3/10/2014 Par Alain Barluet - LeFigaro.fr
En complétant son déploiement dans le nord du Niger avec l'aménagement de la base de Madama, Paris renforce son opération « Barkhane » au Sahel.
Après quelques hésitations, la France a décidé d'implanter une base avancée à Madama, dans le nord-est du Niger, à 200 kilomètres de la Libye, havre pour les groupes terroristes et les trafiquants. Ce déploiement vient compléter une ligne de «points d'appui» installés dans les pays de la bande sahélo-saharienne (BSS) sur laquelle est déployée l'opération «Barkhane» qui a succédé à «Serval» le 1er août dernier: Tessalit au Mali, Atar en Mauritanie, et Faya au Tchad.
Qualifié de «temporaire», le nouveau poste avancé jouera un rôle important dans la lutte contre la menace djihadiste dans laquelle sont engagés les 3000 militaires français du dispositif «Barkhane», commandé depuis N'Djamena. La base est en effet située à proximité de l'«autoroute» du terrorisme et de la contrebande qui, via la passe de Salvador, sert à tous les trafics - hommes, drogues, et armes - entre la Libye et les pays de la bande sahélo-saharienne. «Nous sommes sur la frontière», confie-t-on dans l'entourage du ministre de la Défense, sans préciser si les forces françaises sont amenées à fouler le sol de la Libye.
Depuis leur sanctuaire, dans le sud d'un pays livré au chaos, les groupes islamistes transitent le long de la frontière algérienne ou empruntent des chemins plus à l'est. En visite à Paris, cette semaine, le chef d'état-major de l'armée nigérienne, le général Seyni Garba, a fait part aux généraux français de l'extrême difficulté à contrôler un espace aussi vaste. Au mois de septembre, les forces de «Barkhane» ont mené des reconnaissances dans cette région afin de déterminer l'implantation du «poste avancé» français. Le choix s'est porté sur Madama - site d'un ancien fort colonial français -, qui est en cours d'aménagement. Les «points d'appui avancés» de la BSS sont généralement censés accueillir un effectif de quelques dizaines d'hommes qui peut s'étoffer si besoin. À partir de là, «nous aurons à rejoindre les grands points de transit susceptibles d'être empruntés par les terroristes», a indiqué le colonel Gilles Jaron, porte-parole de l'état-major des armées (EMA).
Jean-Yves Le Drian, depuis quelque temps déjà, alerte sur la menace représentée par le Sud libyen en soulignant le risque de «connexions» entre le front djihadiste du Sahel et celui du Proche-Orient. L'allégeance à Daech du groupe qui a exécuté l'otage français Hervé Gourdel en Kabylie donne corps à cette menace. Mais pour de multiples raisons, agir reste un casse-tête. Chacun des pays voisins soutient des groupes différents et a des intérêts divergents en Libye. Une intervention militaire, exclue à ce stade par les puissances occidentales, risquerait de déstabiliser la région tout entière. Le ministre de la Défense était jeudi à Washington pour sensibiliser davantage les dirigeants américains aux enjeux du dossier libyen. C'est qu'au Sahel, à la différence de l'Irak, les Français sont en première ligne même si les États-Unis fournissent leur aide (drones, ravitailleurs, transport…). Par ailleurs, l'affaire Gourdel a souligné le caractère essentiel des contacts avec l'Algérie. «Nous sommes en phase d'accroissement de la coopération avec les Algériens, qui sont en guerre avec al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), relate une bonne source. Leur mot d'ordre est “on collabore”, même si c'est sans enthousiasme…»