc 2013.

 

La capacité de projection des entreprises hors du marché d'attache se heurte néanmoins à deux difficultés que sont la fragmentation de l'industrie française, et les demandes des pays émergents de transfert de technologies. Sur ce dernier point, l'absence de nouveaux programmes de développement domestiques signifie moins d'argent engagé en recherche et développement, et donc un risque de perte progressive de l'avance technologique qui permet justement de composer avec les exigences de compensation.

 

Quelles incidences sur le marché européen?

 

On pourrait croire que la diminution des ressources au niveau des États aurait favorisé des rapprochements et la recherche de plus de partage entre industriels et entre pays. Il n'en est rien pour le moment.

 

Pour autant, l'Europe devra prendre des initiatives sur les procédures d'achats publics pour permettre l'émergence d'un marché européen de la défense et éviter entre autres que les concurrents américains, protégés par le «buy american act» sur leur territoire, se trouvent en situation d'égalité avec les industriels européens en Europe.

 

La consolidation des principaux acteurs de l'industrie européenne aura-t-elle lieu? Aux États-Unis, la consolidation des maîtres d'œuvre s'est effectuée au pas de charge dans les années 1990, avec l'encouragement et le soutien du gouvernement américain. Ce sont ainsi plus de cinquante groupes qui ont fusionné pour aboutir à cinq maîtres d'œuvre: Boeing, Lockheed Martin, Northrop Grumman, General Dynamics et Raytheon. L'Europe, dont les budgets réunis sont nettement inférieurs, compte toujours un certain nombre de grands maîtres d'œuvre. L'État français qui est présent, directement ou indirectement, au capital de la majorité des grands acteurs français de défense doit en effet composer avec trois objectifs contradictoires: développer la concurrence pour obtenir les meilleurs prix, construire des champions industriels nationaux et garder le contrôle de son industrie pour sécuriser l'approvisionnement en équipements critiques.

 

La consolidation des acteurs européens reste une question ouverte. Aux États-Unis, les fusions entre les grands maîtres d'œuvre se sont accompagnées de sorties d'activités massives, lesquelles ont généré, avec l'aide de fonds d'investissement, l'émergence de nouveaux fournisseurs (L-3, Transdigm) centrés sur les technologies clés indispensables aux 5 grands maîtres d'œuvre. Avec le recul, cette dynamique a été fondamentalement vertueuse pour les sociétés ainsi regroupées: elles se sont retrouvées en première ligne face à des clients multiples plutôt que cantonnées à des rôles de sous-traitant captif.

 

Dans ce contexte, il est important de rappeler que l'appui du monde financier est nécessaire pour accompagner ce type de consolidation sectorielle. Certains fonds spécialisés existent déjà en France (Aerofund en est un exemple), d'autres sont attendus.

 

* Pascal Pincemin, associé membre du comité exécutif chez Deloitte, est responsable mondial programmes clients industries stratégiques; Guillaume Martinez, associé M & A transaction services chez Deloitte, est spécialiste aérospace & défense

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24 juin 2013 1 24 /06 /juin /2013 12:55
Le ministre de la Défense s'adresse aux marins dans le hangar du BPC Dixmude le 20 juin 2013

Le ministre de la Défense s'adresse aux marins dans le hangar du BPC Dixmude le 20 juin 2013

21/06/2013 Marine nationale

 

Après l’armée de Terre et l’armée de l’Air, c’est à la Marine nationale que Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, a présenté le nouveau Livre Blanc le 20 juin 2013 au cœur de la base navale de Toulon.

 

Plus de 700 marins se sont réunis sur le Bâtiment de Projection et de Commandement Dixmude où le ministre s’est exprimé sur l’enjeu du Livre Blanc: stabiliser le budget de la défense à 31,4 milliards d’euros par an tout en maintenant les ambitions et les responsabilités de notre pays dans le monde. Il a affirmé que «la France a besoin d’une Marine nationale, à la fois équipée, entraînée et performante. D’autant que cette Marine est au cœur des trois missions fondamentales définies par le Livre blanc: protection, dissuasion et intervention ». Il s’agit en effet de « poursuivre la modernisation et le renouvellement des capacités de la Marine » ainsi que d’assurer « le maintien d’une activité opérationnelle suffisante».  Le ministre a insisté sur le nécessaire « renouvellement des capacités de la Marine nationale » qui passe par de nouveaux  programmes, notamment les frégates multi mission (FREMM), les sous marins de type Barracuda, mais aussi la modernisation de l’aéronautique navale et notamment celle des aéronefs de patrouille maritime Atlantique 2.

Le ministre de la Défense à bord du BPC Dixmude la 20 juin 2013 à Toulon

Le ministre de la Défense à bord du BPC Dixmude la 20 juin 2013 à Toulon

Le ministre de la Défense a tenu à rencontrer une partie des marins afin de s’entretenir avec eux sur les thèmes et questions d’actualité concernant la Marine nationale. Le personnel de la défense, civil et militaire, est en effet au cœur de ce nouveau Livre Blanc dont il sera le principal acteur.

Le ministre de la Défense et le chef d'état-major de la Marine quittent BPC Dixmude

Le ministre de la Défense et le chef d'état-major de la Marine quittent BPC Dixmude

Accompagné du chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Bernard Rogel, le ministre s’est ensuite fait présenter le Centre d’Expertise des Ressources Humaines (CERH). Il a salué «l’imagination et la ténacité dont fait preuve la Marine nationale [visant à] pour palier les dysfonctionnements liés au logiciel de traitement des soldes Louvois».

 

Cette journée de présentation du Livre Blanc au sein de la Marine nationale a été l’opportunité pour les marins d’échanger directement avec le ministre de la Défense qui s’est attaché à montrer que les orientations du Livre Blanc permettront à la Marine nationale de garder le cap d’une «Marine moderne, opérationnelle, fière de ses traditions, consciente de ses qualités, forte de ses valeurs, mais aussi ouverte sur l’avenir».

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20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 16:55
Allocution du CEMA - Clôture de la session nationale de l’IHEDN 14 juin 2013

20/06/2013 Sources : EMA

 

Allocution de l’amiral Édouard Guillaud - Clôture de la session nationale de l’IHEDN 14 juin 2013

 

Mon général,

 

Mesdames, messieurs les auditeurs,

 

Vous voici donc arrivés au terme d’un parcours qui, j’en suis convaincu, vous aura beaucoup apporté.

 

Vous connaissiez la défense, les armées, certaines de leurs missions. Aujourd’hui, cette connaissance est aiguisée. Vous avez réfléchi au rôle des armées dans la Nation, à leur positionnement vis-à-vis de nos alliés et partenaires stratégiques.

 

Vous maîtrisez leurs atouts, leurs défis, leurs succès mais aussi leurs contraintes et leurs fragilités. Vous avez aussi compris que le métier militaire ne se résume pas à un combat dans la verte, une interception à haute altitude ou la chasse au boutre somalien – et j’en passe.

 

C’est pour cela que la clôture d’une session de l’IHEDN n’est pas une conclusion mais une invitation à aller de l’avant, à entretenir vos relations, à poursuivre vos échanges, à approfondir vos réflexions et, surtout, à témoigner. C’est ce que j’attends de vous désormais.

 

Je compte sur vous pour dire ce que vous avez partagé ici. Je compte sur vous pour être nos relais dans vos cercles professionnels, associatifs et amicaux. C’est pour cela que vous avez été choisis. C’est ainsi que votre réseau, vos réseaux trouvent tout leur sens et prennent toute leur dimension.

 

Je compte sur vos analyses, sur vos retours d’expérience pour nous enrichir à votre tour. Mais je ne compte pas sur vous pour être des admirateurs béats de la défense en général, de l’institution militaire en particulier. Au pays de Rabelais, Descartes et Voltaire, la liberté de pensée et d’expression doit aussi être mise à profit dans le champ couvert par la défense nationale !

 

Vous savez les grands sujets qui nous intéressent aujourd’hui, sur le front des opérations comme sur celui de la préparation de l’avenir. Nous en avions parlé en début d’année. Depuis, vous avez entendu les grands responsables de l’État et même, occasion rare à l’IHEDN, le Président de la République : statistiquement, c’est une à deux fois par mandat. Pas plus.

 

A ce moment de bilan, je vais vous donner mon appréciation des défis qui se profilent, quelques semaines après la publication du nouveau Livre blanc, qui fixe le cap pour nos armées à l’horizon 2025, et alors que nous sommes engagés dans la préparation de la Loi de programmation militaire, qui en sera la première déclinaison pour la période 2014-2019.

 

***

 

Mon point de vue est bien sûr celui du chef militaire, responsable de la définition de la stratégie militaire et de la conduite des opérations.

 

Ce sont des tâches de plus en plus exigeantes pour les armées, avec un niveau d’engagement qui reste très élevé et des moyens de plus en plus comptés, et avec la complexité qui caractérise les opérations modernes.

 

C’est pourtant l’honneur de nos armées de relever ces défis ! Votre année à l’IHEDN vous aura permis de le mesurer : la réactivité, l’efficacité et la discipline au feu de  nos forces sont exemplaires, il faut le dire !

 

Au-delà de ces qualités opérationnelles de notre outil de défense, vous aurez noté ses atouts au plan politico-militaire.

 

C’est grâce à la qualité de nos forces que nous pouvons être moteurs dans les instances internationales, à l’ONU, à l’OTAN comme à l’UE ou ailleurs. Sans notre engagement résolu, hier en Afghanistan, en Côte-d’Ivoire, en Libye et aujourd’hui, au large de la Somalie et au Mali, nous n’aurions pas le même crédit auprès de nos grands partenaires : je peux en témoigner !

 

Sans ces engagements militaires, nous ne pourrions accompagner ces mouvements de fond que sont la volonté des organisations régionales d’assumer davantage leurs responsabilités, à l’instar de la CEDEAO : cela aussi, je peux en témoigner !

 

Nous sommes ainsi membres du club très fermé des nations qui veulent et qui peuvent. Vouloir et pouvoir, voilà les deux conditions indispensables de toute action internationale ! Et ces deux conditions sont de plus en plus rarement réunies, notamment en Europe : c’est même, vis-à-vis des désordres du monde, la principale limite de nos démocraties. Nous sommes parmi les pays qui ont encore conscience que l’histoire est tragique !

 

***

 

C’est une lourde responsabilité, pour aujourd’hui comme pour demain : il faut être ambitieux et volontaire pour s’imposer dans le temps long des relations internationales, avec ses aléas géopolitiques et économiques.

 

Ambitieux et volontaire, mais réaliste.

 

Notre présent est celui d’un monde où les termes de sûreté, de stabilité et de sécurité sont plus fuyants, plus difficiles à définir dans l’absolu. Dans le choix de nos interventions, dans la formulation des buts de guerre, les circonstances sont souvent plus fortes que les principes !

 

Notre présent est celui d’un monde toujours plus ouvert et poreux, où les risques et les menaces se diversifient, s’interpénètrent et sont plus difficiles à détecter et à identifier. Le domaine cybernétique en est la meilleure illustration, lui qui brouille les frontières entre risque et menace, entre civil et militaire, entre public et privé, et qui se joue de la géographie. A l’heure de la mondialisation, l’échelle d’analyse n’est plus seulement l’État ou les alliances mais aussi l’individu, le groupe et leurs valeurs propres. Les réponses s’en trouvent compliquées. Le militaire doit adapter constamment sa grille de lecture et ses moyens d’action ; la finalité – et, parfois, le principe même – de son action sont moins évidents.

 

Notre présent est également celui d’un monde où les instruments traditionnels de régulation des désordres internationaux traversent une crise de légitimité. L’ONU est toujours prisonnière de ses contraintes et en particulier de son côté Tour de Babel. L’OTAN connaît des doutes existentiels, avec la fin annoncée de sa présence en Afghanistan. L’Union européenne veut être un acteur global de la résolution des crises, mais minore systématiquement leur volet militaire. Il faut toujours composer avec ce contexte international !

 

Ce présent, il est enfin celui d’une crise économique et financière persistante, une crise qui impose une pression croissante sur les dépenses de l’Etat, et donc sur les budgets de défense, du moins en Europe. Avec cela aussi, il faut composer : l’ambition est indissociable des moyens permettant de la concrétiser !

 

C’est tout l’enjeu de la définition d’une stratégie de défense et de sécurité nationale, tout l’enjeu de l’expression de notre ambition nationale. C’est tout l’enjeu de l’adaptation de notre outil de défense, tout l’enjeu de la préservation d’un capital précieux mais d’ores et déjà fragilisé.

 

Vous le savez, la réduction continue des budgets de défense conjuguée à l’inflation des coûts exerce une tension sur les moyens, qu’il est de plus en plus difficile de maîtriser. Dans ces conditions, définir le chemin qui va des moyens aux fins implique : penser autrement, imaginer d’autres voies.

 

***

 

Le Livre blanc 2013 se veut une réponse à la fois volontariste et réaliste.

 

Réponse volontariste parce qu’il réaffirme l’ambition d’une France souveraine et engagée, maîtresse de son destin et soucieuse d’assumer ses responsabilités internationales.

C’est une ambition cohérente avec notre Histoire, avec notre façon de percevoir le monde, avec la conscience du rôle que nous entendons y jouer, avec les attentes de nos alliés et de nos partenaires stratégiques.

 

Elle se concrétise par la volonté de conserver des capacités autonomes d’appréciation de situation, de commandement et d’action. Elle se concrétise par le maintien de notre force de dissuasion dans ses deux composantes. Elle est celle d’une France motrice à l’ONU, au sein de l’OTAN et de l’Union européenne, d’une France volontaire et capable.

 

Une France volontaire et capable, c’est une France dotée d’un outil militaire complet ! C’est une France dotée d’un outil militaire cohérent, d’un outil militaire apte à remplir les missions assignées, dans chaque milieu, en combinant les atouts de chacune des composantes !

 

Mais le Livre blanc 2013 se veut aussi une réponse réaliste. Il ne dessine pas un monde rêvé, ajusté à nos moyens nationaux d’y peser. Il n’idéalise pas la réalité difficile de nos coopérations internationales, comme s’il suffisait de vouloir plus d’OTAN ou plus de PSDC pour les rendre plus volontaires et plus capables. Il assume le grand écart de notre outil de défense, entre des priorités confirmées – comme le renforcement du renseignement, de nos capacités de lutte informatique –, et l’entretien d’un outil pointu, sous forte contrainte budgétaire.

 

***

 

Je l’ai dit, faire aussi bien avec moins impose de faire autrement, de trouver de nouvelles marges de manœuvre.

 

A partir du Livre blanc, j’identifie 3 leviers.

 

Le premier levier concerne les contrats opérationnels et donc les formats : il s’agit d’afficher une ambition militaire correspondant mieux à la réalité de nos armées, celle de nos capacités, celle de nos engagements.

 

C’est vrai, le contrat majeur d’intervention – le plus visible – affiche un chiffre réduit de moitié par rapport à 2008, dont nous savions qu’il était déjà irréalisable ! Et dans sa définition actuelle, 15 000 hommes, ce contrat majeur peut être tenu et reste compatible avec nos autres grandes missions : la protection, la dissuasion et la gestion de crise.

 

Il est bien évident que, dans ces conditions, l’outil complet et cohérent dont j’ai parlé est plus ramassé, avec une conséquence immédiate et assumée : nous ne pourrons plus faire autant, c’est-à-dire que la simultanéité des engagements sera la première variable d’ajustement.

 

Nos zones potentielles d’intervention ont beau être hiérarchisées plus clairement, en partant du territoire national, de l’Europe et de ses approches, il faudra faire des choix et parfois se résoudre à intervenir plus modestement.

 

Il faudra être plus agiles pour redistribuer les moyens engagés sur nos théâtres et transférer l’effort vers d’autres forces. Nos concepts d’emploi seront adaptés, dans le sens d’une plus grande porosité des capacités entre les fonctions stratégiques, entre les missions, entre les théâtres.

 

Le deuxième levier concerne la structure même de nos forces.

 

La polyvalence appliquée à toutes nos unités a un coût de plus en plus élevé. Il est même insoutenable aujourd’hui !

 

Cette polyvalence se justifie-t-elle d’ailleurs encore sous cette forme ? La réalité du terrain, celle des opérations que nous menons, démontre le contraire, avec des équipements parfois sur spécifiés, des savoir-faire entretenus à coût élevé et non mobilisés.

 

Certaines unités doivent « savoir tout faire », maîtriser les matériels les plus performants, les compétences les plus pointues. Mais certaines unités seulement, celles qui « entreront en premier » et, d’emblée, feront face aux milieux les plus hostiles, aux adversaires les plus coriaces !

 

La question n’est plus aujourd’hui celle de la dialectique entre quantité et qualité. Équation insoluble : il faut les deux ! Il faut de la quantité pour durer. Il faut de la qualité pour répondre de la bonne manière. Aujourd’hui, le juste besoin en termes d’équipement, de formation et d’entraînement est celui d’une qualité mieux différenciée. Ce juste besoin ne se traduit pas de la même manière dans chacune de nos armées, dont le milieu physique d’emploi, les logiques de montée en puissance et de soutien sont spécifiques. Mais il s’impose. Partout.

 

Ici encore, à vouloir tout faire, c’est l’ensemble qui est fragilisé !

 

Le troisième levier est lié au précédent. Il est celui d’une poursuite des logiques de mutualisation.

 

Il est possible de mieux faire encore en interarmées, et surtout en interministériel.

 

Il est possible de mieux faire avec nos partenaires de l’OTAN et de l’UE. Le travail est immense mais nous ne partons pas d’une feuille blanche : il faudra mieux capitaliser ! Je pense à des organisations de type EATC ou des structures de type CJEF entre autres. Je pense aussi aux GTUE, qu’il faudrait enfin utiliser !

 

***

 

Le modèle complet défini par le Livre blanc a donc sa cohérence sur le papier, mais à l’heure de la construction budgétaire, sa réalisation est un pari, et je dirais même que c’est un pari risqué, parce que nous avons une très faible visibilité sur l’avenir !

 

Aujourd’hui, j’entrevois quatre risques majeurs.

 

Le premier, qui englobe tous les autres, est bien sûr budgétaire.

 

L’enveloppe identifiée pour la LPM 2014-2019, et les premiers éléments de la construction budgétaire pour les prochaines années sont au seuil critique. Et ces enveloppes budgétaires ne tiennent pas compte de l’inflation : c’est pour nous une perte de pouvoir d’achat année après année, alors que le coût des grandes masses augmente beaucoup plus vite que l’inflation !

 

Il faudra garantir le respect de l’exécution budgétaire, notamment pour les ressources exceptionnelles dont le niveau – 6 Md€ – est totalement inédit !

 

Enfin et peut-être surtout, la réalisation du modèle est conditionnée par les perspectives économiques après 2016. Elle parie sur un retour à meilleure fortune après une phase en mode « survie ». Qui saurait le garantir ?

 

Le deuxième risque porte sur les ressources humaines.

 

Les déflations à réaliser sont encore considérables, 34 000 postes : les 10 000 restants de la précédente LPM et les 24 000 de ce Livre blanc. Ceci représente, sur la période 2014-2018, l’équivalent d’une section de combat ou d’un équipage d’AWACS supprimé par jour ouvrable, ou encore l’équipage d’une FREMM tous les 5 jours !

Il faudra identifier ces postes, en préservant l’équilibre toujours délicat entre capacités de combat et de soutien et en conduisant les restructurations nécessaires, le tout sans rupture de service !

 

Le troisième risque concerne l’équipement des forces.

 

Son niveau est déjà, depuis plusieurs années, celui du juste besoin.

 

Je le disais, il faudra différencier nos capacités mais en partant de l’outil d’aujourd’hui, en intégrant le temps long des programmes, le temps tout aussi long des ressources humaines, et des enjeux industriels parfois prépondérants.

 

Mutualiser en interarmées ? On a déjà fait beaucoup, dans des domaines comme le renseignement, le commandement et la formation. Il faudra être imaginatifs pour identifier d’autres voies, et prudents dans nos réorganisations !

 

En interministériel, la mutualisation des capacités « dures » est toujours plus délicate : les ministères civils ont d’autres priorités !

 

A l’international enfin, notre volontarisme est peu ou insuffisamment partagé. Ce n’est pas facile : on ne force pas des partenaires qui ne veulent pas ! Là aussi, il faudra être imaginatifs, et assumer les « interdépendances librement consenties » !

 

Mais soyons clairs : la différenciation et la mutualisation ne résoudront pas à elles seules nos problèmes !

 

Dernier élément induit par le Livre blanc : le vieillissement assumé de nos matériels. Cumulé avec les déflations à venir et la révision des cibles des programmes, il pèsera de plus en plus sur l’activité des forces.

 

Ce qui me conduit au dernier facteur de risque : l’activité opérationnelle.

 

Dans ce domaine aussi, nous sommes déjà en dessous des normes, et parfois clairement en dessous ! Vouloir gagner sur les coûts d’entretien du matériel, de masse salariale, de carburant et de fonctionnement en diminuant encore l’activité des forces entraînerait des réductions de capacités, temporaires voire définitives. Avec le risque de ne plus pouvoir remplir certaines missions. Avec, aussi, des effets évidents sur le moral et la cohésion du personnel.

 

***

 

Le moral et la cohésion sont les clés de nos succès opérationnels et de la réussite des réformes à venir.

 

Le modèle du Livre blanc 2013 dessine une armée transformée dans son organisation, dans ses modes de fonctionnement, dans ses moyens et dans ses mentalités. Il faudra préparer ces adaptations, les conduire, maîtriser les aléas. Il faudra être innovant, volontaire, endurant. Le personnel des armées, civil et militaire, sera à la fois cœur de cible et acteur du changement.

 

Au plan opérationnel, moins de moyens signifient des tensions capacitaires accrues. Au plan organisationnel, les déflations dont j’ai parlé signifieront : incitation au départ pour certains, restructuration pour beaucoup, réduction des avancements pour tous. Dans ce paysage exigeant, maussade et tourmenté, il sera plus difficile d’attirer et de fidéliser. Il sera plus difficile de susciter l’envie.

Or le personnel aspire naturellement à une certaine forme de reconnaissance. Le considérer comme il se doit, c’est d’abord lui donner les moyens de bien remplir sa mission. C’est aussi lui donner la possibilité de progresser. C’est enfin l’éclairer sur l’avenir.

 

***

 

En conclusion, les défis de notre défense sont nombreux. Le Livre blanc 2013 esquisse une armée ramassée mais encore capable et cohérente. Sa traduction concrète s’annonce difficile, très difficile.

 

Elle nécessitera une forte implication des armées. Elle nécessitera des investissements élevés dans la durée, alors que l’avenir économique est incertain. Elle nécessitera le soutien de la Nation dans son ensemble : en période de crise et en l’absence de menace militaire immédiatement perceptible, la défense n’est plus un sujet de préoccupation majeure.

 

Baisser la garde serait irresponsable, sauf à accepter d’être démunis. Il nous appartient de le dire. Il vous appartient de le dire, haut et fort !

 

Je vous remercie.

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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 12:56
Le ministre de la Défense présente le nouveau Livre blanc aux aviateurs

14/06/2013 CNE Karim DJEMAI

 

M. Jean Yves Le Drian, ministre de la Défense, s’est rendu, jeudi 13 juin 2013, sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier (Haute Marne), afin de présenter aux aviateurs le nouveau Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale.

 

«Le 29 avril 2013, je dévoilais officiellement le Livre blanc aux grands responsables du ministère de la Défense, a déclaré M. Le Drian lors d’un discours devant le personnel de la base. En venant aujourd’hui sur cette base dont je connais l’excellence de longue date, j’ai souhaité, à travers vous, m’adresser à l’ensemble de l’armée de l’air.»

 

Comment maintenir et adapter l’outil de Défense dans un contexte marqué par des contraintes économiques et financières sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale ? C’est la principale problématique à laquelle a dû répondre le nouveau Livre blanc.

 

«Nous nous sommes engagés à un niveau maintenu, a détaillé le ministre de la Défense. L’effort budgétaire est important, à hauteur de 1,76% du PIB. Ce nouveau projet de Défense est ambitieux. La France ne baissera pas la garde. Certes, il y aura des efforts, mais il s’agit d’un projet cohérent, stimulant et porteur.»

 

Après une présentation des principales évolutions concernant l’ensemble des armées, M. Le Drian est revenu sur les volets portant directement sur l’armée de l’air. Son nouveau format sera ainsi articulé autour de 225 avions de chasse, d’une cinquantaine d’avions de transport, de quatre avions de surveillance aérienne, de huit systèmes sol-air moyenne portée (SAMP), d’environ douze avions ravitailleurs multirôles et autant de drones de surveillance. La modernisation des capacités aériennes militaires sera également maintenue, avec la poursuite de la montée en puissance de la flotte Rafale et de la rénovation des Mirage 2000D. L’arrivée prochaine de l’A400M doit également faire évoluer en profondeur le transport aérien militaire.

 

«Le maintien de l’activité opérationnelle est une priorité à mes yeux, a détaillé le ministre. Les capacités de l’armée de l’air seront maintenues, comme par exemple la faculté remarquable de basculer instantanément du temps de paix au temps de guerre. Vous l’avez démontré lors des raids aériens lancés vers le Mali depuis votre base, dans la nuit du 12 au 13 janvier. L’ensemble du personnel a œuvré pour ce résultat, du pilote au personnel du groupement de soutien de la base de Défense (GSBDD).»

 

Au cours de son déplacement, M. Le Drian a pu s’entretenir avec une grande partie du personnel civil et militaire de la base. Le ministre a également visité les installations de l’escadron de soutien technique aéronautique (ESTA) 15/007 «Haute-Marne».

 

«Nous sommes sur une base emblématique de la modernisation de l’armée de l’air, a estimé le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, présent aux côtés de M. Le Drian durant cette journée. Cette année, le terrain sur lequel est installé la base aérienne fête ses 100 ans. C’est une base historique qui a continué à évoluer. Elle est aujourd’hui équipée de bâtiments ultra-modernes, coïncidant avec l’évolution des systèmes Rafale, des systèmes de défense sol-air Mamba, ou encore la rénovation de la tour de contrôle. À cette image, le nouveau projet de Défense doit entraîner une modernisation des capacités aériennes.»

 

En savoir plus: cliquez-ici

 

Télécharger  le Livre blanc 2013.

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12 juin 2013 3 12 /06 /juin /2013 19:55
Défense : impossible de supprimer 24 000 postes sans fermer de bases militaires

11 juin 2013 Par Jean-Baptiste Le Roux - economiematin.fr

 

Il s'agit là du dilemme cornélien de François Hollande. Il voudrait supprimer des postes au sein des armées françaises, mais sans dissoudre aucun régiment ni base aérienne. Une impossibilité mathématique, voire un vrai casse-tête pour le chef des armées.

 

Le Livre blanc et la suppression de 24 000 postes

 

Ainsi l'armée verra 24 000 de ses effectifs être supprimés entre 2016 et 2019. C'est ce qu'a indiqué François Hollande lors de son discours devant les autorités de l'IHEDN, l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale. La conséquence d'un livre blanc fort décrié dans le monde militaire, et pour cause.

 

François Hollande ne veut pas fermer de sites militaires

 

Cependant François Hollande a également affirmé, au cours de ce même discours, que ces suppressions de postes se feraient sans fermer aucun site militaire. Il est vrai que les autorités militaires, et les observateurs de la chose militaire n'ont en revanche pas bien compris. Il ne s'agit en aucun cas d'une manoeuvre politicienne, ni d'une improvisation du chef de l'Etat. Tout cela était bien écrit dans son discours.

 

Une équation impossible à résoudre pour le ministère de la Défense

 

Le problème c'est que personne aujourd'hui ne voit comment supprimer 24 000 postes sans fermer les portes de certaines bases. Evidemment, il faut analyser le discours du président de la République à travers le prisme des municipales de 2014. C'est d'ailleurs pour cela que les projets de fermeture de certains régiments pressentis ont été remis au grenier par le ministère de la Défense. Des noms : Charleville-Mézières, Bitche, Gap, Valence, Luxeuil, Orange, Dijon, Rochefort ou Saintes.

 

On a beau retourner le problème dans tous les sens au ministère de la Défense, on ne trouve pas la solution. On pourrait pourtant supprimer des effectifs sans fermer de sites militaires, mais cela reviendrait à effacer une compagnie par ci, une division par là, et on taperait forcément dans les forces opérationnelles sans élaguer les unités de soutien comme prévu initialement. François Hollande doit prendre une décision car on ne peut faire d'omelettes sans casser d'oeufs...

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11 juin 2013 2 11 /06 /juin /2013 10:55
Carte nationale des bases de défense (MinDef 2011)

Carte nationale des bases de défense (MinDef 2011)

11/06 Par Alain Ruello - LesEchos.fr

 

François Hollande ne veut pas de fermeture de régiments ou de bases aériennes. Un casse-tête.

 

Le passage du discours n'a pas eu les honneurs des médias, mais il a fait grand bruit dans les rangs. Le 24 mai dernier, dans le cadre de l'Institut des hautes études de la défense nationale, l'IHEDN, François Hollande a confirmé les 24.000 suppressions de postes prévues par le Livre blanc de la défense entre 2016 et 2019. Pour ajouter aussitôt qu'elles se feraient sans… fermer de sites. Stupeur à l'état-major, obligé depuis de revoir sa copie, ce qui ne va pas sans poser de gros problèmes.

 

« Par rapport aux sites d'implantations militaires dans l'Hexagone, un sujet toujours sensible pour les personnels concernés, pour les élus des territoires, j'ai demandé qu'une attention particulière soit portée pour que nous puissions maintenir une présence partout sur le territoire et éviter des fermetures de sites », a déclaré le chef de l'Etat. Ajout improvisé pour essayer de faire passer la pilule dans une communauté militaire dont le moral est au plus bas ? Même pas : les phrases prononcées figurant dans le texte écrit du discours, il s'agit bien d'une volonté affirmée.

 

Il n'en a pas fallu plus pour que le ministère de la Défense gèle les plans dans les cartons et que les propos de François Hollande soient analysés à l'aune des municipales de mars 2014. Dit autrement : pas de vagues avec les élus locaux avant un rendez-vous politique qui s'annonce très difficile pour la majorité.

 

La pire des solutions

 

Le hic, c'est que personne au sein de la Grande Muette ne voit comment supprimer 24.000 postes autrement qu'en fermant des régiments ou des bases aériennes. « C'est irréaliste sans cela », confie un bon connaisseur du dossier. C'est d'ailleurs le schéma qui prévalait jusqu'au discours du 24 mai à l'IHEDN. A ce stade, rien n'ayant filtré sur les implantations sur la sellette, chacun y va de sa supputation : côté armée de terre, on cite le plus souvent Charleville-Mézières, Bitche, Gap ou encore Valence. Pour les aviateurs, les bases de Luxeuil, Orange, Dijon, Rochefort ou encore Saintes…

 

On en est là. Bien obligé d'obéir à son chef suprême, l'état-major réfléchirait selon nos informations, à un plan B. Puisqu'il ne faut rien fermer, alors on va réduire les effectifs unité par unité : une compagnie en moins par ci, une autre par là… Les militaires appellent cela de « l'échenillage », mais ils sont bien décidés à faire que cela ne se produise pas car pour eux cela serait la pire des solutions. Non seulement l'effort porterait en majorité sur les troupes opérationnelles, alors que la volonté est de dégraisser le soutien. Mais qui plus est, les unités combattantes en sortiraient affaiblies. « C'est sûr que cela pose des difficultés supplémentaires », reconnaît laconiquement un cadre du ministère. Bien décidé à ne pas rendre les armes comme cela, Jean-Yves Le Drian compte mettre le sujet au menue du prochain conseil de Défense, arguments à l'appui. « Evidemment qu'il faudra fermer quelques sites », abonde un officier général. A condition que François Hollande change d'avis.

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9 juin 2013 7 09 /06 /juin /2013 11:55
Discours du ministre de la Défense au colloque sur la cyberdéfense

03/06/2013 M. Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense

 

Discours d’ouverture du colloque sur la cyberdéfense

 

A Rennes, lundi 3 juin 2013

 

– Seul le prononcé fait foi –

 

I)     Introduction

 

Monsieur le Président, cher Pierrick,

 

Messieurs les officiers généraux,

 

Mesdames et Messieurs,

 

Je suis très heureux d’être avec vous ce matin, pour ouvrir ce colloque sur la cyberdéfense. Au moment où l’Ecole des transmissions fête ses quarante ans, c’est une grande satisfaction que de la voir se tourner ainsi vers l’avenir. Et notre plaisir est vif de voir, dans le même mouvement, la région Bretagne se distinguer par son excellence dans le domaine de la cyberdéfense.

 

II) Cybersécurité et livre blanc : le contexte

Discours du ministre de la Défense au colloque sur la cyberdéfense

a)    Le cyber espace : riche d’opportunités mais lourd de menaces

 

La cyberdéfense est une nouvelle donne stratégique. C’est d’abord un nouvel espace, riche d’opportunités mais aussi lourd de risques et de menaces. C’est ensuite un champ de recherche et d’action qui dépasse en effet les schémas classiques et qui nous incite à repenser globalement certains de nos modes de fonctionnement. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, que le Président de la République vient d’approuver, prend toute la mesure de cette nouvelle donne stratégique. En la considérant dans sa globalité, il porte la cybersécurité au rang de priorité nationale. Le mouvement initié par le Livre blanc de 2008 est donc accéléré ; un cap ambitieux est désormais fixé.

 

b)   Un enjeu sous-estimé : un effort considérable est nécessaire afin de sécuriser les systèmes d’importance vitale de la nation

 

Le constat est simple. L’interconnexion des systèmes d’information qui marque notre société, a généré des vulnérabilités nouvelles, qui n’ont pas été suffisamment accompagnées d’un effort simultané de protection. Les atteintes aux systèmes d’informations résultant d’actes hostiles intentionnels ou de ruptures accidentelles pourraient dès lors engendrer des dysfonctionnements, voire une paralysie de l’Etat ou de secteurs d’importance vitale pour la Nation. Je crois qu’il faut le reconnaître. Avons-nous été naïfs, trop confiants dans le développement de l’Internet et, plus largement, des systèmes d’information ? Comprendre le caractère stratégique de cet enjeu, reconnaître sa globalité est un défi majeur, que certains de nos grands partenaires ont bien compris.

 

Le temps passe et les évolutions s’accélèrent. L’hypothèse d’attaques informatiques majeures s’est renforcée depuis 2008, et le cyberespace est devenu un champ de confrontations à part entière. A titre d’exemple, le nombre d’attaques traitées par le ministère de la Défense, à travers le centre CALID, est en très forte augmentation : 420 en 2012, contre 196 en 2011.

 

 L’enjeu n’est plus seulement le risque de déni d’accès ou de pénétration des réseaux à des fins d’espionnage, alors même que ce risque est déjà considérable et avéré. Ce qui est désormais en jeu, c’est la capacité de prise de contrôle à distance ou bien de destruction d’infrastructures vitales pour notre pays, reposant sur des réseaux numérisés ; c’est désormais l’atteinte aux intérêts stratégiques de l’Etat et à notre autonomie d’appréciation, de décision et d’action, par la menace cyber. C’est un enjeu majeur de défense et de souveraineté de la Nation.

 

Au-delà de la dépendance accrue de la Nation aux systèmes d’information, les cyberattaques constituent donc, dès aujourd’hui et plus encore à l’horizon du Livre blanc, une menace majeure, à forte probabilité et à fort impact potentiel. De fait, chaque nouveau conflit comporte un volet cybersécurité, qui est de plus en plus global : il touche aussi bien les individus, comme au début des révolutions arabes, que le cœur d’un sanctuaire national avec l’épisode Stuxnet en Iran, ou encore des acteurs économiques majeurs, comme l’illustrent les attaques de l’été 2012 contre la société Aramco, le principal exportateur saoudien.

 

Mais le cyber est aussi investi par des groupes non étatiques, qui y trouvent une arme idéale. Que leurs motivations soient politiques, idéologiques ou mafieuses, ils développent ainsi la capacité d’affronter à distance un Etat, avec une facilité qui leur était auparavant interdite. Bien plus, l'ordre international qui fixe les frontières et régit les rapports entre les Etats, se retourne à l’avantage de ces groupes en gênant les poursuites contre eux,  par une série d’obstacles juridiques et politiques qui, pour l’heure, n’ont pas été levés.

 

c) Ne peut que s’appréhender en multinational (union européenne et OTAN)

 

Discours du ministre de la Défense au colloque sur la cyberdéfense

Ce défi majeur, chaque nation européenne y fait face aujourd’hui ; chacune en est consciente et développe ses propres stratégies ; mais pour peser, je veux le dire d’entrée, la solution, notre solution, ne peut être qu’européenne. Je salue les efforts récents de l’Union Européenne pour se doter d’une stratégie en la matière. C’est une première étape. La prochaine, avec un Conseil européen en décembre consacré aux questions de défense, devra approfondir cette ambition. Il appartient aux Européens de prendre en charge leurs propres infrastructures vitales ; il leur revient de trouver une juste complémentarité avec l’OTAN. De ce point de vue, il faut valoriser les centres d’excellence dont ces organisations disposent d’ores et déjà. Je pense notamment au centre de Tallinn, en Estonie, pays qui fut la première victime d’une attaque cybernétique de grande ampleur. C’était en 2007. Aujourd’hui, la France rallie ce centre avec une volonté, celle de rapprocher l’Union et l’Alliance dans le domaine de la cyberdéfense.

 

III) Cybersécurité et livre blanc : la réponse

 

a)    Le Livre Blanc 2013 précise la doctrine nationale qui associe prévention et réaction

 

Pour cet ensemble de raisons, le Livre blanc de 2013 élabore une doctrine nationale de réponse aux agressions informatiques majeures. Une politique de sécurité ambitieuse sera ainsi mise en œuvre, afin d’identifier l’origine des attaques, d’évaluer les capacités offensives des adversaires potentiels et l’architecture de leurs systèmes, et de pouvoir ainsi les contrer. Cette politique sera globale, avec deux volets complémentaires.

 

D’une part, la montée en puissance d’une posture robuste et résiliente pour protéger les systèmes d’information de l’État, les opérateurs d’importance vitale et les industries stratégiques. Cette posture repose sur une organisation opérationnelle de défense de ces systèmes, qui est coordonnée sous l’autorité du Premier ministre et qui associe étroitement les différents services de l’Etat. C’est le premier volet.

 

D’autre part, une capacité de réponse gouvernementale devant des agressions qui sont de nature et d’ampleur variées. Cette capacité de réponse fera en premier lieu appel à l’ensemble des moyens diplomatiques, juridiques ou policiers, sans s’interdire l’emploi gradué de moyens relevant du ministère de la défense, si les intérêts stratégiques nationaux sont menacés.

 

Pour atteindre ces objectifs, plusieurs axes d’effort ont été identifiés, et vous me permettrez d’en dire un mot.

 

b)   Une capacité offensive viendra compléter les moyens d’action de l’Etat

 

En premier lieu, au sein de cette doctrine nationale, la capacité informatique offensive, associée à des capacités de renseignement, concourt de façon significative à notre posture de cybersécurité. Elle contribue notamment à caractériser la menace et à identifier son origine. Elle permet, en outre, d’anticiper certaines attaques et de configurer nos moyens de défense en conséquence. La capacité offensive enrichit la palette des options qui sont à la disposition de l’Etat. Elle comporte elle-même différents stades, qui sont plus ou moins réversibles, plus ou moins discrets, mais toujours proportionnés à l’ampleur et à la gravité de la situation.

 

c)    Plus spécifiquement au sein du Ministère de la Défense, la posture de cybersécurité monte en puissance et concerne l’ensemble des milieux classiques (terre, air, mer)

 

La démarche est donc globale, mais elle concerne spécifiquement la défense, et je voudrais à présent m’y attarder. Le nouveau modèle d’armée comprend des capacités de cyberdéfense militaire, en relation étroite, d’abord, avec le domaine du renseignement. Dans le cyberespace en particulier, où les frontières sont floutées et où le brouillard du monde virtuel permet toute sorte de manipulation, le renseignement joue en effet un rôle majeur, pour connaître et anticiper la menace. Dans ce contexte, on comprend que l’imputation des attaques ne saurait se limiter à des preuves de nature juridique, mais doit intégrer l’intime conviction que permettent des faisceaux d’indices convergents.

 

Ces dernières années, des attaques ont pour la première fois explicitement visé la neutralisation de systèmes critiques, même non connectés à Internet. Ces attaques sont de plus en plus sophistiquées et ciblées. Outre la protection des informations, la fiabilité et la résilience des systèmes d’armes comme des porteurs représentent donc aujourd’hui un enjeu majeur pour nos armées. De nombreuses mesures ont été déjà prises, à la fois pour fortement renforcer notre posture de cybersécurité, qui repose sur un volet préventif de protection et un volet actif de défense des systèmes, mais aussi pour développer une capacité offensive.

 

Ainsi, les moyens humains qui sont consacrés à la cyberdéfense seront sensiblement renforcés, à la hauteur des efforts consentis par nos principaux partenaires européens. Ils vont ainsi augmenter de 350 personnes d’ici 2019. Ensuite, un renforcement de la sécurité des systèmes d’information de l’État est nécessaire. Au-delà, l’État doit soutenir les compétences scientifiques et technologiques performantes du domaine cyber, car la capacité à produire en toute autonomie nos dispositifs de sécurité, notamment en matière de cryptologie et de détection d'attaque, est une composante essentielle de la souveraineté nationale. Enfin, le développement de relations étroites avec nos principaux partenaires étrangers devra être soutenu.

 

d)   La chaîne opérationnelle de commandement intègrera dorénavant l’ensemble des aspects cyber

 

Vous comprenez ainsi que le cyberespace est désormais considéré comme un milieu à part entière par les armées ; il fait l’objet d’une approche semblable à celle adoptée pour les milieux aérien, terrestre et maritime. Une chaine de commandement opérationnel de la cyberdéfense est ainsi déployée depuis 2011. Pleinement intégrée au commandement interarmées des opérations, elle traite de l’ensemble des volets de la cyberdéfense. Un schéma directeur, à l’horizon 2020, a été réalisé et validé il y a un an.

 

Cette chaine opérationnelle de cyberdéfense est donc en voie de consolidation. Elle permettra d’offrir une vision globale et une mobilisation rapide des moyens en cas de besoin, tout en s’intégrant pleinement aux autres chaines de conduite des opérations maritimes, aériennes, terrestre ou spéciales. Car il ne s’agit pas de greffer un nouveau service qui serait autonome, mais au contraire d’irriguer, sous un commandement unifié, l’ensemble des actions menées. Le cyberespace est partout ; il est consubstantiel des autres milieux. L’enjeu est donc de travailler autrement, d’adapter la façon de commander, de coopérer étroitement, et le cas échéant de mutualiser les équipements. C’est dans cette logique que les centres de surveillance relevant de l’ANSSI et de la chaine cyber des armées seront co-localisés à partir de cet été. Dans le même esprit de rapprochement des acteurs et des modes de travail, des experts opérationnels des armées sont d’ores et déjà intégrés au sein des équipes techniques de la DGA, pour bénéficier d’une boucle très courte entre les besoins opérationnels et l’expertise technique.

 

Au-delà de cette organisation, une nouvelle doctrine de cyberdéfense militaire est en préparation, dix-huit mois après la précédente. C’est dire si cette nouvelle donne stratégique évolue rapidement, et combien nous devons nous-mêmes savoir nous y adapter.

 

e)    La base industrielle (grands groupes et PME) sera renforcée par un soutien à la R&D et la mise en place d’une politique industrielle coordonnée

 

Dans la même perspective, le renforcement de la base industrielle de technologies de défense et de sécurité nationale est indispensable, car elle demeure fragile, malgré un véritable potentiel. La cybersécurité est une question de spécialistes, mais elle est en même temps l’affaire de tous, et je pense ici en particulier aux acteurs économiques. Nous bénéficions de la présence en France de grands industriels de défense, capables de réaliser des systèmes complexes et performants, ainsi que de grands opérateurs. Nous disposons également de nombreuses PME innovantes, que nous devons soutenir et protéger. Mais il faut encore accroître notre effort et développer les synergies.

 

A cette fin, une politique industrielle est en cours d’élaboration, depuis le financement de la R&D au soutien à l’exportation, en passant par d’importants programmes d’équipement en moyens de cyberdéfense et de sécurisation de nos grands systèmes d’information. Ce ne sont pas seulement des mots : les crédits consacrés aux études amont sont en train d’être triplés, de 10 à 30M€ par an. Ces études sont cruciales ; en levant des verrous technologiques, et en développant des compétences techniques très pointues au sein des équipes étatiques et industrielles, elles préparent l’avenir à court, moyen et long terme. Pour compléter cette politique, la recherche académique est encouragée, notamment au travers de contrats d’étude et de co-financement de thèses de doctorat.

 

f)     La réserve citoyenne et opérationnelle doit être développée

Discours du ministre de la Défense au colloque sur la cyberdéfense

 

Elaboration d’une doctrine, renforcement de la chaîne de commandement opérationnelle, définition d’une politique industrielle… Le développement de nos capacités militaires de cyberdéfense s’insère dans une démarche globale, qui doit faire l’objet d’une haute priorité, pour rester en phase avec la croissance très rapide de la menace que j’évoquais il y a un instant.

 

Cet effort considérable que nous devons fournir, pour ne pas nous laisser distancer, reposera avant tout sur les hommes et les femmes qui vont être les acteurs de la cybersécurité de notre société numérique. C’est toute la question de la réserve. A côté de la réserve citoyenne qui a été créée pour sensibiliser la société à ces problématiques et créer un esprit de cyberdéfense, il semble important d’étudier la mise en place d’une réserve opérationnelle, qui serait adaptée à traiter une crise informatique majeure touchant l’ensemble du territoire, cela en appui des différents services de l’Etat et des collectivités territoriales.

 

IV) Cybersécurité et Bretagne

 

Mais c’est aussi et surtout vers la formation que notre effort doit se porter, et j’en viens aux lieux qui nous rassemblent aujourd’hui.

 

a)    La formation est un sujet majeur qui doit se développer notamment en Bretagne autour de Coëtquidan avec la participation des acteurs étatiques, académiques et industriels

 

Avec plusieurs grands partenaires du monde des technologies de l’information, le ministère de la défense soutient l’idée d’un pôle d’excellence de cyberdéfense. Ce pôle pourrait se traduire par un projet ambitieux, avec un centre de cyberdéfense associant les compétences des armées et de la DGA, à celles des écoles d’ingénieurs (SUPELEC, TELECOM Bretagne…) et des grands centres universitaires de la région (Rennes II, IUT Lannion et Saint-Malo, ou encore l’Université de Bretagne Sud avec la mise en place d’une formation originale par alternance en apprentissage). Cet ensemble bénéficierait de l’image des Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan, autant que du soutien avisé des grands maîtres d’œuvre des systèmes de défense.

 

Vous l’aurez deviné, c’est là une vision qui me tient à cœur. Elle porte certes une part d’inconnues, mais devant la multiplication des enjeux cyber, je crois qu’il devient urgent d’être ambitieux. Coëtquidan, où la première chaire de cyberdéfense et cybersécurité a été inauguré en novembre 2012 en partenariat avec Sogeti et Thalès, est le creuset où peut se forger cette capacité dont notre nation a besoin. La DGA soutiendra la démarche en apportant son expertise technique en termes de connaissance de la menace, de maîtrise et de simulation des systèmes complexes. L’Ecole des transmissions sera également fortement associée, en particulier dans le cadre de la formation à la technique, aux modes opératoires et aux doctrines, mais aussi à l’éthique, qui est un autre enjeu essentiel dans un espace où la technologie permet toutes les manipulations.

 

C’est une aventure audacieuse, une vision à laquelle il convient de donner vie. Tous les ingrédients sont réunis pour que la Bretagne accueille ce projet de centre de formation à la cyberdéfense, et j’appelle dans cette perspective nos grands partenaires à rejoindre l’élan qui est déjà celui de nos amis de la communauté de communes du pays de Guer. J’ai d’ailleurs, dans cette perspective, missionné l’inspecteur général des armées-armement Jean-Bernard Pène, pour montrer la faisabilité académique et la viabilité économique de ce projet et, du même coup, engager un dialogue avec tous les acteurs intéressés – les écoles, la DGA, les laboratoires, les entreprises… La constitution d’un club de partenaires me semble à cet égard une perspective intéressante.

 

Mais nous ne devons pas seulement nous cantonner à la formation d’experts et de techniciens. Un effort de sensibilisation doit être fait à l’égard des collégiens et des lycéens, et là encore, la région Bretagne, à travers son projet Bretagne numérique, a un rôle à jouer.

 

Enfin et surtout, l’activité dans ce domaine doit se nourrir de collaborations avec tous les acteurs comme les écoles, la DGA, les laboratoires des universités, les entreprises.

 

b)   Le soutien à l’innovation est l’autre priorité, notamment à destination des PME, et particulièrement en Bretagne

 

A côté de la formation, une autre urgence concerne le développement et l’innovation, qu’il faut encourager. Nous le faisons, et c’est notre force. Mais il y a une difficulté, qui tient un peu de la lutte entre glaive et le bouclier. L’enjeu est d’un côté de savoir détecter les attaques qui visent les systèmes d’information, et de l’autre côté, de rester en capacité de fournir le système le plus robuste possible, cela au meilleur rapport coût-efficacité. Cet équilibre n’est pas simple à trouver. Dans ce domaine de l’innovation, deux acteurs se distinguent au profit de la cyberdéfense, et je veux les saluer : les opérateurs, ou systémiers, qui sont les seuls à maîtriser de bout en bout la complexité croissante de la mise en œuvre des réseaux et des grands systèmes, mais également les PME, nombreuses dans notre région, qui constituent ensemble un creuset sans pareil de l’innovation technologique.

 

Dans ce domaine également, la Bretagne est appelée à jouer un rôle important. Le 7 septembre dernier, j’ai signé avec Pierrick Massiot un partenariat de développement des activités de recherche duale, qui va tout à fait dans ce sens. Cette convention favorise le développement des PME. Elle permet le cofinancement et l’accompagnement, par la DGA et la région Bretagne, de projets innovants proposés par des industriels. L’expertise de la Bretagne en matière de cyberdéfense se distingue par son excellence ; elle doit le demeurer. Comme je l’avais annoncé en septembre 2012, deux cents emplois vont être créés au sein de DGA Maîtrise de l’Information, au profit du centre d’expertise technique pour la cyberdéfense du ministère de la défense. En 2017, nous aurons ainsi 400 experts de très haut niveau couvrant l’ensemble des domaines d’expertises technique de la cybersécurité : cryptologie, microélectronique, architecture d’équipements de sécurité et de systèmes, analyse de composants logiciels et matériels…

 

V) Conclusion

 

 Mesdames et Messieurs,

 

Le cyberespace, dont nous ne faisons encore qu’effleurer les aspects les plus déstabilisants, est de toute évidence l’une des clés de notre défense et de notre souveraineté. Avec le Livre blanc de 2013, nous venons de poser la pierre d’angle de l’ambition nationale en matière de cyberdéfense. Pour présenter cette ambition, je tenais à m’exprimer devant vous, car je sais l’excellence que la Bretagne représente déjà dans ce domaine et, en même temps, tout le potentiel qui est encore le sien.

 

En ouvrant cette journée, je forme donc le vœu qu’elle soit fructueuse pour vous tous, et qu’à travers elle, vous fassiez vôtre l’ambition que je tenais à partager avec vous ce matin.

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6 juin 2013 4 06 /06 /juin /2013 15:55
Du Livre Blanc au Conseil Européen de Décembre : Comment relancer L'Europe de la Défense ?

Conférence parlementaire sur l'Europe de la Défense le 13 juin

 

Les nouvelles menaces, le rééquilibrage stratégique des États-Unis vers le Pacifique et la rigueur budgétaire au sein des États-membres de l'Union européenne sont autant de facteurs qui conduisent la France à mener une réflexion rénovée et approfondie sur l'Europe de la Défense. Le Président de la République a donc demandé à ce que soit redéfinie notre stratégie nationale et nos capacités nécessaires pour les quinze ans à venir en matière de défense et de sécurité. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a été rendu public le 29 avril 2013. Il sert de base à la nouvelle loi de Programmation Militaire qui sera présentée à l'été 2013. Cette nouvelle LPM aura une portée très particulière et symbolique puisqu'elle devrait être adoptée à l'automne par le Parlement et surtout à la veille du Conseil européen de décembre 2013 qui, pour la première fois depuis 5 ans, a inscrit la Défense à son ordre du jour.
 
Dans ce contexte, nous avons décidé d'organiser la première édition de la Conférence parlementaire sur l'Europe de la Défense en présence de :
 
Laurent FABIUS, ministre des Affaires étrangères
et
Jean-Yves LE DRIAN, ministre de la Défense
 
 
La journée-débats se déroulera le jeudi 11 juillet 2013, Salle Victor Hugo à l'Assemblée nationale
 sur le thème :
 
DU LIVRE BLANC AU CONSEIL EUROPÉEN DE DÉCEMBRE :
COMMENT RELANCER L'EUROPE DE LA DÉFENSE ?
 
Présidée par
Jacques GAUTIER
Sénateur des Hauts-de-Seine,
vice-président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
Elisabeth GUIGOU
Députée de Seine-Saint-Denis,
présidente de la Commission des affaires étrangères
Cette conférence a pour but de réunir et favoriser les échanges entre de nombreux parlementaires, acteurs institutionnels et industriels du secteur de la défense, de l'aéronautique et de la sécurité.
 
Les débats s'articuleront autour des trois tables rondes suivantes :
Débat I - L'Europe face aux crise futures
Débat II - Quelles capacités militaires pour des opérations européennes ?
Débat III - Comment conserver une industrie de défense en Europe ?
 
Pour vous inscrire en ligne, nous vous invitons à vous rendre sur notre site internet.

 

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 16:00
Livre Blanc 2013 : le chef d'état-major de l'armée de l'air s'exprime

05/06/2013 Ltt Alexandra Lesur-Tambuté  - Actus Air

 

Comme promis, le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, a souhaité s’adresser aux aviateurs suite à la sortie du nouveau Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale, le 29 avril 2013. Échanges en toute franchise sur l’avenir de l’institution.

 

Mon général, vous avez participé à la commission en charge de rédiger le nouveau Livre blanc. Quel a été votre rôle et quels ont été vos objectifs durant cette rédaction ?

Le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air - Comme tous les membres de la commission, mon rôle a été d’apporter ma réflexion aux travaux du Livre blanc. Nous sommes satisfaits de constater qu’un grand nombre de nos propositions ont été reprises dans ce document qui fixe les grandes orientations en matière de Défense. Cette considération est d’autant plus importante pour notre institution qu’elle établit une cohérence entre le projet de l’armée de l’air, récemment présenté aux aviateurs, et les grands principes retenus dans le Livre blanc.

Justement, quels sont selon vous les points clés, les orientations qu’il faut retenir de ce nouveau Livre blanc pour l’armée de l’air ? 

Je retiens principalement que les orientations que j’ai souhaitées pour l’armée de l’air sont parfaitement cohérentes avec les quatre principes directeurs annoncés par le ministre de la Défense. Le premier point concerne la question de l’autonomie nationale pour laquelle l’armée de l’air est fortement impliquée à travers sa participation très active aux missions permanentes (dissuasion, protection) ainsi que par sa  capacité à réagir immédiatement à une décision. Le deuxième point est axé sur la cohérence du modèle et des missions que nous sommes amenés à réaliser. Cette cohérence nous oblige à adapter en permanence notre dispositif en fonction de nos engagements. Elle s’exprime dans notre capacité à avoir des forces adaptées à toutes les phases d’une opération. C’est pourquoi nous devons aller vers une différenciation de l’entraînement, entre les forces capables d’entrer en premier avec une très grande réactivité et celles capables de durer. Cette différenciation des forces est d’ailleurs le troisième point mis en évidence par le ministre. Une nécessité qui entraîne également une différenciation de certains équipements. Pour passer la période budgétairement difficile, nous allons donc utiliser encore quelques temps des flottes plus anciennes, en ralentissant la modernisation de certains équipements sans l’interrompre. Nous l’avons réalisé au Mali, lorsque nous avons remplacé les Rafale de la permanence opérationnelle par des Mirage 2000 pour les envoyer en intervention. Enfin, le ministre de la Défense met en avant le principe mutualisation C’est un processus qui guide depuis longtemps notre action, notamment avec nos partenaires européens au sein de l’’EATC (1) et que nous poursuivrons avec des projets phares tels que celui de l’A400M, du MRTT ou des drones.

Avec ce Livre blanc, l’armée de l’air s’apprête à subir de nouvelles modifications. On parle de 34 000 postes supprimés pour la Défense, d’équipements revus à la baisse… Quelle réalité pour l’institution ?

Oui, nous allons vers un format plus réduit avec des diminutions qui seront conséquentes. Nous avons déjà fait des efforts entre 2008 et 2013 et nous devrons de nouveau en fournir. Mais dans ce format revu à la baisse, il est également question de projet et donc de modernisation. J’ai deux objectifs pour l’armée de l’air de demain. Tout d’abord, celui de continuer à moderniser ses capacités dans les domaines qui ont été présentés dans le projet « unis pour faire face ». D’autre part, celui de remonter son niveau d’activité aérienne en baisse actuellement de 20%, ce que je ne peux accepter. Ainsi, les  cinq priorités de l’armée de l’air, que j’ai annoncées dans le projet s’inscrivent parfaitement avec les objectifs affichés dans le Livre blanc. L’armée de l’air devra poursuivre sa capacité à commander et à conduire des opérations avec notamment la modernisation des outils de détection sur le territoire national. Elle devra toujours contribuer à notre autonomie nationale dans l’appréciation des  situations et garantir l’acquisition du renseignement nécessaire pour une opération au travers d’une différenciation de ses capteurs de renseignement, et de l’acquisition de systèmes de drones de type MALE (2). De plus, l’armée de l’air poursuivra sa mise en œuvre de structures adaptées garantes de notre capacité de réaction immédiate. En parallèle, elle développera ses moyens de projection avec l’arrivée de l’A4000M et le remplacement des tankers (ravitailleurs), avec le futur avion multirôle MRTT (3). Enfin, nous moderniserons nos capacités de formation et d’entraînement pour répondre aux nouvelles orientations.

Comment conserver la performance de l’armée de l’air dans un contexte de restructurations et de réorientations ?

Aujourd’hui, l’opération Serval, au Mali, a démontré le potentiel et le niveau extraordinaire acquis par l’armée de l’air. Pour la première fois depuis très longtemps, nous avons mené une opération sous notre propre commandement et contrôle. Le format capacitaire retenu dans le Livre blanc est un format, certes, plus ramassé, mais qui nous permet de maintenir le niveau atteint par l’armée de l’air, au Mali. Nous arrivons toutefois à un seuil limite, en-dessous duquel il faudrait sûrement réaliser des choix impactant la capacité des armées à s’engager dans une opération extérieure. Actuellement, le format annoncé dans le Livre blanc nous permet bien heureusement de conserver notre superbe armée de l’air, sa réactivité et sa performance, même si le court terme sera très difficile.

 

"Soyons unis pour faire face"

 

Après le Livre blanc de 2008, les aviateurs ont su faire face à des restructurations importantes. Quel message voulez-vous leur adresser aujourd’hui en cette période annonciatrice de nouvelles réformes ?

Il faut continuer à travailler sur le projet de l’armée de l’air « Unis pour faire face ». D’autre part, il ne faut pas se focaliser sur les formats. C’est bien la cohérence que nous construisons qui nous fera avancer. Le projet de l’armée de l’air nous fixe plusieurs objectifs clairs dont celui de se recentrer sur des valeurs qui nous sont essentielles. Il a également vocation à redonner des responsabilités aux différents niveaux de commandement par une adaptation de nos structures militaires, la création d’escadres de nouvelle génération, le tout étayé par la mise en œuvre attendue de stages de formation au profit des officiers et des sous-officiers supérieurs appelés à exercer des responsabilités. Tout ceci va nous donner l’opportunité de préparer au mieux le futur de l’armée de l’air.

Avez vous déjà des échéances programmées dans la mise en œuvre du Livre blanc ?

La prochaine échéance extrêmement importante concerne la loi de programmation militaire. Elle va traduire l’ambition du Livre blanc et fixer le cap pour les six prochaines années. La deuxième échéance concerne, quant à elle, la traduction physique du projet de l’armée de l’air « Unis pour faire face ». En effet, nous allons très bientôt mettre en œuvre ce que nous avions annoncé. Le comité stratégique reviendra sur les bases aériennes le moment venu présenter aux aviateurs la mise en exécution de la loi de programmation militaire et celle du projet de l’armée de l’air, qui sont étroitement liées.

Le nouveau projet de l’armée de l’air « unis pour faire face » que vous avez présenté est-il une anticipation des réformes à mener suite au Livre blanc ? Constitue-t-il une mesure fédératrice pour aider les aviateurs à intégrer au mieux le nouveau visage de la Défense ?

Le nouveau projet n’était pas une anticipation mais un besoin de remise en cohérence globale des différentes réformes qui se sont télescopées jusqu’à présent. Dans cette remise en cohérence, plusieurs grands objectifs se dessinaient naturellement et je savais, étant un membre de la commission du Livre blanc, qu’ils étaient en accord avec les nouvelles orientations à venir. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons souhaité présenter le projet de l’armée de l’air avant la sortie du Livre blanc. Dans le projet « Unis pour faire face », nous avons mis en évidence le principe de différenciation des forces ou encore les efforts que nous souhaitions porter sur les moyens de renseignement et de surveillance. Des objectifs confortés dans le nouveau Livre blanc avec notamment l’acquisition de douze drones, et de moyens ISR (4) léger. Ce projet offre des objectifs clairs, qui démontrent que nous ne subissons pas notre avenir mais que nous le maîtrisons. Pour cela, il est très important d’expliquer les nouvelles orientations aux aviateurs, qu’ils puissent comprendre ce que nous faisons, qu’ils puissent y adhérer, et surtout en être les acteurs principaux. Je ne peux commander l’armée de l’air seul. Elle appartient à tous les aviateurs.

(1) EATC : European Air Transport - commandement européen du transport aérien

(2) MALE : moyenne altitude longue distance 

(3) MRTT : Multirole Transport Tanker - avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport

(4) ISR : Intelligence Surveillance and Reconnaissance

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 15:55
Allocution du CEMA à la commission de Défense et des forces armées

 

 

04/06/2013 Sources : EMA

 

Le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, s'est présenté devant la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale le 22 mai.

 

"La date de cette audition est d’autant mieux choisie que ce matin même le général Barrera est venu me rendre compte de la fin de son mandat, le général Laurent Kolodziej lui succédant à la tête de la brigade Serval, et que j’ai reçu hier le général Foucaud, qui prendra dans trois semaines la relève du général de Saint-Quentin comme commandant de l’opération.

 

En tout état de cause, quatre mois et demi après son déclenchement et un mois après le vote du Parlement autorisant sa poursuite, il est intéressant de faire le point, avant de s’interroger sur les perspectives à court, à moyen et à long termes.

 

Des membres de la commission et vous-même, Madame la présidente, vous êtes rendus sur place et vous avez pu constater les particularités de la bande sahélo-saharienne. Vous avez aussi pu mesurer les conditions extrêmes auxquelles nos hommes sont confrontés – aujourd’hui, à Gao, il fait 45° à l’ombre !

 

Ces déplacements de parlementaires sur les théâtres d’opération sont nécessaires, je dirais même essentiels, non seulement pour vous, élus de la Nation, mais aussi pour nos troupes sur place. Votre présence témoigne en effet de l’attachement que vous leur portez et de la reconnaissance de la communauté nationale. Je tiens à ce propos à rendre hommage aux six militaires français morts au combat et à nos blessés – un peu plus de deux cents depuis le début de l’opération, étant entendu que j’inclus dans ce nombre les quelque 150 qui ont été victimes d’un « coup de chaleur ».

 

Mon propos s’articulera en trois parties. Je vous donnerai d’abord mon appréciation sur la situation en ce 22 mai et sur les perspectives immédiates qui s’en dégagent. Je vous indiquerai ensuite les premiers enseignements tirés de cette opération, avant d’évoquer pour finir les enjeux de nos futures interventions telles qu’on peut les envisager à la lumière du Livre blanc.

 

Il me faut commencer par rappeler quelques éléments de contexte ainsi que les objectifs fixés par le Président de la République. Vous le savez, notre intervention a été décidée au profit d’un État malien en situation de fragilité, qui ne contrôlait plus ses frontières depuis longtemps, laissant libre cours à toutes sortes de trafics. Les Nations unies estiment ainsi à treize milliards de dollars la valeur marchande de la drogue ayant transité en 2012 par le bassin sahélo-saharien, soit huit fois le budget de l’État malien. La situation politique laissée par Amadou Toumani Touré mêlait complaisance et corruption. L’État se montrait incapable d’apporter la moindre réponse aux attentes des populations du Nord, au moment même où de nombreux mercenaires touaregs rentraient chez eux après la chute du régime libyen.

 

C’est dans ce cadre que l’armée malienne a subi deux déroutes successives, au premier semestre de 2012, puis à partir de décembre dernier. Confrontée à des combattants aguerris, elle était mal commandée, rarement payée, mal équipée et affaiblie par des clivages internes. Elle s’est révélée dans ces conditions incapable de défendre la souveraineté de l’État, en dépit des actions de coopération menées de longue date, par nous-mêmes et par nos alliés.

 

Il faut également se souvenir que cette zone retenait notre attention depuis 2007, à cause des prises d’otages qui s’y sont produites – dix-huit en 2011 et six autres en 2012 –, dont onze ont concerné des Français. Face à cette situation, nous avons procédé à de nombreuses planifications de précaution, pour être à même de faire face à tous les cas de figure – sans pour autant envisager ce qui s’est passé précisément en janvier. Nous avons également mené des actions ponctuelles, avec un déploiement préventif de forces spéciales dans l’ensemble de la zone pour instruire les forces africaines. Enfin, dès 2009, le Gouvernement a établi un plan interministériel, dit « Plan Sahel », comprenant coopération, soutien militaire, aide à la justice et aide au développement.

 

Mais, de façon générale, jusqu’au 11 janvier, la France a privilégié l’action indirecte dans un cadre multilatéral où étaient mis en avant les Africains et leurs organisations régionales, au premier rang desquelles la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine, notre pays intervenant essentiellement en soutien.

 

Ce qui a déclenché notre engagement, c’est le « pas de trop » franchi par les groupes armés djihadistes – qui s’est révélé une erreur stratégique – lorsqu’ils ont cherché à sortir de l’Azawad « historique » et tenté de s’emparer de la ville de Mopti et, surtout, de la piste de Sévaré.

 

Les objectifs fixés par le Président de la République lors des conseils restreints de janvier étaient parfaitement clairs : stopper l’offensive vers Bamako et ainsi préserver l’existence d’un État malien ; détruire – ce qui signifie en langage militaire neutraliser 60 % des forces ennemies – et désorganiser la nébuleuse terroriste ; aider au rétablissement de l’intégrité et l’unité territoriales du Mali ; enfin, rechercher les otages, les nôtres en particulier.

 

Je vous rappelle brièvement l’enchaînement des opérations. L’avancée des groupes armés djihadistes a été bloquée dès le 11 janvier, premier jour de l’opération ; Gao a été reprise le 26 janvier, Tombouctou le lendemain, de sorte que les djihadistes ont été repoussés au nord du fleuve Niger ; à la fin de février, nous avons atteint la frontière algérienne avec la libération de la ville frontalière d’In Khalil ; le sanctuaire d’Al-Qaïda de l’Adrar des Ifhogas a été pris début mars, après des affrontements dont vous avez tous vu des images et qui se sont déroulés notamment dans la vallée de l’Amettetaï.

 

En quatre mois donc, l’offensive a été brisée. Il n’y a plus de sanctuaire djihadiste au Mali : 80 % de la logistique des terroristes a été détruite et ils ont été chassés des zones de peuplement. L’État malien a commencé à réinvestir le Nord. Enfin, il n’y a plus dans le Nord-Mali de zone où nous ne soyons allés, seuls ou accompagnés des forces africaines, au premier rang desquelles les Tchadiens et les Nigériens, mais sans oublier les Mauritaniens avec lesquels nous avons coopéré dans le Nord-ouest, en plein accord avec les autorités de Bamako.

 

Les nombreux défis que nous avons relevés méritent d’être soulignés, notamment ceux du temps, de l’espace – ou plutôt des espaces – et du climat.

 

Le temps tout d’abord. Notre réaction au déclenchement de l’opération a été, j’oserai le mot, fulgurante. En l’espace de quelques heures, nous avons traduit la volonté politique de la France en action militaire. La cadence de l’opération a également été extrêmement rapide : nous avons toujours conservé l’initiative sur l’adversaire ; nous avons pu reprendre leurs principaux points stratégiques avant la saison chaude, évitant ainsi l’enlisement que prédisaient certains.

 

L’espace a également constitué un défi, d’abord en raison de l’éloignement du Mali puisque Bamako se trouve à quatre mille kilomètres de Paris, ensuite en raison de la diversité d’un territoire où coexistent désert de sable au Nord-ouest, désert montagneux au Nord-est et savane désertique au Sud-est, le Sud-ouest étant mi-désertique mi-marécageux. Il s’agit enfin d’un espace immense : la distance de Bamako à Gao équivaut à celle de Paris à Brest mais, sans voie ferrée ni autoroute et par plus de 40 degrés, il faut dans le meilleur des cas trois jours pour la parcourir en l’absence de toute opposition.

 

Le troisième défi est celui du climat. Vous avez pu constater lors de votre déplacement à quelles conditions extrêmes nos troupes doivent faire face. Les combats de l’Adrar ont été livrés par une température de 45°. Chargé de trente kilos, chaque homme avait besoin de dix litres d’eau par jour. Comme ils étaient deux mille, ce sont donc vingt tonnes d’eau qu’il fallait acheminer quotidiennement, soit la capacité de deux avions C-130. D’autre part, dans les conditions météorologiques actuelles, un C-160 Transall ne peut transporter que vingt-huit passagers au maximum, contre soixante en plein hiver. Nos soldats ont tenu, non seulement parce qu’ils étaient bien entraînés, mais aussi parce que nous avons pu relever ce défi logistique.

 

Les actions politiques, diplomatiques et militaires ont toujours été en phase. Je voudrais mettre en exergue deux points en particulier. Le premier est connu et reconnu, et je l’avais déjà évoqué à propos de l’opération Harmattan : le processus décisionnel politico-militaire français est réactif grâce à une chaîne aussi courte que possible. Deuxièmement, nous avons bénéficié du soutien quasi immédiat de certains de nos alliés et partenaires.

 

J’en viens aux perspectives immédiates.

 

Conformément à la volonté exprimée par le Président de la République, nous avons commencé à réduire notre empreinte sur le théâtre. En effet, la poursuite des opérations ne nécessite plus le même niveau de forces ; d’autre part, la mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) a commencé à déployer ses 6 000 hommes, y compris dans le Nord, en attendant de se transformer, à partir du 1er juillet, en mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), d’effectif double, soit plus de 12 000 hommes.

 

L’État malien, quant à lui, s’est engagé dans un processus de réconciliation nationale : les administrations commencent à revenir dans le Nord du pays ; un médiateur agréé par toutes les parties a été désigné pour discuter avec toutes les populations, touarègues comme arabes, qui ne sont pas plus unies les unes que les autres. Enfin, il est maintenant quasiment certain qu’une élection présidentielle se tiendra le 28 juillet et le 11 août, juste après le ramadan. Comme l’a indiqué le Président de la République, c’est la vitesse à laquelle se déroulera ce processus qui dictera le niveau et la nature de notre présence.

 

La réconciliation a aussi besoin du financement de la communauté internationale et de l’implication des acteurs régionaux. De ce point de vue, on ne peut que se réjouir du succès de la conférence des donateurs de Bruxelles qui, le 15 mai, s’est achevée sur la promesse de 3,2 milliards d’euros de dons. Comme je vous l’ai dit, l’intervention au Mali n’a pas constitué une surprise en elle-même : seule la date et le facteur déclenchant nous étaient inconnus. Nous avions envisagé toutes les hypothèses, excepté que les trois groupes djihadistes lanceraient ensemble une offensive militaire en bonne et due forme.

 

Il est d’ores et déjà possible d’en tirer quelques enseignements militaires.

 

Tout d’abord, les forces armées françaises ont atteint un niveau d’efficacité exceptionnel, reconnu dans le monde entier : fortes de leurs engagements précédents, en Afghanistan, en Libye et en Côte d’Ivoire, où nous avions testé des modes d’action un peu nouveaux, elles ont démontré l’étendue de leur savoir-faire. Notre objectif est de le préserver dans le cadre de la future loi de programmation militaire.

 

Trois points ont été améliorés, et d’abord l’intégration interarmées jusqu’à un niveau élémentaire – ce que j’appelle les opérations combinées : lors de la bataille de l’Adrar des Ifoghas, les drones et des avions Atlantique 2 de la marine ont permis aux troupes au sol de bénéficier des appuis combinés de la chasse, des hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre, l’ALAT, et de l’artillerie. Deuxièmement, le partage du renseignement « inter-agences », aussi bien entre nos services qu’avec nos alliés, est devenu plus fluide. Enfin, le processus de ciblage a été plus efficace, comme le prouve l’absence de dommages collatéraux.

 

Mais certaines lacunes capacitaires demeurent et n’ont pu être que partiellement comblées par l’aide de nos alliés. Le transport stratégique militaire tout comme le transport tactique ont été sous forte tension alors que c’est un élément clé sur ce type de théâtre. En matière de drones, nous avons certes déployé nos deux Harfang beaucoup plus tôt que prévu – alors qu’il était programmé de les faire venir à Niamey à partir de la fin de février, c’est-à-dire après l’aménagement d’une aire de stationnement en dur, ils ont été disponibles dès le 20 janvier –, mais cette capacité s’est révélée insuffisante, de sorte que le soutien de drones américains a été le bienvenu. Pour le ravitaillement en vol aussi, nous avons bénéficié de l’aide des États-Unis qui, aujourd’hui encore, mettent à notre disposition, en moyenne, trois avions par jour. Nous avons également eu recours à des ravitailleurs espagnols, britanniques et allemands. Enfin, je relève que nous ne disposons toujours pas d’hélicoptères lourds. En Europe, seuls les Allemands et les Britanniques en possèdent et ils sont tous d’origine américaine. Les Britanniques les mobilisent en Afghanistan tandis que les Allemands demeurent contraints par leurs règles d’engagement des forces. Ces appareils présentent l’avantage de conserver par forte chaleur une capacité de charge équivalente à celle d’un hélicoptère de type Cougar, ce qui nous suffirait.

 

Au-delà de ces enseignements strictement militaires, je tirerai trois leçons sur le plan stratégique.

 

La France conserve en Afrique une forte capacité d’influence, que nous devons et pouvons faire prospérer. C’est le général de Saint-Quentin, commandant de l’opération Serval, qui était responsable de la cellule de coordination avec les différents contingents africains. Cette responsabilité était attendue et même réclamée par nos partenaires africains, à tel point que les forces tchadiennes, dont je dois saluer l’engagement et le courage, ont demandé à être placées sous commandement français, comme les forces nigériennes d’ailleurs.

 

La capacité des forces africaines à se mobiliser est le second enseignement, et une heureuse surprise. En l’espace de deux mois, 6 000 hommes ont été déployés sur le territoire malien. Leur niveau opérationnel est certes hétérogène, leur équipement et la logistique associée sont défaillants, mais cet engagement rapide est une première et cette manifestation de bonne volonté doit être encouragée.

 

Enfin, l’aide militaire européenne a été globalement tardive. Des soutiens importants ont certes été obtenus, mais souvent dans un cadre bilatéral. Comme pour la Libye, les Britanniques, les Danois et les Belges ont répondu présents en moins de vingt-quatre heures et sans aucune restriction d’emploi. Le général Barrera me disait ce matin à quel point il avait été « bluffé » par le courage des pilotes danois, qui ont été envoyés jusqu’à Tessalit ou Kidal, ou des pilotes belges, qui ont fait du transport tactique dans des zones de combat. L’European Union Training Mission in Mali (EUTM Mali), la mission européenne de formation de l’armée malienne, forte de ses 550 hommes, est à pied d’œuvre depuis le 1er mars, et aura formé d’ici au 8 juin le premier bataillon malien, l’objectif étant d’en former quatre au cours d’une première phase de douze mois.

 

Les combats d’ampleur terminés, les sanctuaires terroristes durablement détruits, s’ouvre aujourd’hui le temps de la stabilisation, tant militaire que politique, ce qui exige une approche globale, du point de vue géographique comme en ce qui concerne les domaines d’action.

 

Il faut « penser Sahel », et non pas se limiter au Mali. Le Tchad, le Niger et la Mauritanie doivent rester mobilisés, de même que l’Algérie, qui a fait preuve de bonne volonté – j’irai jusqu’à dire qu’une étape a été franchie. Enfin, nous ne devons pas oublier le Sud libyen.

 

Il faut également « penser réconciliation », et non pas uniquement élections, présidentielle en juillet et août, puis parlementaires en septembre et octobre. Enfin, il faut « penser développement » et non pas uniquement subventions. Le Mali ne doit pas devenir un trou noir comme l’est aujourd’hui le Sud libyen.

 

Cette intervention doit contribuer à notre réflexion sur les perspectives opérationnelles telles que les dessine le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

 

Celui-ci prend acte de la diversité des opérations. Le Mali est, comme l’ont été nos interventions en Afghanistan et en Libye ou encore la lutte contre la piraterie, l’une des manifestations de cette diversité. L’opération Serval entre aussi dans la catégorie de ce que le Livre blanc a appelé les engagements « probables ». Je note également que le volume des forces engagées au lancement de l’opération correspondait à celui de la future force interarmées de réaction immédiate, la FIRI.

 

D’autre part, pour cette opération malienne, la France a systématiquement recherché l’appui des forces locales et régionales, nécessité soulignée par le Livre blanc, afin d’éviter un engagement strictement national dans la durée, selon le principe « Premier entré, premier sorti ».

 

Troisièmement, l’opération Serval s’est appuyée sur une gestion dynamique des efforts et sur une certaine porosité entre les différentes fonctions stratégiques, ce qui est conforme aux principes de différenciation et de mutualisation prônés par le Livre blanc.

 

En revanche, si la combinaison de nos forces en interarmées a bien fonctionné, ce ne sera sans doute pas une mince affaire de réaliser la même chose avec nos alliés. En effet, j’ai pu constater la semaine dernière à Bruxelles que, si nos partenaires de l’OTAN et de l’Union européenne sont très admiratifs de ce que nous avons réalisé, ils doutent de pouvoir nous imiter. Il est vrai que ce savoir-faire qui est le nôtre est le fruit d’une expérience acquise au fil des années, depuis l’implosion de l’empire soviétique et le début des conflits balkaniques dans lesquels nous sommes intervenus.

 

Dans le Livre blanc de 2013, l’Afrique a retrouvé sa place. Nos partenaires européens commencent enfin à prendre en compte les enjeux de la stabilité de la zone sahélienne pour leurs intérêts de défense et de sécurité. Les Pays-Bas, par exemple, ont annoncé hier qu’ils participeraient à la deuxième génération de forces destinée à pourvoir aux effectifs de l’EUTM Mali, tant pour la protection des forces que pour l’équipe d’instructeurs. Une initiative aussi nouvelle de ce pays est bien la manifestation d’une prise de conscience. Je souhaite que le conseil européen de décembre, qui sera consacré à la défense, soit l’occasion d’une avancée sur le sujet.

 

Je voudrais enfin noter que nous avons dû notre rapidité d’action à deux atouts : le dispositif d’alerte Guépard, qui permet de disposer en permanence d’une compagnie pouvant être projetée en urgence immédiatement, et nos forces prépositionnées. Sans ces dernières, il aurait été impossible, même avec d’importantes capacités de transport stratégique, d’agir aussi vite, aussi fort et donc aussi efficacement. Le Livre blanc prend acte de cette nécessité de conserver plusieurs points d’appui en Afrique, sans indiquer combien, de façon à laisser assez de souplesse pour que nous puissions nous déployer aux endroits nécessaires.

 

Notre liberté d’action politique est directement liée à l’effort que nous consentirons en matière de préparation opérationnelle de nos forces. C’est en effet le niveau de cette préparation opérationnelle qui détermine notre rapidité de montée en puissance. Le maintien du niveau d’activité sera donc l’un des enjeux de la future loi de programmation militaire.

 

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, quatre mois et demi après son déclenchement, nous pouvons dire que l’opération Serval est un succès militaire. C’est l’exploitation de ce succès qui permettra de restaurer la paix dans un Sahel enfin stable."

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 12:55
VBCI - photo ECPAD

VBCI - photo ECPAD

04/06/2013 ministre de la Défense

 

Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, se rendra à Bourges lundi 10 juin 2013 pour son premier déplacement dans les industries d’armement depuis la présentation du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Il réaffirmera la place des industries de défense dans l’économie française et le soutien apporté par l’État aux 4 000 entreprises du secteur.

 

Le Livre blanc présenté le 29 avril dernier reconnaît l’industrie de défense comme une composante essentielle de l’autonomie stratégique de la France. Le maintien d’un volume significatif de crédits publics est stratégique pour préserver les compétences indispensables dans les secteurs clés identifiés et suivis par le ministère de la Défense.

 

Les industries de défense jouent un rôle moteur pour la compétitivité de l’économie française et l’emploi industriel. Elles concernent 4 000 entreprises, près de 15 milliards d’euros de chiffre d’affaire, et emploient 165 000 personnes dont 20 000 hautement qualifiées. Elles exportent entre 25% et 40% de leur production et contribuent significativement à la balance commerciale de notre pays.

 

L’impératif industriel se traduit notamment par le haut niveau des crédits accordés aux études et recherches qui conditionnent l’avenir technologique (750 millions d’euros en 2013), et l’utilisation par l’État actionnaire et client de tous ses moyens pour faciliter les évolutions nécessaires et veiller à ses intérêts stratégiques et économiques.

photo MBDA

photo MBDA

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 18:00
Livre blanc sur la défense : Quel impact pour l’industrie française ?

30.05.2013 Par Jean-François Fiorina, Directeur de l’ESC Grenoble  - CLES Note hebdomadaire d’analyse géopolitique

 

Le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) a été publié fin avril 2013 avec plusieurs mois de retard. Au cours de son élaboration, les débats ont été vifs, les négociations rugueuses. Budgétairement parlant, le pire a été évité. Mais l’effort de défense reste bien faible.

 

Avec en 2014 et 2015 respectivement 1,5 % et 1,3 % du PIB alloué à cette fonction, la France prend le risque de dégrader sérieusement ses capacités d’action. Pour y pallier, le Livre blanc prévoit de « consentir à des interdépendances mutuelles » avec nos partenaires européens et définit une nouvelle politique visant au « maintien d’une industrie de défense parmi les premières mondiales », à même d’assurer « l’autonomie stratégique de la France ». L’un des enjeux majeurs des prochains mois sera de traduire ces formules en faits concrets au sein de la future loi de programmation militaire (LPM). Reste également à s’assurer que les modalités de mise en œuvre concilieront réalisme économique, rigueur budgétaire et vision stratégique. Et si c’était, justement, cette vision stratégique qui nous faisait défaut ?…

 

La France s’est dotée à plusieurs reprises d’un Livre blanc sur la défense. À chaque fois, l’objectif visait « à définir les principes, les priorités, les cadres d’action et les moyens qui assureront dans la durée la sécurité de la France ». Le premier, en 1972, a codifié la doctrine de dissuasion nucléaire. Le second, en 1994, a tiré les conséquences de la fin de la Guerre froide. Et celui de 2008 a étroitement lié défense et sécurité au sein d’une « approche globale ». Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2013 est justifié par « la crise financière mondiale, devenue économique et [par] les événements liés au Printemps arabe ». En clair, l’effort de défense devra être « cohérent avec le nécessaire assainissement des finances publiques » tout en assurant « l’adéquation dans le temps de notre outil de défense et de sécurité nationale avec nos responsabilités internationales et l’évolution de notre environnement stratégique ». Un exercice difficile, qui ne peut faire l’impasse sur la refonte de la politique industrielle de défense.

 

Panorama de la BITD française

 

La base industrielle et technologique de défense (BITD) représente l’ensemble des entreprises qui permettent aux armées de conduire leurs opérations. Au total, la BITD est composée de plus de 4000 sociétés – un nombre relativement faible par rapport à aux autres secteurs d’activités spécialisés – pour un chiffre d’affaires global de 17,5 milliards d’euros en 2011. Elle emploie directement 80000 personnes et assure indirectement le maintien de 85 000 emplois, dont un grand nombre hautement qualifiés et non délocalisables. Plus du tiers des entreprises de la BITD sont des entreprises industrielles, ce qui représente un atout non négligeable à l’heure de la politique de réindustrialisation.

 

Mais la BITD renvoie d’abord « aux unités qui concourent à la production des systèmes d’armes et des équipements létaux (de la R&D jusqu’à l’entretien) », rappelle l’économiste Sylvain Moura. Constitué de 2 700 entreprises, ce noyau dur permet, « via les programmes d’armement, l’autonomie stratégique. [Il est] directement concerné par les choix d’équipements militaires. Enfin, [il] représente le cœur des compétences en indus- trie de défense et en recherche et développement ». La BITD – qu’elle soit terrestre, aéronautique ou navale – est donc étroitement liée aux choix stratégiques définis par les politiques publiques de défense. Elle est en quelque sorte la traduction industrielle et technologique des contrats opérationnels des armées.

 

L’édification de la BITD française a été assurée dans les années d’après-guerre par de grands contrats d’armement nationaux. Ces dernières années, la baisse des investissements étatiques et des crédits de défense tendent à modifier profondément le paysage industriel du secteur. Le recours à la location longue durée gagne du terrain, l’achat sur étagère n’est plus tabou et l’export est devenu incontournable pour la survie économique des entreprises. Autant de bouleversements dont il faut désormais tenir compte.

 

La politique industrielle du livre blanc

 

Si les précédents « Livres » n’avaient pas – ou peu – évoqué le rôle de la BITD dans l’élaboration de la stratégie de défense, le document de 2013 consacre une partie non négligeable à la question industrielle et fixe les grandes lignes d’une politique ambitieuse en la matière. En résumé, il s’agit de « préserver pour des raisons stratégiques un certain nombre de capacités technologiques clefs indispensables à notre autonomie stratégique et assurer pour des raisons économiques et sociales l’avenir de l’industrie de défense ».

 

Le LBDSN insiste d’abord sur « le maintien d’un budget significatif en matière de recherche et de développement ». Louable intention, mais qui oublie de préciser que « ces dernières années ont vu les crédits-amonts du ministère de la défense amputés de plus de 25 % par rapport à ce qui avait été initialement provisionné » (voir CLES n°74). Bref, les financements continueront de manquer et les industriels devront assurer la prise en charge d’une partie croissante de la recherche. Reste à savoir comment. Une partie de la réponse réside dans l’exportation. Indispensable complément d’un budget national insuffisant, elle permet d’assurer la pérennité de l’activité industrielle française. C’est pourquoi le Livre blanc préconise également que l’État accompagne davantage « ses grands partenaires en mobilisant à cet effet [l’ensemble de] ses compétences ». Mais là encore, peu de propositions concrètes. Le Livre blanc rédigé par l’industrie de défense française (CIDEF) en 2012 est plus explicite : dispositif de soutien ad hoc aux PME, nomination en ambassades de personnels qualifiés sur les questions industrielles, « cellule apte à assurer la présentation des équipements utilisés en opération », etc.

 

Le LBDSN appelle ensuite à « l’exploitation systématique de toutes les voies de coopération en matière d’armement », pendant industriel des « interdépendances mutuelles » ou partage des capacités. L’exemple réussi dans l’industrie des missiles entre la France et le Royaume-Uni a vocation à s’étendre à d’autres domaines et à d’autres partenaires européens. Pour ce faire, la France demandera « la mise en place de cadres communs pour le soutien d’une base industrielle de défense européenne ». Mais qui dit BITD européenne, dit stratégie commune. Et c’est bien là que réside la plus grande difficulté. Le volet industriel n’est jamais que l’une des modalités d’action pour une politique de défense qui doit être partagée par tous. Quels équipements produire ensemble pour satisfaire autant les grandes puissances interventionnistes que les petits États qui ne comptent pas projeter leurs troupes hors de leur territoire?

 

Enfin, produire à l’échelle européenne exige que les BITD nationales ne soient pas dans un rapport de force trop inégal. Si la France a entamé une restructuration nationale dans le naval et l’aéronautique, son secteur terrestre est encore trop fragmenté pour affronter la concurrence intracommunautaire. C’est pourquoi le Livre blanc envisage « le recours à tous les moyens dont dispose l’État, comme actionnaire, comme client et comme prescripteur, pour faciliter les restructurations industrielles qui s’imposent à l’échelle européenne ». La récente annonce par le Premier ministre de la vente des participations publiques est-elle un premier pas en ce sens?

En attendant l’Europe de la défense…

 

De façon générale, et tout particulièrement concernant la politique industrielle, le Livre blanc en appelle à plus d’Europe. « L’évolution du contexte géopolitique, économique et budgétaire commande d’approfondir le développement volontariste de convergences stratégiques entre Européens ». Ici, selon Les Échos, « la concentration de déclarations d’intention est impossible à résumer ». Rien de bien nouveau n’est proposé, si ce n’est l’approfondissement de mécanismes et institutions déjà existants. Et pourtant, l’Union européenne est présentée comme le remède essentiel aux maux de l’industrie de défense française. « L’expérience montre que [l’harmonisation] ne se fera pas sans une impulsion politique forte. La France affirme pour sa part sa disponibilité à mettre en œuvre une telle démarche. L’intérêt dans le domaine industriel du processus de mutualisation et de partage (pooling and sharing) engagé dans le cadre européen est réel ». Véritable stratégie ou credo politique ? À l’heure où l’intégration européenne est en panne, et l’Union dans son ensemble en crise, n’est-il pas illusoire d’en attendre beaucoup dans un domaine régalien par excellence ?

 

Une BITD commune, même de façon partielle, est indissociable du projet d’Europe de la défense. Elle est le préalable indispensable à l’élaboration d’une poli- tique industrielle cohérente. Un Livre blanc de la défense européen a bien été tenté, sans succès. En attendant, le LBDSN en est réduit à espérer que « l’Europe de la défense se construira à travers ses opérations dans lesquelles ses capacités civiles et militaires se compléteront et se renforceront mutuellement » (LBDSN). À cet égard, la récente crise malienne ne laisse présager rien de bon. Surtout, la politique des « petits pas » chère à Robert Schuman requiert du temps. Et il n’est pas sûr que l’on en dispose.

 

 Pour aller plus loin

 

Livre blanc sur la défense

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 12:55
Budget de la défense : "les Français ont conscience que le monde est dangereux"

29.05.2013 par Jean-Dominique Merchet

 

Alors que l'Assemblée nationale débat aujourd'hui (sans voter) du Livre blanc, le site d'informations Atlantico m'a interrogé sur l'évolution de l'opinion publique vis-à-vis de la défense, favorable au maintien d'un effort conséquent.

"Je ne suis pas du tout surpris par l'opinion des Français, qui ont conscience que l'on est dans un monde dangereux – il suffit de s'informer pour voir que la violence est une réalité – et que cela nécessite la protection d'une armée. Mais ils ont également conscience qu'il va être difficile d'aller plus loin dans les économies budgétaires de la Défense. Ses moyens ont déjà été considérablement réduits dans les dernières années. C'est un vrai retournement dans l'opinion. Pendant des années, on pensait que l'on pouvait économiser de l'argent sur la Défense et que ce n'était pas très important. C'est fini maintenant, on a remarqué un vrai basculement de l'opinion cette année."

Pour lire l'intégrale de l'interview, cliquez ici.

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27 mai 2013 1 27 /05 /mai /2013 15:55
Défense : F. Hollande partagé entre ambition et réduction de voilure

24/05/2013 Michel Cabirol – LaTribune.fr

 

En tant que chef des armées, le président de la République tente un exercice d'équilibriste difficile. Il ne renonce pas aux ambitions de la France en matière de défense, mais il réduit la voilure de ses forces armées. Le pari est-il tenable ? A voir ,surtout si Bercy est tenté de couper dans les crédits du ministère de la Défense.

 

"Plus que jamais, la France a besoin d'une défense forte", a estimé ce vendredi François Hollande, en expliquant la future politique de la défense de la France à l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN). Pour autant, sous la pression des contraintes budgétaires, la France réduit progressivement mais inexorablement ses ambitions dans le domaine de la défense. Certes, un peu moins que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui avait déjà demandé beaucoup (trop ?) d'efforts aux militaires. François Hollande a confirmé donc les 24.000 nouvelles suppressions de postes dans les armées d'ici à 2019, en entérinant les grandes orientations du Livre Blanc de la Défense, dans un discours prononcé à l'IHEDN.

 

Toutefois, François Hollande a réaffirmé vouloir garder une ambition pour la France. "D'abord, pour rester ce qu'elle est : un pays indépendant, un allié fiable, une puissance dont les armées sont sollicitées sans discontinuer depuis une dizaine d'années. Ensuite, pour appréhender le nouveau contexte géopolitique". La France, explique-t-il, "doit se donner un objectif, un seul : à tout moment assurer sa sécurité, répondre aux attentes de ses partenaires comme de ses alliés, et préserver la paix dans le monde. La France y a vocation parce que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, elle a cette responsabilité.

 

Nouvelle réduction de 24.000 militaires

 

Le Livre blanc de la Défense 2013, remis fin avril au président de la République, prévoit 24.000 nouvelles suppressions de postes dans les armées d'ici à 2019, soit près de 10 % des effectifs. Sans fermeture de sites. "Au terme de la loi de programmation militaire 2014-2019, les effectifs du ministère seront réduits de 24.000 hommes supplémentaires pour atteindre des effectifs de l'ordre de 250.000 personnels de la défense", a affirmé le chef de l'Etat, soulignant que ceux-ci figuraient parmi les plus importants en Europe. Il a aussi confirmé le maintien "à son niveau actuel" de "l'effort pour notre défense". "Le budget sera fixé en 2014 à 31,4 milliards d'euros, c'est-à-dire exactement le même montant qu'en 2012 et en 2013. Pour l'ensemble de la période 2014-2025, cela représentera 365 milliards d'euros, dont 179,2 milliards d'euros pour la période 2014-2019", a-t-il aussi confirmé. Dans son entourage, on confirme qu'il n'y a aucun arrêt de programmes en cours.

 

François Hollande a réaffirmé sa volonté de conserver les deux composantes de la dissuasion nucléaire, océanique et aéroportée. La dissuasion "nous protège de toute agression ou de tout chantage qui menacerait nos intérêts vitaux, explique-t-il. C'est sa raison d'être. Elle préserve notre liberté d'action et notre souveraineté. Elle convainc tout adversaire de ne pas s'en prendre à la France au risque de dommages considérables pour son territoire". Et de répondre à "certains", qui "dénoncent régulièrement le coût pour nos finances publiques (...). La dépense affectée à la dissuasion représente aujourd'hui 11 % du budget annuel de la défense. 11 % est-ce trop pour sanctuariser la sécurité de notre pays ? Je ne le pense pas. D'autant plus que l'innovation et la recherche nous ont permis de réaliser des économies substantielles sur les programmes".

Défense : F. Hollande partagé entre ambition et réduction de voilure

Relance de l'Europe de la défense

 

François Hollande a affirmé la volonté de la France d'"ouvrir une nouvelle étape de l'Europe de la défense", indiquant qu'il ferait des propositions dans ce domaine d'ici le conseil européen de décembre 2013, qui doit être consacré à ce sujet. "Les opérations militaires récentes ont montré combien nous devions travailler avec l'Union européenne, notamment pour être en mesure de répondre aux crises. C'est pourquoi la France veut ouvrir une nouvelle étape de l'Europe de la défense", a-t-il précisé. "La maîtrise des finances publiques partout en Europe exige et invite à mutualiser les capacités, à prendre davantage d'initiatives et à nous appuyer sur les matériels fabriqués en coopération", a-t-il expliqué soulignant que "c'est ce que la France fait déjà avec le Royaume Uni, pour construire notamment une force d'intervention conjointe".

 

"C'est aussi ce que la France veut faire avec l'Allemagne, y compris pour des interventions militaires extérieures", a également affirmé le président. De même, il a souhaité "poursuivre nos partenariats avec la Belgique, l'Italie ou l'Espagne et associer les nouveaux membres de l'Union européenne à cette démarche. A commencer par la Pologne et les pays du groupe de Visegrad" (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie). "Car l'Europe de la défense, a-t-il souligné, ça doit être l'Europe toute entière". "Je ferai des propositions sur ces sujets d'ici le conseil européen de décembre 2013 qui doit être consacré à la défense", a annoncé le chef de l'Etat, en précisant que celles-ci "porteront sur nos présence dans les Balkans, en Méditerranée, au Proche-Orient, en Asie". "Elles concerneront aussi les coopérations", en particulier "dans les domaines du transport aérien, des satellites d'observation, du ravitaillement, des drones". Enfin, François Hollande a aussi estimé que la France devait "prendre toute (sa) place, revendiquer toute son influence" dans l'Otan "sans pour autant perdre sa liberté d'action et de décision, et encore moins diluer le caractère national de notre défense".

Défense : F. Hollande partagé entre ambition et réduction de voilure

Des programmes préservés et le capital des groupes d'armement évoluera

 

Afin de rassurer les industriels de l'armement, François Hollande a assuré qu'"aucun programme lancé ne sera arrêté, à la fois, pour des raisons de capacité, d'efficacité, mais aussi parce que j'entends préserver notre industrie de défense". Dans ce cadre, les forces armées "seront dotées à l'horizon 2025 - 2030 de matériels modernes et performants, prenant en compte l'évolution des modes de confrontations armées. Je pense aux drones de surveillance et de combat, dont la décision de les commander a été trop longtemps différée, au risque d'être amenés dans certaines interventions à demander et à solliciter l'appui de nos alliés. Nous avons donc l'obligation aujourd'hui de commander ces matériels. Nous avons aussi la volonté d'engager les commandes des avions de transport A400M et de ravitaillement en vol MRTT, aux missiles anti-navires légers (un programme en coopération avec les Britanniques, ndlr) ou encore aux frégates multirôles FREMM et aux véhicules blindés VBMR" .

Défense : F. Hollande partagé entre ambition et réduction de voilure

Pour faire face également aux nouvelles menaces - cyber-attaques, terrorisme -, "les crédits consacrés au renseignement, à la police et à la justice seront augmentés" et François Hollande tient aussi "à relancer la politique spatiale avec les satellites d'observation MUSIS et d'interception électromagnétique CERES. Tous ces investissements indispensables à la préparation du futur s'ajouteront aux programmes déjà lancés : Rafale, hélicoptères d'attaque Tigre et de transport NH-90, sous-marins Barracuda et le système Félin". Enfin, François Hollande a souligné que "les participations détenues par l'État évolueront. Des alliances industrielles nouvelles seront nouées notamment à l'échelle européenne".

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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 16:55
Livre blanc de la défense : le Livre noir du désarmement français

 

23/05/2013 Général Vincent Desportes – Opinions / LaTribune.fr

 

Le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale tentait un pari intenable qui n'a pas été tenu : celui du maintien des ambitions (« assumer toutes les missions » - (le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian) avec une baisse sensible des moyens. En partant déjà d'un modèle très dégradé, « à l'os », il était impossible de faire la même chose avec sensiblement moins. Général Vincent Desportes est professeur associé à Sciences Po, ancien directeur de l'Ecole de Guerre

 

Avalé le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale ! Beaucoup d'émotion avant, belle levée de boucliers bipartisane, quelques récris le 29 avril jour de la révélation officielle ... et puis plus rien. L'excellente man?uvre de communication gouvernementale a estompé, puis rapidement fait oublier, que c'était une grave dégradation de la défense de la France et de sa place dans le monde que ce Livre Blanc venait d'acter. Un nouveau mantra, pernicieux, anesthésie le monde de la défense : « Nous avons évité le pire ... »

 

Décrochage stratégique

 

On a d'abord fait craindre l'apocalypse, « le modèle Z », pour que le décrochage apparaisse ensuite comme une bénédiction. Le 29 mars, notre Président s'engage et fait des promesses budgétaires ... qui seront démenties par le Livre Blanc sans que nul ne s'en émeuve. Alors qu'il était impatiemment attendu, le Livre est présenté par le Président au milieu d'un « pont » de Mai, à l'Elysée certes mais juste avant une grande manifestation en faveur des entrepreneurs qui réunit tout le gouvernement ... et qui fera l'ouverture des journaux télévisés. Efficace man?uvre de diversion. Dans le discours même de présentation du ministre, les chefs d'état-major sont nommément impliqués, comme pour contraindre chacun d'entre eux à l'acceptation silencieuse. Le tour est joué. Quelques discours apaisants encore. Nous serons bientôt à l'été dont nous reviendrons pour découvrir une Loi de Programmation Militaire qui entérinera le décrochage stratégique. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. A défaut d'avoir fait les choix indispensables, à défaut d'avoir même sanctuarisé les budgets nécessaires au modèle défini, le Livre Blanc nous réserve probablement l'effondrement que nous croyons avoir repoussé !

 

Depuis plus de deux décennies, la défense de la France se dégrade. Elle se dégrade de manière homothétique sans changer de modèle, celui d'une défense globale pour une puissance à vocation mondiale. Jusqu'ici l'exercice était difficile, mais il semblait possible. Le Livre Blanc de 2008 étirait pourtant déjà le modèle au-delà de ses limites, avec des capacités déconnectées des ambitions affichées. Son image emblématique et caricaturale est celle du porte-avions : à l'instar de cet unique porte-aéronefs auquel on décida alors de ne pas donner de sister-ship, la France avait déjà fait le choix de ne plus pouvoir qu'un peu, et pas tout le temps !

 

Un pari intenable qui n'a pas été tenu

 

Le Livre Blanc 2013, pour sa part, bénéficiait de deux opportunités : celle de « devoir » choisir et celle de pouvoir politiquement s'inscrire en rupture avec les exercices antérieurs. L'occasion était donnée de penser un modèle de défense cohérent et autonome, adapté à notre situation de puissance régionale. C'était possible. Finalement, le modèle proposé n'est qu'une dégradation du précédent sans que sa cohérence ait été reconstruite, sans que notre autonomie stratégique ait été rebâtie.

 

Il fallait choisir. A budget en baisse, avec des coûts d'équipement qui ne peuvent que croître à chaque renouvellement, il était devenu impossible « d'assumer toutes les missions » (1), de préserver un « outil de défense complet ». Un pari intenable qui n'a pas été tenu : celui du maintien des ambitions avec une baisse sensible des moyens. En partant déjà d'un modèle très dégradé, « à l'os », il était impossible de faire la même chose avec sensiblement moins.

 

Les forces conventionnelles, la variable d'ajustement

 

Le premier arbitrage nécessaire concernait l'équilibre à rétablir entre dissuasion et capacités conventionnelles. Fallait-il maintenir à tout prix l'arsenal nucléaire en l'état, planifier même son amélioration, au risque de réduire très fortement nos capacités conventionnelles ? Ou bien fallait-il, à effet dissuasif inchangé, consentir des réductions raisonnables de l'arsenal pour préserver nos capacités d'action classiques, demeurer capables de faire face aux aléas du quotidien, aux guerres que l'on ne choisit pas, aux menaces et catastrophes sur le territoire national ? Réponse claire : pour ne pas toucher au nucléaire - alors même que d'importantes économies peuvent y être faites sans dégrader la dissuasion, cela mérite d'être répété - on fait des forces conventionnelles la variable d'ajustement budgétaire. Jusqu'à la caricature.

 

La France, grand pays de tradition militaire, forte de 65 millions d'habitants, ne sera désormais en mesure de participer à une opération majeure en coalition qu'à hauteur de 15.000 hommes et de 45 avions ! C'est-à-dire rien. Avant le Livre Blanc 2008, nous étions encore supposés nous engager avec 50.000 hommes et 100 avions ; depuis, nous étions tombés à 30.000 hommes et 70 avions. Le fait est là : dans les interventions conventionnelles en coalition, nous sommes revenus à nos capacités de la 1ère guerre du Golfe en 1991, capacités tant vilipendées alors pour leur insignifiance. Au sein d'une coalition, nous n'aurons plus désormais ni effet, ni influence stratégique. Nous ne serons plus à l'avenir qu'un partenaire mineur, une « proxy force ».

 

Une autonomie stratégique fortement dégradée

 

Le deuxième arbitrage relevait du dimensionnement de nos ambitions au regard de nos capacités, puis de l'adaptation de celles-ci aux premières. Ici encore, l'adéquation n'a pas été faite. Un des points positifs du Livre Blanc est d'établir des zones d'intervention prioritaires : territoire national, Europe, Méditerranée, Afrique du Nord et sub-sahélienne. Très bien. Il fallait dès lors doter la France d'une force expéditionnaire solide, en mesure de lui permettre d'exercer ses responsabilités et de protéger ses intérêts dans ces zones prioritaires. Il fallait reconstruire notre autonomie stratégique fortement dégradée aujourd'hui puisque, par manque de capacités de transport stratégique, de ravitaillement en vol, de renseignement et de mobilité opérative (hélicoptères lourds et de man?uvre) en particulier, nous ne sommes plus en mesure de conduire dans la durée que les opérations validées par les Américains. L'autonomie stratégique, la cohérence opérationnelle, sont revendiquées, à raison, tout au long du Livre Blanc, mais ce dernier ne prend pas les mesures indispensables pour les restaurer. C'est même le contraire qui se produit.

 

Les petits programmes condamnés

 

Le Livre Blanc défend l'industrie de défense intelligemment, mais de manière parfaitement théorique. A juste titre, il rappelle l'importance économique et sociale de l'activité industrielle, fait disparaître le concept pernicieux des « cercles technologiques » apparu dans l'exercice précédent, rappelle l'importance de la préservation des technologies clefs, souligne le besoin de financement étatique des recherches amont et la nécessité d'assurer la pérennité des bureaux d'études, ouvre davantage l'industrie au marché du maintien en condition des équipements, prône l'accompagnement à l'exportation. Mais, en même temps, il annonce des diminutions sensibles de cibles et des étalements de programmes.

 

En préservant tous les programmes « à effet majeur », il condamne nombre de « petits programmes » ceux qui assurent justement la « cohérence opérationnelle » revendiquée par ailleurs. La diminution des budgets ne pouvant porter (au moins au début, avant le « pay back » des diminutions d'effectifs) que sur les investissements conventionnels, des calculs simples montrent que ceux-ci, selon les hypothèses, pourraient diminuer immédiatement de 30 % à 40 %. Ce qui condamne pour longtemps ceux qui n'ont pas encore été lancés, dont le programme Scorpion pourtant vital pour l'efficacité des forces terrestres. L'industrie de défense est sanctuarisée théoriquement, mais elle devrait pourtant perdre mécaniquement entre 10.000 et 20.000 emplois, selon le sort réservé à la « trajectoire budgétaire ». Dans cette destruction, l'industrie terrestre et les PME seront inévitablement les premières concernées.

 

Un effort budgétaire de deux à trois milliards d'euros par an

 

Pour que l'on s'en tienne là, encore faudrait-il que les budgets prévus soient bien alloués par la LPM, que les lois de financement soient votées, puis qu'elles soient exécutées. Encore faudrait-il aussi que les fragiles hypothèses de construction ne s'effondrent pas : que la conjoncture économique soit au rendez-vous, que la croissance reprenne, qu'il y ait eu retour à l'équilibre des finances publiques, que l'exportation de matériels majeurs se concrétise enfin, que les frais de démantèlement des infrastructures militaires du CEA ne soient pas imputées au ministère de la Défense... Encore faudrait-il aussi que soient engrangés les six milliards de ressources exceptionnelles nécessaires au respect des engagements budgétaires, ce qui - même sans procès d'intention - est très improbable.

 

Contrairement à ce qui a été dit, l'effort budgétaire devrait se situer annuellement en moyenne entre deux et trois milliards en dessous de ce qu'il était en 2013. En 2019, fin de la LPM, nous serons donc loin du compte. Non seulement le Livre Blanc prévoit d'emblée une diminution de l'ordre du quart de nos moyens d'action conventionnels, mais il porte aussi en lui la certitude de prochaines coupes claires dans les équipements et les effectifs. D'autant que dès la fin de la décennie, si les indispensables décisions ne sont pas prises, les lancements des programmes du « nouveau » renouvellement des armes nucléaire vont venir écraser de leur poids budgétaire ce qui restera encore de nos forces conventionnelles.

 

L'armée de Terre suisse surpassera en format et équipements l'armée de Terre française

 

Le désarmement massif de l'Europe avait fait émerger la « France militaire » et lui avait donné, d'un même souffle, une responsabilité, un rôle et une chance historiques. L'opération Serval au Mali aura été le marqueur de cette brève époque. Avec ce Livre Blanc, nous nous banalisons et perdons cet avantage comparatif majeur. Alors qu'elle est déjà la plus grande puissance économique de l'Europe, l'Allemagne ressort grandie de cet exercice comme sa plus grande puissance conventionnelle ; avant la fin de la LPM, l'armée de Terre suisse surpassera en format et équipements l'armée de Terre française !

 

Façonné d'emblée par les contraintes budgétaires, bâti sur des trajectoires financières ambiguës et incertaines, le Livre Blanc 2013 conduit au déclassement stratégique. Que l'on parle ou non de « décrochage», en une décennie, de 2008 à 2019, les réductions d'effectifs et d'équipements auront affaibli de plus de la moitié nos capacités de combat ! Le modèle proposé constitue une dégradation homothétique du modèle précédent déjà très affaibli. En l'absence de vision et de choix clairs, n'abandonnant rien, il saupoudre les moyens pour donner à la France une armée qui peut de moins en moins dans chacun de ses domaines d'emploi. Il affaiblit partout, sans chercher à rétablir notre autonomie stratégique en comblant les trous capacitaires qui se multiplient, s'agrandissent et la minent. Ce livre noir est celui du désarmement français.

 

(1) : Discours de Jean-Yves Le Drian, Ecole Militaire, lundi 29 avril 2013

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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 11:55
François Hollande pour une nouvelle étape de l'Europe de défense

24/05/2013 capital.fr (Reuters)

 

François Hollande a affirmé vendredi sa volonté d'ouvrir une nouvelle étape de l'Europe de la défense pour mutualiser les moyens dans un contexte de restrictions budgétaires, processus qu'il entend nourrir de propositions avant la fin de l'année.

 

Sur fond de menaces terroristes persistantes, Paris souhaite élargir ses coopérations au-delà de son lien traditionnel avec le Royaume-Uni, l'autre puissance nucléaire européenne, qui envisage les coopérations de défense de manière bilatérale.

photo EDA 2013

photo EDA 2013

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a mis l'Europe de la défense au menu du sommet de décembre, une initiative saluée à Paris, qui voit d'un bon oeil l'ouverture à une coopération avec des pays de l'Est comme la Pologne.

 

"La France veut ouvrir une nouvelle étape de l'Europe de la défense", a déclaré le président français à l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).

 

"La nécessité partagée de redresser nos finances publiques nous invite à mutualiser des capacités, à prendre davantage d'initiatives et à nous appuyer sur les matériels fabriqués en coopération, en tenant compte des savoir-faire de chacun".

 

"APPÉTENCE NOUVELLE"

 

François Hollande appelle de ses voeux une coopération renforcée avec l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne mais aussi les pays du groupe de Visegrad, qui regroupe Pologne, Hongrie, Slovaquie et République tchèque.

 

"L'Europe de la défense, ça doit être l'Europe tout entière, y compris celle qui était hier de l'autre coté", a-t-il dit.

 

Son entourage dit constater à cet égard "une appétence nouvelle en la matière de la part des instances bruxelloises et un intérêt plus fort de nos partenaires pour coopérer".

 

Alors que la France a réintégré en 2009 le commandement intégré de l'Alliance atlantique, après plus de 40 ans d'absence, Paris évoque une "maturation" des pays de l'Est "à l'idée qu'un système européen n'est pas antagoniste avec une appartenance à l'Otan" et "une Allemagne plus ouverte" en matière de coopération de défense.

 

"Notre approche est pragmatique, réaliste, basée sur des données objectives pour une coopération au meilleur coût", ajoute-t-on de source diplomatique française. "La défense européenne ne sera ni contre, ni sans les Etats-Unis".

 

Devant un parterre de spécialistes réunis à l'IHEDN, François Hollande a expliqué les efforts demandés à l'armée, un mois après la remise du Livre Blanc pour la période 2014-2019.

 

Le président a confirmé les 24.000 nouvelles suppressions de postes dans les armées d'ici à 2019, soit près de 10% des effectifs, ainsi que le maintien "à son niveau actuel" de l'effort de défense, soit un budget 2014 de 31,4 milliards d'euros "exactement le même montant qu'en 2012 et en 2013".

 

La loi de programmation militaire pour 2014-2019 doit être présentée en conseil des ministres fin juillet et votée au Parlement d'ici la fin de l'année.

 

A un an des élections municipales, le chef de l'Etat s'est dit attentif au maintien des sites d'implantation militaire.

 

"J'ai demandé qu'une attention particulière soit portée pour que nous puissions maintenir une présence partout sur le territoire et éviter des fermetures de site. Mais je suis attentif à ce qu'en Outre-Mer, nous puissions également assurer notre présence", a-t-il souligné.

 

DISSUASION

 

Le Livre blanc affirme la volonté de protéger le secteur industriel, qui représente 4.000 entreprises, emploie 165.000 personnes et réalise un chiffre d'affaires de près de 15 milliards d'euros.

François Hollande pour une nouvelle étape de l'Europe de défense

François Hollande a évoqué un ajustement des équipements "à la réalité des menaces d'aujourd'hui et de demain".

François Hollande pour une nouvelle étape de l'Europe de défense

Il a évoqué la commande, "trop longtemps différée", de "drones de surveillance et de combat", d'avions de transport A400M et de ravitaillement en vol MRTT, de frégates multirôles Fremm, de véhicules blindés VBMR et de missiles anti-navires légers, en coopération avec les Britanniques.

François Hollande pour une nouvelle étape de l'Europe de défense

Pas question non plus de freiner les programmes en cours concernant les avions de combat Rafale, les hélicoptères d'attaque Tigre et de transport NH90, les sous-marins Barracuda.

 

En matière de dissuasion, le président a dit son souhait d'en conserver les deux composantes, océanique et aéroportée, et rappelé que 11% du budget annuel de la défense y était consacré.

 

"Est-ce trop dépenser pour sanctuariser la sécurité du pays ? Je ne le pense pas", a-t-il affirmé.

François Hollande pour une nouvelle étape de l'Europe de défense

Le président a souligné que le récent échec de l'essai d'un missile M51, dont les causes sont à l'étude, ne devait pas faire oublier les cinq essais antérieurs réalisés avec succès.

Edité par Yves Clarisse

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 20:40
Défense: François Hollande confirme 24.000 nouvelles suppressions de postes

24 mai 2013 à 16:52 Liberation.fr (AFP)

 

François Hollande a mis en perspective vendredi les grandes orientations du Livre blanc des armées, confirmant 24.000 nouvelles suppressions de postes d’ici 2019, et promis des propositions d’ici décembre pour renforcer la mutualisation des moyens de défense en Europe.

 

Dans une période de lourdes contraintes budgétaires, le président de la République a voulu tenir devant l’IHEDN (Institut des Hautes études de la Défense nationale) un discours de «sincérité» sur les choix budgétaires imposés par la crise dans ce Livre blanc qui lui avait été remis le 29 avril, a souligné son entourage.

 

Il a confirmé le maintien «à son niveau actuel» de l’effort de défense en 2014: «31,4 milliards d’euros en 2014, c’est-à-dire exactement le même montant qu’en 2012 et en 2013», et un engagement de «179,2 milliards d’euros pour la période 2014-2019».

 

Les suppressions de postes se poursuivent (24.000 nouvelles d’ici 2019 après les 54.000 programmées par son prédécesseur Nicolas Sarkozy) mais les effectifs militaires français resteront, avec 250.000 hommes, «les plus importants en Europe», a-t-il souligné.

 

Le chef de l’Etat a en outre souligné qu’il veillerait avec «une attention particulière» au maintien d'«une présence militaire partout sur le territoire» en évitant de nouvelles fermetures de sites. Les effectifs susceptibles d’être projetés à l’extérieur restent également importants avec 66.000 hommes, a-t-il fait valoir.

 

Selon lui, avec le maintien de ses trois grandes priorités: «protection, projection et dissuasion nucléaire», la France reste ainsi «un pays influent, actif» qui «peut parler parce qu’il a les moyens aussi de se faire respecter».

 

Le chef de l’Etat a aussi annoncé sa volonté d'«ouvrir une nouvelle étape de l’Europe de la défense», indiquant qu’il ferait des propositions dans ce domaine, d’ici le conseil européen de décembre 2013, consacré à ce sujet.

 

«La maîtrise des finances publiques partout en Europe exige et invite à mutualiser les capacités, à prendre davantage d’initiatives et à nous appuyer sur les matériels fabriqués en coopération», a-t-il expliqué, soulignant que «c’est ce que la France fait déjà avec le Royaume Uni», notamment pour développer des missiles légers anti-navire.

 

«C’est aussi ce que la France veut faire avec l’Allemagne, y compris pour des interventions militaires extérieures», a-t-il ajouté souhaitant également la poursuite des «partenariats avec la Belgique, l’Italie ou l’Espagne et associer les nouveaux membres de l’Union européenne à cette démarche. A commencer par la Pologne et les pays du groupe de Visegrad» (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie).

 

François Hollande a par ailleurs estimé que la France devait «revendiquer toute son influence» dans l’Otan «sans pour autant perdre sa liberté d’action et de décision, et encore moins diluer le caractère national de notre défense».

 

Sur le plan politique, il a plaidé pour renforcement du droit de regard du Parlement sur les questions de défense, estimant qu’il devait être «pleinement respecté dans ses droits, en matière d’information, de connaissance, de délibération sur les opérations dans lesquelles sont engagées nos forces».

 

M. Hollande a souhaité également que «la politique d’exportation d’armements fasse l’objet de rapports annuels débattus devant les commissions compétentes» et que le contrôle des parlementaires soit «également amélioré en matière de renseignement».

 

Enfin, le président a confirmé vendredi que la cyberdéfense était une priorité en matière de sécurité et qu’une «branche nouvelle» de réservistes serait spécialement affectée à ce domaine, dont l’objectif sera de «mobiliser de jeunes techniciens et informaticiens aux enjeux de la sécurité».

 

La loi de programmation militaire (LPM, 2014-19), issue du Livre blanc, sera présentée en Conseil des ministres en juillet et votée au Parlement avant la fin de l’année.

 

«Le budget de la Défense devrait être sanctuarisé, c’est-à-dire au moins être augmenté de l’inflation. En le gelant, on diminue dans les faits notre capacité d’action», a critiqué Yves Pozzo di Borgo (UDI), vice-président de la commission de la Défense du Sénat.

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 19:38
Hollande confirme 24.000 suppressions de postes dans l'armée d'ici à 2019

24/05/2013 Par Le Figaro.fr avec AFP

 

Le président de la République, François Hollande, confirme les 24.000 suppressions de postes dans l'armée d'ici à 2019, en entérinant les grandes orientations du Livre Blanc de la Défense, dans un discours à l'Institut des hautes études de la Défense nationale (IHEDN).

 

Le Livre blanc de la Défense 2013, remis fin avril au président de la République, prévoit 24.000 nouvelles suppressions de postes dans les armées d'ici à 2019, soit près de 10% des effectifs, tout en réaffirmant les ambitions de la France, malgré les contraintes budgétaires.

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 16:55
Le Livre blanc de Défense français : quelles implications pour la défense européenne ?

24.05.2013 ifri.org

 

Le 30 mai, Ifri Bruxelles réunit le général Gilles Rouby, chef de la représentation militaire de la France auprès de l’OTAN et de l’Union européenne, Étienne de Durand, directeur du Centre des études de sécurité de l’Ifri, et Luis Simón, chercheur à l’Institut des études européennes de l’Université libre de Bruxelles. Vivien Pertusot, responsable d’Ifri Bruxelles, assurera la modération.

Remis au président de la République fin avril, le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale est publié en pleine crise économique et dans un contexte d’importantes coupes dans les budgets de défense en Europe. Mais pour demeurer crédible en matière de défense européenne et appeler ses partenaires à endiguer un désarmement rampant du Vieux Continent, la France doit maintenir un outil de défense adéquat.

Ce Livre blanc équilibre-t-il ambitions et moyens ? Quelle lecture fait-il des menaces et du poids de la crise ? Comment la France entend-elle relancer la défense européenne ? Quels rôles pour les institutions (Union européenne et OTAN), et pour les coopérations bilatérales ?

Autant de questions qui s’inscrivent dans la perspective du Conseil européen consacré à la défense en décembre prochain.

Lieu : Eurorégion Alpes Méditerrannée - 62, rue du Trône - 1050 Bruxelles

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 15:55
Pozzo di Borgo (UDI): "Le budget de la Défense devrait être sanctuarisé"

PARIS, 24 mai 2013 marine-oceans.com (AFP)

 

Yves Pozzo di Borgo (UDI), vice-président de la commission de la Défense du Sénat, a estimé vendredi que "le budget de la Défense devrait être sanctuarisé", après la confirmation par François Hollande de 24.000 suppressions de postes d'ici à 2019 dans ce secteur.

 

"Le budget de la Défense devrait être sanctuarisé, c'est-à-dire au moins être augmenté de l'inflation. En le gelant, on diminue dans les faits notre capacité d'action", écrit dans un communiqué le sénateur de Paris.

 

"Avec l'Education nationale, il fait pourtant partie des budgets que l'on ne devrait jamais toucher", estime M. Pozzo di Borgo, en regrettant que la France se prive ainsi "d'investissements essentiels".

 

"Nous n'avons par exemple plus de flotte, de frégates de surveillance en nombre suffisant, pour être présent dans le Pacifique, autour de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie, où nous disposons d'une zone économique exclusive de la taille de l'Europe, alors que c'est là, entre l'Asie et l'Amérique, que se joue la rivalité majeure de notre temps, celle qui oppose les Etats-Unis et la Chine", fait-il valoir.

 

Concernant la future loi de programmation militaire, M. Pozzo di Borgo estime que "l'on ne peut se contenter d'appliquer à la lettre le Livre blanc sur la défense. Les parlementaires doivent l'amender car, dit-il, c'est au pouvoir politique que revient de décider, pas aux experts, aussi qualifiés soient-ils".

 

Selon lui, "la seule note positive" dans le discours de M. Hollande réside dans "la volonté de relancer la défense européenne à l'occasion du Conseil européen du 13 novembre prochain, même si, dit-il, elle est en complète contradiction avec le fait d'acheter des drones américains, en renonçant à toute ambition européenne dans ce domaine".

 

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22 mai 2013 3 22 /05 /mai /2013 12:55
Discours de M. Le Drian devant la Carnegie Endowment for International Peace à Washington, vendredi 17 mai 2013

 

 

17/05/2013 Discours de M. Le Drian devant la Carnegie Endowment for International Peace

 

Mesdames et Messieurs,

 

Chers amis,

 

Permettez-moi tout d’abord de dire le plaisir et l’honneur que je ressens d’être aujourd’hui l’invité de la Carnegie et du CSIS. L'influence de vos institutions sur la scène internationale a toujours suscité admiration et envie en France. Je n’en mesure que davantage le degré d’attente et d’exigence de votre assemblée. Au moment même où nos alliés américains s’inquiètent du peu d’intérêt des Européens pour leur défense, je souhaite saisir l’opportunité de cette tribune pour évoquer avec vous nos choix et nos ambitions en matière de défense, ainsi que trois dossiers sur lesquels cette nouvelle politique de défense française trouve à s’incarner, et pour lesquels le partenariat franco-américain me paraît plus essentiel que jamais : le Mali, la Syrie et l’Iran.

 

[Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013]

 

Je m’adresse à vous alors que viennent de se conclure les travaux de notre nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. C’est désormais pour la France un exercice régulier, initié en 1972, afin d’adapter sa politique de défense et de sécurité à l’état du monde. Le dernier livre blanc datait de 2008. Un réexamen s’imposait pour définir un nouveau projet : les évolutions de notre environnement stratégique, autant que les tensions qui pesaient sur le modèle d’armée défini en 2008, rendaient nécessaire un exercice de vérité et d’ambitions renouvelées.

 

L’enjeu était politique, car il fallait concilier deux impératifs de souveraineté : notre souveraineté budgétaire, alors que la crise financière a fragilisé nos finances publiques et impose une maîtrise sévère des dépenses publiques à laquelle personne n’échappe, pas même les Etats-Unis ; et la souveraineté de notre autonomie stratégique, alors que le niveau d’incertitude et de menaces n’a pas faibli depuis 2008. Nous devions préserver et pérenniser un outil de défense qui pouvait être menacé, pour continuer d’avoir des Armées performantes, toujours adaptées aux enjeux de sécurité comme aux responsabilités internationales de la France. Ce défi, nous l’avons relevé, et je voudrais vous en convaincre en faisant quatre remarques.

 

a) Nous avons voulu actualiser notre analyse des menaces de façon réaliste et sans complaisance, dans un contexte marqué pour nous par plusieurs grandes évolutions depuis 2008. J’en citerai trois en particulier : la crise des dettes souveraines et les crises financières ; la réorientation des politiques de défense américaines ; les changements au sein du monde arabe, qui est entré dans une nouvelle phase, porteuse d’espoirs mais aussi – hélas –, à court terme, de risques et de tragédies comme nous le rappelle tous les jours le théâtre syrien et, dans une moindre mesure, la Libye. 

Nous avons fondé notre analyse du contexte stratégique à l’horizon des 10 prochaines années sur trois phénomènes.

- Ce que nous appelons les menaces de la force restent pleinement présentes et le risque de résurgence de conflits entre Etats demeure plausible à l’horizon 2025. Quelques facteurs simplement pour étayer ce constat : les budgets asiatiques de défense ne cessent de croître ; certains Etats poursuivent des politiques de puissance, comme la Russie ou la Chine ; les risques de déstabilisation régionale au Moyen Orient demeurent dans un contexte de prolifération ; les attaques informatiques émanant d’Etats se multiplient.

- Les risques de la faiblesse, liés à la défaillance de certains Etats qui ne peuvent plus exercer leurs responsabilités, deviennent un phénomène stratégique d’une ampleur nouvelle, comme nous l’avons constaté au Sahel.

- Enfin, des menaces et des risques continuent d’être amplifiés par la mondialisation : terrorisme,  prolifération nucléaire, développement du crime organisé ou menaces pesant sur les « global commons » que sont le cyber, l’espace ou les espaces maritimes.

Le constat que nous faisions en 2008, dans notre dernier livre blanc, d’un monde toujours plus complexe et plus imprévisible, s’est vérifié. Les menaces ne diminuent pas, le risque de surprise stratégique non plus.

 

b) Cette situation ne nous prend pas par surprise ou par défaut. L’histoire de la France, comme celle des Etats-Unis, n’a jamais cessé d’être mêlée à celle du monde. Plus que jamais, la France entend agir en concertation étroite avec ses partenaires européens comme avec ses alliés. Mais elle entend aussi garder une capacité d’initiative propre, cette capacité qui l’a fait intervenir seule sur le terrain, au Mali, afin de prévenir l’irréparable.

Le livre blanc qui sera publié dans sa version anglaise dans les jours à venir, met l’accent sur une définition claire des trois priorités de notre stratégie de défense : la protection de la France et des Français, la dissuasion nucléaire, et l’intervention extérieure. Ces priorités ne sont pas dissociables comme l’a rappelé avec force le Président de la République. Elles se renforcent mutuellement.

La protection du territoire et de la population reste première dans notre stratégie, mais elle ne saurait être assurée sans la capacité de dissuasion et d’intervention. Nous devons veiller à protéger nos compatriotes, y compris face aux risques de la cybermenace. Dans ce dernier domaine, un effort significatif sera conduit pour développer nos capacités à détecter les attaques, à en déterminer l’origine, à organiser la résilience de la Nation et à y répondre, y compris par la lutte informatique offensive. C’est là une orientation majeure du Livre blanc de 2013, qui tire toutes les conséquences de ce qui est, pour nous, une nouvelle donne stratégique.

La dissuasion, quant à elle, continue de demeurer la garantie ultime de la sécurité, de la protection et de l’indépendance de la Nation. Elle nous protège de toute agression ou menaces d’agression contre nos intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et qu’elle qu’en soit la forme. Elle écarte toute menace de chantage qui paralyserait notre liberté d’appréciation, de décision et d’action. Tout en veillant à maintenir le niveau de stricte suffisance, constante de notre politique en la matière, nous maintiendrons nos deux composantes, toutes les deux d’ores et déjà confortées par notre programme de simulation.

L’intervention des forces à l’extérieur du territoire national, enfin, confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable, bien au-delà de son territoire. Elle conforte par là même la crédibilité de la dissuasion et assure la protection de nos intérêts de sécurité dans le monde. Laissez-moi rappeler que nous n’entendons pas laisser le moindre doute sur notre volonté et notre capacité d’agir, conformément à nos intérêts, dans le respect du droit international.

L’intervention extérieure de nos forces s’inscrit dans un triple objectif : assurer la protection de nos ressortissants à l’étranger, défendre nos intérêts stratégiques, comme ceux de nos partenaires et alliés, et exercer nos responsabilités internationales.

Dans cette logique, la France entend disposer des capacités militaires lui permettant de s’engager dans les zones prioritaires pour sa défense et sa sécurité : la périphérie européenne, le bassin méditerranéen, une partie de l’Afrique – du Sahel à l’Afrique équatoriale -, le Golfe arabo-persique et l’Océan indien. Ces capacités doivent également lui permettre d’apporter sa contribution à la paix et à la sécurité internationales dans d’autres parties du monde et ici, je pense notamment à l’Asie.

 

c) Le livre blanc 2013 a pris en compte l’évolution de nos moyens de défense dans la contrainte budgétaire forte que nous connaissons. La stratégie de défense et de sécurité nationale doit en effet, en 2013, résoudre une contradiction délicate : un niveau de risque et de menaces au moins équivalant à celui qui prévalait en 2008 et des ressources que l’impératif de redressement de nos finances publiques contraint de façon beaucoup plus radicale aujourd’hui. Pour résoudre cette difficulté, trois orientations majeures ont été décidées :

• tout d’abord, le maintien d’un effort de défense significatif :  179,2 milliards d’euros 2013 seront consacrés à la défense entre 2014 et 2019 et 364 milliards entre 2014 et 2025. Le budget de la France restera le deuxième budget militaire de l’Union européenne et devrait représenter, en moyenne, près de 1,8 % du PIB, en normes OTAN d’ici 2020.

• Seconde priorité : la prise en compte de l’impératif industrielqui se traduira par une priorité continue sur la décennie à venir en faveur des dépenses de recherche et de développement, le développement de la base industrielle technologique et de défense européenne ainsi qu’un effort d’équipement de nos forces à l’horizon 2025 ; cet effort d’équipement permettra leur modernisation, à un rythme certes plus lent que ce qui était prévu par la programmation précédente, mais en assurant le renouvellement de toutes les capacités critiques indispensables à nos armées et en respectant les priorités clairement établies en faveur des capacités de dissuasion, de renseignement et de projection de puissance ; car il n’y a pas d’effort de défense dans la durée, et donc de partage de cet effort, sans base industrielle nationale et européenne, nos amis américains doivent toujours le garder en tête. 

• Le livre blanc définit enfin une nouvelle stratégie militaire et un nouveau modèle d’armée qui soit plus efficient, pour faire face aux menaces et aux risques les plus prévisibles ; ce modèle d’armée vise à tirer le meilleur parti de nos capacités militaires, en appliquant quatre principes :

un principe d’autonomie stratégique, pour préserver la capacité de la France à prendre les initiatives nécessaires comme à peser dans les coalitions ;

un principe de cohérence avec la diversité des engagements possibles de nos forces dans divers types de conflits et de crises, y compris de coercition et d’entrée en premier sur un théâtre de guerre ;

un principe de différenciation qui consiste à équiper et entraîner les différentes forces en fonction des exigences propres de leur mission, en concentrant les moyens les plus onéreux là où ils sont indispensables ;

et un principe de mutualisation pour les capacités rares et critiques pouvant être utilisées dans différentes missions (dissuasion, protection ou intervention) ou partagées avec nos principaux partenaires européens (transport, ravitaillement en vol…) ou encore entre services de renseignement.

Sur cette base, les nouveaux contrats opérationnels, au-delà des besoins nécessaires à la protection permanente du territoire, prévoient pour les missions de stabilisation et de gestion des crises internationales, l’engagement d’un total de 7000 hommes, relevables, répartis sur trois théâtres et des unités navales et aériennes. Pour les opérations de coercition majeures, nos armées conserveront la capacité d’entrée en premier dans une opération de coercition majeure impliquant des forces spéciales, deux brigades inter-armes représentant environ 15000 hommes des forces terrestres, 45 avions de combat et un groupe aéronaval.

Ces choix ont des conséquences en termes de nombre ou d’ambition en matière de distance de projection. Mais ils permettent aujourd’hui de marquer notre volonté en faveur de capacités autonomes, bien équipées, bien renseignées. Ces forces devront être en mesure d’avoir un impact décisif dans les zones où les menaces sur nos intérêts et ceux de nos partenaires et alliés sont les plus grandes. Elles démontreront que la France est prête à assumer ses responsabilités comme elle l’a fait en Libye au premier jour et plus encore au Mali, afin de détruire la menace terroriste qui pesait sur le continent africain et au-delà sur notre sécurité à tous.

Le modèle d’armée qui découle de ces contrats opérationnels n’est pas un modèle d’attente ou en retrait. Au contraire, il est tourné vers l’avenir. Il repose sur une stratégie militaire renouvelée. Il incorpore des champs stratégiques nouveaux, comme la cyberdéfense. Il prévoit le renforcement des capacités des forces spéciales. Il fait du renseignement une priorité claire. Il prévoit des investissements dans le domaine spatial mais également le rattrapage en la matière des retards de nos armées, dans des domaines aussi essentiels que les drones ou le ravitaillement en vol.

Certes, le rythme de renouvellement de nos matériels sera ralenti par rapport aux prévisions de 2008 en raison des crises économiques et financières intervenues depuis cette date, mais le Président de la République a tenu à faire de notre politique industrielle une priorité majeure dans la période qui s’ouvre. Nous maintenons donc un volume de crédits significatifs pour les programmes d’armement. Dans le même esprit, nous veillons au maintien de notre effort en matière de recherche, qui est crucial pour l’avenir, comme chacun ici le sait.

 

d) Le livre blanc de 2013 ne manque pas de rappeler l’engagement historique de la France avec ses partenaires européens dans une même communauté de destin. La construction européenne est plus que jamais, malgré ses lenteurs, un axe important de notre stratégie. C’est un enjeu fort pour les opérations, comme vous le voyez aujourd’hui avec le Mali, de même que pour la mutualisation de nos capacités, comme nous entendons le faire dans le domaine du ravitaillement en vol, du transport aérien, des drones ou de l’espace. Il y a là des champs importants de coopérations futures car nous avons tout à gagner des interdépendances librement consenties. 

Il ne s’agit pas de rechercher une quelconque relance idéologique de l’Europe de la Défense, mais au contraire de proposer à nos partenaires une démarche pragmatique fondée sur des projets concrets, capacitaires, opérationnels et industriels, une démarche politique et un souci d’optimisation de nos ressources.

Cet engagement va de pair avec notre engagement dans l’OTAN, qui est notre Alliance. Le livre blanc 2013 tire toutes les conséquences de la mission confiée à Hubert Védrine par le Président de la République. La France continuera à jouer dans l’Alliance le rôle actif qui est le sien, de façon volontariste et décomplexée, par sa contribution à la doctrine, à la planification comme aux opérations, mais aussi par la vision réformatrice exigeante qui est la sienne du rôle et des structures de cette alliance militaire fondamentale.

Dans cet environnement stratégique en mutation, la France, je le redis avec force, préservera son ambition sur la scène internationale et son autonomie stratégique. Le modèle d'armée promu par le Livre Blanc reflète ce projet ainsi que notre volonté de conserver notre autonomie stratégique et notre capacité d'entrée en premier. Il s'agit là d'un signal fort à nos alliés et en particulier à notre partenaire américain dont nous avons toujours partagé les vues et les efforts en faveur d’une responsabilisation des Européens en matière de défense.

Cet objectif, relayé auprès de nos partenaires depuis deux décennies, a été le nôtre, bien avant la formulation du « pivot Asia » qui, je le dis ici, ne suscite de notre part aucun soupçon de désintérêt de l’Amérique pour l’Europe.

 

[Les grands théâtres de crise]

 

Au-delà des mots, nous avons surtout fait la démonstration de cet impératif de responsabilité qui nous incombe : les réussites opérationnelles de l'armée française au Mali, mais également, ne l'oublions pas, en Libye et en Afghanistan sont là pour en attester. Nous continuerons de le faire partout où nous le jugerons nécessaire.

 

Nous restons convaincus que ce n'est qu'à travers l'exercice d'un tel leadership concret, opérationnel – que nous entendons maintenir malgré des ressources en réduction – et le maintien d'une coopération régulière avec les autres Etats engagés dans la sécurité internationale, que nous pourrons relever, ensemble, les nombreux défis sécuritaires auxquels nous sommes confrontés. 

 

A cet effet, je souhaiterais revenir sur quatre d’entre eux : le terrorisme à travers le prisme du sud Sahel, l’Afghanistan, la Syrie et l’Iran. 

 

Nous savions tous depuis des années que le Sahel était en train de devenir l’un des nouveaux sanctuaires du terrorisme international. Le Président de la République en avait averti la Communauté internationale à New York dès septembre dernier. Nous n’avons donc pas hésité lorsqu’il a fallu, le 11 janvier dernier, lancer les forces armées françaises pour stopper l’agression d’éléments terroristes venant du Nord du Mali. L’enjeu n’était pas uniquement local. Il ne concernait pas seulement le Mali ou l’Afrique, mais la sécurité globale.

 

Attendre plus longtemps aurait non seulement constitué une faute stratégique, mais aurait aussi entériné l’abandon total d’un Etat et de ses 14 millions d’habitants à des groupes djihadistes. Nous ne pouvions le tolérer. Quand le Président Traoré a appelé la France à l’aide, nous savions que l’offensive d’Al Qaida et de ses affidés avait pour but d’étendre leur emprise sur l’ensemble du territoire malien. Le Mali était menacé dans son existence même. Mais la menace, c’était aussi la mise en place d’un Etat terroriste à portée de l’Europe.

 

Aujourd’hui, le territoire malien est, dans sa plus grande partie, sous la souveraineté du gouvernement de Bamako. Les groupes terroristes, AQMI, le MUJAO, ont été durement frappés, au cœur de leurs sanctuaires, certains de leurs chefs tués comme Abu Zaïd. Ces mouvements ne sont pas parvenus à leurs fins et n’y parviendront plus. Mais le résultat de nos opérations est éloquent sur ce qu’ils cherchaient à faire : plus de 200 tonnes d’armes retrouvées, une infrastructure terroriste impressionnante démantelée, des terroristes internationaux qui avaient cru que le Nord du Mali deviendrait leur base.

 

Nous avons conduit cette mission avec un mandat clair de la communauté internationale et le soutien actif de nos alliés. Je tiens à cet égard, et à cette tribune, à adresser un message de remerciements chaleureux à nos alliés américains pour leur appui à nos forces sur le terrain, qu’il s’agisse du transport stratégique, du ravitaillement ou du renseignement.  En cela, la crise au Mali a parfaitement révélé ce qu’un partenariat stratégique est capable de réaliser.

 

J’y vois aussi la manifestation concrète de ce partage du fardeau aujourd’hui nécessaire entre Alliés et la traduction de quelques principes simples que nous avons voulu inscrire dans le Livre blanc : capacité d’analyse, de renseignement et de décision autonome (car le Mali a confirmé la priorité absolue que nous devions consacrer à nos moyens de renseignement) ; rapidité de projection de nos forces, facilitée par nos implantations à l’étranger ; soutien de nos Alliés dans des domaines clés et mutualisation capacitaire ; partenariat avec les Africains ; surtout, volonté politique d’agir vite et fort dans le plein respect du droit international, et capacité de l’opinion publique française à accepter et comprendre ce type de risques nécessaires pour notre propre sécurité.

 

Nous sommes rentrés au Mali dans une nouvelle phase, celle de la transition politique et militaire, d’un début d’après-guerre. Mais nous sommes encore loin d’une situation totalement stabilisée au Sahel. Les dernières semaines l’ont rappelé : nos deux pays partagent désormais le triste privilège d’être la cible première des mouvements djihadistes. Sur le terrain nous devons toujours craindre le recours aux modes d’action indirects, même si la comparaison hâtive que certains ont pu faire avec les théâtres irakien ou afghan est à bien des égards dénuée de sens.

 

Notre mission, au travers d’un désengagement progressif et pragmatique, va changer de nature. Nous avons aidé les forces africaines (MISMA) et maliennes à prendre le relais sur le terrain. Demain, nous accompagnerons bien entendu la mission des 12.600 casques bleus, que le Conseil de sécurité vient de créer – dans un esprit d’unanimité suffisamment rare pour être souligné. Nous maintiendrons enfin, par les moyens permanents dont nous disposons dans la zone, une capacité de lutte contre les mouvements terroristes.

 

L’opération militaire ne doit cependant pas rester qu’un instrument de l’urgence et de la crise. Nous n’avons pas vocation à nous substituer aux autorités politiques de ces pays et à leurs organisations régionales, dont le travail doit être salué et soutenu. Il n’est pas de succès militaire durable sans accompagnement politique, selon un nouveau triptyque : élections, réconciliation nationale, retour de l’Etat de droit. L’effort international, auquel les Etats-Unis ont pris part, ne peut et ne doit pas être simplement temporaire ou passager. Les difficultés auxquelles nous sommes maintenant à nouveau confrontés en Libye sont là pour le rappeler.

 

La crise malienne constitue donc le symptôme d’une tendance lourde. La communauté internationale doit désormais prendre en compte des régions entières, d'autant plus affectées par des menaces transfrontalières que certains Etats n'ont pas les moyens (ou la volonté) d'assumer les fonctions régaliennes et sociales qui leur incombent. Les menaces transverses auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés appellent, de notre part, un engagement plus large, une approche globale, sur l'ensemble du spectre ; c'est aussi l'une des conclusions du Livre Blanc.

 

Ce schéma n’est pas sans rappeler le théâtre majeur que demeure l’Afghanistan. La France achèvera prochainement le retrait de ses forces combattantes, conformément aux décisions annoncées par le Président de la République, il y a un an, lors du sommet de Chicago. Dans un mouvement politique général de transition des responsabilités aux forces afghanes dont je constate qu’il est aujourd’hui suivi par tous les Alliés. De la même façon qu’elle n’a pas tourné le dos ces dernières années à ses responsabilités, s’engageant dans la durée dans des zones connues pour leur dangerosité et dans la lutte contre Al Qaeda au prix d’un combat difficile, mon pays entend poursuivre son soutien à l’Afghanistan dans le recouvrement de sa souveraineté et la recherche d’une transition politique réussie. Le passage de témoin aux forces de sécurité afghanes intervient dans un contexte électoral décisif pour l’avenir de ce pays. Il nous revient de l’accompagner pour solidifier un Etat qui soit à la hauteur des attentes de son peuple. L’Afghanistan sait qu’il peut compter non pas sur la lassitude et le désintérêt des Alliés mais au contraire, sur leur soutien et notamment sur celui de la France, avec qui il a conclu un traité d’amitié et de coopération pour vingt ans.

 

Dans ce paysage stratégique général, il y a cependant peu de doutes qu’une partie importante de notre sécurité se joue aux Proche et Moyen Orient. Le Livre blanc le reconnaît explicitement, tandis que les répercussions des révolutions arabes n’ont pas fini d’ébranler la région.

 

C’est particulièrement vrai aujourd’hui en Syrie

 

Il y a peu à ajouter à la frustration que nos gouvernements et chacun d’entre nous ressentons devant le drame qui se déroule depuis plus de deux ans : l’aveuglement du régime et sa fuite dans la stratégie du « toujours plus de violence », fût-ce au prix de la destruction totale de la Syrie ; la tragédie humanitaire qui en découle pour toutes les familles des 100 000 victimes, pour les dizaines de milliers de disparus, pour les 4,5 millions de déplacés et pour le 1,5 million de réfugiés dans les pays voisins ; un enlisement dans les violences qui, tous les jours, favorise la montée en puissance de groupes radicaux et les mauvais conseils du régime iranien ; la pression que fait peser l'afflux des réfugiés sur la Jordanie la Turquie, le Liban… Et cette conviction partagée par tous que, plus la Syrie s'enfonce dans les violences, plus les risques d'un effondrement de l'Etat et de destruction de la société l'emporteront, avec un cortège de conséquences incalculables sur la stabilité des pays voisins. Je pense au Liban, à la Jordanie, à l'Irak, ou encore à l’Etat d’Israël et la Turquie, notre allié au sein de l’Alliance atlantique.

 

La philosophe Hannah Arendt rappelait que le contraire de la violence, ce n’est pas l’absence de violence, c’est le politique. Qu’attendre aujourd’hui du politique ?

 

Tout d’abord, le refus du silence et de la renonciation : plus de deux ans après le déclenchement d'un mouvement de contestation, au départ pacifique et immédiatement réprimé de la manière la plus sauvage qui soit, il en va de notre conception de la démocratie, face au recours aveugle à la violence, de notre refus du fait accompli. Les responsables des atrocités doivent savoir qu’ils rendront tôt ou tard des comptes à la communauté internationale. Et les deux décennies qui viennent de s’écouler ont amplement montré que cette menace n’est pas vaine.

 

Aujourd’hui l’absence d’unanimité empêche le conseil de sécurité de jouer tout  son rôle. Plus que jamais cependant, l’issue de ce conflit, sous peine de chaos généralisé ou de partition - comme le rappelait John Kerry la semaine passée à Moscou - tient dans une solution politique imposée aux protagonistes du conflit.

 

Une solution politique, oui, mais une solution qui réponde aux aspirations de ce peuple, c'est-à-dire une transition où le clan familial au pouvoir à Damas n'aura pas de place. Une solution qui évite l'entrée dans un cycle de guerre civile et la désintégration du pays. Une solution qui porte en germes un projet d'Etat à reconstruire pour tous les Syriens. Il nous faut donc poursuivre sans relâche nos efforts vis-à-vis de nos partenaires du Conseil. A cette fin, nous avions proposé depuis longtemps l’idée d’un Genève II et sommes heureux de voir que l’idée d’une conférence internationale pour la Syrie est à nouveau avancée

 

Parier sur le politique, c’est aussi poursuivre de façon déterminée notre soutien à l’opposition modérée, à la coalition nationale syrienne, l'encourager à s'élargir à toutes les composantes de la société syrienne, à rejeter les groupes extrémistes comme le Jabat al Nusra, et à proposer un véritable projet d'Etat alternatif. Parier sur le politique, c'est aussi assurer le soutien des structures militaires de l'opposition dès lors qu’elles sont clairement identifiées, autour de l’Etat-major conjoint de Salim Idriss. Nous continuerons de le faire de façon déterminée, en lien étroit avec nos partenaires européens.

 

C’est enfin et surtout marquer notre intransigeance vis-à-vis des tentations qui se dessinent à Damas et chez certains de ses alliés de recourir à la terreur par un usage de l’arme chimique. Si la France n’a pas aujourd’hui de preuve formelle à titre national, les indices convergents se sont suffisamment accumulés pour que nous ayons exigé avec nos partenaires Britanniques une enquête robuste des Nations Unies. Le régime de Damas – qui porte la responsabilité de ses stocks d’armes chimiques - doit savoir, là encore, qu’il devra rendre des comptes. 

 

La concertation étroite et permanente avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni sur cette question et les options à notre disposition se poursuit. C’est l’une des raisons de ma visite ici. Car cette crise ne saurait être résolue sans un effort convergent et majeur des deux rives de l’Atlantique.

 

Quelques mots enfin sur l’Iran, dont tout montre qu’il poursuit sa course folle vers l’arme nucléaire. Après l’échec de la séquence Istanbul-Bagdad-Moscou au printemps 2012, les deux réunions d’Almaty en février et en avril n’ont pas davantage vu l’Iran accepter la moindre mesure de confiance. Devant l’inflexibilité des positions iraniennes, la double approche doit nous conduire à renforcer la pression sur l’Iran dans les mois qui viennent car le programme iranien d’enrichissement continue, en parallèle, de s’étendre en quantité et en qualité. Notre responsabilité est plus que jamais de faire échec à cette stratégie de procrastination et de dissimulation afin de garantir la viabilité du régime de non-prolifération.

 

Cette responsabilité justifie l’engagement fort qui est aujourd’hui le nôtre, aux côtés de nos alliés américains et de nos partenaires européens en faveur de la mise en œuvre de sanctions décisives. Il est capital de rester coordonnés pour accroître la pression sur l'Iran à chaque pas supplémentaire qu'il pourrait faire dans la mauvaise direction. Et de rappeler à tous que nous avons des intérêts de sécurité et des engagements de défense dans le Golfe, et que nous les honorerons.

 

Au Mali, comme en Libye ou en Afghanistan, la France a payé le prix du sang au nom de la sécurité collective. Face aux risques et aux menaces qui nous entourent, la première condition du succès demeure plus que jamais la volonté déterminée d’y faire face en consentant l’effort nécessaire.

 

 

Cette volonté, que nous a léguée l’histoire du vingtième siècle, nous la partageons avec les Etats-Unis. Notre relation bilatérale et notre alliance, face à des menaces qui nous visent l’un et l’autre, me paraissent plus que jamais essentielles. Cette volonté que nous partageons, la France entend la maintenir, malgré la contrainte financière qui nous touche durement. Le nouveau livre blanc porte cette ambition : exprimer sans fard, avec lucidité, cet engagement fort, et qui est consubstantiel de la vision que nous avons du rôle de la France dans le monde. C’est cela que je suis venu confirmer, au travers de mes entretiens à la Maison blanche, au Pentagone et au Congrès, au premier de nos alliés.

 

Je vous remercie de votre attention.

 

– Seul le prononcé fait foi – 

 

source carnegieendowment.org

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